Proullaud296

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der grüne Affe - Page 114

  • Et je m'en vais, Plotin, plotan...

     

     

    Plotin est , à proprement parler, intolérable. Rigoureusement incompréhensible. Il s'obsède, par exemple, sur des histoires d'unités et de multiplicités, confondant l'idée de dieu avec l'idée de Un, du Grand Un, ce qui est louable dans son souci de monothéisme, idée platonicienne, car Platon ne dit pas autrement que Ho Théos, Le Dieu. Or, voici notre Plotin qui se hâte, qui s'évertue, à reconstituer cette unité, à la remettre en question, de même que l'Unité divine, difficile à concevoir pour des âmes simples, s'est ensuite multipliée en une infinité de saints. Plotin imagine donc, par le raisonnement, et dans une ambition qui n'a rien à voir bien sûr avec une quelconque superstition ou accessibilité aux âmes simples, s'ingénie donc à s'embrouiller dans des subdivisions de subdivisions, entre ce qui relève de l'âme, de l'idée, de l'intelligible et de l'Intellect, ce qui relève de la théologie, mais explore en même temps les mécanismes mêmes de l'intelligence humaine : il est digne de louanges, car nous nous saurions nous contenter d'une contemplation qui ne serait qu'un truisme : A = A, Dieu est Dieu, Dieu est grand, fin de la réflexion.

     

    Mais notre faiblesse aboutit vite à la fatigue : Plotin, dans ses laborieuses contorsions, tente une distinction entre ce qui est un et ce qui, tout en restant un, se révèle multiple (comme le corps, l'univers, etj 'en passe : comment ce que nous voyons multiple pourrait-il procéder d'une unité, être même une unité ? « Comment donc voit-il, et que voit-il ? » - l'Intellect, je suppose. Réjouissons-nous toujours que Plotin, par exemple, ne possède pas les insupportables certitudes de Socrate, qui est à Platon ce que le bateleur est au grand cirque. Plotin en effet pose des questions, sans recourir à ces formules de politesse aigres-douces en foutage de gueule : « Et comment, tout compte fait, est-il venu à l'existence et comment est-il né de l'Un, pour être en mesure de voir ? » Car s'il n'y avait que l'Un, il n'y aurait ni création, ni homme pour considérer la création et les créatures.

     

    1. Il faut donc bien que l'Un, l'Être, se manifeste par l'existence ( grâce à Dieu, si j'ose dire, le philosophe ni le lecteur ne sont pas encore eunuqués par les notions ni les dogmes chrétiens). Le Grand Un se scinde donc en deux, dans un premier temps, pour se voir, pour prendre conscience : « Car maintenant l'Âme » (de l'homme ? prudence...) « comprend qu'il est nécessaire que ces choses existent, mais elle désire trouver la réponse au problème suivant, si rebattu chez les anciens penseurs : » (j'allais le dire) «comment de l'Un, s'il est tel que nous le disons, peut venir à l'existence une réalité quelconque, qu'il s'agisse d'une multiplicité, d'une dyade » (le Un et le Deux) ou d'un nombre ? » (...qui dépasse « deux »). Autrement dit, comment 

    2. Dieu a-t-il pu créer en dehors de lui-même, sans rupture ? La Cabbale parle du tsimtsoum, Dieu qui rentre le ventre pour créer en quelque sorte ; Wealshey, de l'expérience concrète sans laquelle la toute-puissance ne peut s'exercer. Reste à résoudre le problème subsidiaire suivant : savoir comment il a puexister un «avant » et un « après ». Le tsimtsoum ou « repli » de Dieu, repli de l'Un sur soi-même, pour laisser place à la Création, semble plus rationnel, même s'il est fantastique, tandis que l'expansion par l'expérience introduirait une imperfection originelle, disons une incomplétude. Face à l'hôtel.JPG

      1. Mais comme il est inconcevable que Dieu ait pu se sentir incomplet, puis décider de se compléter, il faut bien que la création et l'existence de Dieu soient apparues en même temps, si même la notion de temps convient ici. Quand je pense à mon catéchisme : « Pourquoi Dieu nous a-t-il créés ? » Réponse : « Pour que nous lui rendions grâce » - il avait donc bien besoin de cela, le pauvre ? « Pour s'éprouver lui-même » - il y aurait donc un Dieu, la Conscience de Dieu, la Crétation de Dieu, tout cela concomitant, à l'instar des Trois Piliers de la Kabbale, ou de la Trinité chrétienne.

      2. Ce qu'il faudrait d'abord, voyez-vous, comme pour les cours d'instruction civique, ce serait un tableau où figureraient les fonctions et attributions de chaque élément de ce Meccano théologique en souhaitant qu'il n'y ait ni chevauchements ni enclaves... « Comment se fait-il en effet que l'Un au contraire ne soit pas resté en lui-même et qu'une si grande multiplicité soit sortie de lui, cette multiplicité que l'on voit dans les choses qui sont et que nous avons raison, pensons-nous, de ramener à lui ? » Plotin reste donc à peu près clair. apparemment.

      3. Nous pencherions alors volontiers pour la Kabbale, qui parle d'un explosion où les fragments conservent une fraction d'étincelle aussi efficace, aussi énergique, aussi énergétique, que l'embrasement ontologique du Divin... J'ai tant haï Plotin en marge, multipliant les commentaires rageurs et ignorants ! Toujours est-il qu'après des considérationsdifficiles pour un profane sur les rapports entre l'Unité et le Divin, notre penseur s'attache à nous expliquer les mécanismes de l'astrologie et de la magie : tout est lié dans l'univers comme dans un organisme, et selon des règles logiques.

      4. Car le commun des mortels, après avoir contemplé le Grand Un et son Œuvre, se tourne volontiers vers les projets pratiques : ce Dieu doit bien servir, dans sa toute-puissance, à quelque chose : gagner du pogon, ou l'amour, ou – soyons fous - le Bonheur. Donc en invoquant les astres (ou les saints, pour les chrétiens) nos pourrions attirer sur nous les énergies desdits astres (les grâces des saints), sans que ces astres en eussent conscience (mais les saints, pour leur part, intercèdent). Et si Jupiter ou Saturne annoncent l'avenir (car nous autres, faibles créatures, nous restons soumises à la succession chronologique, le temps, et logique, la cause et la conséquece, ce que nous avons fait et ce qui nous retombe sur la gueule, c'est-à-dire tout simplement la morale), ce n'est pas qu'ils doivent immanquablement se produire, mais que de certaines causes résultent certains effets ; si cela ce se produit pas automatiquement, c'est que chacun de nous, d'une part possède sa nature propre (son "substrat"), réceptif ou non à ces ondes émises d'en haut, d'autre part est pourvu de liberté individuelle, de responsabilité, car astrologie ne signifie pas déterminisme, et nous avons été créés, nous les hommes, libres, car sinon, ce n'était pas la peine de nous avoir créés.

     

    L'inconvénient de ces théories rationnelles, ou du moins rationalisées, c'est qu'elles s'articulent difficilement avec une efficacité matérielle ou, plus modestement, pragmatique : les décoctions ou fumigations amazoniennes cèdent aux soins de la médecine occidentale et scientifique, et miracles ou effets placebo mis à part, nous serions curieux de savoir à quels moments la pensée magique, analogique, a pu se muer, ou muter, en pensée logique et scientifique. La raison n'est pas incompatibles avec la foi. Mais l'une et l'autre semblent procéder par sauts, par bonds, qui s'appellent des "hypothèses scientifiques", ou des "inspirations" d'origine mystérieuse, après tout. Par sauts, et non par contacts. L'univers comporte des sauts et des espaces, du risque. Et ce n'est pas en voulant améliorer la bougie que l'on est parvenu à l'électricité, d'où la nécessité absolue, messieurs les calculeux d'budget, de la recherche pure ! le rationnel, certes, mais aussi le mystérieux. Et même, risquons les gros mots : le passionnel, que dis-je, la psychologie ah quelle horreur. La colère, l'envie, ne procèdent pas du rationnel, "et il en va de même" nous dit Plotin, pour [les actions pratiques] déclenchées par les convoitises". Ainsi donc nous aurions nos caractères propres, sur lesquels cependant nous n'aurions pas toujours pouvoir de volonté. Nous avons été créés tels ou tels, et nous y pourrions très peu ; "le désir de s'occuper des choses politiques et celui d'être magistrats" (consuls, présidents) "sont déclenchés par l'amour du pouvoir qui est en nous"

     

  • La femme d'à côté refusée

     

    Alors comme ça c'est toi la femme d'à  côté. Avec tes airs triomphants, certaine de te faire aimer ; avec tes yeux de braise et ton air de cours après moi que je t'attrape. Parce que c'est con, les hommes, un sourire, emballé c'est pesé. Par le bout du nez - enfin le nez... Vous n'avez qu'à  vous baisser - oh pardon... Nous les hommes, quand on est seuls, on le reste. Vous n'en avez rien à  foutre des hommes. Rien à  redire, d'ailleurs ; sauf quand vous vous mêlez de nous faire la morale - c'est la meilleure. Femmes d'à côté, d'un autre monde. Le monde des femmes. Celui de la faiblesse. Tu parles. Les hommes, ça le fait mal. Ça viole, Ça tue, ça étripe, ça dépèce. Faut voir le costume qu'on nous taille dans les médias. On en a pour trois âges de glace. Une joggeuse par-ci, une petite fille par là . Sans compter les guerres. Qui est-ce qui fait les guerres ? Gagné, les hommes. Odieux on vous dit. Ou ridicules : ça souffle comme un bœuf enfin un taureau (impuissant, ou violeur ; vous, vous n'aviez rien demandé). L'homme d'à  côté, il bat sa femme. Une femme sur dix ! Vous vous rendez compte ! Vous croisez des femmes dans la rue : une, deux, trois,... dix : une femme battue. - 3 femmes par jour meurent sous les coups de leur compagnon - combien d'enfants, sous les coups de leur mère ? Plus encore.

     

    Ô femme d'à  côté, inciter les hommes à  pisser assis, par voie d'affiches dans le métro, ça c'est du sérieux ; mais quand on pend des filles de seize ans pour "mauvaise conduite", attention, faut pas stigmatiser, silence radio. Bien sûr, salaire égal, droit de vote, liberté totale. Mais de là  à  se faire poursuivre pour harcèlement, pour attouchements, et dès qu'on rate sa baise, pour viol - c'est un peu fort tout de même. "'Il faut aller vers l'autre" Bonjour madame. Ah pardon vous êtes lesbienne ; logique - suis-je bête - moi aussi j'aime les femmes - ça va je n'insiste pas !“ que de dégâts juste avec ce truc qui pendouille j'arrête parce que je vais dire des conneries. La Charente.JPG
    Alors que j'ai toujours adoré les femmes, celles d'à  côté (forcément, les autres on ne les voit pas). Nous perdons notre ignoble domination n'est-ce pas, je ne me suis jamais autant aperçu que j'étais un saligaud qu'en regardant les journaux et la télé. Alors maintenant la femme est libérée, flic elle tire mieux que les mecs - mais qui est-ce que je vais protéger, moi ? Qu'est-ce que je vais bien pouvoir lui apporter ? - attirante, sexy ? Non : revêche, rébarbative. Et l'amour dans tout ça ? (j'oubliais : pas de prostituées, ils ne pensent qu'à  ça ma parole) - “ il faut avoir confiance. Ça ne se décrète pas comme ça, la confiance. C'est une longue approche. La femme d'à  côté ? Elle a tout son temps. Les hommes vous savez c'est dégueulasse : ça a besoin de ça avec une femme en vrai.Alors la femme d'à côté, eh bien on la met de côté. Elle est libre. Elle est seule. Où est le problème ? Ceci est un texte de fiction. Quoique.

     

  • Cimetières animaliers

     

     

     

    Les animaux ont droit à tout notre respect. On ne jette pas son chien ni son chat n'importe où. Il est à noter que les vaches ou les éléphants n'ont point droit dans nos contrées à des rites funéraires (les éléphants se retrouvent dans les lieux où leurs capacités, diminuées par l'âge, ne leur permettent pas de survivre ; c'est pourquoi on les retrouve morts à peu près dans les mêmes endroits, car ils se sont d'eux-mêmes exclus du groupe). Les crocodiles et les chats bénéficiaient des mêmes rites d'embauMEments, monsieur Soulages. De nos jours, les dates de naissance et de mort, dans les cimetières de chats et de chiens, sont très proches : ils meurent avec notre enfance. "Je te ferai le temps d'un chien ou d'un chat", disait un vieil amant à sa maîtresse : Cavanna, Reggiani ? un Rital en tout cas ("comment peut-il encor lui plaire").

     

    Le cimetière d'animaux doit être excellemment entretenus. En effet, ils n'ont pas mérité la mort. Nous, si. A quelque âge que ce soit, car nous sommes maudits par le péché originel. Même l'enfant mort eût été capable, un jour ou l'autre, des pires forfaits ; les animaux, eux, même les crocrodiles, sont innocents. Ils n'ont rien fait. Ils sont l'expression la plus directe de l'étincelle vitale universelle. ; ce n'est donc pas la mort de l'enfant qui est un scandale, au sens métaphysique du texte, mais bien celle de l'animal. De même n'avons-nous pas le droit de blâmer les immenses sommes prodiguées par certains pour les tombes de leurs bêtes bien-aimées. Car nous ignorons la profondeur du lien qui unissait le maître à sa bête. Nous ne devons pas nous moquer des mémères à chienchiens. Les rires provoqués par la douleur de la concierge dans Rhinocéros d'Ionesco ("Mon chat ! mon chat !") sont une infamie.

     

    En effet les animaux, sauf pour se manger, ne se tuent pas d'espèce à espèce. On a vu des chattes adopter des petits chiens, et se lier de camaraderie avec des vaches ; un hippopotame et une tortue faire bon ménage. Un chien tirer son congénère écrasé de la route, en le prenant de ses deux pattes avant, marchant sur ses deux pattes arrière à travers l'autoroute en dépit du danger. Un autre envoyer de l'eau de flaque, à grands coups de museau, sur les corps palpitant d'agonie de ses frères les poissons à même le quai ? Les animaux valent mieux que les hommes. Ma femme me trahit. Mon chien ne me trahira pas. Pourquoi dans ce cas le deuil de l'animal dure-t-il si peu longtemps, quelle que soit la vivacité de la douleur que l'on éprouve sur le moment ?

     

    La palette du peintre.JPGS'agit-il d'une solidarité d'espèce, impliquant malgré tout, par l'instinct humain que nous voyons à l'œuvre, un sentiment de supériorité? qu'elle nous soit ou non accordée par la Bible, ce qui ne règle rien. Jamais jen'ai pardonné à mes parents le meurtre de mon chien, fusillé loin de moi pour avoir boulotté des poules. Le plus célèbre cimetière d'animaux de compagnie est celui d'Asnières, à l'origine "Cimetière pour aux chiens", sans en exclure les chats et autres animaux de compagnie. Il aurait été le premier cimetière pour animaux créé dans le monde occidental, en 1899, dans une "île des Ravageurs" désormais soudée au rivage. La ville d'Asnières, après en avoir inscrit le site au patrimoine artistique national, en assure la gestion depuis février 1997. Au 4, Pont de Clichy, son seuil est gardé, depuis 1900, par le saint-bernard Barry. Rintintin y possède, lui aussi, sa tombe. On grouve aussi dans ce cimetière, entre autres, des tombes d'oiseaux et de lapins. Mais aussi des chats, bien vivants, pensionnaires de leur propre maison où les employés assurent leur confort en ce bas-monde !

     

    D'autres cimetières animaliers se trouvent en province : à Villars (Loire), La Roche sur Yon, Garnat-sur-Engièvre (Allier). Celui de Villepinte, en région parisienne, est également dédié "A tous ceux que nous avons aimés et qui nous ont quittés". Le "cimetière d'animaux d'agrément" de Cagnes-sur-Mer attire également notre attention. Nous ne saurions les citer tous : par exemple, le Cimetière Fidèles compagnons à 83500 LA SEYNE SUR MER Il existe désormais non seulement des assurances obsèques pour animaux, et des instituts d'incinération, mais aussi, sur internet, un "cimetière virtuel", où chacun, gratuitement, peut rassembler les photos de son animal familier, car notre époque est extraordinaire.

     

  • Un salon du livre

     Ils ont tous deux l'air con, comme on est en photo. Lui surpris en pleine moue, plein joufflu, les petits yeux vrillés sous les verres. Elle, chevaline, jumentaire, avec un beau couvage de regard, une tendresse. Très rousse et lui très foncé, pas encore sa fausse tignasse à la Nosferatu d'aujourd'hui. La photo date de dix ans. Il a plus vieilli qu'elle. Derrière eux des tables allongées garnies de livres, nous sommes à Dieu sait quel obscur salon du livre, « près de Z.» : Munster ? Ribeauvillé ? Les tables drapées de rouge, des piles de livres dont on voit les tranches blanches, et d'obscurs exposants, anonymes, plus petits, d'obscurs visiteurs, de dos, de face, on voit mal.

     

    Reprenons. Format paysage. Lumière : intérieure, sombre, une croisée au fond bien blanche, une autre à demi vue sur le mur qui revient. Couleurs : tables rouge lie-de-vin, tranches de livres blanches, veston blanc de Lazarus, chevelure rousse de Blandine toujours jeune. Formes : parallèles obliques (quatre, pour deux tables très allongées, servant de comptoirs). Or les deux personnages sont de face, assis, coupés au nombril, mains coupées sauf un pouce (de Lazarus) tenant un verre. A droite de Blandine sur le cliché, Kilt, ouvrage interdit désormais (le dessin par ma femme en couverture). Que dit Lazarus ? Il joue au naïf, il doit proférer une énormité comique, pince-sans-rire. Son veston est blanc, il porte un badge, au-dessus du badge la pochette montre un haut de carnet, un stylo. Débordant sur le veston, une chemise noire échancrée henrilévyque. Visage trop gras. Moue lubrique ou stupide. Chevelure en chou-fleur, bien fournie, débordant sur le front. Le mot qu'il prononce comprend un « u ». Les yeux sont dans le vague. Blandine, au contraire de lui, porte le blanc par-dessous, le noir par-dessus. Elle est moins décolletée que lui. Les revers du col, très long, sont noirs.

     

    En fait ce sont eux qui sont noirs, la veste est violette. Elle est tournée vers Lazarus, de trois quarts. Son rire est franc, premier degré. Elle trouve vraiment drôle ce qu'on dit. Sa peau est orangée, reflète sa chevelure, abondamment bouclée, roux vénitien. Ils s'entendent bien. Je lis même dans ses yeux tendresse et admiration. Voilà. C'est un couple que j'aime bien. J'imagine les propos, le rire de cheval, une ambiance feutrée malgré tout, des propos de salon de livres. A droite donc, debout sur un petit présentoir, ce livre érotique homosexuel qu'un patron de boîte a fait interdire. M.C..JPG

     

    A gauche de la photo (à droite de Lazarus et dans son dos), un trois-quarts dans la même direction que celui de Blandine : un exposant quelconque, lisse, en chemise à carreaux sans goût, avec une veste unie rouge sur le dossier, contrastant avec l'épaule de Lazarus, rembourrée dans ce modèle.

     

    De l'autre côté de la tête de Lazarus semble sortir de sa chevelure un exposant accroupi peut-être, la tête lunettée au niveau de sa pile de livres, une boule lui aussi de cheveux noirs. Un petit profil de bougnat ou de carlin, tout ramassé. Au-dessus de cette insignifiance humaine, au-delà d'une table allongée, une silhouette noire portant une chevelure de blonde, un peu plus loin le long des mêmes tréteaux une femme orange se préparant à ouvrir un volume long et plat comme un Atlas, trois autres anonymats à peine incarnés, un exposant, deux visiteurs, mais pourquoi m'étendre sur tant d'humains.

     

    Je vois aussi beaucoup de piles de livres, hautes de deux ou trois exemplaires, il n'y a pas besoin de plus. Pourquoi fait-on des salons du livre ? XXX61 11 17XXX

     

  • Marseille-Bordeaux

     

    Comment puis-je longtemps demeurer immobile. Inactif. Comment ne pas rendre hommage à cette lecture si facile et si douce, si longue et maladroite d'un grand curé devant l'Eternel, Daniel-Rops si gauche et si sacristain, sans moisi toutefois – par simples allusions. Comme il serait malvenu d'ajouter des notes à des mots, en ce long cercueil de fer roulant, vivant, garni d'êtres chers. Les personnes me hantent. Les hautes femmes brunes enfardées, leur odeur surfaite et leurs ongles vernis, tout écaillés – ces dignités qui n'en sont plus, ces mystères dégradés tout grisés d'égalités paritaires. Le canal du Midi qui borde les voies. Sincérités vagues, souffrances évanescentes, deux lignes d'eau, deux lignes vertes, un embarcadère, juste vivre et deviner ce qui stagne.

     

    Superflu de l'épilogue – foi chrétienne plaquée, paysages trop vus d'où l'on se détourne. Votre sourire vaut tous les paysages – c'était à Saint-Bertrand de Comminges. L'Allemagne dans mon dos, la Gascogne arabe devant, de longues jambes noires et maigres sous un cul sans moulage, des yeux curieux prêts à se courroucer – rester intéressant. Non pour les femmes mais pour le dieu, dans l'allégeance à soi. Une autre femme parle fort au téléphone, personne auprès d'elle et pour cause. De grands champs détrempés par sillons. Tu me fais chier dans tout le train. Le moindre mouvement des femmes comme une invraisemblance, le mouvement des statues – les femmes sont des statues qui bougent et ressentent – que c'est bizarre.

     

    A table.JPGAbsurde. Incongru. Frémissant d'absolu. Un roulement retentit par derrière : Restauration, dernier passage, ce soir mon ventre au poulet destiné ; que venez-vous nous encombrer de vos conneries molles ? Laissez-moi donc tranquille manger ma banane sur la plage ! Peupliers nains et grêles entre la voie et l'eau, guérets bruns sous le soleil couchant – la femme s'est remise à gueuler, son gros cul, sa tête anxieuxse et fière - qui donc leur enseigne de tout se permettre ? Voici la Garonne, plaques brunes mouvantes d'argile s'échouant à flanc de rive ? Gare à grande vitesse. Madame, auriez-vous des biscuits ? Le train secoue ; à l'aller un Gitan s'était jeté dessous. Les rails grondent.

     

    Ces abandons ne valent rien : la menace s'efface – tout ralentit – AGEN. Où je bouffais de la purée face à l'antisémite : Ce n'est qu'une opinion ! Pas après Izieu. J'ai vécu ici-même dans une autre ère. D'autres avenir nous attendaient. Ce n'est plus croyable. On ne peut y ajouter foi ; nous nous pensions pleins de passé, avec des quantités d'années devant : merde à la modestie, qui nous a fait tant de mal ! Un bassin de femme me frôle, maintenu par-dessus les sièges en instable équilibre, sans le moindre parfum signal sous mes coups de narines. Nous sommes des millions à écrie dans l'ombre, descendants saccadés ces longs degrés qui mènent au tombeau ; tous le stylo entre les dents; ainsi parlait Colaux le Belge. Des hommes au cul mince, pantalons tombants, nuques rasées.

     

    Le coup de fouet du train qui nous croise. Nostalgie du corps qui se dissout dans l'herbe et la rosée. Garonne. Personne ne te lit ni moi non plus. Couchant magnificent sur les plastiques protecteurs. Plus qu'une heure et vingt minutes. Arbustes sans feuilles alignés dans le rose et le roux, fleuve bienveillant grossi, panneaux de gares flagellant la vitre illisible, terrains et toits plats et blancs qui s'allongent dans l'ombre, routes grises et je dors comme une pierre, il y a plus à l'intérieur de mon bocal bercé que là dehors, où gisent les champs indéfinissables.

     

    Manque d'air. Pommettes chaudes. Et repartir demain. Ces hautes perches sont des plantations de tabac. Marcher ne suffirait plus mais fondre dans l'humus. Traits de visage ou contours animaux si souvent reproduits dans les roches, Christ ou Macchu-Picchu, talus obscurs jamais je ne rêve aussi vite Sylvie veut me voir si rayonnant dit-elle

     

  • Noémi

     

    Noémi est une peluche. Son prénom biblique apparut dans un conte de la Rostopchine, mêlé à une histoire de marée montante surprenant un groupe d'enfants. Je m'étais étonné qu'un prénom de fille ne se terminât pas par un "e". "C'est parce que c'est comem ça", m'avait dit ma mère, sans me convaincre. Celle-ci est un singe, en l'occurrence une guenon. Elle est à contre-jour parce qu'une mains l'a posée au sommet de mon moniteur, au-dessus de l'écran : je ne peux la voir qu'en m'éblouissant, et la lumière de la fenêtre, en arrière et sur la droite, n'améliore pas la vision. Ce singe ne respecte pas les proportions de la vraie vie : ce n'est qu'une peluche, schématique, à caresser.

     

    Voiture.JPG

    Elle occupe un triangle aux pattes écartées, la tête un peu déviée par rapport à la hauteur. Les pattes sont droites, courtes et veloutées. Par-dessous l'on aperçoit la surface plus claire du moniteur. Tout se concentre dans la tête : deux petits yeux luisants, un mufle de singe bien saillant particulièrement appétissant, attendrissant aussi. Cela donne envie de se frotter, museau contre museau. L'ensemble des yeux, du nez qui surgit justa au-dessus et du mufle rond forme donc une demi-sphère au tissu ras, couleur bistre clair, surmontée par deux cercles incomplets contenant les yeux, grands ouverts et bien écartés. Enserrant tout cela comme une fourrure de capuche, une enveloppe de poils blancs, rétrécie en pointe juste sous les yeux, qui marque la taille du visage.

     

    Englobant encore le tout, un capuchon brun sombre, suite de la robe uniforme du singe, lui donne l'allure d'un esquimau à cheveux blancs, coiffé d'une cagoule de scaphandrier en peau de phoque, mais noire. Les quatre pattes écartées suggèrent que la petite guenon s'est raplatie en grand écart sur la glace, maladroite. Le contre-jour auréole sa silhouette d'une fine pellicule à peine luisante. Pour compléter, nous devrions aussi mentionner la souplesse de l'animal, son velouté, son élasticité, sa capacité à supporter toutes les caresses et à les rendre, et la profonde gentillesse,la générosité qui se dégage de ses courbes harmonieuses et sensuelles, s'il faut employer les clichés. Au début nous faisions peu de cas de cette silhouette moricaude et rudimentaire, puis son apparente patauderie, son prénom de fille, nous ont séduits. Noémi, toute petite, tient à présent toute sa place.