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der grüne Affe - Page 121

  • En eaux profondes

     

    Entonner la Complainte des Preux du temps jadis, ou ricaner, ou rouvrir les livres poussiéreux, notre choix n'est guère vaste. "Et Coriolan qui massacra le Volsque en fuite, et le dictateur sorti d'exil qui mit en déroute les Sénons ?" Et quand c'est non, c'est non. Les exploits de ces grands hommes, tous militaires, tous vertueux, spartiates en quelque sorte, étaient enseignés aux enfants romains comme autant d'articles de foi. En bas de page, on me souffle : Camille (oui, le second Romulus, grâce à qui Rome fut fondée une seconde fois). Toutes ces gloires s'éloignent, et que sera le monde s'il ne reste plus que moi, post bombas atomicas, pour ânonner à des savants éblouis le peu qu'il me reste d'Histoire romaine dans ma calebasse de prof ?

     

    J'ânonne déjà. "Je voudrais revivre", dit Rome, "la vie de Fabricius, la mort des Decius" (Decius Mus, la Souris, Mickey Mouse des Romains) – "Fabricius refusa de faire empoisonner son ennemi Pyrrhus"... VII, 69 – 6 04 19... "Je voudrais ces victoires ou ces nobles défaites", bel alexandrin ma foi, comme il devrait s'en échapper plus souvent sous la plume de notre si souvent prosaïque traducteur, André Loyen. Nous sommes en effet passés du catalogue botanique à l'énumération chronologique, l'un et l'autre tant aimés des périodes qui n'ont plus rien à dire : ainsi fleurissent les dictionnaires de notre nouveau millénaire. Nous commémorons à tout va : "rends-moi mes enfances", redde mihi principia, fort bien dit, vas-y Sidoine.

     

    "Il s'échappe de toi des bonheurs d'écriture", en dépit des jaloux qui dénigrent ton style ; à moins que tu ne les aies chipés à Claudien ou à quelque autre : avec toi, qui peut savoir. "Hélas ! où sont maintenant les pompes et les riches triomphes du consul pauvre ?" est-ce de Cincinnatus (le Bouclé") qu'il s'agit ? ce riche propriétaire qui jamais de sa vie ne toucha les mancherons d'une charrue ? Que les ressorts humains sont pauvres, qui lui font admirer la simplicité, lorsque de puissants riches la manœuvrent en sous-main ? Waluliso, faux pauvre prédicant, Jeanne d'Arc dans la manche du roi et répétant la scène de sa réception de Chinon ? Cela console d'avoir échoué, cela ne consolera jamais. Rome pleure ses légendes : "La pointe de ma lance a porté l'effroi sous le ciel lybien" – moins désertique qu'il paraît, puisqu'en arrière s'étendent des terres fertiles, un des "greniers à blé" de Rome ; et la géographie d'Apollinaire souffre bien les imprécisions, puisque pour illustrer cette Lybie, c'est Carthage que l'on invoque : "au perfide Carthaginois j'ai imposé trois fois le joug, posui juga tertia". C'est bien à Rome de parler de perfidie, elle qui n'accepta la paix que sous la condition que la ville vaincue se reconstruisît 40km à l'intérieur des terres, belle position en vérité pour un port maritime !

     

    Tant de mensonges ne portent en eux leur consolation que par le néant de la chose humaine. Plus difficiles à effacer sont les tortures infligées aux humains, et que rien ne pourra recoller. Laissons la vieille Rome ululer : "Le Gange de l'Inde, l'Araxe d'Arménie, le Ger d'Ethiopie et le Tanaïs des Gètes ont tremblé devant mon Tibre". Franchir un fleuve était domination sacrilège si forte qu'on offrait des sacrifices aux dieux fluviaux ainsi surmontés et violés. Encore maintenant, quand je franchis le Rhône en train, ou la Garonne sur mes quatre roues, je prie ou je contemple, pour ne pas franchir vainement ce fleuve que tant de cons passent sans même y penser, à moins qu'ils ne fassent comme moi, ou moi comme eux.

    Effets d'eau.JPG

     

     

    En toute ignorance en effet, jamais les eaux n'auraient dû former des vallées, courant ainsi sur les rocs sans les entamer, ou croupissant dans les Okavango du monde. Ainsi le Houang-Ho ne vient-il plus dans son delta, et s'enfonce-t-il sous les sables bien avant la mer. Peut-on le cultiver ? Remonte-t-il du fond pour les inondations ? Nous franchissions ainsi le Rhin, nous autres Welsches, qui dépasse le kilomètre de large. Et Rome énumère ses triomphes, dans une mélancolie bien plus forte que les amateurs de déclin d'aujourd'hui, car de nos jours la bêtise pense, impose sa démocratie dans l'opinion, oppose toujours aux déplorations évidentes ses arguties inverses ornementant les débats : je suis pour, je suis contre, et cependant la vérité, l'univoque vérité, poursuit son règne austère. À vous, Rome ! "Ecrasé jadis avec ton allié Teuton, tu subis ma loi, Cimbre, et ton bras, qui étais jusqu'alors chargé du poids des épées (gladiisque gravatas), sur mon ordre, ne porta plus que des chaînes" – forza Roma ! Qui dira qu'il n'y a pas d'énergie dans Sidoine ? qui parlera de pauvreté de la pensée (certes, et alors), d'enflure, de pompe et de sottise ?

     

    Le moment n'est plus là, le sera-t-il plus au temps de Corneille ? Ces formules sont creuses, inadaptées : n'ont-elles aucune grandeur ? De quels soubresauts notre agonie ne sera-t-elle pas soulevés, au rappel de nos triomphes et de nos adversités ? Les Teutons ou Teutsch, les Cimbres ou Kimmériens, n'apprirent-ils pas à Aix ou à Verceil que la terre qu'ils exigeaient en conquérants se trouvait justement sous leurs pieds, où il faudrait les enterrer ? Sidoine et ses contemporains, et tout Rome, étaient lucidement convaincus de leur plus profond déclin, nul démocrate contradicteur ne venait leur démontrer qu'ils étaient en pleins progrès et que le noir était blanc : ça se voyait, et tout le monde y acquiesçait. L'illusion venait d'un chef magnétique, immense, qui reviendrait remettre de l'ordre. Là gisait le rêve, le déni pathétique : "Hélas ! poursuit-elle, quelle était ma puissance lorsque Sylla, Asiagenes ou Scipion l'Asiatique, Curius, Paulus, Pompeius "imposaient à Tigrane, Antiochus, Pyrrhus, Persée, Mithridate, la paix, l'abdication, l'exil, la rançon, les chaînes, le poison." Soyez assurés que chaque souverain, dans l'ordre, a subi le châtiment correspondant : à Tigrane la paix, l'abdication à Antiochus, IIIe du nom, souverain de Syrie, et ainsi de suite, en de belles énumérations, comme on lit les victoires sur l'Arc de Triomphe.

     

  • De quelques catafalques

     

    CATAFALQUE

     

    Il s'agit de ces gigantesques constructions de carton-pâte, sur le cercueil d'un homme illustre, afin d'exhiber l'immensité du respect éprouvé pour le défunt, aussi bien que la vanité humaine. Mentionnons ceux de Mirabeau, de Napoléon, de Victor Hugo, de Chauchard. Celui de Mirabeau fut édifié dans l'Eglise St-Eustache, aujourd'hui en bordure de la hideuse place des Halles ; les voûtes étaient tendues de crêpes noirs, et l'on y tira, en l'honneur du grand varioleux, plusieurs salves de mousquets. Celui de Napoléon, après son rapatriement ( décembre 1840), défila sous l'Arc-de-Triomphe afin de réconcilier la monarchie d'Orléans avec les bonapartistes. Celui de Victor Hugo exposé plusieurs jours sous l'Arc de Triomphe, fut accompagné de tout un peuple, après quoi ledit peuple se livra, chez soi ou dans les maisons closes, à une véritable débauche sexuelle d'une époque ignorante encore des bienfaits ou méfaits de la psychanalyse : ce fut le meilleur hommage qu'on eût pu rendre au divin Victor, qui, à 80 ans, exigeait encore ses nymphes.

     

    Ainsi s'accrût sensiblement la population parisienne. Quant à l'enterrement de Chauchard, négociant richissime, il montra pour la dernière fois la splendeur du cynisme à la population parisienne ; on se scandalisa des braises qui chauffaient l'attirail, pour que ce soit un "chaud char" (nul à chier, mais vrai) . Il y eut pour ces funérailles une telle profusion de dépenses funéraires que les pauvres gens se scandalisèrent à juste titre, et nous ignorons combien de catafalques osèrent encore défiler dans les rues de notre capitale. Mais revenons à présent sur tous ces sujets. Nous apprenons que "catafalque" signifie échafaudage en italien, et se dresse, originairement, à l'intérieur d'une église. Le cercueil proprement dit ne se trouve pas nécessairement sous ledit échafaudage, mais plus profondément, sous un fac-simile.

     

     

    Angoulêle tronquée.JPG

    Nous retiendrons tout particulièrement les catafalques (de l'italien catafalco, l'échafaudage) de Mirabeau, dont les funérailles se déroulèrent à l'église St-Eustache, toute tendue de noir, qui se trouve en bordure de la déplorable plate-forme des Halles ; les voûtes, ce 4 avril 1791, retentirent de salves de mousquet, en l'honneur de ce grand traître à la République. Plus tard, en 1840, les cendres de l'Empereur, de retour de Ste-Hélène, passent sous l'Arc de Triomphe et descend les Champs-Elysées : "Des tambours éloignés battent aux champs. Le char de l’empereur apparaît.

     

    Le soleil voilé jusqu’à ce moment, reparaît en même temps. L’effet est prodigieux." Le roi Louis-Philippe comptait ainsi se concilier l'accord des bonapartistes – peine perdue.

     

    Troisième catafalque : celui de Victor Hugo ; il resta exposé toute une nuit sous l'Arc-de-Triomphe, et dépassait les dimensions de celui de Napoléon. Deux millions de personnes assistèrent au funérailles, où le corps reposait sur le corbillard des pauvres, conformément aux dernières volontés du défunt. Des bruits courent sur une vaste copulation privée sous les toits de Paris, comme s'il avait fallu réparer cette perte incommensurable, qui fut suivie, neuf mois plus tard, par un sensible accroissement de la population parisienne.

     

    Dernier en date, le catafalque du nommé Chauchard, qui déclencha le scandale : les dépenses y furent faramineuses ; le corbillard transportait un immense brasero allumé, afin que l'on pût dire que le négociant avait été enterré dans un "chaud char". Révoltant de stupidité, mais vrai. Une dépense de 500 000 francs de l'époque. Il y eut une véritable émeute sur son passage, et les .

     

    forces de l'ordre durent intervenir..

     

  • Les ordinateurs et les rois

     

     Sans ordinateur je suis un infirme.

     

    Deux acteurs se frappaient dans les paumes, l'un, puis l'autre. A la fin, le plus décidé recevait une piqûre de drogue, et disait : "Je ne sens plus mes mains." Son allant s'était aboli. Ou bien le poison gagnerait le bras, puis le cœur. Le public avait applaudi, Anna, pas tellement, car ces deux acteurs souffraient d'une grande laideur. Je me suis retiré sur la haute chaise des Précieuses, pour lire Minicelli-Animato : Nerofumo. Tordu sur le siège, afin que nul ne pensât que je posasse. Il y avait autour de nous des filles de vingt ans, toutes en vivacité. J'aurai vécu ainsi, au sein des émotions : des jeunes femmes tout autour de moi.

     

    Je ne les savais pas aussi peu mystérieuses. Tâche de ne pas me rater : pensent-elles cela dans les rues ? Ici, les femmes, comme les destinées, restent cependant floues. Je trouve merveilleux à mon âge avancé de me trouver encore avec des femmes. J'en remballe une. J'arrose l'autre. Et plus question de chercher leur plaisir. L'amour n'est plus une gymnastique. Il me faudra dormir. Sa voix suffit à m'émouvoir. Je suis amoureux, et me reste-t-il aussi peu à vivre ? Le test électronique me donne mort le 1er décembre 57 : je ne veux manipuler personne, juste t'éclaircir la tête. Je pense à ce monsieur de Wolinski, baissant la tête au dernier moment par réflexe, tandis que la femme derrière lui se mange le coup en pleine poire.

     

    L'alignement.JPGProjet : lire Celan, édition bilingue. Anna ignore Celan, j'en ignore bien de l'autre. D'innombrables écrivains de l'ombre. Ce seraient des mots sans suite, et des viols de petits garçons dans les pissotières : moi par mon père et le curé. Parce que je l'aurais souhaité. Odeurs de cul. Répugnances. Chambres de Guignicourt où tout sentait le décès. Comme l'amante du Spoutnik : tout écrire. "Rabelais ne sait pas s'arrêter." Mais qu'est-ce que Rabelais, s'il s'arrête ? Borner Proust, le châtrer ? Soit une page de symboles mathématiques : il y a des ânes pour en passer des examens. Rabelais, de même : réservé aux initiés. L'âne est initié chez Lucien.

     

    57 03 03

     

    T R O I S R O I S

     

     

     

    Thème

     

    Errances et vicissitudes de la politique humaine.

     

     

     

    Thèse

     

    L'étouffement que c'est d'avoir un roi et d'être roi.

     

     

     

    Style

     

    Familier et effaré. Anticliché.

     

    Pays

     

    Côte étroite et riche, plateau immense et sans frontières

     

     

     

    Progression

     

    Urbain XIX = Louis-Philippe

     

    Alain XI = Napoléon III

     

    Valentin = nouveau nom de Napoléon III

     

    De la côte vers les plateaux, vers le rêve, vers la catastrophe du "Désert des Tartares".

     

     

     

     

     

    I Situation en 1830 VI Les expéditions

     

    a) Le pays d'Egypte et du Mexique

     

    b) son passé

     

    c) Sa position dans le monde

     

    en 1831

     

     

     

    II Urbain XIX et la petitesse VII L'invasion de la

     

    prospère côte par la métèquerie

     

    a) circonstances - barricades et comporte-

     

    de sa venue au trône ments délirants

     

    (cf. Claude après Caligula)

     

    b) équitation burlesque

     

    pour en imposer

     

    c) Descente sur la Côte par

     

    la pente de Clermont-Ferrand

     

     

     

    III Prospérité économique VIII Valentin Zéro et

     

    cf. Alejo Carpentier l'exploitation des

     

    "Symphonie Baroque" hauts plateaux

     

    On a réussi à persuader le monde

     

    entier de la nécessité de tout ça :

     

    a) Tonneaux de vin (cf. cuves Listrac)

     

    b) Chiens et perroquets

     

    c) Echiquiers, jeux de dames et

     

    de lettres.

     

     

     

    IV Les absurdités : gaspillages IX La Fuite au désert

     

    a) déniche un bordel et s'y love

     

    b) indispose, en ne buvant que de l'eau

     

    c) tombe amoureux, ce con, et meurt

     

    de sapropre plénitude.

     

     

     

    V Alain XI et la Recherche, X Un Roi à la Raspail,

     

    vers la Politique extérieure commande des

     

    - le Prince Sombre Etrangers volontaires

     

    vers les Plateaux

     

    illimités de la déraison.

     

  • De Gaulle et la diplomatie par l'image

     

     

    CHANTRIAUX "DE GAULLE ET LA DIPLOMATIE PAR L'IMAGE"

     

    Dure tâche, abordée les dents serrées : relire intégralement l'infernal pensum de "La diplomatie par l'image", retraçant l'épopée molle du procédé SECAM pour la télévision en couleurs. Il m'a fallu, ligne à ligne, éplucher toutes les pages de ce redoutable compte rendu, farci de détails techniques et de références à maintes et maintes archives nécessairement poussiéreuses. La thèse est de défendre les initiatives du général de Gaulle et de Georges Pompidou, afin de contrecarrer l'hégémonie technologique américaine, évidemment soutenue par son allié inconditionnel et germanique. Contre toute évidence, les partisans de l'économie dérégulée n'ont voulu voir qu'un échec dans l'aboutissement de ce projet, qui aurait divisé l'Europe entre deux procédés concurrents au nom d'une conception "maurassienne" de la France.

    Le rond de pavés.JPG

     

    C'est de la pure et simple mauvaise foi : notre pays serait donc le seul à devoir se retirer d'une compétition où les autres Etats donnent de la voix pour établir leur souveraineté... Mais il faut que la France disparaisse... Ainsi présenté, ainsi préfacé, l'ouvrage d'Olivier Chantriaux peut sembler attirant, animé d'une foi nécessairement ardente au service d'une idéologie d'exaltante indépendance. Hélas. Hélas. Hélas. Nous tomberons, je le sais, dans un inextricable marécage de notes et contrenotes diplomatiques, de démêlés internationaux, de technicités abstruses et fastidieuses, de radotages dans un style à couper au couteau, de notes en bas de pages foisonnantes et particulièrement importunes.

     

    Cette histoire de télévision en couleurs, que Napoléon eût sans doute négligée comme il a raté Fulton et son sous-marin, fut une affaire d'inventeurs et d'entrepreneurs. Or il faut une foi nécessairement inébranlable pour vouloir améliorer le bien-être de la race humaine, surtout dans un domaine apparemment si futile – mais il n'est rien de futile quand il s'agit de maintenir la France à flot dans le concert technique des nations. Aussitôt, la note 24 vient refréner mes ardeurs : elle me rappelle qu'une telle affirmation n'aurait pu être prononcée si ce n'eût été "d'après des documents communiqués par un ancien responsable de l'O.R.T.F." On s'en serait douté, cher enquêteur. C'est même une lapalissade.

     

    Et s'il ne faut omettre personne, il ne faut pas non plus révéler ses sources. Ce qui donne à cette note le caractère d'une profonde superficialité, si je peux me permettre cet oxymore, voir celui d'une totale ineptie (nous sommes de la catégorie des passifs, vengeons-nous de tous ces insolents actifs). Dès avant la Seconde Guerre mondiale, pas de "g" majuscule, monsieur l'Actif, les ingénieurs Henri de France et René Barthélémy, fâcheuse alliance de la famille royale et d'un souvenir massacrant, travaillent à des problèmes de télévision ; ils sont comme les pères des technologies françaises de la télévision. Ou "dans ce domaine", si l'on veut éviter les répétitions. La guerre finie, Henri de France travaille dans l'entreprise de son beau-père, Worms, petit industriel qui fabrique, entre autres choses, des téléviseurs, des émetteurs et des appareils de radar. Toujours cette image immortelle d'un Tournesol, professeur Nimbus ou Géo Trouvetout, semi-fou enfermé dans son laboratoire, au milieu des cornues et des ressorts à boudin.

     

    Plus concrètement, c'est aussi l'histoire de maintes associations familiales, petites entreprises animées par l'obstination et l'esprit de clan. Tout à fait le petit inventeur français parti de rien, voir Les palmes de M. Schultz, par exemple. Dès 1956, tout est décidément très précoce d'une phrase à l'autre, dès, n'est-ce pas, l'entreprise connaît des difficultés : elle s'avère trop petite pour satisfaire aux exigences du marché. Ma pauvre dame. Nous allons donc lire pour la nième fois l'histoire de ces petits obstinés qui grâce à leur persévérance et with a little help of [their] friends, de coup de pouce en coup de collier, vont s'extraire du bourbier, repoussant pour finir le marasme d'un grand coup de savate française dans la gueule.

     

    Bref, Worms décide donc de s'associer à un actionnaire du nom de Michelson. D'où la nécessité de connaître des actionnaires. A coup sûr l'un d'eux, soucieux de gagner sur ses actions, se précipitera à votre secours. Celui-ci ouvre son portefeuille : ô bienfaisante puissance du conformisme, qui permet d'obtenir les appuis financiers ! Ce dernier détient alors une part du capital d'Europe n° 1, que Worms avait créé à la demande de son ami Dumollet. Avec un "e" au participe, nous aurions pu penser que Worms avait créé cette station de radio ; ce masculin représente Europe N° 1 en tant que "poste d'émission radiophonique". Et j'avoue n'avoir jamais entendu parler de ce "Worms", alias Desasticots. Cependant, Michelson se voit rapidement ruiné par la faillite d'une banque monégasque : le petit groupe constitué par Worms est démantelé ; carrément ; les parts du capital d'Europe N° 1 (lire "Europe 1") que détenait Michelson sont vendues à Sylvain Floirat, plus tard actionnaire de la Compagnie française de télévision. J'ai persiflé trop tôt : voilà mon Worms vaincu.

     

    Mais il rebondira. En attendant, je ronge mes ongles. La télévision n'est pas née. Juste, on l'expérimente. En noir et blanc. La cellule de recherche de l'ingénieur de France, qui vient de déposer, en 1956, nous ne sommes donc plus immédiatement après la guerre, le premier brevet d'un procédé SECAM, risque de disparaître. Déjà les premiers téléviseurs font leur apparition dans les familles. L'on se réunit chez ceux qui en ont. Votre serviteur attrape alors chez les Blanchet sa primo-infection, en manipulant le crachoir du Monsieur tandis que ses parents se gavent de télévision. Or il se trouve, par bonheur, que Mme de France a pour habitude de jouer au bridge – je me marre – avec l'épouse de René Grandgeorges, directeur général de Saint-Gobain. À quoi tient l'Histoire...

     

    59 10 04

     

    Parler sur un livre qui rase considérablement : rien de bien constructif. Les archives du MAE (Ministère des Affaires Etrangères) m'indiffèrent au dernier degré. Le rapprochement franco-soviétique en 1965 à l'occasion d'une collaboration technique sur la SECAM ressemble au secouement d'un vaste tapis gorgé de poussière. Je n'aime pas l'histoire immédiate. Ce qui m'est arrivé à moi ne peut pas être devenu de l'histoire. Pas moyen de considérer la guerre d'Algérie, par exemple, comme un évènement détaché de moi. "L'article 220 c", maintes fois répété, n'avait pas besoin d'être ainsi asséné en bas de plusieurs pages de suite. "Document du cabinet du ministre de l'Information" : ce ministre n'existe plus.

     

    En revanche, par les tergiversations des négociateurs, nous touchons du doigt les imbroglios diplomatiques, l'art et la manière de forcer la main de ceux qui manquent d'enthousiasme, ou de ne pas tenir compte des manœuvres de diversion, ici allemandes. C'est, là aussi, épuisant. "Entretien de M. de Bresson, directeur du cabinet de Monsieur le Ministre de l'Information". Comment tous ces gens parviennent-ils, à la fin de leur journée de travail négociatoire, à distinguer ce qu'ils ont fait de ce qu'ils ont singé ? Le procédé NIR soviétique n'était qu'une resucée du PAL (ou du NTSC américain), puisqu'il recourait comme eux à la modulation d'amplitude. Heureusement, ce procédé russe n'a que très peu retenu l'attention des futurs votants. - "...avec M. de Peyroles, Directeur Général de la CFT; le Samedi 2 octobre 1965", en date du 13 octobre 1965" – mon 21e anniversaire, majorité de ce temps-là. 

     

  • Jean-Loup Trassard, "Dormance"

     

    Au début, c'est rébarbatif. Le lecteur ignore où on le mène. Il sent des relents de Gracq et de Rosny Aîné. Il s'intrigue d'un "Je" intrusif, d'une époque imprécise, car il est question d'aurochs à la fois et de lampe électrique : serions-nous après une guerre atomique ? Puis la confidence se précisant, il s'aperçoit que l'auteur lui fait part, dans l'émergence sourde de souvenirs tribaux, d'une imagination progressivement éclaircie de ses ancêtres, venus de la vallée de l'Indre à celle de la Mayenne. Le style de Dormance est dense, touffu, recherché. Pénible même, lorsqu'il s'attache à décrire chaque nuance d'envers de feuille ou de paysage herbeux. Les ancêtres acquièrent un peu de précision, vision interne du fond des âges.

     

    Gaur, l'homme, se rend d'abord en une certaine contrée, puis revient à son point de départ, puis retourne sur les lieux de sa découverte, en compagnie d'un petit clan. Il s'installera près de la Mayenne, et rencontrera le double narrateur : double, car à la fois témoin de sa vie d'avant l'écriture, et témoin pour notre temps contemporain. Mais il aura fallu beaucoup s'efforcer et pester avant d'avor déchiffré cette approche littéraire et documentaire. Une fois franchies ces habiles chicanes, pointent déjà les écueils du genre : la nomination des personnes, femmes ou hommes; et ce qui doit arriver dans le quotidien ou l'héroïque des temps obscurs. Deux femmes seront rivales, ce qui nous ramène au roman, mais, plus original, nous suivrons les étapes de la création, à partir des recherches biaisées du narrateur.

     

     

    Enchevêtrement de cycles.JPG

    Je dis biaisées car ces péripéties, insérées dans le discours, ne pourront jamais être vraiment documentaires et objectives, car subjectives aussi par définition. L'auteur archéologue nomme les lieux de façon contemporaine, ici "un enfoncement de la Mayenne par rapport à ses rives, et, passé le tournant, celles-ci se resserrent sans doute, jusqu'à être reliées par enchevêtrement de deux arbres opposés dont les branches , dessous, divisent le flot brusque." Quand nous aurons observé, bien visibles, les allitérations sur le resserrement, la longueur des membres de phrases suggérant l' "enchevêtrement", la chute où le mot, "brusque", correspond exactement à l'impression de brusquerie, nous pourrons nous questionner sur le "sans doute", où se confirme l'intention de nous suggérer une découverte involontaire, fortuite et progressive.

     

    Le Maine, c'est l'Amazone, ou plutôt la jungle hercynienne, où deux familles soudées vont s'installer, croître, et dans un style minutieusement sculpté, faire démonstration (l'auteur adore les suppressions d'article), dérouler ses chasses, ses luttes et ses fraternités attendues. L'essentiel est ee savoir la sauce, daube ou ratatouille, seront assaisonnées les pâtes. Enfin le poids des fourrures, des

     

    outils, de la meule, ne les a pas fait basculer puisqu'ils sont arrivés : "Lorsque avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes..." ou bien "La tribu prophétique aux prunelles ardentes
    Hier s'est mise en route",
    bien que nos hommes à nous cherchent avant tout à se dissimuler de toutes renontres incongrues, et qu'ils n'emportent avec eux nulles armes luisantes, à pied et sans chariots où les leurs sont blottis. Ce sont des instruments de paix qu'ils portent, et de culture : la meule et peut-être le mortier, ce qui fait bien lourd, entre les bras de Muh, quinze ans, amoureuse, rivale de Zva aux étreintes sauvages.

     

    Attention. Ne pas virer trop vite vers le plaisant. Non plus que l'auteur vers le narratif. La roche ici grumeleuse, graniteuse, parfois teinte son roux de violacé par oxydation entre les lits mais pas trace d'une pierre dure, d'un silex, ni dans le sombre et mol humus dont jouissent les végétaux qui l'étreignent, ni aux cassures et failles du terrain où paraît le socle de sable argileux, roux rosé. Nous avions oublié la diversion constante dont use Trassard, la géologie quand la botanique ne suffit plus : c'est le côté Julien Gracq, poussé jusqu'au cours universitaire ; avec des préciosités remontant aux Latins, car les végétaux ne sauraient proprement "jouir" ni "étreindre", à moins d'une humanisation à mon sens abusive.

     

    Il en est de même de la roche qui ne pourrait non plus "teinter" son roux de violacé, à moins de disposer, au sein d'un atelier, de tout un arsenal d'installations chimistes. Les allitérations de grumeleuse et graniteuse ainsi que la rime sont un peu voyantes, les lits sont une ellipse pour "de rivières", le sombre et mol humus obéit un peu trop à nos lois de métrique, aux cassures et failles joue sur la présence puis la subite absence d'articles assurément trop subjective, enfin le jeu des syllabes clausulaires, t-r / p-r, s-s-g[i], démontre une extrême habileté syllabique et de nombreux coups de polissoir. Bref, une prose qui sent l'huile, entendez celle du veilleur dans sa lampe. C'est ainsi que l'on aimerait écrire, mais aussi qu'on ralentit, qu'on lasse le lecteur sans cesse en éveil par de la trop bonne cuisine dont il faut absolument savourer chaque bouchée, avec dans les yeux l'émerveillement sans cesse renouvelé de ses papilles : "Et maintenant, bien noter les mots à choisir pour complimenter le chef lorsqu'il viendra, modeste et s'essuyant les mains, s'incliner devant ma table."

     

    Et voilà comment notre Dormance, de Jean-Loup Trassard, qui a tout pour impressionner l'éditeur de prestige, ne laissera sans doute le souvenir que d'une grande et passionnante bouffissure, d'une emphatique enflure dont il faudra bien avaler la dernière bouchée avant de n'y plus revenir ; et nous penserons une fois de plus : "Voilà comment il ne faut pas écrire ; nous sommes au service du lecteur, qui ne vient pas directement pour admirer, mais pour entendre parler de son précieux lui-même, sans être arrêté tous les cinq mots par une pierre précieuse ou la coruscante monture d'un bijou toc" et toc. Dans le même style, nous apprenons de façon solennelle qu' ils apportent des montants, mais qu'ils devront avoir, pour les emmancher (...) des haches déjà, aptes à couper bois de houx et bois d'aubépine, connus pour leur solidité. Allitérations, manque d'article, et pour finir, une évidence à la Homais.

     

    La recette est connue, la souffrance à venir (alexandrin...).

     

  • Zatèli, La mort en habits de fête

     

     

     

    Ainsi donc de ce volume de 608 pages, premier tome d'une vaste saga, traduit du grec moderne par Michel Volkovitch, rien ne subsiste en notes préparatoires ? Il me faudra donc étrenner ici cette Mort en habits de fête, Grand Prix d'Etat, signé Zyranna Zatèli ? Pour seuls secours les débris de ma mémoire, les immenses réserves de mon esprit étroit, et l'admiration pour ce génie de mêler le plus infime détail avec les plus vastes réseaux familiaux ? Car c'est un roman familial qui nous est livré ici, comme si souvent chez les romanciers, un écheveau à la limite de l'inextricable, qui serait digne d'un arbre généalogique dressé au fur et à mesure, avec ses retours en arrière, ses prénoms innombrables retrouvés de génération en génération ; ses sauts dans le temps, avec rivalités d'oncles et de neveux, de beaux-frères et de clans ennemis. Mariages, adoptions, abandons et enlèvements - époustouflante maestria qui d'abord étourdit le lecteur, comme pour bien lui signifier son intrusion, et son irrémédiable incompétence : car c'est l'autrice elle-même qui seule peut dérouiller les clés, fracturer les portes ou susciter les courants d'air dans l'inépuisable demeure du labyrinthe temporel.

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    Nous ne comprenons que peu à peu. Nous enrageons de piétiner longuement sur des riens, des mimiques significatives mais de quoi, des associations d'idées vagues, des allusions que les personnages et l'autrice comprennent, mais pas nous, des références à la vie des Grecs aux débuts du XXe siècles que nos lointains cousins européens peuvent flairer, mais pas nous, Français de France empêtrés de plus dans une traduction. Soudain parfois les voiles se déchirent, nous comprenons une alliance, nous devinons pourquoi ces deux-là se détestent ou bien s'aiment, quelles dettes ou quelles rancunes se sont accumulées au sein d'une histoire d'amour ou de mariage arrangé. Les détails et les anecdotes, les traits saillants, les vices et les maniaqueries de chacun se trouvent tellement détaillés, burinés par la plume de l'autrice, que sitôt qu'ils bougent le pouce ou l'index, ils émeuvent à eux seuls la voûte des cieux ou la croûte terrestre.

     

    Nous parlerions de longueurs, de truculence, de délicatesses, d'étrangetés. De comportements inexplicables, ou bien, que nous aurions eus, aussi bien. Et tout en dévidant mon petit morceau, tout en flûtant mon petit air connu, je reconnais que celle qui ne peut monter ou descendre les gammes complètes d'une telle épopée n'aura jamais su écrire. Ici l'incohérence n'est qu'un excès de cohérences obscurément ajustées, surtout après certaines plages récapitulatives, qui d'ailleurs apportent elles aussi leurs compléments et leurs confusions provisoires. Nous avons lu le tome un, mais nous ne sommes pas suffisamment grecs peut-être pour nous sentir attirés par le deuxième. C'est nous qui sommes trop courts. Tenez : nous allons nous borner, si ce mot peut avoir un sens dans une si gigantesque construction, à l'une des premières scènes, la première même je crois, occupant plusieurs dizaines de pages, alors que nous n'avons tenu que quelques paragraphes dans notre propre ouvrage, ce qui proportionnellement fait un peu petite bite. D'où notre extrême jalousie, notre dépit, notre hommage : cela se passe dans un cimetière. Grec. Au crépuscule d'hiver, mais il fera jour encore à la fin. Se trouve là un tout jeune homme de 13 ans, Zàfos, qui joue à la toupie sur les tombes : il n'y avait pas d'ordinateur, et peu de livres.

     

    Le jeu consiste à faire tourner la roue de la vie, avec un petit lacet, très vite, sur une surface plate, de préférence une dalle funéraire, en prenant garde que la toupie ne se prenne pas dans ses pieds (car on se tient debout sur la dalle), qu'elle ne tombe pas en heurtant les inscriptions ni dans les gravures en creux : le jeu même des mondes, le branle des astres - au point de rêver, à 13 ans, au titre de champion ; puis, un grand escogriffe apparaît entre les tombes lointaines, un grand jeune homme de 26 ans, maigre, dégingandé, bizarre, louche, dépeigné, qui adresse la parole au jeune garçon, lui démontre qu'il sait tout de sa famille, fait le tour des tombes, y lit tous les patronymes et prénoms des nombreux disparus : c'est bien l'endroit où pourrait apparaître la mort en habits de fête, car c'est ici le champ labouré de son triomphe, surtout chez telle branche de la famille dont les cinq frères et sœurs par exemple sont morts en l'espace de quelques années, tous jeunes, tous bizarrement.

     

    Le jeune vagabond sait mieux encore que le garçon lancer la toupie, et même, il en fabrique avec son couteau, il en porte des rangées accrochées sous son manteau, il traite le petit Zàfos comme un homme, lui parle mystérieusement, comme un fou, autrement dit quelqu'un qui a tout perdu sauf la raison. C'est son oncle. Le neveu de treize ans est orphelin de mère. Alors survient le fossoyeur, pas content du tout, mystérieux, muet, qui tourne autour des deux profanateurs de tombes, se contente de grogner, bêche en bataille, puis, d'un seul coup, se tourne de profil, exhibant solennellement son nez de faucon funèbre, tel Horus le conducteur d'âmes dans les bas-reliefs égyptiens, avec son bec démesuré d'oiseau de mort : le dieu psychopompe, qui mène le mort au paradis d'Isis et d'Osiris ou dans l'enfer de Seth, le dieu roux, assassin et maudit.

     

    Ainsi se trouve tressée une complicité entre ce grandiose gamin et cet oncle réprouvé, qui revient sur ses traces et les retrouve au sein des tombes, alors que le soleil se couche sur l'horizon accidenté des montagnes du nord. Ce qui donne, car l'autrice ne se gêne pas pour commenter tout ce qu'elle écrit, mêlant l'essai au récit, le mythe grec et l'épique du quotidien :

     

    "D'après une légende, Homère serait mort de chagrin, n'ayant pu trouver la réponse à une énigme posée par un enfant. Dans notre histoire, toutes proportions gardées, c'est à l'enfant que les grands posaient une énigme, depuis quelques années, et lui, d'une part, prenait patience – il avait le temps devant lui -, d'autre part, il en avait par-dessus les oreilles de ces questions sans réponse qui l'obsédaient, le rongeaient". C'est ample. Parfois pompeux. Cela se lit posément. Pas pour les gens pressés. "Lèvka elle-même," (la Blanche) "plus jeune que lui de dix mois, lui posait de telles énigmes. Surgies de rien. Elle était venue un jour – non, pas n'importe quand, mais le jour funeste où fut enterrée sa mère – près de lui pour le consoler, femme à onze ans, et lui dire de sa bouche toute pure ces mots qui semblaient un langage secret : "Fais ça pas, fais ça pas !" Que faisait-il ? Rien, il pleurait comme la plupart et plus que les autres, bien sûr. "Ne pleure pas tant, dit-elle alors, comme revenue au langage normal, toi et moi nous sommes pareils." Ce qui lui parut étrange de la part de sa jeune cousine, mais il trouva une explication : Toi et moi, voulait-elle dire, nous aurons le même sort un jour, nous mourrons, on n'a pas le choix. C'est vrai, on n'avait pas le choix. Mais Záfos alors regarda les mains croisées de Dàfni," (sa mère morte) "et ce qui s'était entrecroisé avec ses mains (il ne voulait pas le nommer), il regarda enfin Lèvka dans les yeux comme pour lui dire :" Non, ça, ce n'est pas pareil, ça n'arrivera nulle part ailleurs, à personne d'autre." Mais Lèvka détourna la tête et fit semblant de ne pas comprendre" – un chapelet entre les doigts de la morte ? "- et en plus elle aussi se mit à pleurer.

     

    "Sa jeune cousine et les énigmes candides qui lui venaient à certaines heures, passe encore. Mais ce qui le tourmentait à présent, c'était la réponse de Sèrkas," (son oncle, mais est-il le père de cette cousine précisément ?), "cette réponse pleine d'ombres et de sous-entendus. Que signifiait ce "nous sommes tous pareils" ?" ( pourtant c'est la cousine qui a répondu ; je ne m'explique pas ce glissement de locuteur) - Sèrkas plaçait-il donc sur le même plan le fossoyeur et lui-même ? Mais alors il aurit dû, au contraire, se montrer compatissant, ne pas jouer sur les différences." Désolé, cela devient confus à force de subtilités. "Et s'il voulait à tout prix humilier l'autre, alors pourquoi l'avait-il supplié, avec toutes ces ruses, de parler ou de se laisser sculpter ans le bois ?" En effet, l'oncle efflanqué avait proposé une belle statue au fossoyeur. "S'il considérait le fossoyeur comme un être humain – et que pouvait-il être d'autre ? même si... -, alors il était humain lui-même, et tout le monde aussi, et en tant qu'humains, les uns pour les autres et dans la mesure où nous sommes tous pareils... Il s'embrouillait, se retrouvait dans la même impasse," - nous aussi, mais l'écrivaine ne nous aide pas, "répétant, semblait-il, les mêmes idioties, s'écartant de ce qu'il cherchait." Vous n'avez pas fait exprès, Kyria Zatèli, de vous embrouiller, et ce n'est pas en avouant que vos interlocuteurs ne sont pas clairs que vous vous justifiez de votre magma. "J'ai compris de travers, se dit-il, je suis mal parti dès le début, il ne voulait pas dire ça." - quoi, ça ? est-ce que l'autrice n'est pas en train de mélanger son récit et les réflexions sur son récit ? "Mais telle était bien la question, encore une fois : que voulait-il dire ? "Peut-être rien. Ou la même chose, mais autrement, à l'envers – il est malin, Sèrkas, et le fossoyeur aussi est malin. Petit à petit je vais devenir malin moi aussi, c'est peut-être ça le sens," nous voilà bien avancés, "l'enfant poursuivait sa réflexion, désorienté, et comme dans un rêve il entendait le fossoyeur quelque part croasser encore et encore - il avait trouvé le troisième débris, le quatrième - ," débris de quoi nom de Zeus, "et Sèrkas à côté de lui qui croassait aussi en avalant les châtaignes, tels deux vautours échangeant leurs impressions. "Eux finalement ils se la coulent douce, alors que moi je me fais de la bile. J'ai gagné la toupie, d'accord, c'est bien. Mais il m'a traité de bec jaune ! Au lieu de blanc-bec, comme on dit chez nous... Est-ce que ça veut dire qu'il me trouve mal lavé ?" Voilà ce qui le tourmentait." Peut-être après tout la traduction se révèle-t-elle particulièrement difficile dans ce passage assez pataugeur