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Brigitte vejo, vejo (je vois)

 

Depuis quatre jours je dévore les Mémoires de Brigitte Bardot, et ne saurais dire pourquoi, tant mes préjugés m'interdisent de le faire. C'est un livre excellent. La vie et la gloire sont tombés sur Bardot sans qu'elle les ait demandées. La réaction des moralistes de tout poil sera qu'elle a bien cherché ce qu'elle a subi, qu'elle se foutait de la misère du monde en accumulant les millions. Mais les traitements inhumains et barbares que lui ont infligés les meutes de Paparazzi l'ont rendue extrêmement dure envers l'humanité, qu'elle traite de ramassis de dégueulasses. Qu'elle soit à présent du parti de Marine m'indiffère, et je comprends très bien sa rapide évolution : trop d'agressions, trop l'impression d'être un tas de viande qu'on piétine.

 

Elle n'était pas actrice. Elle faisait ce qu'on lui disait de faire. Elle passait d'un homme à l'autre avec volupté et sincérité. Elle a payé de sa vie sa liberté. Elle dit des sottises et des banalités. Mais on ne peut que l'approuver. Elle a aimé la musique classique avec Sami Frey, qui perdit ses parents à Auschwitz, il avait onze ans. Brigitte me bouleverse enfin, ce n'était qu' « une fille toute simple ». A présent personne ne la pourchasse plus. L'époque et son physique ont beaucoup changé. Elle dit toujours ce qu'elle pense, avec des plaisanteries de potache. Elle aime la musique brésilienne. Elle déploie une énergie dingue. Je lui écrirais volontiers, mais les relations que l'on amorce doivent se développer sincèrement, et je suis trop glacé – elle aussi à présent.

 

Le texte parle de Sami Frey : « En voulant tout garder, j'allais tout perdre ». Exact. Ne dis pas si tu aimes un autre homme, ou tu les perdras tous les deux. Je me demande qui j'ai pu perdre ainsi. « J'avais Sami au téléphone, j'allais le retrouver demain, je ne le quitterais plus jamais » - personne ne me fait cet effet. Tout téléphone me semble usurpation, vol de temps. J'aimerais revenir où que ce soit, me refaire des amis, des amantes, et rejouer sans cesse la même pièce, quitte à être impulsif, car décide-t-on de son évolution ? Pourquoi faudrait-il évoluer ? « ...il était mon amour, ma conscience, ma racine » - constance de cette « racine » dans les méditations de Bardot. Rien dans cette biographie qui ne soit de Bardot, jusqu'à ses inflexions de voix comme on le dit en quatrième de couverture : « mon espoir désespéré, ma vie, ma mort, il était le temps et l'infini ».

 

Et parce que c'est Brigitte Bardot, ce devrait être ridicule ? interdit ? Je compte bien lire tout ce qu'elle aura écrit, car nul projecteur n'est allé plus profondément qu'elle-même en elle. BB possède une vitalité, une hargne, une faculté de récupération extraordinaire. Mais aussi une rigidité logique : l'art nègre, l'art égyptien, sont par elle rejeté en raison d'une anecdote définitive, qui l'a marquée, imprégnée. Et d'autre part, comme elle aura aussi aimé ! « Je pleurais me maudissant d'avoir pu le trahir, je me sentais sale et dégoûtante. » Jamais un homme ne ressent cela. Pour lui, la polygamie est une seconde nature gratifiante. Je n'ai jamais trahi, mais les autres, si ; cette paranoïa nous rapproche elle et moi. Toujours à protester, à se poser en victime. Ayant su lire le latin dans le texte, et coucher avec Vadim jusqu'au mariage, alors que les parents menaçaient son fiancé avec un revolver. Il me semble que je suis en elle. Intus, et in cute. « J'envoyais des coups de pied dans les disques de bossa nova qui traînaient par terre, je me précipitais à la Petite Madrague où Jicky et Anne me regardaient, ahuris, débarquer en larmes » - ne jamais traiter légèrement une femme ayant tant pleuré, tant frôlé le suicide, subi de telles agressions et dépréciations.

 

Je voudrais qu'elle poursuive tous ses combats, dussent-ils être perdus - « mon sac de voyage à la main, leur annonçant que je fermais la maison et partais retrouver Sami par le premier avion le lendemain ». Qu'elle soit toujours aimée.

 

Rocs et mer.JPGToujours cette incertitude à ne pas savoir ce qu'il faut penser de Bardot, tant il est vrai que les opinions nous préoccupent bien plus que les faits... Exemple : le fameux mariage en 66, le 14 juillet (le lendemain du mien, dont la presse n'a pas parlé) avec Günther Sachs, richissime séducteur germanique. Il la présente à sa mère, qui se demande pourquoi elle n'a pas le costume bavarois. Brigitte n'a jamais pu apprendre que Guten Tag et Grüßgott. Passées les folies médiatiques, BB s'aperçoit qu'elle a épousé un coureur de première et de jupons, avec lequel, sur trois ans de mariage, deux mois de vie conjugale ont dû constituer un maximum par petits morceaux. Il est même revenu un 15 août, le matin, après un prétendu rendez-vous d'affaire urgent, avec un baise-en-ville à la main, bref le foutage de gueule intégral. Brigitte écrit des conneries, mais aussi, elle fait la fête, moi non plus, d'en prend plein la tête question vie sentimentale parce qu'avec Brigitte Bardot certains estiment qu'il n'y a pas de raison de se gêner.Brigitte prend la main de Gainsbourg sous la table j'ai bien dit la main, ils ne se sont plus quittés jusqu'au tournage du western Shalako près de la ville espagnole d'Almeria (elle ne dit plus qu'un seul mot : Almeria). Ce n'est plus que champagne, vie de vedette et atroces contraintes. Pas un mot sur ce qu'est le travail de l'artiste, l'exact antipode de Terzieff qu'elle ne fait que mentionner dans A cœur joie. Il lui a demandé un jour pourquoi elle s'entourait d'une telle quantité de cons ; elle a répondu que tous ces cons étaient indispensables à sa carrière.

Et leurs relations en sont demeurées là, sans perte pour l'un ni pour l'autre.

 

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