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der grüne Affe - Page 146

  • Ma vie, qui n'intéresse personne


    2045 07 25

       

    Aurillac ouatique.JPG

    Il était donc onze heures hier matin quand je fis je ne sais plus quoi. Les jours se mêlent dans ma tête pendant ces vacances de fauché. Ce que je sais est que : Roberte et sa femme sont venues avec une femme nommée Françoise Buzancy, maman d'un petit garçon de cinq ans mais j'ai l'impression désormais que toutes les femmes sont gouines, spécialement dans l'entourage de Roberte, et il faudrait être aveugle pour ne pas s'en rendre compte.
        La preuve en est qu'elle a proposé à Séraphine de coucher avec elle si je dois venir à Nicoville pour voir Mauviette. Or moi je ne tiens pas du tout à voir Mauviette, ni à voir qui que ce soit d'ailleurs. Je suis déjà allé à Nicoville au début du mois et cela me suffit. Bref les trois femmes sont restées à table dehors sur le ciment rénové, et nous avons parlé à cinq de façon point trop désagréable.
        Il est exact qu'il faut un homme pour empêcher que la conversation ne devienne languissante, et pleine de conventions. Du moins un homme comme moi, que la modestie n'a pas encore étouffé. Je me passionne quand je parle, faisant fi des convenances. Ainsi, j'ai précisé combien je trouvais incompétent le personnel de la bibliothèque de Bordeaux, incapable de me fournir le tome IV d'une littérature française, et me serinant contre toute vraisemblance qu' "on n'avait pas encore acheté les autres tomes".
        Armelle a pu faire voir ses sculptures, sans en vendre une seule, mais Roberte a pris commande d'un vase à têtes humaines bleu, si Rachel voulait se fatiguer à le refaire. On ne sait jamais : elle peut s'y mettre. Après cela, une longue après-midi de cet horrible été chaud. Une sieste vaseuse, je suppose ? Voici : il y eut non pas un soir et un matin, mais un repas léger et une piscine.
        Deux fois que nous allons à la piscine cet été. Arielle ne me fait pas trop honte grâce à son maillot une pièce qui ne dégage pas les bourrelets sur le côté. De toute façon nous avons vu là-bas des femmes au moins aussi grosses, dont une qui entourait ses jambes de sa serviette, ses membres inférieurs étaient véritablement torsadés de graisse. A côte de moi il y avait une fille bien grasse aussi, à ce que j'ai vu quand elle s'est levée pour aller dans l'eau.
        Et puis, si on commence à se moquer les uns des autres, ça devient intenable. Il paraît que des enfants de cinq ans m'ont considéré comme un étrange et énorme mammifère marin... Nous mangeons beaucoup moins en ce moment. Le travail va son train-train avec son manque d'espoir habituel, depuis le début juin que j'ai demandé au procureur de m'autoriser à publier, je n'ai toujours pas de réponse.
        Nous avons dû nous traîner ainsi jusqu'au repas, à moins, ce qui est toujours possible - confusion des jours dans cette guimauve ! - eh oui ! ce n'est pas hier, mais avant-hier que Paul est venu nous kärchériser la cour en ciment! Nous avons écouté les informations, où il est beaucoup question des affaiires de dopage du Tour de France. Les coureurs sont des cons : au lieu de s'insurger contre les médecins qui les gavent de drogues, ils s'insurgent contre les media qui les harcèlent avec la vérité !
        En revenant de mon émission, je gueulais au volant, très fort pour qu'on entende par la fenêtre ouverte :
        - Bien fait pour leur tronche ! Tout le monde à l'eau minérale !
        Mentionnans donc, puisque nous en sommes là, que mon émission sur Rabindranath Tagore fut maladroite au dernier degré. Je devais commenter le recueil intitulé "le Vagabond". Je ne connaissais rien d'autre de ce poète-écrivain. Et ma foi je trouve cela gentillet, sans plus. J'aurais pu ajouter que j'étais particulièrement ignare en ce qui concernait la tradition littéraire indienne.
        Peut-être par exemple le cadeau de cerises au bien-aimé de la part d'une toute jeune fille revêt une importance mystique, symbolique de je ne sais trop quoi. Là où je voyais des scènes à l'eau de rose, peut-être y avait-il tout un code que je ne pouvais déchiffrer. Quant à ma nouvelle, "l'Accidenté", comme disait Lazare, ce n'est pas ce que j'ai écrit de mieux. En tout cas je n'ai pu rien enregistrer.
        Qu'il ne reste rien de cela, tant mieux. Après les informations du soir, je me suis lancé dans le tri enfin des cassettes. Il en reste peu, car la provision ne s'en renouvelle presque pas. Je classe ensemble les miennes et celles d'Arielle, bien qu'il soit légitime qu'elle veuille avoir aussi les siennes indépendamment.
        Eh bien il s'en trouve une bonne proportion lui appartenant et qu'elle croit disparues, comme les danses de chez Lanza del Vasto, quand elle pouvait encore tenir debout. Il paraît que c'est là qu'elle m'a trompé. Est-ce que cela remonte vraiment à quinze ans ? Je ne me souviens plus de cela. J'ai parfois, de plus en plus souvent à vrai dire l'impression que mon activité favorite est non pas d'écrire mais de classer, de ranger comme avant une agonie, mes livres, mes disques, mes cassettes, pour remettre désespérément un peu d'ordre dans la vie qui est désordre. Je vois enfin  le bout de cet interminable classement de cassettes audio. J'en ai fait jusqu'à onze heures moins le quart, pendant qu'Arielle s'escrimait sur une sculpture intéressante, car elle pourrait s'apparenter aux "Causeuses" de C. Claudel, pompées d'ailleurs sur les Etrusques, ou les Chinois.
        Et puis il a fallu se coucher, car il y a deux moments particulièrement pénibles dans une journée, qui sont le lever et le coucher. Même à supposer qu'on fasse l'amour (il n'est prévu par moi que ce soir), il reste encore toute une nuit interminable et gluante dans un lit défait par les remuements dus à la chaleur. Hier le chat n'avait pas voulu regagner le bercail.
        Mais nous avions laissé entrouverts les volets. Il s'y est glissé d'un bond à l'obscurité, nous avons entendu son collier garni d'un grelot, et à deux heures du matin j'ai contourné la fenêtre par l'extérieur et je l'ai enfermé, débarrassé de son collier, puis je suis allé m'asseoir dans mon fauteuil à branlette. Comme le porno n'était pas encore commencé, je me suis attelé à des lettres d'Hölderlin, pleines de déférence et de culture.
        Ensuite j'ai été récompensé par "les Mémoires d'un pervers", qui se passent dans l'Italie de la Belle Epoque, avec une scène extraordinaire de lesbianisme en costumes d'époque, où les actrices véritablement y mettaient tout leur enthousiasme, et on ne me fera pas croire qu'il était uniquement   professionnel...

  • La petite nièce est orpheline

     

    TERENCE Psychologue de mes couilles – suite du dialogue “Térence ? demande VIVETTE Térence ? MAGDALENA Il drague des putes de seize ans aux chiottes TERENCE Ta gueule VIVETTE C'est pour ça que vous m'avez fait venir MAGDALENA Tu vois connard elle te parle au neutre VIVETTE Je parlais de l'accueil pauvre tache TERENCE T'aurais préféré qu'on te laisse sur le trottoir ? MAGDALENA, gueulant : Je souffre merde TERENCE même jeu Nous aussi MAGDALENA bondit vers le téléphone TERENCE arrache le combiné pugilat, cris, reniements, VIVETTE rit pour la troisième fois j'ai oublié les deux premières.

     

    Magdalena contre-attaque : C'est l'enterrement de Rachel qui t'excite, c'est ma mère morte tu n'as jamais pu la blairer t'es bien le seul il y avait foule à l'enterrement tu es reparti la veille tu as baisé juste à l'heure de l'enterrement comme si c'était sur le couvêêêêêêrcle TERENCE très calme “Richard III Acte I scène 2 – Comment ? - Rien - Tu es dégueulasse. - Tu es la fille de ta mère – Tout juste capable de bander à l'heure de l'enterrement VIVETTE SE MET A HURLER MOI AUSSI JE SUIS SA FILLE et je vous interdis de parler comme ça vieux salingues c'est moi la plus jeune moi j'ai fait un gosse avant toi qui c'est qui a découvert le corps en sang le flingue dans la flaque et les flics et leurs questions ton baiseur minable j'en ai rien à foutre et mon gosse tu le feras pas sauter ni celui-là ni le suivant “Réfléchis” dit Magdalena “C'est tout réfléchi” dit Vivette

     

    Troisième attaque : “Tu vois dans quel état tu mets ma sœur tout ça pour une pute Retire ça Si tu ne m'avais pas niqué les nerfs tu es un monument d'égoïsme TERENCE “...d'inconscience, de fascisme...” MAGDALENA ...de muflerie machisme porcherie destruction ma sœur en épave t'aurais tué ma mère si t'avais pu TERENCE -te MAGDALENA suite (“froid comme un marbre pas de cœur les hommes sont des salauds je te préviens Vivette”) VIVETTE Ça va me retomber dessus TERENCE Toi la fille-mère ta gueule VIVETTE Bon là je me casse TERENCE Reste reste – Magdaléna prend d'un coup le téléphone Allô Joëlle allô Psychologue siffle Térence Vous saviez dit Magdaléna vous saviez parfaitement que ma mère était morte – dans des conditions atroces – parfaitement – fait exprès – je suis Magdaléna Bartsch – vous avez forcé mon mari - parfaitement – QU'EST-CE QUE VOUS VOULEZ QUE ÇA ME FOUTE gueule l'amplificateur J'EN AI RIEN A CIRER (effet Larsen) Sa belle-mère c'est ma mère et ma sœur est enceinte C'EST PAS DE MOI crie l'amplificateur (effet Larsen) là normalement VIVETTE éclate de rire “Térence, tu es là ? c'est Joëlle dis-moi que tu m'aimes.

     

    - Pas devant ma femme (Térence coupe l'ampli) tu as ta dignité dit-elle tu veux me la jouer à la dignité ? Tu restes calme pour ne pas l'imiter ? ... pour ne pas me faire de peine tu sais ce qui me fais de la peine ? ...pas la mort de Rachel, pas la grossesse – Tu me fais la morale Térence ? tu me fais – ta femme est encore dans la pièce ? ...Vire-la – VA TE FAIRE... – Tu dis ça parce qu'elle est là Térence, tu veux qu'elle croie qu'entre nous c'est que du cul ?” Joëlle dit qu'on se retrouvera, qu'ils se retrouveront, il dit au revoir Comment “au revoir” s'étrangle Magdalena Térence raccroche, se tourne posément vers elle : Et si tu téléphonais au cousin Ange, ma chérie ? Aurillac ouatique.JPG

     

    Fréquenter Joëlle est devenu périlleux. Changer de bistrot. Mettre des lunettes noires. Joëlle en robe de mai pas enceinte (plus enceinte ?) passe la porte du Bar Tétouan, commande une glace et Térence un café. Deux cafés. Trois. Pas de raison que ça s'arrête. Ils se touchent les mains. L'homme parle abondamment soudain. Joëlle mordille sa pistache, plisse les yeux - Magdalena demandera D'où viens-tu ? qui as-tu rencontré ? de quoi avez-vous parlé ? (de tout et de rien, le café, la gare, les collègues)Tu crois que mon métier me passionne encore Térence la confianceest morte Le ciel n'est pas plus pur que le fond de mon cœur toujours un vers de Racine à dire.

     

    Térence et Magdalena se tendent les mains par-dessus les tasses jamais le soupçon ne s'éteint tout à fait c'est une banale histoire de conne, de prof à bout de souffle en pleine histoire de cul. Jamais le Proviseur n'a eu autant d'égards. Il fixe le prof dans les yeux : “J'aimerais regarder ailleurs”. Il penche sa grande tête blanche entre ses revers bleus. Du matin pour dix-sept heures il convoque Térence pour signer un document très neutre, l'Administré transpire en vain tout le jour, un vieux truc stalinien qui fonctionne bien. Les collègues font trois groupes : le premier composé d'hommes qui rient, serrent les mains parlent fort ; le deuxième de femmes offusquées, qui se détournent ou sont discrètes - le troisième des deux sexes inconséquents, distants ou empressés, froids ou bien souriants ; mais nul n'égale la sournoise maîtrise du chef. “Monsieur Elliott ? ...entrez vite.

     

  • Une saison chez Lacan

     

     

    Un acteur à succès. Couvert de femmes. Se sent soudain déprimé par son fric et le vide de sa vie, et fonce par hasard chez Lacan. Le vrai, le grand ou l'immonde, c'est selon. Et voici Rey, Une saison chez Lacan, nous dévoilant les péripéties de son analyse, défendant celui qu'on a taxé d'imposture. Le titre, pour les ignares, se réfère évidemment à la "Saison en enfer" de Rimbaud, et suggère que tout ne fut pas de tout repos dans la cure entreprise. Deux remarques préliminaires : on accusera Pierre Rey de n'avoir rien révélé sur lui-même. Ça le regarde. D'autres, comme Marie Cardinal, ont choisi de tout dire de leurs tripes. Tel n'est pas le propos de Pierre Rey. Il est de centrer le projecteur sur la personne de Lacan, sa sensibilité, son engagement réel, lui que l'on accusait de se contrefoutre de ses clients.

     

    Pierre Rey défend la sensibilité de son héros, lui restitue des réactions ordinaire, une dimension humaine. Si certains clients se sont suicidés, Lacan a eu le courage de les accompagner jusque là, alors qu'il n'y avait pas d'autre solution. Peut-être semblera-ce un peu systématique, mais non, répondrons-nous, car nulle part le livre ne tourne à l'encensement. La personnalité de l'auteur analysé occupe la place qui lui revient, les explications sont fournies avec toute la complexité, voire le caractère lacunaire, garantissant la compréhension et le trouble réel de l'analysé. Pierre Rey tente d'expliquer la démarche de Lacan, de façon suffisamment technique, et pudique en ce qui le concerne, assez obscure, lyrique même, procédant par brèves... illuminations introspectives ou introspections illuminatives de l'âme.

     

     

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    Ce qui fait du tort à la première observation préliminaire : comment un homme jeune, beau,, édité, connaissant les tirages et le Tout-Paris, comment cet homme peut-il véritablement déprimer ? Jaloux comme je suis, je n'ai pas manqué d'observer que Jean Rey se présentait chez Lafont, discutait avec monsieur Lafont et non avec sa secrétaire adjointe, et obtenait commande j'ai bien dit commande j'ai bien dit commande d'un livre. Donc je me dis : la dépression de Pierre Rey, c'est du bidon. Ce disant, je rejoins la stupidité des femmes de ménage qui font exprès de cogner leur balai entre le pieds de fer des lits, sous prétexte que les maladies de la tête, c'est du chique, tandis qu'elles, les bonniches, passent la serpillière

     

    Je vous jure qu'on la sent, leur haine. Très tôt le matin, je vous prie, le ménage, et fenêtre grande ouverte. Déprimés, feignants ! Vais-je m'abaisser à cette populacerie en dénigrant Pierre Rey? N'y a-t-il que mon cas de déprime au monde ? Ne devrait-ce pas me consoler moralement de voir un riche à bagnoles et à filles chuter dans le break-down ? Le livre ne m'a pas touché, n'a pas mis le doigt sur ma névrose personnelle : mais je ne puis mettre en doute la sincérité de la démarche de l'auteur, ni, du coup, celle de Lacan, dont trop de jaloux veulent faire l'équivalent de charlatan. Il est trop facile d'accuser les psychiatres de charlatanisme sous prétexte qu'ils ne vous ont rien apporté: est-ce que les amateurs de piano, ayant abandonné au bout de deux ans, se mettront en tête d'accuser leur maître de piano pour ne pas être en deux ans devenus virtuoses ? Il est salubre de défendre la psychanalyse, le socialisme et le RMI. Ils ne résolvent rien. Ils avancent sur la voie de la résolution et de la solution.

     

    Mais avant eux, c'était le vide, et je préfère cent fois me confier à un psy, même sans guérison, qu'à un prêtre qui me filera sa morale dans le train avec une belle impuissance à la clef.

     

     

     

    "La création ne vient jamais d'un bonheur. Elle résulte d'un manque. Contrepoids d'une angoisse, elle s'inscrit dans le vide à combler d'un désir dont on attend jouissance et de l'échec de son aboutissement. Autant dire qu'elle ne peut naître que d'un ratage, le manque à jouir.
    J'en avais même déduit que depuis le début des temps, toute création était contenue dans les 10 cm séparant la main d'un homme du cul d'une femme. L'homme brûle de poser sa main sur ce cul. S'il va au bout de son geste, si la femme l'accepte, ils se retrouvent dans un lit et font l'amour. Il y a jouissance: rien n'est crée. S'il ne l'ose pas, fou de frustration, il rentre seul, compose la neuvième symphonie, peint l'homme au casque d'or, écrit la Divine comédie ou s'attaque au Penseur."

     

    Voilà quelque chose qui nous rapproche tous, nantis et prolos : l'envie de tout plaquer. Vous n'avez jamais eu envie de tout plaquer, vous autres ? Tous ces bouquins, toutes ces vieilleries qui vous encombrent, ces souvenirs qui vous enlisent ? Oh que si, oh que si ! C'est même très, très dangereux ! Il faut avoir en soi l'énergie de repartir à zéro ! Et si on ne l'a pas ? Parions que nous l'avons. Qui est le Gros ? Un gros. Un psy. Qui se suicidera. Ça existe, comme les médecins qui fument et les éducateurs qui fouettent leurs propres gosses.

     

    "On est ce qu'on désire.
    Mais ce qu'on désire, on l'ignore. Et ce désir, dont nous ignorons en quoi il consiste, mais que nous subissons comme la frappe la plus singulière de notre "moi", nul d'entre nous n'a choisi qu'il nous habite. Il est "écrit". Il nous précède. Nous entrons dans son champ par le biais du langage.
    Car ce désir qui nous structure n'est pas nôtre. Il est, par le biais du discours, désir de l'Autre, désir d'un Autre désirant."

     

     

     

     

     

     

     

    ...Est-ce que ça ne vous est jamais arrivé non plus, qui que vous soyez, auteur à succès ou femme de ménage, de comparer ce qui vaut et ce qui ne vaut rien ? la fausseté de votre vie adulte et la vérité de vos amours d'adolescence ? Je dirais même que rien n'est plus partagé. La différence est que M. Rey n'a pas vécu dans les serpillières; Plutôt dans l'univers papier glacé des pubs. Ça ne vous agacerait pas les dents, à vous, de parager votre existence avec ces filles toujours gracieuses, ces Monsieur Muscle toujours pétant de santé parce qu'ils utilisent Vitafort ou boivent du Teisseire ? Des gens qui rigolent et vous proposent du fric ou la baise aux moindres défaillances du cervelet ? Mon diablotin se réveille : donnez l'argent, donnez les filles, puis, après, ensuite, je ferai ma dépression. Ceette page montre par quel cheminement l'on parvient aux tréfonds de soi. Dit de cette façon toute crue, l'analyse du rêve ne provoquera qu'un hourvari de haussements d'épaules. C'est trop, pour un profane : "Que va-t-il chercher là ? Que ne prend-il la vie comme elle vient ! Qu'on sonne, et que je vais ouvrir !" - oui, mes braves, mais quand on souffre, et qu'autour de vous, quel que soit votre milieu, les gens, les copains, les soi-disants amis vous disent : "Mais non, tu te prends la tête, viens boire un coup chez ma sœur", à qui se fier ? ...Même aux procédés apparemment les plus absurdes, y compris l'analyse des rêves, qui, elle, au moins, marche, fonctionne, se vérifie, comme l'électricité. Et tous ces jeux de mots que vous décortiquâtes se vérifient aussi, forment la base de l'analyse lacanienne, pour qui tout est langage, tout lapsus pléonastiquement révélateur ; c'en est au point que même la conscience populaire sait bien désormais que toute gaffe de langage révèle la pensée vraie.

     

    Ne pas mépriser quiconque cherche et souffre.

     

    Et nous concluons Au cours de son existence, l'être humain ne possède qu'une certitude, celle de sa mort.
    Par syllogisme, il est facile d'en déduire le désir de mort inconscient métaphoriquement contenu dans toute recherche de certitude.

     

    Il avait écrit (Sartre) :"On est ce qu'on fait."
    J'avais la certitude absolue du contraire : on est ce qu'on ne fait pas.

     

    Attelez-vous à Pierre Rey, Une saison chez Lacan. Vous passerez un octobre éclatant, réfléchissant, car non, ce n'est pas dur à lire, pas du tout... Bref un livre qui vaut... le dérangement

  • Les frères de Broglie, d'Eon, Praslin...

     

     

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    Evidemment, c'est la preuve d'une force de caractère au pays des lèche-bottes, mais c'est aussi la preuve d'une grande mesquinerie passablement aigrie et désagréable. Pourvu que l'on puisse exercer son talent de façon efficace ! Mais non, on aime mieux faire la gueule. Il y en avait un autre, un peu de cette sorte, sous Louis XV le Bien-Aimé : le fameux chevalier d'Eon. Giscard descendant paraît-il de Louis XV, on pouvait dire qu'il ne faisait rien sans l'accord d'Eon, mais trêve de calembours bons : ce chevalier qui pissait debout (ce qui n'est pas une preuve) était bel et bien de sexe masculin, ainsi que l'ont certifié maints médecins l'ayant dûment examiné après sa mort. Simplement, il n'avait aucun appétit sexuel, ce qui est rare, mais qui existe. Il n'a jamais été « lectrice » à la cour de St-Petersbourg, cette charge n'existant pas et l'impératrice Catherine sachant parfaitement lire toute seule, très érudite et traitant Diderot avec tous les honneurs en Russie ; d'autre part, elle n'eût jamais toléré un travelo à sa cours, préférant les hommes bien raides et bien membrés. Mais le chevalier d'Eon s'était déguisé quelques fois en femme en Angleterre, pour échapper à la police, qui fit une fois irruption dans un salon : « Avez-vous vu le chevalier d'Eon ? Nous avons un mandat d'arrêt contre lui. - Voyez vous-même, il n'y a ici que trois femmes devant l'âtre. - Sorry... » L'une des trois femmes était le chevalier d'Eon, qui n'avait pas dit un mot pour ne pas révéler son accent de grenouille.

     

    Ce chevalier semait le bazar partout où il allait, protestait qu'on le prît pour une femme mais excitait en même temps les rumeurs pour faire parler de lui, se livrant de plus au chantage pour ne pas publier en Angleterre une lettre manuscrite du roi recommandant une attaque armée immédiate, mais dont il ne fallait pas tenir compte, le bordel habituel – vous imaginez l'espion du roi capturé avec cet autographe sur lui ? Gilles Perrault nous apprend aussi que l'un des meilleurs informateurs de Louis XV et Louis XVI était tout simplement Voltaire, qui sous couleur de philosophie n'avait pas non plus ses yeux ni sa plume dans sa poche. Et nous oublions tant et tant de personnages, tant et tant de circonvolutions dans les revirements, les correspondances contradictoires, les agents doubles, les vrais qu'on exhibe et les faux qui œuvrent dans l'ombre. L'index des noms est considérable en fin de troisième volume. Tant d'espionnage pour rien, car nos seuls succès, véritables ceux-là, se déroulèrent sur le sol de l'Amérique du Nord, d'où le titre du tome III : "La revanche américaine". Et puis tout s'arrêta aux portes de la Révolution, les frères de Broglie fermèrent les yeux, en 1781 et en 1804, leurs descendants furent illustre : le Prince Louis de Broglie, Prince du Saint-Empire Romain Germanique dissous pourtant par Napoléon, académicien, génial scientifique, et la présentatrice Laure Debreuil, malgré l'orthographe différente.

     

    Les deux frères turbulents et affectueux ratèrent tous deux leurs vies, seulement, comme le dit Gilles Perrault, toutes nos vies ne sont-elles pas plus ou moins ratées... Mais il sera parvenu à nous faire apprécier un grand nom de l'Histoire de France, souvent mêlée à celle des Italiens, Médicis, Concini, Mazarin, de Broglie originaires du Milanais. Beaucoup de bruit pour pas grand-chose, mais l'espace de trois fort volumes, nous aurons nous aussi, pour notre plus grand plaisir, touillé et brouillé le bouillon de culture de cet Ancien Régime, dont Talleyrand disait que celui qui ne l'avait pas connu ne savait pas ce que c'était que le bonheur de vivre. Notre nation n'aime pas autant sa marine que cette dernière le mériterait : nous avons préféré la gloire continentale, et les Anglais ont dominé les mers, Rule, Britannia, rule over the seas, roulant le monde entier.

     

    Nous ignorons souvent que Sartine, ministre de l'Intérieur, bien connu du détective Le Floch à la télé, devint celui de la marine, et qu'il la réorganisa. Ecoutons quelques considérations bien senties sur la flotte française au XVIIIe siècle, sous la plume experte de Gilles Perrault :

     

    "Les dernières années du règne de Louis XV" (mort en 1774, pour les élèves de Première S qui ne font plus d'histoire parce que ça rend plus intelligent pour les maths) "avaient été néfastes à la marine. "En 1774, à la mort du roi, on était loin de la situation qui avait tant réjoui le comte (Charles) de Broglie" mort en 1781 et chef du cabinet secret "lorsqu'il avait fait l'inventaire des forces navales de la France deux ans après la fin du désastreux conflit : "Votre Majesté, écrivait-il le 21 février 1765", soit deux ans après notre glorieuse perte du Québec, "verra peut-être avec étonnement dans le tableau explicatif de cette reconnaissance que sa marine militaire et marchande n'est pas dans l'anéantissement où ses ennemis la désirent et la croient, et où toute l'Europe et les Français même la supposent." Mais le ministère de l'inepte Boynes avait annulé l'œuvre dereconstitution entreprise par Choiseul et et son cousin Praslin" qui donna son nom à nos pralines.

     

  • Bordonove, en avant-première à mon émission

     

    BORDONOVE CHARLES CINQ

     

     

     

    L'Autriche, l'Espagne, auront Charles-Quint, régnant dès son accession au trône sur un vaste domaine , où "le soleil ne se couchait jamais", et ne cessant de vouloir l'agrandir ou le préserver. La France, plus tôt, en pleine Guerre de Cent ans, posséda Charles V, posséda Charles V, qui ne possédait pas beaucoup : juste les restes d'un tout petit royaume capétien, ravagé par trente ans de raids Anglais, comme celui du Prince Noir et de son massacre de Limoges (et non pas "génocide" M. Bordonove, attention à votre vocabulaire). Ce Charles V dit "le Sage", célèbre pour sa bibliothèque d'érudit (au moins 35 volumes !) et son esprit obstiné, réussit, depuis ses bureaux, sans se mettre physiquement à la tête de ses armées (une paralysie de la main droite, suite sans doute d'une tentative d'empoisonnement, l'empêchait de chevaucher correctement), à reconstituer son royaume, province après province, grâce aussi à l'aide du vaillant connétable Du Guesclin, dont plus personne n'apprend les exploits, parce qu'il ne faut pas exalter le fascisme en stigmatisant les populations immigrées.

     

     

     

    De plus, bien que notre nouveau roi possédât la ténacité, la ruse, le sérieux des Capétiens qui s'étaient succédé sur le trône depuis Hugues Capet, ce n'en était plus un: en effet, depuis la mort de Philippe le Bel et de ses trois désastreux successeurs, trois frères, il n'y avait plus de mâle pour monter sur le trône de France. Le trône devait revenir à la fille de Louis X le Hutin, que ce dernier croyait bâtarde. Les fascistes qui ont regardé le feuilleton des Rois Maudits savent ou croient savoir que les héritiers se sont alors fendus d'une loi artificielle nommée Loi salique, excluant les filles du trône, et même les fils des filles : aucune femme ne pouvait ceindre la couronne.

     

    Or n'en déplaise à nos bien chères sœurs dans le vent féministe, il ne s'agissait pas d'un grossier faux,Le coq à tête d'homme.JPG machiste, mais d'une réflexion visant à empêcher ladite donzelle d'épouser un prince étranger, ôtant toute chance à la France de devenir la France : notre pays serait gauchistement passé sous la bienfaisante domination étrangère. Et c'est ainsi que monta sur le trône, avec ses pieds sales, Philippe VI de Valois, fils de Charles de Valois, frère cadet de Philippe le Bel. Philippe VI était un vaillant guerrier, pas très futé de la comprenette, mais amoureux du panache et des grands faits d'armes individuels et portatifs, à l'ancienne, complètement dépassés. Et en prenant parti dans la révolte des tisserands flamands, dont les clients étaient de tous temps les Anglois, il déclencha, le malheureux ! la guerre de Cent ans.

     

    Ce n'était certes pas sa faute, mais tout de même, après la défaite Crécy, après la Peste noire qui coucha sous terre un tiers de la population européenne, après la défaite de Poitiers en 1360 où son successeur Jean le Bon fut fait prisonnier, la pagaïe la plus sombre régna en France. Charles V fut régent à la place de son père, et dut affronter la révolte d'Etienne Marcel, prévôt des marchands, que nos révolutionnaires ont assimilée à la première manifestation de la démocratie contre un pouvoir tyrannique monarchique, alors qu'il ne s'agissait que de remplacer les seigneurs par les drapiers, lesquels se fussent aussi abondamment servi dans le trésor tout en se battant entre eux. Le jeune Charles V les reçut dignement, négocia dignement, malgré leurs mauvaises manières quelque peu sanglantes, et les roula dans la farine, exécutant de ci de là quelques meneurs. Et le peuple, celui qui ne comprend rien mais préfère travailler dans le calme, se mit à aimer ce petit roi qui ne payait pas de mine : car le roi, n'en déplaise à certains, constituait alors une garantie d'autorité, de stabilité, cautionnée par les fascistes ecclésiastiques, et s'attaquer au roi n'était rien d'autre qu'un sacrilège, une offense à Dieu qui n'existe pas, comme nous en sommes persuadés, parce qu'il ne faut pas nous la faire (en Tardenois).

     

    Lorsque le vaillant Bertrand Du Guesclin et son cousin, vaillants Bretons, eurent chassés les Grandes Compagnies de soldats désœuvrés en Hispanie pour s'y conquérir des châteaux, d'où l'expression "châteaux en Espagne", le pays de France poussa un grand ouf, et lorsque Charles V mourut en 1380 à l'âge respectable de 42 ans, tout était pacifié. Il avait au passage légué sa bibliothèque à ce qui deviendrait plus tard la Bibliothèque Nationale. Si je lis l'article de Wikipédia, j'y glane encore ces quelques informations : il fut comparé à saint Louis par son sens de l'Etat ; il isole l'Angleterre du reste de l'Europe ; il lit la Bible entière chaque année "à raison de quelques pages par jour"

     

    Il eut pour fils le brillant Louis d'Orléans, qui fut assassiné, ainsi que son frère aîné Charles VI le Fol ou le Fou, car après lui, le pays se mit à resombrer. Le règne de Charles V ressemble à toutes les histoires de rois ou de dirigeants, par une accumulation énorme de faits oubliés par chacun, formant un gigantesque écheveau, où tout se tient où tout s'embrouille, où seule une intelligence supérieure et un beau sang-froid permet de pêcher le meilleur au bout de sa ligne et de rouler chacun sans se faire trop d'ennemis. L'index final nous promène de ducs en sénéchaux, de comtesses en épouses répudiées, de faits d'armes et de trahisons, avec une moyenne d'âge de 45 ans au décès.

     

  • Anna Sam et les clients couillons

     

    Ne généralisons pas. Respectons d'un côté, sachons supporter de l'autre. Payons un peu plus, chers patrons et vice-sous-chefs vicieux ; laissons des temps de pause et n'obligeons pas les caissières à dire au téléphone « code 127 » pour aller pisser discrètement, après trois quarts d'heure d'attente (« retiens-toi, on est en surchauffe, là »). Les employés entre eux sont le plus souvent solidaires, et si chacun y met un peu du sien, les souffrances pourront être endurées, voire fortement diminuées, pour faire de ce métier sinon une sinécure du moins une fonction sociale respectant la dignité. Voici un passage, en exclusivité sur la Clé des Ondes : « Au lieu de passer dix minutes pour faire votre caisse le soir, » - votre journée n'est pas terminée quand le magasin ferme, petite naïve - « vous en passerez quinze grâce à toutes les pièces de 1 mais aussi de 2 et de 5 centimes » - ah, les prix à x,99 euros ! et ça marche!) - « que vous aurez récupérées dans la journée. Et vos doigts seront à la fin recouverts d'une légère couche de cuivre mélangée à... de la crasse.

     

    « - Plus de cinquante fois par jour, vous serez obligée de réponde aux questions et réflexions suivantes :

     

    Client

     

     

    Aurillac ouatique.JPG

    19,99 euros ? Vous pouvez pas dire 20 ?

     

    Caissière

     

    Ben, non. Mon métier est justement de vous donner le montant exact à payer.

     

    Client 

     

    Vous pouvez pas faire des prix ronds ?

     

    Caissière 

     

    Ce n'est pas moi la responsable, allez voir ma direction.

     

    Client » (grand prince) 

     

    « Gardez la monnaie.

     

    Caissière

     

    C'est gentil ! Mais nous n'avons pas le droit d'accepter de pourboire, aussi petit et généreux soit-il.

     

    Client

     

    J'en ai marre de toutes ces petites pièces dans mon porte-monnaie.

     

    Caissière

     

    Mettez-les de côté pour Bernadette Chirac (et ses pièces jaunes, si le client ne percute pas)

     

    Client

     

    Il me manque 1 centime, vous pouvez m'en faire cadeau ?

     

    Caissière

     

    Désolée, j'aimerais bien, mais ce n'est pas possible. « 

     

     

     

    Eh oui, c'est le paradoxe » - bien sûr, c'est exagéré, mis en scène, relevé pour ne pas être plat, mais la lecture en est rendue plus agréable.

     

    « Sans compter que DixNeufEurosQuatreVingtDixNeufS'ilVousPlaît se prononce beaucoup moins vite que VingtEurosS'ilVousPlaît. À la fin d'une journée, ce temps perdu doit représenter environ deux ou trois clients en moins par caissière. Si j'étais directeur de grande surface, je m'en inquiéterais.

     

     

     

    « Flash Info (rumeurs et autres cancans)

     

    « Aux dernières nouvelles, la Banque de France serait en rupture de stock de petites pièces. Trop de Français (et d'Européens) les garderaient chez eux dans des bocaux ou des tirelires (chouette déco...). Il serait question de les supprimer. Réjoussez-vous, chers clients, les prix devraient « s'arrondir » un jour.

     

     

     

    Mes caisses, mes amours

     

    « Vous vous la coulez douce derrière votre caisse ? Vous ne faites plus qu'une avec elle, vos gestes sont devenus automatiques, vous n'avez plus à réfléchir à quoi que ce soit, vous n'espérez ni

     

    ne craignez plus rien ? Attention ! un terrible danger vous guette : votre direction choisira ce moment pour vous envoyer derrière la caisse de la station-service en remplacement. Et alors là, bonjour la panique ! Vous serez complètement perdue.

     

    « Pour que le choc ne soit pas trop violent, pour vous y préparer psychologiquement, voici les principales épreuves qui vous attendent.

     

    « Vous devrez affronter une caisse différente de la vôtre, des clients qui veulent acheter des bouteilles de gaz, qui viennent se plaindre parce que les pompes à essence ne fonctionnent pas, qui klaxonnent comme des malades parce que vous êtes trop lente, qui vous intoxiquent avec leur pot d'échappement... Surtout, abstenez-vous de faire du zèle de politesse, ils détestent ça.

     

    « Client 1 – Caissière 0 » - suit une anecdote sur un voleur d'extincteur... qui n'a que le temps de courir éteindre sa propre bagnole en flammes près du dépôt de bouteilles à gaz... Nous vous en avons passé d'autres et de meilleures, que vous soyez caissière (c'est à vous en priorité que ce livre s'adresse, à la deuxième personne, et c'est plus drôle comme ça) ou clients de bonne volonté. Alors passez de bons moments avec votre propre misère ou celle des autres, exposée avec le sourire dans Les tribulations d'une caissière », par Anna Sam, Livre de poche 31358...