Proullaud296

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der grüne Affe - Page 149

  • Vous avez les mêmes à la maison...

     

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    Fosse à munitions.JPG


     

    J'ai rêvé :

     

        1. que des enfants m'aspergeaient de merde dans des chiottes publiques ; j'en sortais pour le leur rendre (chiottes en bois mal fermées, une petite fille plonge sa sandale dans la merde qui a envahi la cabine et m'en asperge, donc, puis un petit garçon fait de même).

     

        1. que Sonia, en grande robe blanche, se convertissait au judaïsme.

        2. qu'Arielle se suicidait du haut d'un escalier dans une petite ville au bord de la Seine : nous descendions le versant d'une vallée urbaine (petits pavillons), et elle avait préféré prendre l'escalier au lieu de faire le tour par le haut. Elle est tombée d'une masse , sans crier. Les gens ont commencé à crier. Je me suis réveillé.

     

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    Je chemine souterrainement, longtemps. D'autres me précèdent (Annie, et une autre femme). J'en croise d'autres, une grand-mère et sa petite-fille, qui sont propriétaires de caves, me montrant une poupée à magnifique chevelure, et voulant me la vendre. Les autres me distancent. Je ne retrouve pas au retour l'itinéraire de l'aller. Je monte des volées d'escalier, des ferrailles agressives m'interdisent une porte que j'ouvre quand même. Me voici dans le soubassement d'un autel, une foule endimanchée se disperse après une grande cérémonie. Dehors, je demande où je suis, déclarant devant l'étonnement goguenard que je viens du souterrain, mais que j'ai laissé ouvert, disons accessible, une porte qui peut être dangereuse si l'on se renfonce dans les boyaux.

     

    Des personnes quittent alors mon entourage pour remédier à cela. J'apprends enfin que je suis au Fieu (= Le Fils) en Gironde. Très beau paysge, église très pointue (cf. Cuzorn). Avec uen carte Michelin (« Ça peut aller quand on est à pied », dis-je aux autres ironiques), j'essaie de trouver un itinéraire vers le N.E., mais tout semble sans grande issue. Je veux passer par un autre sanctuaire, mais c'est très loin, disent les gens. Descendant une côte tortueuse, j'arrive à une autre partie de l'agglomération où une jeune femme dynamique tient une sorte d'auberge-exposition permanente d'artisanat, avec d'autres hommes jeunes.

     

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    Manque un rêve, sur papier libre.

     

     

     

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    Alors que pris enfin d'une forte envie de chier je me dirige vers les WC, un brouhaha me fait sortir sur le palier. Des voisins me ramènent Annie qui est tombée dans la rue, en robe de chambre. Elle sanglote, elle doit aller aux toilettes à ma place immédiatement. Je l'avais envoyée se promener, devant le faire moi-même juste après pour que nous prenions un peu de distance. J'y vais tout de même, dans une descente longeant des prairies avec des barbelés, où paissent les vaches. Je surprend une conversation entre Tastet et un autre à propos d'un mercenaire qui avait perdu ses papiers en Afrique Noire puis en avait retrouvé d'autres au nom de Binda, et s'était ainsi débrouillé, en rentrant par l'Afrique du Nord.

     

    Je décide de revenir pour prendre des nouvelles d'Annie qui m'inquiète beaucoup. Je me suis réveillé avec uen envie dingue d'aller aux gogues...

     

     

     

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    A Marseille dans un appartement clair mais vétuste, des hommes viennent malgré moi boire au pastis de bienvenue. Je leur dis que je suis venu de Bordeaux pour échapper au grappin que ma mère voulait encore me mettre dessus à près de 50 ans (je me rajeunis). Ils ont l'air plus ou moins débilos. Je me demande comment loger Sonia et David, c'est petit. Leur accent était fort, ils étaient dépenaillés, envahissants, excessivement familiers. Je prenais leur accent, je surveillais leurs frôlements, tout était bien écaillé, bien miséreux, bien lumineux mais minuscule, vétuste et crasseux. Dans mon esprit, Sonia et David étaient encore jeunes, mes parents et beaux-parents vivaient encore.

     

     

     

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    Grand bureau très clair en verrières de dernier étage, Lazare, Ivanov et moi prenant congé d'une magnifique stagiaire brune très consciente de sa beauté. Comme nous ne nous reverrons plus elle refuse de donner son adresse. Par dépit je lui dis que puisqu'on va crever, je ne lui adresse plus la parole ni ne prends garde à elle. Les deux autres continuent à blaguer avec cette fille, une autre se penche vers moi pour signer un document de départ, elle est moins attirante, un peu de lie-de-vin sur une joue, mais très aimable, je la prie de m'excuser de n'avoir pas fait attention à elle

     

  • Le chemin de croix de la caissière

     

    Ne généralisons pas. Respectons d'un côté, sachons supporter de l'autre. Payons un peu plus, chers patrons et vice-sous-chefs vicieux ; laissons des temps de pause et n'obligeons pas les caissières à dire au téléphone « code 127 » pour aller pisser discrètement, après trois quarts d'heure d'attente (« retiens-toi, on est en surchauffe, là »). Les employés entre eux sont le plus souvent solidaires, et si chacun y met un peu du sien, les souffrances pourront être endurées, voire fortement diminuées, pour faire de ce métier sinon une sinécure du moins une fonction sociale respectant la dignité. Voici un passage, en exclusivité sur la Clé des Ondes : « Au lieu de passer dix minutes pour faire votre caisse le soir, » - votre journée n'est pas terminée quand le magasin ferme, petite naïve - « vous en passerez quinze grâce à toutes les pièces de 1 mais aussi de 2 et de 5 centimes » - ah, les prix à x,99 euros ! et ça marche!) - « que vous aurez récupérées dans la journée. Et vos doigts seront à la fin recouverts d'une légère couche de cuivre mélangée à... de la crasse.

     

    « - Plus de cinquante fois par jour, vous serez obligée de réponde aux questions et réflexions suivantes :

     

    Client

     

    19,99 euros ? Vous pouvez pas dire 20 ?

     

    Caissière

     

    Ben, non. Mon métier est justement de vous donner le montant exact à payer.  Le château d'If, vu de loin.JPG

     

    Client 

     

    Vous pouvez pas faire des prix ronds ?

     

    Caissière 

     

    Ce n'est pas moi la responsable, allez voir ma direction.

     

    COLLIGNON LECTURES « LUMIERES, LUMIERES » 60 07 02 23

     

    ANNA SAM « LES TRIBULATIONS D'UNE CAISSIERE »

     

     

     

     

     

     

     

    Client » (grand prince) 

     

    « Gardez la monnaie.

     

    Caissière

     

    C'est gentil ! Mais nous n'avons pas le droit d'accepter de pourboire, aussi petit et généreux soit-il.

     

    Client

     

    J'en ai marre de toutes ces petites pièces dans mon porte-monnaie.

     

    Caissière

     

    Mettez-les de côté pour Bernadette Chirac (et ses pièces jaunes, si le client ne percute pas)

     

    Client

     

    Il me manque 1 centime, vous pouvez m'en faire cadeau ?

     

    Caissière

     

    Désolée, j'aimerais bien, mais ce n'est pas possible. « 

     

     

     

    Eh oui, c'est le paradoxe » - bien sûr, c'est exagéré, mis en scène, relevé pour ne pas être plat, mais la lecture en est rendue plus agréable.

     

    « Sans compter que DixNeufEurosQuatreVingtDixNeufS'ilVousPlaît se prononce beaucoup moins vite que VingtEurosS'ilVousPlaît. À la fin d'une journée, ce temps perdu doit représenter environ deux ou trois clients en moins par caissière. Si j'étais directeur de grande surface, je m'en inquiéterais.

     

     

     

    « Flash Info (rumeurs et autres cancans)

     

    « Aux dernières nouvelles, la Banque de France serait en rupture de stock de petites pièces. Trop de Français (et d'Européens) les garderaient chez eux dans des bocaux ou des tirelires (chouette déco...). Il serait question de les supprimer. Réjoussez-vous, chers clients, les prix devraient « s'arrondir » un jour.

     

     

     

    Mes caisses, mes amours

     

    « Vous vous la coulez douce derrière votre caisse ? Vous ne faites plus qu'une avec elle, vos gestes sont devenus automatiques, vous n'avez plus à réfléchir à quoi que ce soit, vous n'espérez ni COLLIGNON LECTURES « LUMIERES, LUMIERES » 60 07 02 24

     

    ANNA SAM « LES TRIBULATIONS D'UNE CAISSIERE »

     

     

     

     

     

     

     

    ne craignez plus rien ? Attention ! un terrible danger vous guette : votre direction choisira ce moment pour vous envoyer derrière la caisse de la station-service en remplacement. Et alors là, bonjour la panique ! Vous serez complètement perdue.

     

    « Pour que le choc ne soit pas trop violent, pour vous y préparer psychologiquement, voici les principales épreuves qui vous attendent.

     

    « Vous devrez affronter une caisse différente de la vôtre, des clients qui veulent acheter des bouteilles de gaz, qui viennent se plaindre parce que les pompes à essence ne fonctionnent pas, qui klaxonnent comme des malades parce que vous êtes trop lente, qui vous intoxiquent avec leur pot d'échappement... Surtout, abstenez-vous de faire du zèle de politesse, ils détestent ça.

     

    « Client 1 – Caissière 0 » - suit une anecdote sur un voleur d'extincteur... qui n'a que le temps de courir éteindre sa propre bagnole en flammes près du dépôt de bouteilles à gaz... Nous vous en avons passé d'autres et de meilleures, que vous soyez caissière (c'est à vous en priorité que ce livre s'adresse, à la deuxième personne, et c'est plus drôle comme ça) ou clients de bonne volonté. Alors passez de bons moments avec votre propre misère ou celle des autres, exposée avec le sourire dans Les tribulations d'une caissière », par Anna Sam, Livre de poche 31358... xxx60 09 04xxx

     

  • Brigitte vejo, vejo (je vois)

     

    Depuis quatre jours je dévore les Mémoires de Brigitte Bardot, et ne saurais dire pourquoi, tant mes préjugés m'interdisent de le faire. C'est un livre excellent. La vie et la gloire sont tombés sur Bardot sans qu'elle les ait demandées. La réaction des moralistes de tout poil sera qu'elle a bien cherché ce qu'elle a subi, qu'elle se foutait de la misère du monde en accumulant les millions. Mais les traitements inhumains et barbares que lui ont infligés les meutes de Paparazzi l'ont rendue extrêmement dure envers l'humanité, qu'elle traite de ramassis de dégueulasses. Qu'elle soit à présent du parti de Marine m'indiffère, et je comprends très bien sa rapide évolution : trop d'agressions, trop l'impression d'être un tas de viande qu'on piétine.

     

    Elle n'était pas actrice. Elle faisait ce qu'on lui disait de faire. Elle passait d'un homme à l'autre avec volupté et sincérité. Elle a payé de sa vie sa liberté. Elle dit des sottises et des banalités. Mais on ne peut que l'approuver. Elle a aimé la musique classique avec Sami Frey, qui perdit ses parents à Auschwitz, il avait onze ans. Brigitte me bouleverse enfin, ce n'était qu' « une fille toute simple ». A présent personne ne la pourchasse plus. L'époque et son physique ont beaucoup changé. Elle dit toujours ce qu'elle pense, avec des plaisanteries de potache. Elle aime la musique brésilienne. Elle déploie une énergie dingue. Je lui écrirais volontiers, mais les relations que l'on amorce doivent se développer sincèrement, et je suis trop glacé – elle aussi à présent.

     

    Le texte parle de Sami Frey : « En voulant tout garder, j'allais tout perdre ». Exact. Ne dis pas si tu aimes un autre homme, ou tu les perdras tous les deux. Je me demande qui j'ai pu perdre ainsi. « J'avais Sami au téléphone, j'allais le retrouver demain, je ne le quitterais plus jamais » - personne ne me fait cet effet. Tout téléphone me semble usurpation, vol de temps. J'aimerais revenir où que ce soit, me refaire des amis, des amantes, et rejouer sans cesse la même pièce, quitte à être impulsif, car décide-t-on de son évolution ? Pourquoi faudrait-il évoluer ? « ...il était mon amour, ma conscience, ma racine » - constance de cette « racine » dans les méditations de Bardot. Rien dans cette biographie qui ne soit de Bardot, jusqu'à ses inflexions de voix comme on le dit en quatrième de couverture : « mon espoir désespéré, ma vie, ma mort, il était le temps et l'infini ».

     

    Et parce que c'est Brigitte Bardot, ce devrait être ridicule ? interdit ? Je compte bien lire tout ce qu'elle aura écrit, car nul projecteur n'est allé plus profondément qu'elle-même en elle. BB possède une vitalité, une hargne, une faculté de récupération extraordinaire. Mais aussi une rigidité logique : l'art nègre, l'art égyptien, sont par elle rejeté en raison d'une anecdote définitive, qui l'a marquée, imprégnée. Et d'autre part, comme elle aura aussi aimé ! « Je pleurais me maudissant d'avoir pu le trahir, je me sentais sale et dégoûtante. » Jamais un homme ne ressent cela. Pour lui, la polygamie est une seconde nature gratifiante. Je n'ai jamais trahi, mais les autres, si ; cette paranoïa nous rapproche elle et moi. Toujours à protester, à se poser en victime. Ayant su lire le latin dans le texte, et coucher avec Vadim jusqu'au mariage, alors que les parents menaçaient son fiancé avec un revolver. Il me semble que je suis en elle. Intus, et in cute. « J'envoyais des coups de pied dans les disques de bossa nova qui traînaient par terre, je me précipitais à la Petite Madrague où Jicky et Anne me regardaient, ahuris, débarquer en larmes » - ne jamais traiter légèrement une femme ayant tant pleuré, tant frôlé le suicide, subi de telles agressions et dépréciations.

     

    Je voudrais qu'elle poursuive tous ses combats, dussent-ils être perdus - « mon sac de voyage à la main, leur annonçant que je fermais la maison et partais retrouver Sami par le premier avion le lendemain ». Qu'elle soit toujours aimée.

     

    Rocs et mer.JPGToujours cette incertitude à ne pas savoir ce qu'il faut penser de Bardot, tant il est vrai que les opinions nous préoccupent bien plus que les faits... Exemple : le fameux mariage en 66, le 14 juillet (le lendemain du mien, dont la presse n'a pas parlé) avec Günther Sachs, richissime séducteur germanique. Il la présente à sa mère, qui se demande pourquoi elle n'a pas le costume bavarois. Brigitte n'a jamais pu apprendre que Guten Tag et Grüßgott. Passées les folies médiatiques, BB s'aperçoit qu'elle a épousé un coureur de première et de jupons, avec lequel, sur trois ans de mariage, deux mois de vie conjugale ont dû constituer un maximum par petits morceaux. Il est même revenu un 15 août, le matin, après un prétendu rendez-vous d'affaire urgent, avec un baise-en-ville à la main, bref le foutage de gueule intégral. Brigitte écrit des conneries, mais aussi, elle fait la fête, moi non plus, d'en prend plein la tête question vie sentimentale parce qu'avec Brigitte Bardot certains estiment qu'il n'y a pas de raison de se gêner.Brigitte prend la main de Gainsbourg sous la table j'ai bien dit la main, ils ne se sont plus quittés jusqu'au tournage du western Shalako près de la ville espagnole d'Almeria (elle ne dit plus qu'un seul mot : Almeria). Ce n'est plus que champagne, vie de vedette et atroces contraintes. Pas un mot sur ce qu'est le travail de l'artiste, l'exact antipode de Terzieff qu'elle ne fait que mentionner dans A cœur joie. Il lui a demandé un jour pourquoi elle s'entourait d'une telle quantité de cons ; elle a répondu que tous ces cons étaient indispensables à sa carrière.

    Et leurs relations en sont demeurées là, sans perte pour l'un ni pour l'autre.

     

  • Petra Hammesfahr et M. Genardy

     

    Nous savons qu'il existe des victimes très jeunes qui, bien prises en main par des psychiatres sérieux, peuvent espérer s'en sortir. Ce qui n'est pas une raison pour choisir de violer des jeunes pour que ce soit moins grave, c'est même une circonstance aggravante. Vous aurez en lisant ce livre confirmation que la folie côtoie le banal, que l'horreur vient dans les rêves des mamans par des messages déchiffrés trop tard, que les hommes protègent les enfants, que la police veille, et que le diable se faufile par les moindres lézardes... Dans Le silence de M. Genardy, le supplice, c'est le doute, que l'on adopte en désespoir de cause, tant on est certain que l'horreur a lieu ou va sourdre d'un instant à l'autre des profondeurs morbides, sans qu'on puisse se résoudre à y croire tout à fait, car, dit un policier, si ce monsieur avait un passé aussi sombre que vous le dites, il en subsisterait du moins quelques soupçons...

     

    Nous revenons sur la présentation de cet inquiétant prédateur si tendre et pitoyable, avec ces quelques lignes que nous allons essayer de traduire – excusez les imprécisions et lourdeurs :

     

    "Mais tout aurait pu tourner plus mal, bien plus mal, il le savait – das wusste er. Quand il y repensait – les premiers temps il ne faisait rien d'autre – il se sentait mal. Il se maudissait de sa légèreté, pour le seul moment où il s'était laissé entraîner. Il se jura que jamais, à partir de maintenant, cela ne se reproduirait, qu'il s'astreindrait dorénavant à une autodiscipline de fer.

     

    "Le budget devenait serré ; quelque temps il vécut sur son épargne. Quand elle fut consommée, il vendit les petits objets de valeur qu'il avait rassemblés durant des années. Il avait toujours vécu dans l'épargne et s'était ainsi ménagé un peu de luxe. De belles pièces ! Mais pour certaines, il ne pouvait pourtant pas se séparer. Une épingle à cravate en or a sertie d'un diamant et une paire de boutons de manchettes assorties. Il ne se résolvait pas à les céder, bien qu'elles lui eussent pourtant rapporté une jolie somme.

     

     

    La bénédiction.JPG

    "A la place, il se sépara d'une collection de dessins de haute qualité ; quelques-un portaient une signature manuscrite. Dans leurs encadrements sans apprêt ils produisaient une impression très marquée, ornant toute une année les murs de son appartement. Les mettre en vente fut pour lui une sorte de déchéance personnelle. C'était il y a quatre ans (Das war vor vier Jahren gewesen).

     

    Plus tard il fut même contraint de revendre une grande partie de ses meubles, pour joindre les deux bouts quelques mois de plus. Les voisins demeurèrent interdits (wurden stutzig). Il leur raconta qu'il voulait se défaire de son appartement. On ne pouvait pas ne pas voir qu'il ne tiendrait plus longtemps.

     

    "Il déménagerait bientôt chez sa fille, disait-il à tous ceux qui l'interrogeaient. Puis il annonçait à l'avance, beizeiten, pour ne passe laisser toujours prendre en défaut, qu'il devait payer son loyer.

     

    "Provisoirement, il échoua dans une pension miteuse, se maintint péniblement à la surface en travaillant à la commission, assis la moitié du temps dans une pièce qui sentait le moisi, se creusant la tête pour essayer de s'en sortir. Le reste de ses biens (Seine restliche Habe) se trouvait entreposé chez un garde-meubles, et il se trouva encore obligé par la force des choses de s'en séparer." Parole, c'est la déchéance du père Goriot, on va pleurer. "C'était il y a trois ans."

     

    "Naturellement il y avait des raisons à sa ruine (Abstieg), des raisons à toutes ses peines, une raison principalement : il ne fumait pas, ne buvait pas, ne traînait pas dans les bistrots du coin et ne bousculait pas les jeunes femmes dans la rue. Il était poli, patient, de confiance (zuverlässig), amical, réservé et serviable, un homme sans histoire au milieu de la cinquantaine.

     

    "La raison de tout cela c'était les aires de jeux, et les enfants qui jouaient dans les halls d'entrée. Il aimait les enfants, les petites filles avec leurs jambes potelées et la petite jupette. Il avait toujours pour elles quelques petites surprises dans ses poches. Elles étaient si faciles à contenter (so leicht zufrieden zu stellen), pouvaient encore se réjouir en vrai pour des petites choses. Pour des œufs en chocolat creux pleins de babioles. Les plus petites en raffolaient. Pour les plus grandes il ne s'était jamais laissé aller , en tout cas pas dans son environnement immédiat : elles lui parlaient trop.

     

    "Même avec les petites il faisait attention, il les sélectionnait soigneusement." Et voilà comment on commence, et cela peut dégénérer très vite. La couleur est en tout cas annoncée, voici un homme dont le seul regret est de s'être fait soupçonner ou prendre, et dont la tactique est parfaitement au point. Vous alternerez l'étouffement et le froid dans le dos en lisant ce "Silence de M. Genardy", auf deutsch "Der stille Herr Genardy", Bastei Lübbe Verlag. Bis bald !

     

  • Elèves, élèves...

     

    Hiersaint, grand rouquin connard, passe avec 7 de moyenne grâce au prof de gym qui prétend qu'il a de grandes qualités de sociabilité – eh bien, justement, s'il a beaucoup de liant, il saura aussi bien se faire des amis en redoublant en sixième, dans une classe différente... Mon collègue a roulé des yeux, et j'ai baissé les miens – à quoi tient un passage de classe ! ce même prof de gym, si libéral, si copain-copain! ayant envoyé un élève en conseil de discipline pour avoir mal parlé d'un prof, sans savoir que lui-même écoutait par-derrière ; et ce collègue me donnant des leçons...

     

    X

     

    Rollet en 5e appréciait les cours de Moiln'œud, à s'en faire péter l'œsophage de rire. Très difficile à contrôler, mais m'adorant. L'année suivante, la grande blonde mollasse Jomo me confie qu'elle a dû l'engueuler, parce qu'il l'interrompait sans cesse : « Madame, ce n'est pas un cours que vous nous faites. L'année dernière, il y avait Monsieur Moiln'œud, ça c'était un cours ! Tandis que vous... » - c'est cela aussi, le métier de prof. Moiln'œud bien sûr en a rajouté sur l'indignation, mais savait bien que ses cours étaient des chefs-d'œuvres de pitrerie. Convenant moins bien sans doute à certains élèves plus effacés. La mère Jomo ? ...elle avait parfois du mal à comprendre Molière... Indignation bruyante de Korner, brillante collègue – virant sur-le-champ aux amabilités les plus démonstratives à la survenue de l'autre...

    Anne elle-même.JPG

     

     

     

     

    Garçons que je n'aime pas :

     

    Varignac : L'élève s'est tué en septembre, à Mobylette. J'en ai fait tout un roman. Peut-être qu'il m'adorait. Marèk, mon mort... Marèk dont je fis un champion de horse-board sur mon île d'Omma, cent mille exemplaires en Livre de Poche si le destin l'avait voulu. Véritable graine de facho, qui pensait que les chômeurs étaient des fainéants. Tournant la clef de ma portière, j'ai pensé un jour très distinctement : « Il vaudrait mieux qu'il crève avant l'âge adulte ». Je fus exaucé en septembre : il est mort pour de bon, dans un accident de Mobylette. Il devint Marèk, tiré par son cheval de course sur sa planche à roulettes. Parler du récit de sa mort (« Non, tu ne sortiras pas à dix heures du soir. » Mon gaillard faisant le mur et filant à toute allure sur un petit chemin de campagne ; la chaîne tendue à l'entrée du Domaine d'Arzac, le garçon projeté en l'air puis retombant de tout son poids sur la a chaîne ; hémorragie interne de la rate, décès le lendemain matin par lent vidage) - avec toutes les collègues au comble de l'excitation sexuelle. « Et alors ? Et alors ? » répétaient-elles avidement.

     

    Beulac : Pogudeau : “Oh Pogoudeaueaueaue, Tu es le plus beau des barjots”. Pétoile :”Pétoile des neieieiges...” Ramirez : “Répétez après moi Ramirez : “Cer-veau” - allez : “cer-veau” - et je l'engueule parce que plus tard avec mes impôts je serai obligé de subvenir à ses besoins de chômeur ; l'abruti Chevalet, qui voulait devenir pilote de chasse avec 4 en maths et 4 en techno, et qui ne m'a pas rendu “Iôn” d'Euripide, racheté plus tard – Chevalet ! Euripide ! - Pigoudeau, Ramirez, Chevalet : pour ces trois-là, du mépris, plutôt - bien du mal à me souvenir de tous ces noms... Nous avons tous poussé la même exclamation de dépit, chez moi intérieure, lorsque nous nous sommes retrouvés en début de seconde année.

     

    Oh non, nous n'étions pas heureux de nous revoir ! Sous prétexte que je devais « suivre mes élèves » ! et nous ne nous le sommes pas caché... « Moi non plus je ne suis pas très content ; eh bien, nous allons faire de notre mieux pour nous supporter cette année encore. »

     

     

     

     

     

    Garçons ternes : Buseville : Surlarive, qui puait de tous ses cheveux ras. Mon appréciation : “Sait lire et écrire” - sous-entendu : “et c'est tout”. Trente ans plus tard, c'est devenu un compliment !

     

     

     

    Garçons insolents têtes à claques

     

    Gambriac :

     

    Paillonneau, qui déclinait si crânement son identité, même devant le principal. Sité, admis à l'école d'ingénieurs automobile de Paris : “Regardez Monsieur, plus tard je gagnerai plus que vous. - J'espère bien mon ami, j'espère bien.

     

    Garçons virils déconneurs décontractés à peu près sympa

     

    Les bruns : Vacci ; Claude, de son prénom évidemment François (mais je ne me souviens plus guère que des noms). J'avais un collègue qui s'appelait Claude, de Romorantin, avec un accent épouvantable, pris d'on ne sait où ; Il déclarait sans cesse en cours (de physique) : « On connstatte queue... » Comme il s'est dérobé souvent, crainte que je ne le retrouvasse en vacances, dans la même ville que mes parents ! Eïlath, retrouvé sous l'uniforme de facteur rue Judaïque), « Brassens», qui faisait la discipline à ma place quand il voulait bosser, ressemblant à Cremoux. Les blonds : Gutt et Yutt (terminales) (Yutt « mandé » au bureau, inscrit tel quel sur le « cahier de rapport). Le rouquin (taches de rousseur ) : Lethu amateur de Van Gogh (il l'appelle Vincent).

     

     

     

    Garçons timides conquis

     

    Beaufils, les yeux rouges, long nez, dissimulant pour mon Noël une bouteille de rouge derrière son dos, comme un assassin. Dellaripa, sournois, buté, bilieux, cheveux plaqués, futur bureaucrate, le rond de cuir déjà sur la gueule... .

     

  • Monsieur Cicéron, tu nous emmerdes / Monsieur Cicéron, tu nous fais chier

     

    Cicéron n'avait pas la conscience tranquille, mais qui ? Pendant que les derniers anciens partisans de son ancien grand homme se faisaient massacrer en Ibérie, lui-même reconstituait son cercle d'amis, retrouvait d'autres repentis, et lorsque César reparut, auréolé de gloire espagnole, égyptienne, gauloise, et autres, il lui dédia coup sur coup trois discours appelés les Césariennes : Pro Marcello, Pro Ligario, Pro rege Deiotario, "Pour le roi Déïotarius", si vous cherchiez un nom pour votre chien.

     

    César, tout tartiné de flatteries, accéda aux désirs de son grand écrivain et philosophe, et Cicéron put reronronner. Puis Cicéron s'aperçut que Pompée décapité, restait César, pas républicain pour un sou, usant et abusant de son pouvoir, et s'éloignant de plus en plus des idéaux de liberté ou de démocratie. En réalité, il n'y avait presque plus de républicains, presque plus de République : Caton lui-même avait été vaincu dans la ville tunisienne au nom si redoutable de Thapsus. Les républicains se trompaient d'époque. Le discours s'était droitisé. Ensuite, ce sera Antoine contre Octave, et les premiers empereurs – se rappeler que César n'a jamais été empereur svp ça me fera plaisir, même si l'histoire "ça sert à rien" et "c'est vieux tout ça", ta gueule, va faire du rap.

    Vue du château d'If.JPG

     

     

    Ne boudons pas notre plaisir d'historien et lisons l'avant-propos de Marcel Lob, traducteur, dans la collection bilingue Guillaume Budé : "C'était la première fois depuis deux ans que l'ancien chef des modérés (Cicéron) reprenait la parole au Sénat ; il rompait ainsi un vœu de silence et d'abstention politique qui, sans doute, devait lui peser ; il saisissait l'occasion qui s'offrait de se rallier publiquement au régime nouveau sous prétexte d'intervenir en faveur d'une femme, pardon : d'une victime, et de la plus représentative : il n'hésitait pas à interpréter ce rappel de Marcellus", qui croupissait en exil volontaire, "comme annonçant la renaissance de la République" – je pouffe.

     

    "Retour et mort de Marcellus. Tout le monde était donc dans la joie de l'union et de la gratitude, sauf peut-être Marcellus lui-même ; malgré la façon on ne peut plus honorable dont son rappel avait été demandé" sauf par lui-même "et accordé, il accusa réception de la nouvelle en termes très froids" comme le révèle Cicéron dans sa correspondance. "Ce qu'il apprécie, écrit-il à Cicéron, c'est moins le résultat obtenu que le dévouement qui l'obtint", celui de Cicéron et de l'autre Marcellus cousin germain. "Il n'avait donc rien perdu de sa haine pour César ; aussi ne semble-t-il pas pressé de revenir à Rome : plus de huit mois s'écouleront avant son départ de Mitylène," port de Lesbos, "le 23 mai 709" de la fondation de Rome, pour nous – 45. "...il débarquait au Pirée, où il était accueilli par son ancien collègue Servius Sulpicius", ancien consul donc, "alors proconsul d'Achaïe" traduisez de Grèce. "Mais il ne devait revoir ni Rome ni César : pendans son escale au Pirée, dans la soirée du 26, il était grièvement blessé par un de ses compagnons, P. Magius Cilo ;" - l'époque était bien plus violente que la nôtre, n'en déplaise au bêleurs d'aujourd'hui - "...il fit aussitôt demander à (son collègue) Sulpicius qu'on lui envoyât d'Athènes un médecin ; le proconsul se rendit lui-même au petit jour près de son ami, mais en chemin il apprit sa mort ; le meurtrier s'était suicidé, emportant avec lui l'explication du drame, sur lequel plusieurs hypothèses ont été émises" en particulier par Valère-Maxime, que vous saluerez de ma part si vous le rencontrez - "...d'après Cicéron, la victime aurait refusé à Magius de lui avancer de l'argent pour payer ses dettes ; selon Valère-Maxime, le meurtre aurait été causé par la jalousie, pour une préférence accordée à un autre compagnon de voyage" salut les homos - "...certains contemporains émirent le soupçon que le crime aurait été ordonné par César, mais en ce cas on ne s'expliquerait pas le suicide du meurtrier ; ce bruit fut assez répandu pour que Brutus, alors tout attaché au dictateur" qu'il poignardera plus tard, "jugeât nécessaire de l'en défendre dans ses lettres. Le corps de Marcellus fut incinéré dans l'Académie" (celle d'Athènes) et Sulpicius lui fit élever un monument de marbre" aujourd'hui disparu."

     

    "Le discours "pro Marcello". Mais ce qui nous a conservé le souvenir de Marcellus, c'est le discours que Cicéron prononça pour rendre grâce à César de sa mansuétude envers son adversaire exilé ; malgré la forme du titre ce n'est pas un plaidoyer -" le titre n'est "sûrement pas de Cicéron" – mais "c'est un remerciement, gratiarum actio, comme le montrent et les circonstances (au moment où Cicéron prend la parole César a déjà accordé le pardon et plusieurs sénateurs l'en ont déjà remercié), et le contenu du discours, et les termes dont l'orateur se sert dans une lettre à Sulpicius pour lui faire part de son intervention.

     

    "Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle le pro Marcello a été tenu pour le modèle de l'art oratoire ; puis l'admiration a fait place à la critique, au point que l'authenticité même de l'œuvre a été mise en doute ; après des controverses qui ont duré tout le XIXe siècle," et qui m'empêchent encore de dormir depuis trois mois, "on peut dire qu'il ne subsiste aucune raison, ni de fond ni de forme, pour justifier les soupçons : les imperfections ou anomalies qu'on peut relever dans ce discours s'expliquent par le fait même qu'il a été improvisé et par l'émotion que l'orateur a pu sentir en lui-même et deviner dans l'assistance devant la décision subite de César. Sans doute, comme pour tous les autres discours, nous n'avons pas à l'état pur le texte même des paroles prononcées, mais une rédaction fait après coup, soit en révisant les notes des tachygraphes," nous dirions les sténographes, "soit d'après les souvenirs encore frais de l'orateur ; cependant celui-ci n'a pas pu ne pas conserver dans le texte publié l'essentiel des idées, du mouvement général et aussi de la forme, surtout par une intervention qui, par son caractère sensationnel, avait sûrement attiré l'attention du monde politique et de la haute société. On peut donc dire que les défauts sont eux-mêmes plutôt une preuve d'authenticité, notamment les répétitions si abondantes, la logique non point toujours très rigoureuse," - très drôle – "l'abus des procédés de la rhétorique banale" – ah tiens donc ! - "le manque de tact et de mesure, tous défauts tellement cicéroniens !" - monsieur Lob, Marcel, vous avez raison.

     

    "Reconnaissons que l'orateur était dans une situation difficile : il ne pouvait sortir du silence qu'il s'était imposé, seule marque possible d'opposition dans un régime de dictature, que par un courage stérile" parce que couic "ou par un ralliement total. On eût cependant souhaité, dans l'expression de ses sentiments de dernière heure, un peu plus de dignité et de retenue ;" – et voilà, et voilà ! - "s'il ne pouvait évoquer en toute franchise les évènements de la guerre civile, il aurait pu s'abstenir d'en parler ; il aurait pu éviter, Pompée vaincu et mort, de faire un parallèle entre lui et César ; il aurait pu, surtout à propos d'un homme tel que Marcellus qui avait tout sacrifié à ses convictions, ne point passer sous silence les principes qui, chez certains républicains, avaient déterminé leur choix dans la lutte, et ne pas laisser croire que cette lute elle-même se ramenait pour tous les partisans au simple choc de deux ambitions individuelles : certains de ses anciens amis avaient eu autre chose en vue que le ralliement aveugle à un chef de clan" – voir la tendance de la télévision à ne considérer partout que les combats de chefs.

     

    "Mais on ne peut oublier non plus que, tout en étant un remerciement pour une cause déjà gagnée, cettte allocution avait aussi pour but, intéressé ou non, d'affermir César dans son attitude de clémence, en vue d'autres causes à gagner ; en outre" en peau de chèvre, "c'était la première fois que, ancien adversaire non encore officiellement rallié, il prenait la parole en public devant le dictateur et, ignorant jusqu'où s'étendait la liberté dans le nouveau régime, il pouvait craindre d'en franchir les limites. De plus une émotion vraiment ressentie – car les sentiments humains sont rarement simples – a pu aider à ce débordement d'enthousiasme chez un homme qui se livrait si vite à ses impressions et les traduisait souvent, bonnes ou mauvaises, avec si peu de mesure. Enfin les réconciliations ne sont-elles pas propices aux illusions et aux démonstrations excessives ? Cicéron écrivait à Sulpicius à propos de cette séance : "Ce jour m'a paru si beau que j'ai cru y voir comme le reflet d'une nouvelle aurore de la république !" et en plus j'ai eu la diarrhée – "naïveté qui porterait témoignage en faveur d'une sincérité partielle, si elle n'étonnait jusqu'à l'invraisemblance chez un politicien de son rang et de son âge. G. Boissier", auteur de Cicéron et ses amis, "a voulu voir dans certaines phrases des regrets hardis et dans certains conseils des critiques non dépourvues de courage : quand on les regarde de près et les replace dans le contexte, on accepte difficilement ce point de vue, car d'un bout à l'autre le pro Marcello est un acte de ralliement au maître de Rome, et on y trouve Cicéron trop heureux de se donner à lui-même et de présenter aux autres des motifs qui devaient lui sembler des excuses ; celui dont il plaidait la cause déjà gagnée avait su être plus grand et rester plus digne. Quand on lit toutes ces protestations de dévouement à César, ces promesses de le défendre au prix même de la vie, on ne peut s'empêcher de penser à la joie que ce même Cicéron allait montrer, moins de deux ans plus tard, au lendemain des Ides de mars", où César fut poignardé. C'est pourquoi Marcel Lob, traducteur et présentateur de ce discours, ne donne pas envie de le lire, à moins que l'on ne veuille se confirmer dans le peu d'intérêt que l'on pour la personnalité de Cicéron.