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der grüne Affe - Page 123

  • Annette et les Tusculanes

     Annette, qui présente ce choix de textes annexes que l'on n'a jamais le temps d'aborder dans le cours de l'année scolaire, avant-propose son texte de la façon suivante :

     

    « La société que dépeint Juvénal dans les Satires est contemporaine de celle que font revivre les Lettres de Pline » (le Jeune) « (on peut fixer la date de leur publication en 100 ap. J.C.), mais quelle différence de ton ! » (nous allions tous le dire) « Il arrive à Pline d'exprimer son mépris ou son indignation, mais dans l'ensemble il aime admirer et aussi se faire admirer pour sa générosité et ne demande qu'à oublier, en famille, parmi ses amis, dans l'entourage du prince, » (id est de l'Empereur), « les désordres qui ont marqué la fin du règne de Domitien », autre grand modeste. « Au contraire Juvénal, par goût sans doute, et aussi pour s'inscrire dans la lignée des satiriques dont il se réclame (Lucilius, né vers -180, ou Horace), critique les mœurs de son temps : » - bémol, please ; Juvénal, courageux mais pas téméraire, n'appelle par leur nom que les personnages morts depuis belle lurette - « personne ne trouve grâce à ses yeux. Dans la sixième Satire, il s'adresse à son ami Postumus qui lui annonce son intention de se marier : pour le dissuader d'un projet aussi insensé, il se lance dans une attaque en règle des matrones », c'est-à-dire des Romaines mariées, qui ne sont pas nécessairement ventrues ni mamelues. « Qu'il suffise de préciser que cette satire est la plus longue de toutes celles qu'écrivit Juvénal, et sans doute la plus célèbre ! » A présent, chères petites latinistes, plus le pédé au fond de la salle, aiguisez vos petites dents traductrices : Est pretium curae, « il vaut la peine ».

     

    Jamais nous ne supporterons tout un texte en latin. Des notes, encadrées sur deux colonnes, vont nous abreuver de traductions et de commentaires verbeux, complets et filandreux ; c'est véritablement le cauchemar des éditions scolaires : note 1, répétition de l'expression, traduction accompagnée d'observations grammaticales, renseignements oiseux, 26 en tout pour 38 vers : intenable. « Cognoscere est sujet de est, pretium attribut ; quid agitent, à quoi elles s'occupent », le fréquentatif suggèrent qu'elles déploient une grande activité », et que c'est là qu'il faut rire ; toto...die (notez le contre-rejet et la disjonction!) » s'exclame la présentatrice, enthousiaste et qui est bien la seule : « toute la journée ». » « Il n'est pas mauvais de connaître à fond (penitus) ce qu'elles font, ce qu'elles tracassent tout le long du jour. » L'enseignement du latin navigue entre écueil et tourbillon, de Charybde en Scylla : ou bien, comme ici, à l'ancienne, il se fonde sur l'analyse grammaticale rigoureuse, et ne permet l'accès à la traduction qu'après un long, laborieux et décourageant décorticage, ou bien, comme dans les nouvelles méthodes, ils proposent à l'étudiant de relever les subjonctifs imparfaits et les circonstancielles de conséquence elliptiques ; puis, comme le latiniste ne comprend rien au texte lui-même, il lui donne carrément toute la traduction.

    Aurillac sur la Cère.JPG

     

     

    Le lycéen se rengorge alors et se croit capable de lire le latin, de tout saisir du premier coup, mais en réalité, privé de la traduction en français juste en face, il n'y entrave que pouic, comprendit puicum. Ne jamais oublier que l'agrégé de latin actuel se trouve à peu près au même niveau qu'un élève de seconde au temps de Louis XVIII (1820...) Alors ma foi, mieux vaut radiodiffuser la traduction de la collection Budé : laquelle présente aussi des notes en bas de page. « Leur mari a-t-il tourné le dos, la nuit ? Malheur à l'intendante ! Tunique bas, les préposées à la garde robe ! » (note en bas de page : « à poil, pour la torture, entre femmes ») « Le Liburnien » (c'est un esclave Croate, merci Google) « est accusé de s'être fait attendre, et c'est lui qui paie pour le sommeil du maître. Sur le dos de l'un, les baguettes se brisent (hic frangit ferulas) ; celui-ci est rouge de coups de fouet ; celui-là de coups d'étrivières » (les cavaliers savent que c'est la lanière qui relie la selle à l'étrier). « Il y a des femmes qui ont des tortionnaires à l'année. On frappe : pendant ce temps elle se peint la figure, elle écoute ses amies, elle examine la large bordure d'or d'une robe brodée. On frappe encore : elle relit les lignes transversales d'un long compte journalier. On frappe toujours : la force manque enfin aux bourreaux. « Hors d'ici ! » hurle-t-elle d'une voix de tonnerre. Justice est faite. »

     

    Nous tombons des nues. Juvénal exagère. Ce ne sont pas des femmes mais des furies. Nous aurions préféré le passage où ces dames, complètement bourrées, rentrent du cabaret, soulèvent leurs robes et pissent en rotant sur les statues de la Pudeur. Mais le sadisme, pour nos élèves, est bien moins dégradant n'est-ce pas que l'obscénité. Juvénal, dont le rapport avec les Tusculanes de Cicéron semble bien ténu, à l'exception de la douleur, bifurque en vitesse du battu vers le rebattu : la coquetterie féminine. Ne l'accablez pas : vous aussi, vous riez comme des ânes aux sketches de Rire et chansons. « Administrer une telle maison, c'est aussi périlleux que la cour du tyran de Sicile » (le texte dit « ce n'est pas plus doux » : non mitior). « Elle a pris un rendez-vous. Elle veut être plus belle que d'ordinaire. Elle se dépêche, car déjà on l'attend aux jardins, ou plutôt au sanctuaire d'Isis, la déesse entremetteuse. La pauvre Psecas, cheveux arrachés, épaules nues, poitrine découverte, » pour mieux recevoir les coups, « est en train de la coiffer. «Cette boucle est trop haute. Pourquoi cela ? » Le nerf de bœuf punit sans délai ce crime, ce forfait d'un frison manqué. Qu'a donc fait Psecas ? Est-ce sa faute, à cette fille, si ton nez te déplaît ? Une autre, du côté gauche, brosse les cheveux, les peigne, les roule en anneaux. Assiste à la délibération une vieille esclave de famille qui, après de longs services, a psssé du peigne à la quenouille. C'est elle qui, la première, donne son avis. Les plus jeunes opineront ensuite, par rang d'âge ou de mérite. On dirait qu'il y va de l'honneur ou de la vie, tant elle a souci d'être belle. Que d'étages superposés, que d'architecture dans cet édifice dont elle charge et surélève sa tête ! » Ah çà, faut pas péter. « Vue de face, on la prendrait pour une Andromaque », 1m 85 au garrot. « Vue de dos, sa taille diminue, on dirait une autre femme. Que sera-ce si, n'ayant reçu en partage qu'une taille minuscule, elle ne paraît pas plus haute, sans ses cothurnes, qu'une vierge pygmée et doit se dresser agilement sur la pointe des pieds pour se faire embrasser ? De son mari, dans tout cela, elle ne se préoccupe aucunement, non plus que des dépenses qu'elle lui cause. Elle vie comme si elle n'était que sa voisine. La seule chose qui la rapproche de lui, c'est qu'elle déteste ses amis et ses esclaves à lui, et pèse lourdement sur son budget. » C'est Juvénal qui est lourd, et nos Tusculanes cicéroniennes se sont envolées bien loin.

     

    Ma foi tant pis. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Les Tusculanes, de Cicéron

     

    Il sera très peu question ici des Tusculanes de Cicéron, d'une part en raison de l'éloignement de cette lecture, qui remonte aux années 99 à 2003. Pourquoi les évoquer seulement aujourd'hui ? parce qu'il ne s'agit que du Livre III, et que nous n'avions trouvé bon de parler que d'œuvres complètes ; or nous avons changé d'avis, et il n'y a que les imbéciles qui ne changent jamais d'avis : c'est mon avis depuis toujours. D'autre part, en raison de l'insipidité habituelle des propos de Cicéron, du moins pour ceux qui ne l'aiment pas, ce qui détruit nos accusations d'insipidité : « qui veut noyer son chien l'accuse de la rage ». D'autre part encore, en raison du tirage au sort des pages à relire, afin de « remettre dans le bain » le chroniqueur qui vous parle ; or ce tirage au sort nous a mené à la fin du fascicule, chez « Hatier – Les belles lettres », à l'usage des candidats du bac : il n'y est question que d'autres auteurs, Tertullien, Sénèque, Juvénal, traitant de thèmes analogues à ceux de Cicéron.

     

    Pourquoi les Tusculanes ? Google, excellent moteur de recherche, nous rafraîchit la mémoire : Cicéron s'est imaginé tenir un dialogue philosophique avec plusieurs de ses amis, dans sa villa de Tusculum, à 25 km au sud-ouest de Rome. Les thèmes qu'il a traités sont, entre autres : la douleur est-elle un mal ? Non, car il n'est pas question d'imiter ce sage grec. « Tu as beau me tourmenter », disait-il à sa douleur (médicale), « je n'avouerai jamais que tu es un mal ». Car s'il s'interrompt pour s'adresser à sa douleur, c'est qu'elle le dérange, le fait souffrir, donc, c'est un mal. Ce sage-là, il ne faut pas l'imiter. Mais nous devons serrer les dents, nous taire et supporter. Voilà qui est stoïcien.

     

    Autre thème : la mort est-elle un mal ? Non plus : en effet, cette fois c'est Epicure qui nous parle, ou bien la mort n'est pas arrivée, donc nous sommes vivants, ou bien elle ne dure qu'un instant, après lequel nous ne sentons plus rien, donc, elle n'existe pas. Admirez le tour de passe-passe, et le soulagement qu'une telle réflexion doit apporter : zéro. Cependant, Cicéron diffère d'Epicure : l'âme en effet, dit-il, est immortelle. Ou bien nous persistons en tant qu'individus, et nous continuons à penser. Ou bien nous nous fondons avec l'intelligence suprême de l'univers, et nous sommes divins. Nous voici donc tout consolés, tout guillerets. De même, le sage doit-il avoir du chagrin ?

    La bénédiction.JPGLA BENEDICTION, SCULPTURE D'ANNE JALEVSKI

     

     

    L'un de ces philosophes, en promenade, apprit que sa maison avait brûlé ; « cela pourrait être pire », dit-il, « personne n'en est mort. - Si, justement, ta femme et ta fille ont péri. - Cela pourrait être pire », répond-il. - Comment ? s'écrie son interlocuteur indigné. - Eh oui, j'aurais pu y être. » Colossal humour ! Et d'ajouter : Omnia mecum habeo, « J'ai toujours tous mes biens avec moi ». Le philosophe est donc prêt à toutes les catastrophes et conserve avec soi tous ses biens, sauf son humanité. Est-ce le but de la philosophie de perdre toute sensibilité ? Cicéron ne va pas jusque là. Il disserte, fait échanger des propos avec ses hôtes, mais ne parle pas en tant que Cicéron : un jeune homme est là, imaginaire, pâle et falot, qui permet au dialogue de se poursuivre. Cicéron est un vulgarisateur de la philosophie grecque, il n'a rien inventé de bien original, moi non plus.

     

    Ajoutons que les passions doivent être éliminées, parce qu'elles proviennent de jugements hâtifs donc erronés. Enfin, la vertu donne le bonheur, l'argent, non. L'alcool, non, l'eau ferrugineuse, oui. Pas la moindre once d'originalité, ni pour nous qui retrouvons ici la morale de papa et d'arrière-grand-papa, ni pour les Anciens qui lisaient cette bouillie éloquente avec le même recueillement qu'aujourd'hui les lecteurs d'éditoriaux de Sud Ouest Dimanche ou de l'Express et toc. C'est en effet (je parle de notre auteur) le genre de textes à recommander pour des jeunes gens (surtout des filles, car le latin ne sert à rien, les garçons l'ont découvert, ils sont bien plus intelligents), adolescents turbulents et passionnés qui doivent se faire doucher à l'eau froide des préceptes moralisateurs.

     

    Les textes annexes, que les auteurs du fascicule s'imaginent sans doute étudiés en classe, les petits naïfs, reculent de Tertullien, actif vers l'an 200, à Salluste, puis à Sénèque, puis à Tacite. Tertullien était un taliban : les premiers chrétiens, détenteurs de la vérité absolue, se glorifiaient de leurs martyrs, et n'ont cessé de se massacrer que tout récemment, et de façon provisoire, en Irlande : comment, quoi ! beugle le texte : de grands hommes ont bénéficié de statues après leur mort, alors qu'ils n'avaient servi que les lois et leur patrie, et ceux qui sont morts pour le seul vrai Dieu n'auraient droit à rien ? C'est pas beau, la jalousie, mon Tertullianou. Depuis, les statues de saints ont fleuri partout.

     

    Salluste nous présente le portrait de Marius, grand général, qui n'a pas été instruit, mais exhibe ses décorations militaires, et se vante d'être un « homme nouveau », qui ne doit son élévation sociale qu'à ses mérites et à ses cicatrices, et non pas aux exploits de ses ancêtres ; l'ancêtre, c'est lui. De Sénèque nous ne dirons rien, car le texte latin seul n'a pas été compris par le professeur de latin que je fus. Je crève de honte, mais plus tard. Il m'a semblé cependant que selon lui, il y aura toujours des gens méchants et des gens bons : voilà bien de l'originalité. Tacite est un peu plus rigolo, car il nous montre la cruauté de Néron, qui fut loin de s'exercer uniquement contre les chrétiens : il condamnait à mort tous ceux dont la tête ne lui revenait pas, même si la fille de l'accusé venait le supplier. Alors le sage Thraséa Paetus se trancha les veines, comme avant lui Sénèque dans son bain, de sang. Tout cela pour montrer la constance dans la douleur, la dignité dans la mort et dans la vertu. Juvénal, dans sa sixième Satire, vers 474 à 511 (ouvrez votre livre, bande de puceaux et celles), s'attaque aux femmes (cible ô combien originale), pour déprécier le mariage : comme disait plaisamment Onfray, la vie ne peut pas être bonne avec bobonne, et public, féminin, de copieusement huer.

     

  • Petit délire


    20 juin 2045
        Annie vient de partir pour la banque. Les jérémiades pourraient aller leur train. Nous n'avons pas d'argent, "petites misères touchantes de l'adulte".
        - M'sieu, qu'est-ce que c'est, une "dulte" ?
        Tel quel. Par l'élève Bensalem. Un de ceux qui m'auront marqué. Deux ou trois ans avec lui, avec sa soeur. Il me disait de ne pas marcher lentement, comme ça, avec la bouche ouverte, que ça me donnait l'air con. Merci pour la franchise. J'ai toujours eu besoin de conseils comme cela. Je n'arrive plus à m'intéresser à la régularisation de mon passé. La destinée, c'est comme ça.
        Françoise m'écrit sous le pseudonyme de "la Lectrice". C'est malheureux, mais je suis obligé de déchirer toutes ses lettres peu de temps après leur lecture. Il ne faut plus qu'on puisse en trouver, alors qu'elle conserve toujours toutes les miennes, même quand elles sont dictées au moins apparemment par le devoir. Or il se trouve que les dernières, justement, j'ai envie d'y répondre en détail.
        Forcément, elles parlent de moi et d'Anne, ma moitié et mon double (par le volume). Qu'est-ce que ça peut faire qu'on retrouve tout cela, je ne suis pas responsable, il n'y a rien après la mort et après moi le déluge.Qui saura lire, vraiment lire dans cette génération qui vient ?
        Toujours est-il que je ferais bien un brouillon de réponse à Françoise, je ne sais d'ailleurs pas quand je pourrai lui écrire, il faudra choisr un moment où je serai seul dans la maison, ce qui n'est pas si difficile. Je repense à des tas de choses, en particulier à cette remise si particulière de la photo des collègues dans une pièce quasiment obscure par Marie-Hélène Sanchez, à qui j'avais offert une boîte de chocolats, et qui en avait été bouleversée, qui était venue plusieurs fois dans ma classe sans réelle nécessité, qui me regardait toujours de si près avec comme on dit "ses yeux de myope".
        Montaigne aussi procède par sautes de sujets - ah, ah, ah, ah !
        Moi et Montaigne... Moi et Max Gallo, qui passe pour un bourreau de travail, qu'est-ce qui me prouve qu'il travaille dix heures tout seul. Ca c'est de la mesquinerie, coco. Moi, au bout d'une heure vingt, je suis comme un dingo, il faut que je sorte m'aérer. Il se lève à trois heures et demie du matin. On voit sa fenêtre qui s'allume dans un bel immeuble de la place du Panthéon. Il est fils d'immigrés italiens. Il vit de sa plume. Il écrit des biographies de de Gaulle, Napoléon - belle prise de risques...
        Et quand un ouvrage est terminé, il se sent le pauvre dépossédé, la vie matérielle lui retombe dessus, la douche ne marche pas et il faut changer les pneus de la bagnole... Eh, pauvre con, qui est-ce qui se charge de toutes ces corvées pendant que tu écris comme une bête dix heures par jour ? Combien as-tu de bonniches, de femmes complaisantes pour te décharger des emmerdements ?
        Moi aussi je suis écrivain, moi aussi j'ai des douches qui fuient, seulement je dois m'en occuper moi-même, ou pousser ma femme à le faire car autrement elle ne le fera pas, ce qui revient à passer beaucoup de temps, je fais la lessive et j'étends le linge pendant que ma femme se goberge dans les ateliers de sculpture avec la belle vie. Et elle aussi aurait bien voulu réussir.
        Mais nous, en fait de rencontres, on ne connaît que des tapeurs comme Ortega ou des collègues j'allais dire qui ne débouchent sur rien, ce qui est faux, mais Pilpa aurait voulu sans doute que je jouasse le rôle de "paillasson admiratif", qui est selon Céline - le brave homme ! - le seul rôle dans lequel les hommes se tolèrent mutuellement... Pilpa a d'ailleurs voulu nous présenter à son grand ami et pédé Hugo Victor au CAPC, mais celui-ci est passé auprès de nous avec un tel air de dédain parisien que nul n'a insisté...
        De toute façon il faut tellement se démener pour réussir que j'y renonce en quelque sorte, je me suis déjà démené, contre les élèves, leurs parents, ma femme, ma fille - se battre, se battre, se battre... pouah ! comme je l'écrivais à ma correspondante de La Fouillouse (Loire)... Toujours se fatiguer, je suis usé, à présent. Jérémiades ? Certes. Mais alors, faisons cela en grand.
        "Le meunier, son fils et l'âne". Nous allons voir, Messieurs les Censeurs. Mme G., conseilleuse en chef. Elle prend les rappeurs pour des revendicateurs de liberté. Les rappeurs eux-mêmes, peut-être. Mais les petits casseurs, à part du fric à ne rien foutre, qu'est-ce qu'ils veulent?
        Comme Rosto, le droit de mener une petite vie pépère en ne foutant pas grand-chose ? Prenant le vent pour profiter de Pierre, Paul ou Jacques, Lautil éventuellement, il voulait bien aller chez lui "par curiosité" ? Pour le taper ? Il aura du mal, Lautil ne parvient pas à payer le violon de Violaine en entier, il faudra dépenser de grosses sommes en téléphone pour lui soutirer ce qu'il a promis qu'il devait.
        Annie est partie à la banque, j'appelle ça de la composition en cercle. Et voilà, le manque d'inspiration. Ah, c'est ce qu'il ne faut pas dire ? Eh bien moi je le dis. Je n'ai pas d'inspiration, et toc, je le dis. Allons jusqu'au bout du ridicule, si ridicule il y a. Que je puisse tout de même appliquer ce précepte de Napoléon : "Quand on s'est trompé, il faut insister ; cela donne raison." Ou à peu près.
        Napoléon repose dans son tombeau, exposé à tous dans une vasque aux Invalides. Il y a sa tête et ses pieds. Que reste-t-il de lui ? Je suis toujours dans le sujet, bande de cons. Je parle de la survie. Je me collète avec le seul sujet de l'écrivain, la survie. Le temps. E tutti quanti. Je recompose tout. Je t'en foutrais de la sincérité. C'est inéditable. Allez tous vous faire enculer à sec.
        Annie est partie à la banque, leitmotiv. Elle a mis un temps très grand à se préparer. Moins toutefois que pour courir à Angoulême, où elle s'était levée avant sept heures pour partir à onze heures et demie. Elle va essayer de gérer les pauvres restes de son héritage. Encore faudrait-il que nous ne mangions pas pour cent trente francs de nourriture quelconque au petit bar près de chez Nadia.
        Celle-là est venue nous voir pendant que nous mangions, peu avant deux heures, heure d'ouverture de son atelier. Tout cela sera mort un jour, je vis parfois comme si j'étais survivant au milieu déjà des traces que j'aurais laissées, vulnérables, à la merci d'héritiers peu scrupuleux. Je me fous des règles de composition, de ce u'il faut ou ne faut pas dire au public, je m'adresse à un type qui me ressemble exactement.
        Salut, clone. Je suis pour le clonage. Cela supprimera les p... et m... (mots sacrés de la langue, transformés en obscénités dans "le Meilleur des mondes" de Huxley. Vous connaissez ? Ca a survécu à la Catastrophe ? Pardonnez-moi, je prends les autres pour des ignares, c'est un tic professoral, bien en accord avec ma précieuse personnalité, c'est mon é- diteur qui me le disait, je vais vous confier un grand secret, il n'a jamais eu son bac et ne lit jamais les livres au-delà de la page 70.
     L'arme du crime.JPG   Ce qui ne l'empêche pas de pouvoir en parler car il assimile très vite. Par sa mère il a été amené à un moment donné à fréquenter la bourgeoisie déchue de la Martinique, il faudra que j'interroge Françoise par écrit, pour savoir quel membre de sa famille était noir, puisque "Déjeuners de soleil" est largement autobiographique. Il ressemble de plus en plus à Laurent Voulzy (chanteur de ce temps-là, pédé avec Souchon, puis ils ont eu deux fils avec une femme différente, deux fils amis comme leurs pères ; je vous explique tout, bande de nazes, car vous vivez dans une époque tellement lointaine, avec une autre langue).
        Tout mon côté insupportable passera par l'écrit. Ma devise sera : "Ah, c'est comme ça ?" - je continue : "On s'est foutu de ma gueule ? Ceux qui me disaient de faire ceci et pas cela s'empressaient de le faire pour leur propre compte, en me disant que pour eux, n'est-ce pas, "ce n' [était] pas la même chose" ?
        Mais c'est qu'on m'a déjà fait le coup, mes cocos, une vie entière, et maintenant je vous ai tous laissés passer devant et me voici inconnu dans une cabane en bois en train de taper pour la postérité qui s'en fout...

  • La Dama azul, en espagnol dans le texte

     

    El Señor Javier Sierra écrivit dans sa langue natale un gros ouvrage intitulé La Dama azul, La Dame bleue, ce qui sonne moins bien, et le sort a voulu que je le lusse en espagnol. Ce livre fait partie des volumes en langue castillane figurant sur les étagères de la Médiathèque de Mérignac. Il présente les mêmes particularités que les autres esspagnols de cet établissement, et nous serions malvenus d'extrapoler nos impressions à l'ensemble de la littérature espagnole contemporaine, dont nous n'avons que de très modestes lueurs : thème populaire et mystérieux à la Da Vinci Code, naïveté adolescente et grandiloquente, avec beaucoup de longueurs et de boursouflitude : pourquoi dire en une seule phrase ce qui peut s'étirer sur une page et demie ?

     

     

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    Le petit venin est jeté : voyons l'intrigue, ou plutôt la thèse. Un brave ecclésiastique espagnol apprend le décès suspect d'un autre ecclésiastique opportunément tombé du quatrième étage, sur la tête, d'un bâtiment du Vatican. Il travaillait sur des spécialités scientifiques mystérieuses, car qui dit Vatican dit mystère : donc, notre prêtre qui est aux cieux trouve dans un vaste bureau-laboratoire digne de Frankenstein, truffé d'ordinateurs et autres engins électroniques valant bien les cornues médiévales, un successeur américain hispanophone qui lui montre avec orgueil le matériel de ses expériences. Chacun sait que le Vatican, dans les romans, collabore activement avec la CIA, voire la NASA, mais sans le Ku-Klux-Klan, quoique.

     

    Les éléments d'une théorie du complot sont en place : par des sons, nous pourrions transporter nos ondes corporelles, peut-être nos corps eux-mêmes, à des milliers de kilomètres dans l'espace et dans le temps, pourquoi pas les deux. Il suffit pour cela de sujets prédéterminés, qui servent de cobayes à grand renfort d'électrodes judicieusement disposés sur le crâne, dans les oreilles ou sur le muscle cardiaque. Cela fait souffrir mais c'est pour la science et le surnaturel, aux limites du spiritisme. Et puis, si cela peut servir à la religion, apporter des preuves du surnaturel, tant mieux ! La science au secours de la religion de paix et d'amour comme elles le sont toutes ne peut qu'agrandir l'espace des spéculations humaines.

     

    Pour corser le tout, mais dans la droite ligne de la logique illogicienne, des documents prouveraient qu'au XVIIe siècle, aux confins du Nouveau-Mexique et du Texas, alors possessions espagnoles, une troupe de franciscains, dans le noble dessein de convertir les Apaches et de les sauver pour l'éternité, virent venir à leur rencontre des Indiens Jumanos, avec una jota, qui portaient une grande croix, faisaient des signes de croix, et affirmaient par la bouche autorisée de leurs anciens qu'une Dame bleue à la peau blanche comme le jus de cactus était venue les convertir au « Dieu des dieux », non sans accomplir des miracles, et cela, dans le lieu consacré aux esprits indiens, lesquels se trouvaient ainsi détrônés. Nos frères pensèrent qu'une intervention divine les avait fait annoncer aux braves Jumanos, bien que l'on pût soupçonner un groupe de religieuses, cette fois, qui leur aurait coupé l'herbe sous le pied. Là encore, utilisation d'un cobaye indien, fils de chef, amoureux, sujet aux visions et s'en tirant avec de forts maux de tête. Le Vatican, la science occulte c'est-à-dire cachée, les services secrets américains contemporains : les ingrédients de la mayonnaise sont en place.

     

    Or, cette apparition de la Vierge ou d'une religieuse habillée comme ellerappelle fort opportunément à l'auteur ou à ses enquêteurs porte-parole que jamais la Vierge (et c'est vérifiable) n'a jugé bon de se montrer au cours des âges, à des époques pourtant bien plus troublées que les nôtres eh oui ça existe, et bien plus sujettes aux superstitions et hallucinations dues à la foi intense. En revanche, de Lourdes à Lisieux en passant par Fatima et plus récemment Medjugordje (sans oublier La Salette en Isère), c'est une floraison d'apparitions fort lucratives, cierges, flacons d'eau bénite et hôtellerie de tous niveaux. Après bien des détours, l'auteur nous amène à la conclusion d'un complot soigneusement ourdi par les catholiques : la foi se trouvant en constante diminution depuis l'ère industrielle, pourquoi ne pas la soumettre aux viviviants électrochocs des apparitions, à des bergers, à des religieuses, et non plus en rêve, mais (on n'arrête pas le progrès) en personne ?

     

    ...Avec les exceptions notables de l'Indien pauvre de la Guadalupe, en 1531, et de Benoîte Rencurel au Laus (actuelles Hautes-Alpes) entre 1664 et 1718 – mais enfin, pendant tout le Moyen Âge, en dépit du renouveau de la foi mariale, rien. Rappelons que pour l'Eglise, aucune apparition, même reconnue, ne constitue un article de foi. Toujours est-il que l'un des innombrables secrets du Vatican serait que nos Vierges Maries ne seraient (ce qui n'est déjà pas si mal) que la projection dans l'espace-temps d'une ou plusieurs bonnes sœurs soigneusement sélectionnées, au prix de maintes migraines évidemment. Le merveilleux religieux se voyant supplanté par le merveilleux prétendument scientifique.

     

     

  • Insolite et déjantés (blog à consulter !)

    03/08/2014

    Pour ceux qui ont plus de 2 neurones, là-haut!

    et qui, en arrivant à la fin de la note, auront compris ce qu'elle raconte :-)

    Bien évidemment, j'ai mis en exergue ce qui m'a plut dans l'article!

     

    Médias, propagande et aliénation de l’esprit critique

    Nos médias sont à la masse et ce phénomène s’amplifie à mesure que, la crise aidant, le modèle qu’ils tentent de nous imposer depuis les années Mitterrand prend l’eau de toute part.

    Par Marc Suivre

    Le mercredi 10 septembre prochain, Sophie de Menthon et le mouvement Ethic organisent un colloque sur le thème : « Les médias sont-ils devenus fous ? » À cette occasion, l’Institut Turgot a demandé à Marc Suivre si ce sujet, particulièrement adapté à son humour caustique et à son franc parler, lui inspirait quelque réflexion. Voici sa réponse.

     « Les médias sont-ils devenus fous ? » En creusant le sujet, et notre cervelle par la même occasion, on commence par se demander, avec insistance : pourquoi « devenus » ? Les journalistes, à bien y regarder, ne comptent pas au nombre des personnes les plus saines d’esprit de ce pays. Leurs réflexes sont pavloviens. Ils sont toujours prompts à dénoncer chez les autres ce qui est la règle chez eux : recrutement opaque, copinage, promotion canapé, promiscuité incestueuse avec les politiques, passion pour la stigmatisation… J’en passe et des meilleures.

    Alors oui, nos médias sont à la masse et ce phénomène s’amplifie à mesure que, la crise aidant, le modèle qu’elles tentent de nous imposer depuis les années Mitterrand prend l’eau de toute part.

     De l’ombre à la lumière

    Pour mieux comprendre la folie des journalistes, il faut comprendre deux choses. La première c’est qu’ils sont beaucoup plus à gauche que la population qu’ils sont supposés informer. La seconde qui découle – oh surprise ! –  de la première, c’est l’obsession du politiquement correct qui sert de boussole à tout ce petit monde endogame.

    Tout commence en 1981 avec l’arrivée de « Tonton ». Avant, nous vivions dans l’ombre de la dictature Giscardo-Gaullienne (c’est bien connu) et l’odieuse censure empêchait nos braves Rouletabille de laisser libre cours à leurs penchants progressistes. Tous ceux qui ont vécu cette période savent ce que ce « storytelling » a d’inepte. Une légende (traduction française de l’insert anglo-saxon précédent) a beau être idiote, plus elle est répétée, plus elle prend corps. Surtout, à mesure que disparaissent les témoins susceptibles de l’infirmer, elle tend à devenir une vérité. Le baratin autour de la libération qu’a représenté le 10 mai 1981 n’existe, en réalité, que pour masquer la chasse aux sorcières éhontée entreprise, dans la profession, par les socialistes et leurs affidés dans les années qui ont suivi « le passage de l’ombre à la lumière ». Mais chut ! C’est le secret le mieux gardé de la France soviétique.

    Les journalistes de droite, traités comme de vulgaires collabos, ont été pourchassés jusqu’au fond des toilettes de leurs rédactions respectives (pour reprendre une image russe qui a fait florès). Une dictature de la bien-pensance s’est alors installée, parallèlement à la montée du Front national. Tout ce qui ne pensait pas comme il fallait était accusé de complaisance avec les zheures-les-plus-sombres-de-notre-histoire et, partant, décrété infréquentable, raciste. Aux Zélotes la fortune et la gloire télévisuelle (Canal + est le temple des fidèles), aux mécréants la déchéance, l’opprobre et la ruine (Cinq you la Cinq).

    Car il n’y a pas qu’en matière politique que le conformisme journalistique agit. La relation qu’entretiennent nos médias à l’économie de marché est aussi réaliste que celle qui unit Chavez au progrès social et elle explique très bien pourquoi la droite n’a jamais dépassé son horizon étatiste, malgré l’échec patent de notre « modèle social ».

    Le marché est, en France pour les journalistes, un instrument démoniaque d’aliénation là où, partout ailleurs sur la planète, il est un simple lieu de rencontre entre l’offre et la demande. Chez nous, le présenter ainsi est un péché contre l’esprit des lumières, une preuve de votre affiliation aux puissances de l’argent bref, une pensée déviante. Vous aurez certainement remarqué que, dans nos journaux, les libéraux et le libéralisme n’apparaissent que nantis du préfixe « ultra ». Bien peu nombreux sont, du reste, les lecteurs qui saisissent l’allusion à la Restauration (la période de l’histoire de France, pas le complément à l’hôtellerie) et à la Chambre introuvable (là encore rien à voir avec le guide Michelin). Peu importe la culture, seul compte le résultat et les « ultras » sont plus communément assimilés à l’outrance. Si les trains déraillent ou se rentrent dedans en Grande Bretagne c’est la faute à l’ultralibéralisme alors que chez nous… C’est la faute à pas assez de service public ! Attentifs comme vous l’êtes, vous aurez sûrement remarqué que ce terme d’ultra ne s’applique jamais à l’islamisme qui n’est qu’une version un tout petit peu excessive d’une Religion fondée, par ailleurs, sur la paix et la tolérance… Comme le constatent quotidiennement les Chrétiens d’Orient.

    Si les journalistes ultracisent à qui mieux mieux tout ce qu’ils se sont donnés pour mission de détester et de faire détester, c’est qu’en France, depuis les Jacobins : il n’y a pas de liberté pour les ennemis de la liberté. Appliqué à l’économie politique ça donne le discours du Bourget délivré par Pépère, lors de sa campagne présidentielle. Ce tissu d’âneries n’a pas eu d’autre raison d’être que celle de brosser dans le sens du poil tous les résistants en peau de lapin que compte notre classe jactante. La presse française se voit, en effet, pêle-mêle comme héritière et garante :

    ◾de la Révolution

    ◾des Droits de l’Homme

    ◾des acquis sociaux

    ◾du Service Public

    Le tout se résumant dans l’indépassable droit d’en foutre un minimum pour un profit maximum et son corollaire : le droit légitime de l’État à pomper toutes les ressources disponibles afin de garantir que ce bordel ne cesse jamais. Dans ces conditions, il n’y a rien d’étonnant à ce que tout ce que ce milieu compte de buses se soit mis à idolâtrer l’andouille de Tulle quand ce dernier déclara que son ennemi c’était la finance et à ce qu’ils aient applaudi, comme le premier crétin des Alpes venu, devant le projet – forcément génial – de taxer à 75% tous ceux qui touchent plus d’un million par an.

    Internet voilà l’ennemi

    Pareil aveuglement partisan conduit généralement à un réveil brutal car on ne peut pas impunément diverger sans arrêt du quotidien de ses contemporains. Pourtant, comme il est plus doux de rêver, nos médias refusent obstinément de se réveiller et avalent force Temesta pour y parvenir. Sous nos latitudes, ce médicament est prescrit par l’État sous le nom générique d’aides à la presse.

    Les lecteurs d’une presse à sens quasi unique désertent les journaux à mesure que grandit le fossé entre ce qu’ils voient et ce qu’ils lisent. Nous réussissons ce tour de force inouïe d’avoir une presse d’autant plus subventionnée par l’État qu’elle perd des lecteurs par wagons entiers. Au nom de la « liberté d’informer de désinformer », l’État paye grassement des journalistes, avec nos sous, pour nous écrire la légende d’un pays qui n’existe plus.

    Il en va de même sur les radios et à la télévision. À défaut de pluralisme, vous ingurgitez la même soupe faite de bons sentiments, très dans l’air du temps. L’audiovisuel ne vous informe plus qu’à la marge, mais en revanche vous rééduque vigoureusement. Aux spots de pubs de tous les ministères inutiles qui vous somment de manger 5 fruits et légumes par jour, s’ajoutent les campagnes destinées à vous faire accepter votre condition de délinquant de la route en puissance ou votre statut d’exploiteur des rares ressources de la planète. Toutes ces campagnes onéreuses sont autant de subventions publiques glissées dans les poches profondes des « entrepreneurs » du spectacle de l’information et destinées à compenser les pertes dues à l’érosion continue de l’audience, consécutive à la montée en puissance d’Internet.

    Car nos propagandistes ne s’y sont pas trompés. La vraie menace sur leur rente de situation ne vient pas du grand soir hypothétique d’une droite dotée des attributs de virilité nécessaires au nettoyage des écuries d’Augias. Non, de ce côté-là, il n’y a rien à craindre des eunuques du sérail ! Le grand danger vient de cette nébuleuse incontrôlable qu’est l’internet. Pensez, tout un chacun peut prendre la plume et rapporter les faits sans les précautions d’usages œillères réglementaires dont sont dotés les journalistes « professionnels ». Les Français se passionnent pour ces nouveaux médias, moins prompts à leur cacher ces vérités qui ne sont jamais bonnes à dire. Il convient donc, dans la logique liberticide qui préside à la préservation de tout monopole national, de « réguler » Internet. Les plus allants de nos « combattants de la liberté » par le stylo bille vont même jusqu’à louer le gouvernement chinois pour ses aptitudes libérales en matière de contrôle du web.

    C’est ainsi que nous en arrivons à des aberrations qui font qu’une candidate éphémère du Front national, primo délinquante, se voit condamnée à 9 mois de prison fermes pour injure raciale sur internet, pendant que l’on relaxe quantité de dealers, voleurs et violeurs en tous genres. Le tout sous les applaudissements, presque unanimes, des plumitifs qui tiennent enfin leur « bête immonde ».

    Dans la même semaine, les jeunes victimes du racisme intrinsèque de la société française attaquent des synagogues et mettent nos quartiers à feu et à sang aux cris de « mort aux Juifs » (slogan ô combien humaniste et original, on en convient), au nom d’une guerre qui se déroule à plus de 4 000 kilomètres. Pour nos journalistes, la cause est entendue : c’est la faute à Internet.

    Pas un d’entre eux pour s’interroger sur le fait qu’il y a à peine un an, on emprisonnait préventivement des pères de famille qui avaient le mauvais goût d’arborer un pull siglé d’une famille stylisée se tenant par la main. Pas un pour se demander pourquoi le ministre de l’Intérieur de l’époque mobilisait des effectifs démesurés pour encadrer des manifestations pacifistes et pourquoi, le même, devenu Premier ministre s’est montré incapable d’empêcher le déroulement de manifestations propalestiniennes qu’il avait pourtant interdites ?

    Nos journalistes sombrent dans la schizophrénie la plus avancée, à force de ne voir le monde qu’avec le côté gauche de leur cerveau. On ne compte plus les jours sans que nos médias ne nous enfument avec des histoires à dormir debout afin d’être sûr de ne pas parler des sujets qui préoccupent les Français. Il est d’ailleurs cocasse que journaliste soit la profession la plus mal considérée par nos compatriotes, juste après celle de politicien. Dans ces conditions, il n’est plus besoin de s’interroger bien longtemps. Oui nos médias sont fous et ça ne va pas en s’arrangeant.

     

    11:28 Publié dans Blog, Un peu tout, Web | Lien permanent | Tags : photo, femme, fille, mec, société | |  Imprimer

  • Réflexions d'un pirate, sur le dos d'un chat

     

    Il ouvrit, ferma les mains. Le sang revint dans ses phalanges. Il évita de tordre le cou. Ressentit puis énuméra les épaules, enfin les omoplates. Il se souvint d'un curé cubain qui répétait : "Sentez chaque partie de votre corps. Etirez-les en vous comme autant de petits corps indépendants. Puis rendez grâces : là est toute la prière." Le sang à présent remontait le long de ses deux carotides ; pour finir ses orteils s'épanouirent en bouquet sous le cuir des bottines. Il se récita le Notre Père en trois langues : espagnol, basque, anglais. Puis le plus de prières qu'il se rappelait, Ave Maria, Credo, Confiteor – quoiqu'il s'embrouillât pour ce dernier dans l'ordre des saints, et à vous, mon Père... Puis il se risqua aux prières personnelles, d'abord très simples, qui s'achevèrent sans qu'il y prît garde par le lamma sabbachtani du Christ en croix, « Eli, Eli, pourquoi m'as-tu abandonné" – et tandis qu'il pensait à voix haute « je suis ridicule", Brian reçut la Grâce, à ce qu'il lui semblait ; puis cela s'éloigna comme un effleurement d'oiseau - nom de Dieu pensa-t-il. Ce fut alors que le chat jugea bon de se remettre à l'horizontale et commença une longue randonnée sans but dans les atmosphères préromantiques malouines.

     

    Les effets de l'alcool se diluèrent. Or, tout félin chemine au long des talus du même pas nonchalant et gracieux sous le ciel gris qu'un renard avant qu'on le pourchasse ; il passe dans ces langueurs souples toute la puissance et la pensée du monde : le goupil perçoit les premiers cors, les beuglements des lords aux larges tavelures écarlates, et de leurs chiens tavelés de même : "Aboyez, bell out, dear dogs, je vous en donnerai à retordre" -  ainsi dit le renard , et il va trottinant, la queue bouffant au ras du sol, à contretemps du trot babord tribord, balayage soyeux par dessus les graminées , il étudie, flairant le vent, les haies près desquelles les chasseurs souffleront pour boire.

     

    Jamais il ne courra très vite, les chiens, les chevaux , encombrés de leur corps, se traçant un chemin parmi les cultures avec la balourdise d'un troupeau : ainsi passait le chat, trottant, décidé, huilé du tarse aux épaules se mouvant avec la régularité flexible des pistons à venir. Il semblait au pirate entendre l'une de ces musiques douces, drums voilés de loin dans les vapeurs du rhum de jadis. Le dernier grand homme dont il rêva ne fut pas un roi, mais un descendant ce ces banquiers Függer, de ceux qui ruinèrent Charles-Quint. "Brian", lui dit le financier d'Augsbourg, "tu dois enfin revenir dans le monde, car tu fus désigné pour ressusciter. Bien que nous ne soyons tous que poussière d'étoiles, tu ne peux cependant te résoudre en poudre interstellaire" – assurément non, il ne le voulait point. « Deviens chat, reprit l'homme de finances ; le monde qui te porte reviendra en toi, aussi bien que sous tes pas. Tu connaîtras les secrets, aussi sûrement que les morts, confondus à jamais avec les espaces. »" Puis le visage du banquier se gondola, ses boucles glissèrent au bas de son visage, formant une barbe, et lorsqu'il eut disparu, Brian s'éveilla Chat.

     

    De même que les infirmes ressentent dit-on leur pied coupé, les décapités leur cou, il se mut d'abord avec peine et comme un humain, puis s'aperçut que certains mouvements lui demeuraient désormais interdits, tandis qu'il en accomplissait d'autres, bien aisément : ainsi se lécha-t-il le cul sans dégoût. Peu à peu langue rêche, pattes souples à coussinets, moustaches orientables (vibrilles) palliant une vision devenue floue, s'implantèrent-elles dans les mécanismes de sa conscience. Il fit pour commencer quelques gambades félines, mais il était demeuré minuscule, et se demanda, sur l'animal de dessous, s'il ne manquerait pas les flancs arrondis de la bête, pour retomber sur un sol ou parquet peu hospitaliers - « mais les griffes » pensa-t-il, me retiendront, « et de plus, ne m'est-il pas permis à présent de sauter ? » A cette pensée, il feula de joie : assurément, bien qu'il fût resté nain, ne pouvant malgré tout jouer à égalité, ni rivaliser avec cet être velu qui ne lui avait pas donné le jour, il était chat, bel et bien félin.

     

     

    Portrait amer.jpgPORTRAIT AMER, PAR ANNE JALEVSKI

    Le sommeil des chats occupant les deux tiers de leur vie, de dix-huit ans de long tout au plus, il se promit de s'abstenir de sommeiller - pourtant le peu de mois passés par les félins sur cette terre comporte bien plus de bonheur que la vie ordinaire d'un homme. Curieusement, il n'éprouva pas le manque de miroir : il était sûr de ressembler à n'importe quel individu de sa nouvelle espèce. Il passait comme en un tourbillon d'un sentiment à l'autre : c'était une telle inadéquation des idées de mouvements et de leur réalisation qui le faisait tantôt trébucher, tantôt s'élever plus haut que nécessaire ; il était acculé: loin qu'il se fût débarrassé du chat porteur, il avait doublé sa contrainte. Et puis, deviendrait-il un personnage de fables ? rien ne fut plus comme avant ; une prescience s'introduisit en lui : Brian le Chat eut l'intuition qu'un certain esprit s'adressait à ses oreilles internes, alors qu'il n'estimait pas devoir jouir de privilèges supérieurs à ceux de l'espèce humaine. Cette voix disait : "Lève-toi et marche, descends au pays des Reins et de la Queue, et prêche la Parole". Un feulement ignoble sortit de sa gorge contractée - Dieu, véritablement, se manifestait. Quand l'ex-pirate eut enfin posé ses quatre souples pattes sur le dos du chat souteneur, il sentit naître en lui une intelligence plus subtile. Et croître en particulier le besoin de sa précédente espèce, l'espèce humaine, la vraie, la grande ; un esprit de symbiose accompagne sa démarche de somnambule, vers les Pays indiquées, où grouillaient femelles et mâles minuscules