Proullaud296

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Onirica

 

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J'ai tant besoin de mon corps complémentaire. De mon corps comme reste, excroissance, résidu de l'esprit, mais seul véritable. Simplement la prochaine fois je prendrai une femme qui ne pense pas. Tant de messages notés dans l'urgence, jetés après six semaines ; tant de commentaires enamourés de soi. Que faire de tous ces « bonheurs d'écriture” ? Repente pertruatur. Berdé moralister évencté - Sagolas de perso lamaltibus latinum popinae.

Escalier sur les voies de Caen.JPG

 

 

Seges actéôn sogastaque leniant. Adque praepotentem regere ligna sinant, dum molities inter aedes Paphlagoniam erithursentes. Latinum verum.

 

 

 

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Comment peut-on ainsi passer toutesa vie au lit ?

 

 

 

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« Ma mère a pissé au lit. Tout est détrempé : je dois tout nettoyer » : une telle épreuve me fut épargnée. Mais en la nourrissant de compote sur son lit de mort, recueillant sur ses lèvres les bavures et les redirigeant vers sa bouche, je me suis soudain détourné pour pleurer, pensant à cette inversion des rôles, aux deux bouts de la vie.

 

 

 

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Je marche (je suis une jeune femme) dans une ville coloniale munie de grands terrrains vagues. Je chante d'une voix très claire. Les hommes se tiennent à distance. Mon chant doit à la fois les charmer et les éloigner. Les paroles sont dans ma langue. Au moment où je traverse un long terrain vague au sol gris d'argile très fine, un rideau ou plutôt un store géant s'abaisse devant moi, m'emprisonnant. Cela devient l'intérieur d'une pièce. Un vieux monsieur corpulent et paisible s'assied près de moi sur un banc, une petite fille nous regarde d'un air de blâme ou de méfiance, je continue à chanter “Motchisvo” (“Liberté”). C'est un grand apaisement, il me semble que je peux avoir confiance en cet homme.

 

 

 

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Ce jour-là j'étais femme, dans une ville coloniale aux nombreux terrains vagues : ainsi à Tanger, les rues étaient déjà tracées sur le plan, toutes en pointillés, déjà nommées. C'étaient des chemins de crête poussiéreux, entre les immenses cuvettes carrées figurant les fondations, envahis de sable, de flaques et de chardons, où les enfants dépenaillés se poursuivaient en hurlant ; sur les sentiers d'en haut passaient les petits ânes trottinant et surchargés, frôlés par les badines des âniers à pied. Aux abords de l'agglomération, certaines parcelles ainsi cadastrées se sont construites en résidences de type européen, jusqu'à ce que, petit à petit, le tissu urbain se soit complété. Mais en pleine ville fréquemment nous trouvons encore des espaces clos de palissades, à l'abri desquelles se cachent plus ou moins des trafics ou des viols, sous les fenêtres éteintes et décalées des pièces arrière. Et dans cette ville je chante seule d'une voix claire, tandis que les hommes m'observent, à distance prudente : mon chant les charme, les ensorcelle et les tient à distance, désirants et respectueux. Il ne comprennent pas car c'est ma propre langue dont je me sers, connue de moi seule, régulièrement pratiquée, selon certaines règles que je suis seule à connaître. Voici ce long rectangle de sol gris et poudreux comme du talc d'argile, terrain vague immaculé, sans touffe d'herbe ou trace d'animal. Et je ne peux aller plus loin : descend du ciel à mon insu un fin rideau ou store qui m'emprisonne.

 

C'est ainsi que je deviens intérieure. Un vieux monsieur corpulent et paisible s'assied près de moi sur un banc, une petite fille nous regarde d'un air de blâme ou de méfiance, elle est venue seule, de temps en temps la porte s'ouvrira et le médecin appelera doucement le consultant suivant ; je recouvre donc toute ma confiance et je me remets à chanter dans ma lanue l'Hymne à la lilberté, « Immotchizvo ». L'apaisement se répand sur le petit auditoire. La petite fille se met à sourire. Le vieil homme également. Il me semble que je peux avoir confiance en cet homme. D'où sont-ils venus l'un et l'autre, par des routes différentes ? Ont-ils été capturés dans les filets de l'au-delà ? Qui est ce médecin qui nous observe assurément, de l'autre côté, pour étudier nos réacions et comportements ?

 

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Le médecin ouvre la porte. C'est un tout petit filet d'homme à fines moustaches, méticuleux, incliné sans servilité. Nous le suivons tous trois où il nous mène, car une route au-delà se poursuit jusqu'à des alignements de logis troglodytes rouges à flanc de falaise, en pays dogon. Dans ces habitations désormais transformées en greniers, Jacques-Marie le médecin s'est installé un cabinet de brousse et des appartements privés : « Vous allez retrouver le jumellier » nous dit-il – il s'agit d'un fabricant de jumelles, que nous n'avions plus revu depuis cinq bonnes années, lesquelles ne nous ont pas semblé particulièrement longues sur ce plan ; aurons-nous encore plaisir à nous rencontrer ?

 

Le jumellier, autrefois chercheur d'or, se trouve assis, vieilli, sérieux, méconnaissable. C'est bien lui cependant, étroitement vêtu d'un veston à l'ancienne, au-dessus duquel palpite un visage trop fin terminé en barbiche : véritable exhumation du siècle des Goncourt. Il me tend une main amaigrie, refusant aimablement de prendre place entre nous Jacques-Marie et moi, qui nous sommes assis face à lui sans gêne aux deux extrémités d'un divan à trois places ; il s'est d'ailleurs assombri, comme affecté d'un manque de respect, et semble ne pas souhaiter m'adresser la parole. Pour finir, le médecin fait servir sur la table un succulent repas pour nous faire les honneurs de sa demeure dans le roc.

 

Tout s'est très bien passé. Le jumellier a déplacé son siège, et sa compagne, accorte sexagénaire ! est venue s'assoir poliment à ma droite, sortant d'une autre pièce. Elle est très avenante, et nous menons ensemble, en tout bien tout honneur, une conversation spirituelle qui nous fait souvent rire : le jumellier ne nous en tient nullement rigueur, lui-même absorbé à l'autre bout de table dans une autre conversation animée. Torba (c'est son nom) peut difficilement, en raison de sa grande faiblesse, quitter son siège ; nous le comprenons lorsqu'il décline poliment l'invitation purement formelle du médecin à visiter la ville primitive, qui s'étend au-dessus de sa voûte rocheuse : il s'y trouve d'abord un certains nombres de villas, très tarabiscotées, voire kitsch, suspendues à flanc de falaise ; la façade, un étroit jardin, puis tout de suite, devant le muret, la pente raide.

 

Il nous arrive de prendre de véritables échelles de cordes, plaquées sur la roche rouge, et même en surplomb : l'expédition devient vite épuisante après ce repas, pourtant léger, mais le docteur Jacques-Marie nous encourage, aide à nous hisser de sa main tendue : « Nous reviendrons chez moi par l'autre côté, en contournant la roche ! » Une voiture en effet nous attend au nord à mi-pente, mais il faut alors nous faufiler, de lacets en lacets, jusque sous des stalactites aux arêtes coupantes, périlleuses pendeloques : s'ils se détachaient, ils nous laboureraient le ventre. Concentrons-nous. Le domicile de Jacques-Marie est proche. Nous retrouverons la sécurité, ainsi que notre jumellier, Torba, qui nous refait la tête sitôt qu'il nous revoit.

 

Peut-être ne sommes-nous pas la cause des sautes d'humeur d'autrui : à méditer. Moi-même d'ailleurs ai pris dans cette expédition l'envie de m'isoler : en contrebas de la maison troglodyte, je prends un escalier tournant, étroit, où la roche prend des luminosités coralliennes. Et serti là comme une façade d'aquarium dans la rocaille, je rejoins un écran sur lequel je m'absorbe en navigation informatique : autant valent ma foi ces relations-là que d'autres.

 

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