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Le viol d'un jeune homme espagnol

 

COLLIGNON HARDT VANDEKEEN

 

L E V I O L  D ' U N J E U N E  H O M M E  E S P A G N O L

 

 

 

"Ce que vous dites sur les prostituées de terrain vague ne me surprend pas. Ainsi -

 

penchez-vous un peu - dans cette encoignure, sous ma fenêtre, on a violé un jeune homme

 

espagnol.

 

- N'avez-vous pas appelé la police ?

La Jordanne à St-Simon.JPG

 

- Que pouvions-nous faire ? " 

 

 

...Tanger en pointillé : sur le plan, une quantité de rues, de places, de ronds-points, 

baptisés et disposés selon les canons de l'urbanisme. Seulement, depuis le rattachement

 

de la zone franche au Royaume, l'argent manque. Entre les rues Vermeer et Tolstoi,

au centre ville, s'étend un terrain vague oublié. On y pénètre par un trou du mur d'enceinte.

 

Dès l'entrée, le sol se gonfle de bosses de terre, craquantes de tessons de verre.

 

 

- Ils l'ont violé à sept, à sept ils s'y sont mis. Sous ma fenêtre. Ou en

face, je ne sais  plus.

 

 

 

Le jeune homme espagnol un soir descend la rue sans méfiance, avec trois

 

camarades. La discussion est animée. On rit de tout. Mais leur façon de rire est différente. Deux

 

autres, puis deux, par hasard, des cousins, de vingt à trente ans. Les lampes brillent. Les

 

plaisanteries tournent mal, les coudes se heurtent, l'Espagnol comprend qu'on tourne ses

 

bons mots en dérision.

 

C'est un jeune homme de quinze ans, brun, les joues mates et pleines, il a de grands yeux  et les cheveux plaqués. Les autres, des grands Marocains secs, l'entraînent par la brèche

 

avec des mots durs et il se défend, il repousse les bras, il menace en forçant la voix. Il croit qu'on veut lui casser la gueule.

 

"...et il criait ! et il pleurait ! il en faisait, une histoire ! "   

On lui maintient les bras dans le dos, et puis on se ravise, on les tire en avant, il lance des  ruades dans le vide. Quand on l'a fait basculer, quand ils ont immobilisé ses jambes,

 

il a commencé à crier, car il a compris ce qu'ils veulent. Ce sont d'indignes sanglots, des supplications - les autres, excités par les

cris, s'exhortentdans leur langue et couvrent sa voix, l'insultent,

halètent et le dénudent.

 

 

 

"...et il appelait sa mère ! il appelait sa mère ! " Madre ! - le pauvre

jésus ! comme il était mignon ! " ¡ Madre ! ¡ Madre ! La mère ne vient

pas. Elle n'est pas de ce quartier. Les cris s'étouffent entre les mursdes cinq étages. L'enfant pleure. Les autres hurlent, se disputent les préséances :

à qui tiendra les jambes, à qui le tour, certains préfèrent l'étroitesse,

d'autres le confortable,  le jeune homme pleure. Il a cessé de supplier,

il ne se débat plus. Ce n'est plus drôle.

 

Il n'entend plus que les pensées qui se battent dans sa tête en une seule immense  sensation confuse de chute et d'une mère qui ne

viendra plus Dieu merci, à qui jamais plus il ne se  confiera surtout ce début de plaisir ressenti, ce destin sans fissure où l'enfoncent encore

à  l'instant ces coups sourds qu'il ne sent plus l'atteindre et la boue apaisante coulée dans son  corps.

 

"Vous avez regardé tout ça sans broncher, penchés à vos balcons sur

cinq étages, sans  intervenir ? À vous rincer l'œil ?

 

"Viens voir ! qu'est-ce qu'ils lui mettent ! pauvre enfant

 

"Mais qu'est-ce que tu crois ? Qu'est-ce qu'elle aurait donc pu faire,

ta police ? Tu  t'imagines qu'en téléphonant tu l'aurais fait venir plus

vite ?"

 

"...Chaque seconde durait des siècles... »   

"...On voit bien que tu ne connais pas ces gens-là ! Ils se soutiennent

tous, va ! Tu penses  bien qu'on n'aurait jamais retrouvé personne !

 

 

 

...Je jure que je les aurais tous reconnus, tous les sept, dix ans après...

 

 

 

"...On serait passés pour quoi, nous autres ? Encore heureux si on ne

s'était pas fait  enculer! "

 

Ils me gueulent dessus, les adultes, à même le corps, ils me

dépassent de deux têtes, leurs yeux sont injectés de sang, jamais je

n'ai vu à ce point la haine de près, la véritable pulsion du meurtre,s'ils

n'y avait pas mes parents leurs amis me tueraient, ils me font taire,

mes parents, il est jeune, il ne comprend pas, il faut l'excuser, on est

en visite, ce n'est tout de même pas un petit merdeux de quinze ans

qui va gâcher la soirée, pour une fois que les Charby nous invitent (...)

 

...Pedro Vasquez, homo à Lérida, l'extrême nord de l'Espagne, le plus

loin possible, avec  tout un passé de vieille tante - la cinquantaine aux

tempes argentée - bien ri, bien bu au bar, beaucoup aimé, frappé les

putes qui ne sont jamais, jamais venues à son secours, qui ne lui ont

jamais donné ce plaisir qu'elles éprouvaient jadis peut-être, quand

elles étaient femmes...

 

Commentaires

  • Il paraît qu'il n'existe pas de plan de Tanger ; c'est vrai, ce gros mensonge ?

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