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der grüne Affe - Page 136

  • Le viol d'un jeune homme espagnol

     

    COLLIGNON HARDT VANDEKEEN

     

    L E V I O L  D ' U N J E U N E  H O M M E  E S P A G N O L

     

     

     

    "Ce que vous dites sur les prostituées de terrain vague ne me surprend pas. Ainsi -

     

    penchez-vous un peu - dans cette encoignure, sous ma fenêtre, on a violé un jeune homme

     

    espagnol.

     

    - N'avez-vous pas appelé la police ?

    La Jordanne à St-Simon.JPG

     

    - Que pouvions-nous faire ? " 

     

     

    ...Tanger en pointillé : sur le plan, une quantité de rues, de places, de ronds-points, 

    baptisés et disposés selon les canons de l'urbanisme. Seulement, depuis le rattachement

     

    de la zone franche au Royaume, l'argent manque. Entre les rues Vermeer et Tolstoi,

    au centre ville, s'étend un terrain vague oublié. On y pénètre par un trou du mur d'enceinte.

     

    Dès l'entrée, le sol se gonfle de bosses de terre, craquantes de tessons de verre.

     

     

    - Ils l'ont violé à sept, à sept ils s'y sont mis. Sous ma fenêtre. Ou en

    face, je ne sais  plus.

     

     

     

    Le jeune homme espagnol un soir descend la rue sans méfiance, avec trois

     

    camarades. La discussion est animée. On rit de tout. Mais leur façon de rire est différente. Deux

     

    autres, puis deux, par hasard, des cousins, de vingt à trente ans. Les lampes brillent. Les

     

    plaisanteries tournent mal, les coudes se heurtent, l'Espagnol comprend qu'on tourne ses

     

    bons mots en dérision.

     

    C'est un jeune homme de quinze ans, brun, les joues mates et pleines, il a de grands yeux  et les cheveux plaqués. Les autres, des grands Marocains secs, l'entraînent par la brèche

     

    avec des mots durs et il se défend, il repousse les bras, il menace en forçant la voix. Il croit qu'on veut lui casser la gueule.

     

    "...et il criait ! et il pleurait ! il en faisait, une histoire ! "   

    On lui maintient les bras dans le dos, et puis on se ravise, on les tire en avant, il lance des  ruades dans le vide. Quand on l'a fait basculer, quand ils ont immobilisé ses jambes,

     

    il a commencé à crier, car il a compris ce qu'ils veulent. Ce sont d'indignes sanglots, des supplications - les autres, excités par les

    cris, s'exhortentdans leur langue et couvrent sa voix, l'insultent,

    halètent et le dénudent.

     

     

     

    "...et il appelait sa mère ! il appelait sa mère ! " Madre ! - le pauvre

    jésus ! comme il était mignon ! " ¡ Madre ! ¡ Madre ! La mère ne vient

    pas. Elle n'est pas de ce quartier. Les cris s'étouffent entre les mursdes cinq étages. L'enfant pleure. Les autres hurlent, se disputent les préséances :

    à qui tiendra les jambes, à qui le tour, certains préfèrent l'étroitesse,

    d'autres le confortable,  le jeune homme pleure. Il a cessé de supplier,

    il ne se débat plus. Ce n'est plus drôle.

     

    Il n'entend plus que les pensées qui se battent dans sa tête en une seule immense  sensation confuse de chute et d'une mère qui ne

    viendra plus Dieu merci, à qui jamais plus il ne se  confiera surtout ce début de plaisir ressenti, ce destin sans fissure où l'enfoncent encore

    à  l'instant ces coups sourds qu'il ne sent plus l'atteindre et la boue apaisante coulée dans son  corps.

     

    "Vous avez regardé tout ça sans broncher, penchés à vos balcons sur

    cinq étages, sans  intervenir ? À vous rincer l'œil ?

     

    "Viens voir ! qu'est-ce qu'ils lui mettent ! pauvre enfant

     

    "Mais qu'est-ce que tu crois ? Qu'est-ce qu'elle aurait donc pu faire,

    ta police ? Tu  t'imagines qu'en téléphonant tu l'aurais fait venir plus

    vite ?"

     

    "...Chaque seconde durait des siècles... »   

    "...On voit bien que tu ne connais pas ces gens-là ! Ils se soutiennent

    tous, va ! Tu penses  bien qu'on n'aurait jamais retrouvé personne !

     

     

     

    ...Je jure que je les aurais tous reconnus, tous les sept, dix ans après...

     

     

     

    "...On serait passés pour quoi, nous autres ? Encore heureux si on ne

    s'était pas fait  enculer! "

     

    Ils me gueulent dessus, les adultes, à même le corps, ils me

    dépassent de deux têtes, leurs yeux sont injectés de sang, jamais je

    n'ai vu à ce point la haine de près, la véritable pulsion du meurtre,s'ils

    n'y avait pas mes parents leurs amis me tueraient, ils me font taire,

    mes parents, il est jeune, il ne comprend pas, il faut l'excuser, on est

    en visite, ce n'est tout de même pas un petit merdeux de quinze ans

    qui va gâcher la soirée, pour une fois que les Charby nous invitent (...)

     

    ...Pedro Vasquez, homo à Lérida, l'extrême nord de l'Espagne, le plus

    loin possible, avec  tout un passé de vieille tante - la cinquantaine aux

    tempes argentée - bien ri, bien bu au bar, beaucoup aimé, frappé les

    putes qui ne sont jamais, jamais venues à son secours, qui ne lui ont

    jamais donné ce plaisir qu'elles éprouvaient jadis peut-être, quand

    elles étaient femmes...

     

  • Les Métamorphoses d'Ovide

     

    Revenons au texte :

     

    "Il cherche à saisir tantôt mon cou, tantôt mes jambes promptes à lui échapper, ou du moins il en a l'air, et il m'attaque de tous les côtés. Mond poidqs me protège et rend ses assauts inutiles ; ainsi un bloc de rocher que les flots assiègent à grand bruit reste immobile, défendu par sa propre masse. Nous nous écartons un instant l'un de l'autre, puis de nouveau nous nous rapprochons pour reprendre le combat ; nous nous tenons debout sur place, résolus à ne pas céder ; mon pied touchait son pied ; ma poitrine penchée tout entière en avant, je pressais ses doigts de mes doigts, son front de mon front. C'est ainsi que j'ai vu deux vaillants taureaux fondre l'un surl 'autre, quand ils se disputent le prix du combat, la plus belle génisse de tout le pâturage ; le troupeau les contemple effrayé, ne sachant pas auquel est réservé, après la victoire, une si glorieuse royauté. Trois fois Alcide tente sans succès de rejeter loin de lui ma poitrine qui le presse ; la quatrième fois, il s'arrache à mon étreinte, dénouent mes bras qui l'enlacent et (puisqu'il faut confesser la vérité), me faisant tourner sur moi-même d'une brusque poussée, il s'attache à mon dos de tout son poids. Vous pouvez m'en croire (je ne cherche pas en ce moment à me glorifier par des mensonges), il me semblait que j'avais sur moi une montagne qui m'accablait. Cependant je réussis, quoique avec peine, à glisser entre mes bras ruisselants de sueur et à dégager mon corps des terribles nœuds qui l'enfermaient ; j'étais haletant ; il me serre de plus près, m'empêche de reprendre mes forces et me saisit à la gorge ; alors enfin je touche la terre du genou et ma bouche mord la poussière."

     

    Les Métamorphoses sont donc prétextes à récits, à digressions de toutes sortes. On se laisse ravir, c'est la vanité de la vanité de la littérature dans son application parfaite. Tout est en charme, je termine par Atalante :

     

     

    Hibiscus.JPG

    "Le plus agité recevra pour prix de sa victoire ma main et mon lit : ceux que j'aurai devancé paieront de la vie leur défaite ; telle sera la loi du concours." Cette loi était barbare ; mais elle n'empêcha point (si grande est la puissance de la beauté !) qu'une foule de prétendants téméraires n'accourût s'y soumettre. Hippomène était venu s'assoir parmiles spectateurs de cette lutte inégale : "Est-il possible, disait-il, que l'on affronte un si grand péril pour conquérir une épouse ?" et il avait blâmé l'amour insensé de ces jeunes hommes. Mais il voit le visage d'Atalante et son corps dépouillé de ses voiles, tel que le mien, tel que serait le tien (...)" – et ici intervient une note : "Les bouts des lacets qui retiennent ses sandales" – "derrière ses pieds légers ; on voit voltiger ses cheveux sur ses épaules d'ivoire, et sous ses jarrets, les bandelettes, bordées d'une broderie, qui ornent ses genoux ; la blancheur virginale de son corps s'était colorée d'incarnat, comme les blancheurs d'un atrium reflètent le vélum de pourpre qui les couvre" – ici la note "Le vélum rouge a été tendu au-dessus de l'atrium de marbre blanc poiur le préserver du soleil".

     

    "Pendant que l'étranger observe ce spectacle, la borne a été franchie à l'extrémité de la carrière ; Atalante victorieuse reçoit sur son front la couronne des fêtes. Les vaincus poussent un gémissement et subissent la peine convenue".

     

    "Cependant, sans être effrayé par leur triste sort, Hippomène s'est dressé au milieu de l'arène et, fixant ses regards sur la jeune fille : "Pourquoi, lui dit-il, cherches-tu un titre de gloire dans un facile triomphe sur de si faibles adversaires ?"

     

    Atalante donc première à la course et non pas péniche. Tout se dérobe, tout est labile, rein n'est fixe, ne comptez sur rien, jouissez de l'instant : un jour vous serez animaux. Aucune métamorphose dans mes extraits. C'est bien fait. Lisez les Métamorphoses d'Ovide, vous serez toujours surpris.

     

  • Ory-Sirinelli

     

    Dreyfus, à nous deux. A nous tous. L'affaire n'a pas créé le nationalisme, fortement regonflé aux lendemains de la défaite soixante-dixarde, mais elle en fut l'aboutissement et le nouveau point de départ. Ce qu'il faut retenir, c'est que la gauche, jusqu'ici nationalise et revancharde, en vint, dans sa composante radicale tout au moins, à défendre l'armée, ce qui est encore logique, mais aussi les institutions, et l'idée de Nation en elle-même. Basculement progressif donc mais bien net vers des positions nationalistes peu compatibles plus tard avec une défense de Dreyfus. Et l'affaire conclue, le patriotisme régna sur une grande partie de la gauche, passée belliciste.
    En revanche, la gauche non radicale mais d'inspiration marxiste, comme Jules Guesde et, d'une autre façon, le courant jauressiste, demeura pacifiste, l'un par indifférence aux conflits bourgeois, l'autre par internationalisme syndicaliste. Et le bellicisme, incarnation même de nos jours d'un droitisme liberticide, se retrouva, aux yeux de certains (pensons à Péguy), imprégné d'une idéologie de révolte contre l'ordre établi, ses pesanteurs, ses hypocrisies, et ses dégradations des idéaux par le politicardisme. L'ouvrage Les intellectuels en France, de Dreyfus à nos jours, ouvre des pistes touffues. Mais ces considérations historiques de haut niveau développées par Sirinelli en ce chapitre III, « Clercs en Guerre mondiale », permettront d'élever le débat s'il y en a un, avec nos amis et nos proches.

    Ferme cantalaise.JPG

    Je pourrais même me permettre de conseiller ou d'offrir ce livre. Et voici donc, dans la foulée de l'Affaire Dreyfus, l'épreuve du feu, celle de Quatorze, qui vit un rassemblement unanime de tous les Français, quelles que fussent leurs opinions. Sirinelli commence par établir un bref parallèle avec la guerre 40 : il évoque l'ampleur de l'épuration, signalant l'aspect furibondement idéologique de ce dernier conflit. Mais en Quatorze aussi, la victoire de la gauche nationaliste aux élections du printemps montre à quel point cette dernière était imprégnée de patriotisme et s'inquiétait, déjà, de la dissolution de l'identité française.

     

    Petit à petit de nos jours le nationalisme gagne du terrain sous la pression d'une certaine évidence, et nous redoutons désormais, même rue de Solférino, une dissolution du sentiment français ; le jour où la gauche sera convaincue de la nécessité de combattre l'intégrisme islamique, la guerre sera juste à point. Mais l'analogie doit tenir compte que les Prussiens n'étaient pas nombreux en France, tandis que les musulmans le sont, et redoutent autant que les autres l'installation d'une fantasmatique république islamiste. Ce qui nous éloigne du propos de Sirinelli, parent de mon vieil examinateur d'agrég. La largeur de la faille qui (…) parcourt (la famille intellectuelle). Quatorze-Dix-Huit est une guerre propre : franche et nette (« Moi mon colon celle que j'préfère... »), avec des deux côtés l'unité idéologique.
    Celle de Quarante, côté français, regorge de défaitisme idéologique (les nazis ont éliminé physiquement chez eux cette mouvance) : il y aura même des Français pour se réjouir de la victoire hitlérienne, comme il y en a eu pour souhaiter la victoire de Saddam Hussein. La Guerre 40 est une guerre purulente.

     

    Ce pus infecte encore aujourd'hui le débat idéologique, où l'on n'a de cesse que l'on ne se soit envoyé Hitler à la figure. La mémoire n'a retenu de la guerre 14, pour ce qui concerne les clercs, que le martyrologe d'écrivains ou de savants fauchés au seuil de leur vie créative ou la liste d'intellectuels plus âgés qui auraient donné de la voix pour exhorter la génération des tranchées à bien mourir – j'avais écrit étourdiment « pourrir »... Quatorze-Dix-Huit a sonné le glas des idéologies républicano-révolutionnaires, emplies de prosélytisme et d'antibourgeoisisme.
    Pensons à Romain Rolland, auteur d' Au-dessus de la mêlée, certes bien admiré mais critiqué aussi, isolé en Suisse de tout inconvénient majeur.

     

    Respectons aussi le pacifisme de Jean Guéhenno, qui accuse les gouvernants d'avoir poussé les plus jeunes et les plus vaillants non pas vers la vie qui bouillonne, mais vers les entrailles qui se répandent. Ce qui fait que la guerre Quarante, juste après, fut abordée dans un frémissement d'horreur : il allait falloir « remettre ça ». En 45, les idéologies se trouvaient encore en place, chacune rejetant sur l'autre la responsabilité des horreurs : la faute aux nazis, ou la faute aux cocos... Est-ce tassé aujourd'hui ? On avait pu le penser, mais non... Fin (pour l'instant) du parallélisme plus que hasardeux entre Quatorze, Quarante, et Deux mille treize. L'un, quoique non spécifique aux clercs, est bien réel.

     

    Les clercs s'apparentent à Julien Benda, qui publiait en 1927, contre les siens donc, La trahison des clercs – d'abord bellicistes, puis, un peu tard, pacifistes, puis de nouveau bellicistes devaznt Adolf - depuis quand les intellectuels seraient-il pacifiques ? La guerre 14 laissa effectivement au flanc de cette classe des trous béants (pour mémoire : de la Ville de Mirmont, Péguy, Alain-Fournier, Louis Pergault) et elle en remodela la pyramide des âges,avec des conséquences profondes sur les rapports entre générations. J'ai encore en mémoire l'immensité la des listes sur les monuments aux morts, en particulier dans l'Aveyron, et à Murat (Auvergne) - «l'avoir élevé jusque là pour le voir mourir à la guerre », et Montherlant de rétorquer, en substance, que c'est toujours mieux que de l'avoir élevé pour qu'il devienne un ignoble petit-bourgeois... Finalement, c'est la droite qui va passer du pacifisme au patriotisme révolutionnaire. Problème n° 1, juste après la guerre 14. L'autre problème s'intègre aussi dans un contexte plus large (celui des vieux croûtons, de droite comme de gauche, qui chantaient leurs hymnes guerriers ; le professeur d'A l'ouest rien de nouveau se fait si j'ai bonne mémoire violer par les survivants de sa section qui le retrouvent confortablement installé dans les bureaux de derrière l'arrière).

     

    Simplification abusive donc des raisonnements : nous n'avons que la vie, la mort c'est dégueulasse, la guerre c'est condamnable. Fin en tout cas du napoléonisme révolutionnaire exaltant le héros. Naissance de l'absurde dada. La durée de la guerre, sa transformation progressive en guerre totale, la nécessité, dès lors, que l' « arrière » tienne (d'où les tirades lyriques , destinée bien plus aux tourneuses d'obus et aux chefs de gare « mobilisés sur place » comme le père de mon père, tirades qui mettaient les permissionnaires et autres sursitaires en fureurs homériques), autant d'éléments qui modifièrent les conditions d'expression des gens de plume, écrivains et journalistes. Retournements de vestes incessants, de droite à gauche, de gauche à droite, au nom du principe de réalité. L'affaire Dreyfus, qui ne fut pas uniquement menée par les intellectuels loin de là, fut au contraire bien plus marquée par un idéologisme pur et dur. Il existe une expression remarquable dans le livre d'Ory et Sirinelli : les réactions des intellectuels, depuis Zola et même Hugo, sont aux sentiments du peuple ce que l'électroencéphalogramme (1929) est à l'électrocardiogramme (1902) ; les mouvements de cœur populaires se traduisent par les mouvements de l'esprit philosophique. Et la crise suivante marquant les intellectuels, après les émeutes fascistes et antifascistes de 1934, pas toujous favorables à la démocratie d'ailleurs, se dénoua en partie par l'établissement du Front populaire sur fond de Guerre d'Espagne : il fallait en priorité que les forces de gauche acquissent un corpus théorique de la même ampleur que celui des antidémocrates à peu près hitlérophiles (s'ils s'étaient contentés d'être haltérophiles, encore...) ; l'ouvrage historique en question analyse les activités politiques et journalistiques du temps, ainsi que nous le verrons par le texte en réserve sous le coude. Blum commença par l'anarchisme ; il finit par incarner une certaine voie médiane, en proie aux sirènes staliniennes : «Cette participation à l'action culturelle sur le terrain conduit quelques intellectuels à exercer des responsabilités au sein de l'appareil d'Etat. Administateur de la Bibliothèque Nationale, Julien Cain est auprès de Léon Blum un conseiller écouté en matière de culture, et l'écrivain Jean Cassou est en fait auprès du ministre de l'Education Nationale Jean Zay le principal organisateur de la politique officielle des arts plastiques en 1936-1937.

     

  • Onirica

     

    50 11 27

     

    J'ai tant besoin de mon corps complémentaire. De mon corps comme reste, excroissance, résidu de l'esprit, mais seul véritable. Simplement la prochaine fois je prendrai une femme qui ne pense pas. Tant de messages notés dans l'urgence, jetés après six semaines ; tant de commentaires enamourés de soi. Que faire de tous ces « bonheurs d'écriture” ? Repente pertruatur. Berdé moralister évencté - Sagolas de perso lamaltibus latinum popinae.

    Escalier sur les voies de Caen.JPG

     

     

    Seges actéôn sogastaque leniant. Adque praepotentem regere ligna sinant, dum molities inter aedes Paphlagoniam erithursentes. Latinum verum.

     

     

     

    50 11 29

     

    Comment peut-on ainsi passer toutesa vie au lit ?

     

     

     

    50 11 30

     

    « Ma mère a pissé au lit. Tout est détrempé : je dois tout nettoyer » : une telle épreuve me fut épargnée. Mais en la nourrissant de compote sur son lit de mort, recueillant sur ses lèvres les bavures et les redirigeant vers sa bouche, je me suis soudain détourné pour pleurer, pensant à cette inversion des rôles, aux deux bouts de la vie.

     

     

     

    50 12 01

     

    Je marche (je suis une jeune femme) dans une ville coloniale munie de grands terrrains vagues. Je chante d'une voix très claire. Les hommes se tiennent à distance. Mon chant doit à la fois les charmer et les éloigner. Les paroles sont dans ma langue. Au moment où je traverse un long terrain vague au sol gris d'argile très fine, un rideau ou plutôt un store géant s'abaisse devant moi, m'emprisonnant. Cela devient l'intérieur d'une pièce. Un vieux monsieur corpulent et paisible s'assied près de moi sur un banc, une petite fille nous regarde d'un air de blâme ou de méfiance, je continue à chanter “Motchisvo” (“Liberté”). C'est un grand apaisement, il me semble que je peux avoir confiance en cet homme.

     

     

     

    50 12 01

     

    Ce jour-là j'étais femme, dans une ville coloniale aux nombreux terrains vagues : ainsi à Tanger, les rues étaient déjà tracées sur le plan, toutes en pointillés, déjà nommées. C'étaient des chemins de crête poussiéreux, entre les immenses cuvettes carrées figurant les fondations, envahis de sable, de flaques et de chardons, où les enfants dépenaillés se poursuivaient en hurlant ; sur les sentiers d'en haut passaient les petits ânes trottinant et surchargés, frôlés par les badines des âniers à pied. Aux abords de l'agglomération, certaines parcelles ainsi cadastrées se sont construites en résidences de type européen, jusqu'à ce que, petit à petit, le tissu urbain se soit complété. Mais en pleine ville fréquemment nous trouvons encore des espaces clos de palissades, à l'abri desquelles se cachent plus ou moins des trafics ou des viols, sous les fenêtres éteintes et décalées des pièces arrière. Et dans cette ville je chante seule d'une voix claire, tandis que les hommes m'observent, à distance prudente : mon chant les charme, les ensorcelle et les tient à distance, désirants et respectueux. Il ne comprennent pas car c'est ma propre langue dont je me sers, connue de moi seule, régulièrement pratiquée, selon certaines règles que je suis seule à connaître. Voici ce long rectangle de sol gris et poudreux comme du talc d'argile, terrain vague immaculé, sans touffe d'herbe ou trace d'animal. Et je ne peux aller plus loin : descend du ciel à mon insu un fin rideau ou store qui m'emprisonne.

     

    C'est ainsi que je deviens intérieure. Un vieux monsieur corpulent et paisible s'assied près de moi sur un banc, une petite fille nous regarde d'un air de blâme ou de méfiance, elle est venue seule, de temps en temps la porte s'ouvrira et le médecin appelera doucement le consultant suivant ; je recouvre donc toute ma confiance et je me remets à chanter dans ma lanue l'Hymne à la lilberté, « Immotchizvo ». L'apaisement se répand sur le petit auditoire. La petite fille se met à sourire. Le vieil homme également. Il me semble que je peux avoir confiance en cet homme. D'où sont-ils venus l'un et l'autre, par des routes différentes ? Ont-ils été capturés dans les filets de l'au-delà ? Qui est ce médecin qui nous observe assurément, de l'autre côté, pour étudier nos réacions et comportements ?

     

    50 12 02

     

    Le médecin ouvre la porte. C'est un tout petit filet d'homme à fines moustaches, méticuleux, incliné sans servilité. Nous le suivons tous trois où il nous mène, car une route au-delà se poursuit jusqu'à des alignements de logis troglodytes rouges à flanc de falaise, en pays dogon. Dans ces habitations désormais transformées en greniers, Jacques-Marie le médecin s'est installé un cabinet de brousse et des appartements privés : « Vous allez retrouver le jumellier » nous dit-il – il s'agit d'un fabricant de jumelles, que nous n'avions plus revu depuis cinq bonnes années, lesquelles ne nous ont pas semblé particulièrement longues sur ce plan ; aurons-nous encore plaisir à nous rencontrer ?

     

    Le jumellier, autrefois chercheur d'or, se trouve assis, vieilli, sérieux, méconnaissable. C'est bien lui cependant, étroitement vêtu d'un veston à l'ancienne, au-dessus duquel palpite un visage trop fin terminé en barbiche : véritable exhumation du siècle des Goncourt. Il me tend une main amaigrie, refusant aimablement de prendre place entre nous Jacques-Marie et moi, qui nous sommes assis face à lui sans gêne aux deux extrémités d'un divan à trois places ; il s'est d'ailleurs assombri, comme affecté d'un manque de respect, et semble ne pas souhaiter m'adresser la parole. Pour finir, le médecin fait servir sur la table un succulent repas pour nous faire les honneurs de sa demeure dans le roc.

     

    Tout s'est très bien passé. Le jumellier a déplacé son siège, et sa compagne, accorte sexagénaire ! est venue s'assoir poliment à ma droite, sortant d'une autre pièce. Elle est très avenante, et nous menons ensemble, en tout bien tout honneur, une conversation spirituelle qui nous fait souvent rire : le jumellier ne nous en tient nullement rigueur, lui-même absorbé à l'autre bout de table dans une autre conversation animée. Torba (c'est son nom) peut difficilement, en raison de sa grande faiblesse, quitter son siège ; nous le comprenons lorsqu'il décline poliment l'invitation purement formelle du médecin à visiter la ville primitive, qui s'étend au-dessus de sa voûte rocheuse : il s'y trouve d'abord un certains nombres de villas, très tarabiscotées, voire kitsch, suspendues à flanc de falaise ; la façade, un étroit jardin, puis tout de suite, devant le muret, la pente raide.

     

    Il nous arrive de prendre de véritables échelles de cordes, plaquées sur la roche rouge, et même en surplomb : l'expédition devient vite épuisante après ce repas, pourtant léger, mais le docteur Jacques-Marie nous encourage, aide à nous hisser de sa main tendue : « Nous reviendrons chez moi par l'autre côté, en contournant la roche ! » Une voiture en effet nous attend au nord à mi-pente, mais il faut alors nous faufiler, de lacets en lacets, jusque sous des stalactites aux arêtes coupantes, périlleuses pendeloques : s'ils se détachaient, ils nous laboureraient le ventre. Concentrons-nous. Le domicile de Jacques-Marie est proche. Nous retrouverons la sécurité, ainsi que notre jumellier, Torba, qui nous refait la tête sitôt qu'il nous revoit.

     

    Peut-être ne sommes-nous pas la cause des sautes d'humeur d'autrui : à méditer. Moi-même d'ailleurs ai pris dans cette expédition l'envie de m'isoler : en contrebas de la maison troglodyte, je prends un escalier tournant, étroit, où la roche prend des luminosités coralliennes. Et serti là comme une façade d'aquarium dans la rocaille, je rejoins un écran sur lequel je m'absorbe en navigation informatique : autant valent ma foi ces relations-là que d'autres.

     

  • Rue Magoui

     

    A cinq heures hier j'étais dans mon lit, après un laborieux trayage privé de jouissance, car il faut exercer sa prostate. Ce n'est qu'à neuf heures que j'ai émergé d'un lit fripé, les baveux en chetaille. Et puis très vite il a fallu vivre, faire lever mon indispensable compagne et la laisser retourner à la couche : mais la relever à onze heures, puis onze heures et demie, puis midi : le modèle pointant le bout de son nez à 14h 3. Alors ma foi j'ai tout haché pour elle, puisqu'il est décidé une fois pour toutes qu'elle me pèse, et que si j'en étais délivré je m'empresserais d'en retrouver une autre pour jouer le même éternel jeu. Bref, après débarrassage de l'étagère à pose, brossage du fauteuil Voltaire incrusté de poils de chat, sans oublier le coussin cale-fesses, nous nous sommes séparés, moi poussant de mon pied la voiture enrouée (la patinette à starter), Anne mettant la dernière main à ses installations. Chapelle de St-Jean-de-Donne.JPG

     

    Mon but si l'on peut dire (comment avoir ce but en effet) n'était que la rue et le "domaine" Clérambault, aux confins d'Eysines. J'y parvins non sans zigzags, et parcourus alors le plus neutre et terne assemblage de pavillons de banlieue. Des jardiniers déracinaient à grand bruit de vastes souches qu'ils déposaient dans le camion-benne avec une grue derrière une grille. Le "domaine" Clérambault, un peu plus loin, s'appelait désormais rue Magoui, prononcée "Magouille" par ses habitants. Dès le numéro 7, elle était barrée d'un petit mur. Dans ces parages logeait jadis un certain Joël, maigre et nerveux, avec sa femme champenoise et classée sotte automatique, pour avoir un jour proféré devant nous : "Dès que les enfants sont absents, j'en profite pour faire du repassage" – aussitôt cataloguée conne.

     

    Nous n'avons plus revu ce couple, Joël me demanda par grâce de ne plus envoyer ma revue Singe Vert au siège de son travail, les collègues n'étant pas de taille à rigoler. Quod feci. Dans ce quartier se sont construits de hasardeux ensembles pavillonnaires dépourvus de tout attrait sauf par leurs proprios, qui hantent chacun leur Sam'Suffy. Peut-être la rue Magoui se poursuivait-elle autre part, dans ce tronçon sans nom, au numéro 13, mais au quinze un charmant jeune homme depuis son sège jardinier a rappelé son chien ; si j'étais revenu sous mes pas, j'aurais eu l'air de draguer l'homme. Ces comédies constituent toute une vie. Voyez Sénèque : il retranche de l'existence tous les instants que nous en avons perdus – mais enlève à BB ses seins, son cul, sa bouche et sa coiffure, et que restera-t-il ?

     

    Ces occupations vaines, cette baise, ces intrigues, ces carrières politiques et littéraires, sont la substance même de la vie. Vais-je renier les moments où je suis allé chier ? Ces nécessités, ces comédies que l'on se joue, sont aussi bien parties constituantes de nos vies. "Il se la joue", disait mon philosophe de poche ; certes, Lazare, mais s'il y croit ? S'ils y croient tous ? Lazare ne put répondre que par un geste d'impuissance, il était parvenu, comme si souvent, au terme indépassable de son raisonnement... Ma prise de billet pour la lointaine Angoulême fit également partie de ma vie, où je me vois en grand voyageur, fuyant le quotidien la main sur le front pour méditer au sein des vastes métropoles du bout du monde (une heure de train !), et c'est cela ma vie. Je voulais dire aussi combien je feins de m'esclaffer en recevant un mot de refus des Editions Machintralalouère : mon "intérêt littéraire n'est pas suffisamment affirmé" : ô sublimes crétins ! ne voyez-vous pas que Mes Enflures se contrefoutent de votre qualité "littéraire", quand il voit tant de médiocres à la Ferrari, à la Jérusalmy, hanter les grandes et petites collections ?

     

    Qu'il nous suffirait largement de parader sur les estrades avec les autres médiocres et gonflés du bulbe, sous les projecteurs ? Que j'en suis viscéralement incapable, tant je les trouve odieux, ridicules, conviviaux et cooptés ? Les dédaignons-nous, le feignons-nous, ou feignons-nous de feindre ? À relire lentement. Cela ne servirait de rien de leur répondre. Mais si je trouve leur adresse électronique... "Je bouffe à tous les râteliers, y compris à celui que je me suis accroché au cul". Réponse de Françoise : "Soupir..." Ainsi passe la vie, de la scène aux coulisses, sans frontières nettes. Nous sommes des milliers à le dire, mais j'emmerde les milliers.

  • Bayon, grand, grand, grand littérateur

     

    « Un soir, mes lascars, dont le trio de choc, m'invitaient à une boum. Une de plus. À peine en rupture de ban colonial, le port de ۞۞۞ était raciste : il y avait les boums noires, et les autres. Là, c'était archinoir. Pas un blanc. Que moi, par le fait. L'ambiance s'en ressentait, dynamique, puissante, torride, une ambiance de vraie nouba fétichée. De la soul du Diable à fond, de la bibine à verse, et de la sarabande dansante à bloc, dans une tabagie méphitique et les clameurs incantatoires de James Brown maître du ring. Désiré et Magloire m'avaient repéré une nouvelle nana à emballer . C'était d'accord d'avance. » Bidon, bidon, bidon. Ça croit singer le vulgaire, erreur : c'est vulgaire. Pas la moindre trace de pastiche, ni d'humour : c'est con, barre.

     

    Barbant. Artificiel. Convenu, en un ou en deux mots. Imbitable, nègre ou pas. « Edwige et moi nous accouplerions. Ils me le disaient : «Touche un peu sa foufoune, mon cher. » Ce qui s'appelle toucher le fond. « Me faisant valoir son « popotin : ça c'est de la nitro ».

     

    «J'avais promptement glissé à la soûlerie générale. Trop radicalement, de fait. Beurré, l'équilibre perdu, bien au-delà du « gilet », je tenais ce qu'on appelle une cuite.

     

    « Dans cet état nocturne ruisselant, j'ai accompagné Edwige la métisse dans une chambre pour pousser l'affaire de ses fesses. Moiteur équatoriale standard : 40° centigrade sous 98 % d'humidité. Mister Brown donnant l'impulsion sauvage, nous voilà versant sur l'un des lits de cet intérieur petit-bourgeois africain. Souffles, échanges de langues, barbouille de salives, « Rhâ, ah, say it loud / I'm black I'm proud ! » (pas du tout, moi), pétrissement de volumes mammaires et fessiers, doigts, touchers mutuels humides. 

     

    « Cela traînait bien un peu, parce que j'attendais d'abord juste, dans l'état où je me trouvais, qu'elle m'enfourne dans sa bouche, qu'elle me pompe largement et me vide les bourses. » C'est chiant. Ni drôle, ni parodique, ni salace : chiant. « Or, elle ne voulait pas. Ah, bon. D'ailleurs, elle n'aimait pas trop que je lui dénude largement les nichons. » (deux fois « largement », comme les nichons). « Alors quoi ? Justement, elle tolérait volontiers – curieuse citoyenne – que je lui pelote la culotte, l'entrecuisse fourré.

     

    « D'un coup, vlouff, elle s'est ouverte, écartelée il fallait voir comme. En grognant : « Plus lentement, « Là, là , ohh, han, ah », en se relevant la robe aux aisselles, « Là-aah », râlait cette créature, et plus singulier : « Regarde-moi dedans, regarde », lâchait notre pétroleuse qui s'ignorait, tandis que je gamahuchais vaguement son intimité. « Regarde, c'est ta chatte ! » Beuh... Inhalant à larges goulées, elle voulait tout ; tout prendre, tout donner, maintenant – les seins aussi, « Tiens, si, si ». Je débande jusqu'au sous-sol.

     

    « C'était moi, mal à l'aise, des vapeurs de whisky et de ces façons, qui devais presque modérer ses expansions de « Sex Machine ». Elle saccadait des hanches sur la couche en vrac et le vestiaire empilé, « Like A Sex Machine », poussant et enfonçant tout ce qu'elle savait son coussin pubien caoutchouteux contre mes mains. « Oui oui, d'accord » (D'accord, quoi?). Dans son empressement ovarien, sa montée d'hormones, elle s'étalait et élargissait dans la foulée sur le flanc , elle se retournait à plat ventre, sur les seins, la tête de côté avec un bout de langue débordé, « Like A Sex Machine », le cul arrondi à deux mains, ébahissante de vulgarité, » - tu t'es vu, tu t'es lu, rédacteur de mes couilles? - « pour que je m'occupe aussi de « par là ».

     

    Certaines choses.JPG« C'est à ce stade que j'aurais dû enfoncer ma verge en elle, ici ou là. Mais, je n'y étais pas. Je ne me sentais pas trop bien. Cela asphyxiait, dans la pièce. » Pourquoi, t'as pété ? « Le foutre, la transpiration chaude, les sous-vêtements, les trous de gruyère au parfum tourné, le méat, la toison intime, l'ennui, le rance sudatif des fringues de luxe dans lesquelles on se roulait ; et mon estomac s'en levait un peu. Je sentais ballotter la nausée. Je pouvais légitimement appréhender – à force de tournis et de légère répulsion, entre deux palots un peu mous et baveux qui me faisaient penser, sur fond d'étalages de muqueuses, à du mou de veau – de dégobiller. Si cela traînait encore autant... »

    C'est même particulièrement puant, car la femme y est dépeinte comme répugnante, alors que soi-même, bien sûr, "on est largement au-dessus de tout ça". Voilà qui est du dernier immonde.

     

    1. Je ne pensais pas trouver plus chiant que les cours de la Bourse, c'est fait. Nous dirons simplement que ce n'est pas en collant une godasse sur un tableau qu'on peint une godasse ; que ce n'est pas en restant ennuyeux que l'on évoque l'ennui, ni en demeurant vulgaire sans s'en rendre compte (ce qui est le comble de la vulgarité) que l'on évoque la vulgarité, et que l'écriture nulle ne parvient nullement à dénoncer l'écriture nulle. Et ce mec est passé à France-Culture. «  Les Pays immobiles sont un roman inclassable - '' une réponse, écrit Bayon, à la question '' Tu écris ? '' qu'on me pose. ''

      Or la réponse est un entrelacs énigmatique de romans '' inexprimables '', combinatoire d'aventures, figures, passions et compassions, farces, décors, peurs et pages, qui font un grand livre voué à l'écriture autant qu'à la vie. » J'ai lu ça. Merde alors, je suis passé à côté d'un chef-d'œuvre. Quel con je fus !
      Mais j'en suis fier, je persiste et je signe : ce bouquin est une des plus fières daubes que j'aie lues depuis des siècles...