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La Dama azul, en espagnol dans le texte

 

El Señor Javier Sierra écrivit dans sa langue natale un gros ouvrage intitulé La Dama azul, La Dame bleue, ce qui sonne moins bien, et le sort a voulu que je le lusse en espagnol. Ce livre fait partie des volumes en langue castillane figurant sur les étagères de la Médiathèque de Mérignac. Il présente les mêmes particularités que les autres esspagnols de cet établissement, et nous serions malvenus d'extrapoler nos impressions à l'ensemble de la littérature espagnole contemporaine, dont nous n'avons que de très modestes lueurs : thème populaire et mystérieux à la Da Vinci Code, naïveté adolescente et grandiloquente, avec beaucoup de longueurs et de boursouflitude : pourquoi dire en une seule phrase ce qui peut s'étirer sur une page et demie ?

 

 

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Le petit venin est jeté : voyons l'intrigue, ou plutôt la thèse. Un brave ecclésiastique espagnol apprend le décès suspect d'un autre ecclésiastique opportunément tombé du quatrième étage, sur la tête, d'un bâtiment du Vatican. Il travaillait sur des spécialités scientifiques mystérieuses, car qui dit Vatican dit mystère : donc, notre prêtre qui est aux cieux trouve dans un vaste bureau-laboratoire digne de Frankenstein, truffé d'ordinateurs et autres engins électroniques valant bien les cornues médiévales, un successeur américain hispanophone qui lui montre avec orgueil le matériel de ses expériences. Chacun sait que le Vatican, dans les romans, collabore activement avec la CIA, voire la NASA, mais sans le Ku-Klux-Klan, quoique.

 

Les éléments d'une théorie du complot sont en place : par des sons, nous pourrions transporter nos ondes corporelles, peut-être nos corps eux-mêmes, à des milliers de kilomètres dans l'espace et dans le temps, pourquoi pas les deux. Il suffit pour cela de sujets prédéterminés, qui servent de cobayes à grand renfort d'électrodes judicieusement disposés sur le crâne, dans les oreilles ou sur le muscle cardiaque. Cela fait souffrir mais c'est pour la science et le surnaturel, aux limites du spiritisme. Et puis, si cela peut servir à la religion, apporter des preuves du surnaturel, tant mieux ! La science au secours de la religion de paix et d'amour comme elles le sont toutes ne peut qu'agrandir l'espace des spéculations humaines.

 

Pour corser le tout, mais dans la droite ligne de la logique illogicienne, des documents prouveraient qu'au XVIIe siècle, aux confins du Nouveau-Mexique et du Texas, alors possessions espagnoles, une troupe de franciscains, dans le noble dessein de convertir les Apaches et de les sauver pour l'éternité, virent venir à leur rencontre des Indiens Jumanos, avec una jota, qui portaient une grande croix, faisaient des signes de croix, et affirmaient par la bouche autorisée de leurs anciens qu'une Dame bleue à la peau blanche comme le jus de cactus était venue les convertir au « Dieu des dieux », non sans accomplir des miracles, et cela, dans le lieu consacré aux esprits indiens, lesquels se trouvaient ainsi détrônés. Nos frères pensèrent qu'une intervention divine les avait fait annoncer aux braves Jumanos, bien que l'on pût soupçonner un groupe de religieuses, cette fois, qui leur aurait coupé l'herbe sous le pied. Là encore, utilisation d'un cobaye indien, fils de chef, amoureux, sujet aux visions et s'en tirant avec de forts maux de tête. Le Vatican, la science occulte c'est-à-dire cachée, les services secrets américains contemporains : les ingrédients de la mayonnaise sont en place.

 

Or, cette apparition de la Vierge ou d'une religieuse habillée comme ellerappelle fort opportunément à l'auteur ou à ses enquêteurs porte-parole que jamais la Vierge (et c'est vérifiable) n'a jugé bon de se montrer au cours des âges, à des époques pourtant bien plus troublées que les nôtres eh oui ça existe, et bien plus sujettes aux superstitions et hallucinations dues à la foi intense. En revanche, de Lourdes à Lisieux en passant par Fatima et plus récemment Medjugordje (sans oublier La Salette en Isère), c'est une floraison d'apparitions fort lucratives, cierges, flacons d'eau bénite et hôtellerie de tous niveaux. Après bien des détours, l'auteur nous amène à la conclusion d'un complot soigneusement ourdi par les catholiques : la foi se trouvant en constante diminution depuis l'ère industrielle, pourquoi ne pas la soumettre aux viviviants électrochocs des apparitions, à des bergers, à des religieuses, et non plus en rêve, mais (on n'arrête pas le progrès) en personne ?

 

...Avec les exceptions notables de l'Indien pauvre de la Guadalupe, en 1531, et de Benoîte Rencurel au Laus (actuelles Hautes-Alpes) entre 1664 et 1718 – mais enfin, pendant tout le Moyen Âge, en dépit du renouveau de la foi mariale, rien. Rappelons que pour l'Eglise, aucune apparition, même reconnue, ne constitue un article de foi. Toujours est-il que l'un des innombrables secrets du Vatican serait que nos Vierges Maries ne seraient (ce qui n'est déjà pas si mal) que la projection dans l'espace-temps d'une ou plusieurs bonnes sœurs soigneusement sélectionnées, au prix de maintes migraines évidemment. Le merveilleux religieux se voyant supplanté par le merveilleux prétendument scientifique.

 

 

Commentaires

  • Alors, il arrive, cet éventrement des bibliothèques souterraines du Vatican ?

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