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Les Tusculanes, de Cicéron

 

Il sera très peu question ici des Tusculanes de Cicéron, d'une part en raison de l'éloignement de cette lecture, qui remonte aux années 99 à 2003. Pourquoi les évoquer seulement aujourd'hui ? parce qu'il ne s'agit que du Livre III, et que nous n'avions trouvé bon de parler que d'œuvres complètes ; or nous avons changé d'avis, et il n'y a que les imbéciles qui ne changent jamais d'avis : c'est mon avis depuis toujours. D'autre part, en raison de l'insipidité habituelle des propos de Cicéron, du moins pour ceux qui ne l'aiment pas, ce qui détruit nos accusations d'insipidité : « qui veut noyer son chien l'accuse de la rage ». D'autre part encore, en raison du tirage au sort des pages à relire, afin de « remettre dans le bain » le chroniqueur qui vous parle ; or ce tirage au sort nous a mené à la fin du fascicule, chez « Hatier – Les belles lettres », à l'usage des candidats du bac : il n'y est question que d'autres auteurs, Tertullien, Sénèque, Juvénal, traitant de thèmes analogues à ceux de Cicéron.

 

Pourquoi les Tusculanes ? Google, excellent moteur de recherche, nous rafraîchit la mémoire : Cicéron s'est imaginé tenir un dialogue philosophique avec plusieurs de ses amis, dans sa villa de Tusculum, à 25 km au sud-ouest de Rome. Les thèmes qu'il a traités sont, entre autres : la douleur est-elle un mal ? Non, car il n'est pas question d'imiter ce sage grec. « Tu as beau me tourmenter », disait-il à sa douleur (médicale), « je n'avouerai jamais que tu es un mal ». Car s'il s'interrompt pour s'adresser à sa douleur, c'est qu'elle le dérange, le fait souffrir, donc, c'est un mal. Ce sage-là, il ne faut pas l'imiter. Mais nous devons serrer les dents, nous taire et supporter. Voilà qui est stoïcien.

 

Autre thème : la mort est-elle un mal ? Non plus : en effet, cette fois c'est Epicure qui nous parle, ou bien la mort n'est pas arrivée, donc nous sommes vivants, ou bien elle ne dure qu'un instant, après lequel nous ne sentons plus rien, donc, elle n'existe pas. Admirez le tour de passe-passe, et le soulagement qu'une telle réflexion doit apporter : zéro. Cependant, Cicéron diffère d'Epicure : l'âme en effet, dit-il, est immortelle. Ou bien nous persistons en tant qu'individus, et nous continuons à penser. Ou bien nous nous fondons avec l'intelligence suprême de l'univers, et nous sommes divins. Nous voici donc tout consolés, tout guillerets. De même, le sage doit-il avoir du chagrin ?

La bénédiction.JPGLA BENEDICTION, SCULPTURE D'ANNE JALEVSKI

 

 

L'un de ces philosophes, en promenade, apprit que sa maison avait brûlé ; « cela pourrait être pire », dit-il, « personne n'en est mort. - Si, justement, ta femme et ta fille ont péri. - Cela pourrait être pire », répond-il. - Comment ? s'écrie son interlocuteur indigné. - Eh oui, j'aurais pu y être. » Colossal humour ! Et d'ajouter : Omnia mecum habeo, « J'ai toujours tous mes biens avec moi ». Le philosophe est donc prêt à toutes les catastrophes et conserve avec soi tous ses biens, sauf son humanité. Est-ce le but de la philosophie de perdre toute sensibilité ? Cicéron ne va pas jusque là. Il disserte, fait échanger des propos avec ses hôtes, mais ne parle pas en tant que Cicéron : un jeune homme est là, imaginaire, pâle et falot, qui permet au dialogue de se poursuivre. Cicéron est un vulgarisateur de la philosophie grecque, il n'a rien inventé de bien original, moi non plus.

 

Ajoutons que les passions doivent être éliminées, parce qu'elles proviennent de jugements hâtifs donc erronés. Enfin, la vertu donne le bonheur, l'argent, non. L'alcool, non, l'eau ferrugineuse, oui. Pas la moindre once d'originalité, ni pour nous qui retrouvons ici la morale de papa et d'arrière-grand-papa, ni pour les Anciens qui lisaient cette bouillie éloquente avec le même recueillement qu'aujourd'hui les lecteurs d'éditoriaux de Sud Ouest Dimanche ou de l'Express et toc. C'est en effet (je parle de notre auteur) le genre de textes à recommander pour des jeunes gens (surtout des filles, car le latin ne sert à rien, les garçons l'ont découvert, ils sont bien plus intelligents), adolescents turbulents et passionnés qui doivent se faire doucher à l'eau froide des préceptes moralisateurs.

 

Les textes annexes, que les auteurs du fascicule s'imaginent sans doute étudiés en classe, les petits naïfs, reculent de Tertullien, actif vers l'an 200, à Salluste, puis à Sénèque, puis à Tacite. Tertullien était un taliban : les premiers chrétiens, détenteurs de la vérité absolue, se glorifiaient de leurs martyrs, et n'ont cessé de se massacrer que tout récemment, et de façon provisoire, en Irlande : comment, quoi ! beugle le texte : de grands hommes ont bénéficié de statues après leur mort, alors qu'ils n'avaient servi que les lois et leur patrie, et ceux qui sont morts pour le seul vrai Dieu n'auraient droit à rien ? C'est pas beau, la jalousie, mon Tertullianou. Depuis, les statues de saints ont fleuri partout.

 

Salluste nous présente le portrait de Marius, grand général, qui n'a pas été instruit, mais exhibe ses décorations militaires, et se vante d'être un « homme nouveau », qui ne doit son élévation sociale qu'à ses mérites et à ses cicatrices, et non pas aux exploits de ses ancêtres ; l'ancêtre, c'est lui. De Sénèque nous ne dirons rien, car le texte latin seul n'a pas été compris par le professeur de latin que je fus. Je crève de honte, mais plus tard. Il m'a semblé cependant que selon lui, il y aura toujours des gens méchants et des gens bons : voilà bien de l'originalité. Tacite est un peu plus rigolo, car il nous montre la cruauté de Néron, qui fut loin de s'exercer uniquement contre les chrétiens : il condamnait à mort tous ceux dont la tête ne lui revenait pas, même si la fille de l'accusé venait le supplier. Alors le sage Thraséa Paetus se trancha les veines, comme avant lui Sénèque dans son bain, de sang. Tout cela pour montrer la constance dans la douleur, la dignité dans la mort et dans la vertu. Juvénal, dans sa sixième Satire, vers 474 à 511 (ouvrez votre livre, bande de puceaux et celles), s'attaque aux femmes (cible ô combien originale), pour déprécier le mariage : comme disait plaisamment Onfray, la vie ne peut pas être bonne avec bobonne, et public, féminin, de copieusement huer.

 

Commentaires

  • J'avais une colique néphrétique. L'infirmier me demande de noter ma douleur de 1 à 10. Je réponds : "6". Il hausse le sourcil, très étonné. Qu'est-ce que j'aurais donc dû répondre ??? Mystère.

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