Proullaud296

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

der grüne Affe - Page 113

  • Pas rigolo

     

    Au bas de la gravure, deux quatrains en gothiques, l'un en français, l'autre en Neuhochdeutsch, exposent la Moralité :

     

    Cil cuyde engeigner la Mort

     

    Par luy desrobber sa bource -

     

    L'inbecille doubte encor

    Eglise charentaise.JPG

     

     

    Sil a terminé sa course.

     

    La naine lit à haute voix, sans la moindre hésitation, le quatrain symétrique en haut allemand.

     

    "Cette gravure, affirme l'homme, a failli brûler ; observez je vous prie sur cette feuille ces traces rousses : elles proviennent de l'incendie qui ravagea en 1633 l'abbaye de St-Léger à Lucerne.

     

    - Vous y étiez ?

     

    - Voyez encore – il met la feuille à contre-jour – ces petits trous de coups d'épingle – sur la Faux très précisément – et sur l'échiquier : en forme de croix.

     

    "Conjuration, dit Jeanne.

     

    - Exorcisme, rectifie l'homme : ADONAI , IEVE , TSEBAOUTH , O PERE SUPREME DU CIEL ET DE LA TERRE...

     

    - Ta gueule.

     

    L'homme sans répliquer maintient la gravure devant le feu. Jeanne remarque certaines déchirures "sur la tranche, à gauche" – On dirait plutôt dit la naine que c'est vous qui l'avez arrachée." Jeanne la Cuistre distingue entre les lignes quelques lettres en minuscule caroline –palimpseste tranche le représentant. Rien de plus courant. Marciau la gnome veut savoir "comment cette gravure est-elle tombée entre [ses] mains" - l'homme invoque l'autorité du Grand Cosmopolite Michal Sendivogius, alchimiste polonais ; l a transmission au Supérieur en échange d'une levée d'excommunication – ce qui se négociait bien plus cher d'habitude- Vous-même, d'où tenez-vous cette pièce ? - ...passe entre les mains de nombreux possesseurs - Henri-Jules de Bourbon-Condé – Pierre Jean David d'Angers le sculpteur – je possède moi-même une importante fortune personnelle – écoutez mon histoire :

     

    "Le 5 thermidor An II – quatre jours avant la chute de Robespierre – le chevalier de Pierrefonds jouant aux Echecs s'aperçut que la main de son partenaire, posée sur un cavalier devant lui, n'était plus qu'un assemblage infect d'os et de tendons. Levant les yeux, il sursauta, horrifié : son adversaire avait pris l'aspect d'une momie à demi-desséchée, encore suintante. Dans le sursaut qu'il fit, l'échiquier se renversa. Par dessous se trouvait cette gravure ; il ne se souvenait pas de l'avoir jamais possédée – nul de ses gens ne put dire qui l'avait placée là. Le chevalier s'enfuit aussitôt pour ne plus jamais revenir et partit pour l'exil, sans avoir pu réunir ses biens, jusqu'en Angleterre. L'écorché s'était précipitamment retiré par une autre porte, en dégageant une odeur pestilentielle. Les domestiques affirmèrent que dans la rue où ils l'avaient vu s'éloigner, l'homme avait repris son aspect naturel, la perruque un peu de travers toutefois. Il s'appelait Fourquet, et c'était lui que l'Accusateur Public avait envoyé arrêter le chevalier..."

     

    Les Vieilles hochent la tête. Mais l'homme demande trop cher de sa gravure. Qui demeure là, sur la table, embarrassante. Il dit que les enchères sont montées très haut et qu'il n'a pas l'intention de la laisser pour rien. Il se carre sur sa chaise, étend les jambes. Jeanne lui demande si c'est bien "[sa] compagnie" qui le charge de vendre une telle œuvre. Certains de mes confrères précise-t-il gravement - les trois autres éclatent de rire ; Fitzelle dit Sorcier de pacotille et l'homme reste imperturbable mes pensées dit-il ont pris un autre cours.

     

    Marciau, renforçant ses lunettes d'une loupe, scrute la gravure, qu'elle s'est appropriée. De sa poche ventrale elle tire un crayon, du papier pour prendre des notes en marmonnant. Soupov sur sa chaise roulante se signe à l'orthodoxe et laisse retomber sa main sur l'accoudoir. Fitzelle bâille. Soudain, l'homme éternue, sursaute, quelle heure est-il ? - Déjà huit heures et demie grasseye l'infirme. Marciau renchérit Ça fait tardsans lever les yeux de sa feuille. Fitzelle : Ma montre s'est arrêtée – Un effet de la gravure sans doute ? L'homme ironise. J'ai faim dit Fitzelle. Vous pourriez m'inviter à dîner dit l'homme. Fitzelle grimace de toutes ses rides On n'a pas de chambre. Dans l'atmosphère hargneuse et consternée la Soupov sur sa chaise a levé le bras, considérant séparément chacune des trois autres : "Je suis ici chez moi. Qu'il partage notre dîner. Soirée de gaufres." L'homme acquiesce.

     

    Soupov roule son fauteuil vers l'âtre et la table, où les lueurs croisées du feu et du plafonnier révèlent d'un coup les chairs lasses et bouffies de sa face blêmie. Les trois autres se sont levées. Marciau, hissée sur la pointe des pieds, place debout la gravure aux largeurs enroulées. La Soupov demande poliment si le Représentant est attendu chez lui. Vous ne m'attendiez pas non plus dit-il. Jeanne au long nez dispose les assiettes en répliquant Pour Azraël – Je ne suis pas l'ange de la Mort – il écarte les bras, dans son complet prune barré d'une cravate à pois Voilà dit-il de quoi vous dégoûter des anges et Jeanne interrompt son geste. Du fond de ses paupières s'élance un bref regard de connivence. A son tout Fitzelle balance les couverts sur la table dans un cliquetis de poignards. On l'entend marmonner qu'elle déteste les représentants, particulièrement niçois ; qu'on devrait tous les foutre à la porte. Soupov tourne vers elle son cou gras en soupirant. Fitzelle : "Au fait, vous êtes vraiment représentant de commerce ?" Il ricane. Soupov, conciliante : "Allez, montrez-lui votre carte." L'homme se fouille : Oubliée... oubliée – vous auriez pu enlever mes dicos tout de même, que je les remette dans ma sacoche. J'ai une femme et des enfants, je suis parfaitement normal." On s'assoit.

     

    La Soupov se signe sous sa serviette. Jeanne : Vous êtes juste en face de la patronne : restez à votre place. - Je n'avais pas l'intention d'en changer. Fitzelle hausse les épaules. Soupov incline ses mentons avec un frais sourire. Marciau allume deux chandelles, désigne la gravure encadrée à la façon d'un tabernacle. Quand la naine se rassoit, le mépris court sur sa joue. L'homme regarde la gravure, la naine, la gravure, anxieux ; juste des profils : devant lui, le premier cierge, éblouissant. Le deuxième en enfilade : les deux flammèches vacillent devant le grand feu. Au fond en face la gueule brouillée de la Soupov dans sa chaise, hostile : "J'en veux pas de ce machin.

     

  • Montesquieu, Varia

     

    Il semble que les vœux d'un malin esprit aient voulu écarter de nos commentaires tout ce qui concerne le meilleur ouvrage de Montesquieu, à savoir L'esprit des lois. D'autres ouvrages en revanche, plus frivoles, se sont chargés d'iceux commentaires comme le papier tue-mouches de ses diptères. Las quatorze premiers livres de L'esprit des Lois, disent les exégètes, coulent de source, comme d'un bon raisonnement naturel découlent toutes les conséquences, avec la rigueur de la logique. Mais où nous en arrivons ce jour, Livre XXV, depuis un certain temps, Montesquieu bat la campagne et ses flancs avec la plus louable diversité, appliquant à la venvole ses si discutables préceptes sur le climat.

     

    Nous ne saurions sans xénophobie attribuer les régimes politiques en fonction de leurs latitudes ou longitudes, décrétant que les pays arabes sont réfractaires à la démocratie. Mais nous admirons le bon sens de Montézuma, déclarant que la religion espagnole convenait aux Espagnols, celle de son Mexique aux habitants de ce Mexique. Les changements effectués avant les éditions successives nous renseignent, nous autres mécréants, sur les précautions et contorsions auxquelles devaient se livrer les sujets spirituels de notre Saint Père le Pape, NSPP. Il fallait y rappeler que la religion chrétienne était "le plus grand bien", que le célibat des prêtres relevait de la plus granSphinx cul en l'air.JPGde sagesse divine, et que seul restait critiquable un trop grand développement de ce célibat.

     

    L'homme d'esprit lisait donc entre les lignes la profonde stupidité d'une pratique brimatoire et superstitieuse, voire de toutes les pratiques, voire de toutes les religions. Montesquieu fut-il athée ? Pas consciemment. Méfions-nous cependant des élucubrations à venir de la psychanalyse, qui tire argument de l'inconscience en faveur de la vérité mathématiquement démontrée ; nous serions tous alors des pédophiles assassins, que Dieu nous en préserve... Le chapitre IX s'intitule "De la tolérance en fait de religion". Il sera plaisant (et navrant) de lire les restrictions que Montesquieu devra imposer à son expression. Il a pu dire que les peuples nomades s'attachent moins à la religion que les autres, et l'abandonnent volontiers pour se convertir. Il a pu rapporter que tel conquérant musulman, à Boukhara, fit piétiner le Coran par ses chevaux ; si c'eût été l'Evangile, notre auteur ne l'aurait pas dit. Tout ce qu'on écrit sur les religions, en quelque époque que ce soit, est toujours assorti de clauses restrictives, qui ne sont là que pour la forme, de Pierre Charron à qui l'on voudra. Par quoi chacun peut bien voir l'inanité de telles précautions, et l'inanité, le vide, de quelque religion que ce soit eu égard aux raisonnements rationnels et laïques ; voyez ces protestations empressées de Montesquieu, qui feraient pitié si nous n'y sentions toute la bonhomie de l'ironie : Nous sommes ici politiques et non pas théologiens ; et, pour les théologiens mêmes, il y a bien de la différence à tolérer une religion et l'approuver. Ô admirable sagesse du langage humain, qui pense tout régler par la différence des mots ; mais ne tombons pas non plus dans le nihilisme, et lisons, car la perfection du nihil n'appartient pas aux hommes : Lorsque les lois d'un Etat ont cru devoir souffrir plusieurs religions, il faut qu'elles les obligent aussi à se tolérer entre elles. Tout de suite l'auteur omet l'intolérance d'Etat.

     

    Si ce dernier n'est pas despotique, il devra empêcher ses gamins de se conduire despotiquement. Le désordre ne vient pas de l'Etat libéral, mais des fanatiques, toute religion ne pouvant être que totalitaire ; car toute religion est en elle-même totalitaire. Perfidie toute jésuite.... avant les attaques desdits jésuites. C'est un principe, que toute religion qui est réprimée, devient elle-même réprimante : car sitôt que, par quelque hasard, elle peut sortir de l'oppression, elle attaque la religion qui l'a réprimée, non pas comme une religion, mais comme une tyrannie. Sinon, elle devrait admettre qu'on ait pu l'attaquer elle-même, et admettre le caractère relatif de toute religion. L'Etat, s'il est intelligent et non pas répressif, devra donc se garder de favoriser telle ou telle religion, ne se mêler de rien, et ne se préoccuper que de paix publique, c'est-à-dire de paix laïque.

     

    Ainsi se trouve aussi battu en brèche le principe du Cujus principis, cujus religio. Les princes qui ne l'appliquaient pas sont allés contre la majorité de ce temps-là ; ils ont peut-être eu tort, peut-être eu raison. Les circonlocutions de Montesquieu le dérobent aussi bien à l'ire des religieux qu'à celle des agents du pouvoir : sous Louis XV, la Révocation de l'Edit de Nantes s'appliquait encore en principe, et les fils de protestants, considérés comme bâtards, n'héritaient point. La religion, suggère Montesquieu, est en elle-même, quelle qu'elle soit, source de troubles, non seulement religieux, mais politiques ; ne vaudrait-il donc pas mieux les réprimer toutes à égalité? Car elles n'auraient jamais l'intelligence de s'unir toutes, entre elles, contre un Etat si équitable dans son oppression... Méfions-nous des religions : elles raisonnent de travers, substituant la passion, voire la connerie, aux raisonnements. Il est donc utile que les lois exigent de ces diverses religions, non seulement qu'elles ne troublent pas l'Etat, mais aussi qu'elles ne se troublent pas entre elles. Qu'elles s'ignorent. Qu'elles s'évitent. Qu'elles n'en viennent même pas à se comprendre, car elles pourraient s'unir contre l'Etat, pour ensuite s'entredéchirer de plus belle. Il n'y a donc rien de plus laïque, de républicain au sens d'étatique, que le désarmement de toutes les religions. Bien sûr, Montesquieu prit bien soin d'exclure de ces dispositions la seule religion vraie, celle du roi. Mais que les écrits de ce temps, vus du nôtres, paraissent enveloppés. Avec cette différence toutefois qu'un Leibniz se prend les pieds dans les tapis et s'embrouille de la façon la plus inextricable, tandis que le baron de La Brède s'en sort avec panache. Un citoyen ne satisfait point aus lois , en se contentant de ne pas agiter le corps de l'Etat ; il faut encore qu'il ne trouble pas quelque citoyen que ce soit. Les religieux se voient là ramenés au simple statut de citoyens, voire athées, du moins laïcisés. Ils ne sauraient bénéficier, en tant que religieux, que croyants, d'un statut à part, pourvu de quelque privilège légal que ce soit. L'auteur de ces lignes n'a pas outrepassé le champ de sa réflexion, et ses préliminaires n'étaient pas seulement des garde-fous (les fous sont à l'extérieur...) mais aussi des pétitions de principe.

     

    Il peut à présent aborder son chapitre suivant, fort malicieusement intitulé Continuation du même sujet.

     

  • Plotin, enfin achevé...

     

    La chaire est faible.JPGNous aimerions tous le pouvoir – et si c'était là une de ces fameuses "étincelles de Dieu" qu'il a laissée dans nos petits crânes d'argile ? - pouvoir militaire, ou psychologique, ou charmeur. A quels moments donc, à l'intérieur de nous, passons-nous, à propos de nous, de la pensée magique (je suis tel que je suis) à la pensée dialectique, à la pensée responsable ? ("je suis – au moins - en partie ce que je veux être" ?) "Les actions entreprises pour éviter de souffrir ont la peur pour origine" -peur de quoi ? De la souffrance – ou de la responsabilité. Peur non seulement de la souffrance, mais celle du courant d'air, de l'espace, du risque de se tromper - "tandis que celles qui sont entreprises pour posséder plus ont la convoitise pour origine." Ce sont là des traits communs à tous les hommes. Niveau Bac D, chez l'auteur de ces lignes... "Enfin celles qui sont entreprises pour des raisons d'utilité, puisqu'elles cherchent manifestement à combler un manque qui frappe notre nature, ont leur point de départ dans cette force de la nature qui nous impose de nous soucier de nous en nous maintenant en vie." Car Dieu ou la force créatrice si vous préférez désire, logiquement, que nous subsistions, que nous mangions, que nous ayons chaud.

     

     

    Bref, pouvons-nous prendre conscience des liens que nous entretenons avec le Grand Un, le Grand Tout, le Grand Manitou, et les les utiliser, les détourner à notre profit ? Ici, par la magie, car nous n'en sommes pas encore au stade scientifique ? Nous nous apercevons que Plotin accorde à l'un et à l'autre, conformément à son esprit subdiviseur (un schéma serait nécessaire, et je comprendrais). Une partie des beaux actes sera donc de nécessité, une autre de volonté : "Si l'on accomplit les actions que l'on dit "belles", parce qu'elles sont nécessaires" (correspondant à la beauté de l'univers captée par nous), "en tenant" et en nous rappelant bien "que la beauté réelle est autre chose" (que les actions), si nous agissons bien afin de nous rapprocher du Dieu), alors, "on échappe à la magie".

     

    La magie ne peut nous convaincre, non plus qu'un autre, de nous livrer aux belles actions. Nous sommes assez intelligents et responsables pour cela. Nous serions en contact avec un système de raisonnement à la fois hors de nous, et en nous. Plus tard, Plotin nous entretient de la nature de la lumière et du son, car la philosophie antique englobe aussi les phénomènes naturels que l'homme ne parvenait pas à expliquer. Le grand inconvénient de Plotin pour nous consiste à couper les cheveux en quatre. Il lui faut à tout prix des intermédiaires entre les éléments cette fois-ci naturels, plus des intermédiaires entre ces intermédiaires, et d'autres encore. Comme en médecine, en somme. Plotin pourrait laisser penser qu'il suffit de raisonner pour que tout ce qui est simple devienne inextricable.

     

    Reconnaissons toutefois à Plotin le mérite d'avoir su distinguer la lumière, instantanée, indivisible (selon ce qu'on en pouvait savoir à l'époque) du son, qui a besoin de l'atmosphère pour se propager. Mais nous le retrouvons en flagrand délit de vouloir à toute force une fois de plus faire entrer dans un cadre préétabli ce qui s'y refuse : il prend donc un corps "qui se trouve à l'extérieur du ciel" (celui des idées sans doute), et qu' "il soit une partie de ce vivant qu'est notre monde" – car le monde, sachez-le, est un grand corps vivant. Et de même que notre main est un tout, mais faisant partie d'un autre tout qui l'englobe, à savoir le corps, et lui obéissant en tant que partie, cet objet que nous voyons, extérieur au ciel et bien réel, n'agira qu'en tant que partie du tout : "car si [ce] corps [en question (un tabouret, une chlamyde)] en était une partie, il pourrait sans doute être objet de sensation" – le monde entier sentirait donc notre regard par l'intermédiaire de ce tabouret, de cette chlamyde.

     

    Mais le disciple interlocuteur pense relancer le débat, car débat, dialogue, il doit y avoir, nous sommes chez un continuateur, un glosateur de Platon : "Et si, sans en être partie, c'était pourtant un corps coloré et pourvu des autres qualités que possèdent les corps ici-bas, un corps de même espèce que l'organe de la vue ?" Donc ce tabouret, cette chlamyde, seraient pourvus de couleurs, mais en même temps serait une espèce d'œil, par lequel l'univers nous verrait en train de voir ce tabouret, laissons la chlamyde ? N'ayez crainte, ô pourceaux : le Maître, en toute sincérité, en toute honnêteté, va vous répondre : "Non, même en ce cas il n'y aurait pas vision, si notre hypothèse est correcte." Vision par l'univers, ou vision par l'homme ? Vision par l'homme, évidemment. Donc, l'objet serait de la même nature que notre œil, comme détaché de notre tête, en avant-garde, et nous ressentirions une analogie entre notre organe réel et l'objet, et, par conséquent, nous verrions ? Plotin reprend : "A moins que quelqu'un ne tente par là de détruire notre hypothèse, en faisant valoir qu'il est absurde d'admettre qu'un œil n'arrive pas à voir une couleur qui pourtant est bien là et d'admettre que les autres sens, alors même que leurs objets sont là, n'exercent pas leur activité en relation avec ses objets". Plotin reformule donc ainsi, très utilement, ses théories : que sans lumière, par exemple, notre œil ne saurait pas distinguer les couleurs ; les poissons des grandes profondeurs, parfaitement obscures, possèdent malgré tout des couleurs. De même, dans le vide, nous ne saurions rien entendre.

     

    "Mais d'où vient que cette hypothèse paraît absurde ?Il faut l'expliquer". Mesdames et Messieurs, il va le faire. "Il est vrai, n'est-ce pas, qu'ici-bas nous accomplissons ces actions et subissions ces affections, parce que nous nous trouvons dans un seul et même vivant, auquel nous appartenons." Nos sommes donc les mains, par exemple, d'un immense corps. Nous en serions les yeux aussi bien. Et les mains, les yeux, sont capables de toucher ou de voir d'autres parties de notre corps ; de même, nous pouvons toucher ou voir d'autres objets du monde, qui est une expansion de notre propre corps. Tout cela, d'une certaine manièe disons analogique, non dépourvue de poésie, peut se comprendre. "Il faut donc chercher s'il y a d'autres raisons pour expliquer la chose". Mais soudain, et souvent, je perds pied. "Or, s'il y a assez de preuves, la démonstration est prête". Assurément, cher Maître. Sans aucun doute les avez-vous exposées plus tôt, et bien à fond. Peut-être aurez-vos l'obligeance de les reprendre. "Sinon, il faut d'autres preuves." Certes. Vous allez pas à pas, je comprends. Il est vrai que cette méthode du pas à pas conduit à des multiplications foisonnantes. "Il est bien clair qu'un vivant est en sympathie avec lui-même". Mon corps, oui, parfaitement. Mais vous avez dit que l'univers est un grand corps, comme le mien. C'est déjà plus difficile à admettre, à moins de recourir au panthéisme, ou à l'effet papillon. Mais admettons encore. "Et si l'univers est un vivant, cela suffit à montrer que ses parties sont aussi en sympathie entre elles, puisqu'elles appartiennent à un seul et même vivant" Oui, à condition que l'univers présente une unité - mais supposons que quelqu'un dise qu'il y a sympathie en raison de la similitude qu'entretiennent ces parties ?" Continuité, ou discontinuité ? À suivre (surtout pas...)

     

  • Soyons pieux

     

    1. FETES RELIGIEUSES MUSULMANES 

    2. AID EL KEBIR

    3.  

    4. A I D E L A D H A (« fête du sacrifice ») (Arabie Séoudite, Emirats) / A I D E L K E B I R (« grande fête ») (Maghreb, Egypte)/ F E T E DU MOUTON

    5. Au Sénégal : la Tabaski

    6. La sonnette.JPGGENERALITES

    7. Cette fête commémore le sacrifice d'Isaac/Ismaël par Abraham/Ibrahim, son père. Cette histoire est commune aux trois cultes monothéistes, et se termine de la même façon : Allah (Yahweh, Dieu) commande au patriarche de lui sacrifier son fils unique, ce qu'il était prêt à faire, pour montrer sa soumission (rappelons que « muslim », étymologiquement, signifie « soumis »). L'ange alors arrête la main d'Abraham, et lui fait sacrifier un mouton à la place (voir dans la Bible Gen., 22).

    8. En un tel jour de fête, il serait malavisé, il est même interdit de jeûner. Ce sacrifice relève plus de la tradition que de la prescription coranique. Il ne fait pas partie en tout cas des cinq piliers de l'islam. D'ailleurs, qui n'a pas de moyens peut très bien remplacer le sacrifice par un don, qui peut servir à se procurer de la viande sacrifiée au besoin en conserve, par l'intermédiaire du Secours Islamique de France. .

    9. DATE

    10.  

      CHASSONS LE DEMON
    11. L'Aïd a lieu vers le 7 du mois Dhou-l-Hija, en fonction de l'observation locale du cycle lunaire. Ce douzième mois du calendrier musulman est aussi celui du pèlerinage à La Mecque.

    12. COUTUMES ET QUESTIONNEMENTS

    13. Toute famille qui en a les moyens abat et consomme le mouton de l'Aïd el Kébir. La somme nécessaire peut atteindre, en France, mille euros. Mais chacun tient à rassembler l'argent nécessaire. On choisit son mouton. Au Sénégal, des foirails s'improvisent, des bergers parcourent la ville pour présenter leurs plus belles bêtes. Le marchandage est de rigueur, les prix d'appel se situant à un niveau excessif : le mieux est d'attendre le dernier moment, où les prix s'effondrent. A la dépense s'ajoutent celles que l'on fait pour le renouvellement de sa garde-robe. Il faut se montrer le plus généreux possible, et certaines familles s'endettent jusqu'à l'année suivante, pour ne pas sembler déchoir.

    14. C'en est au point que certains s'écrient : El âda ah'ram ! « La coutume est un péché ! ». Mais au Maroc, une certaine année, l'ancien sultan Hassan II, Commandeur des Croyants, ayant donc toute autorité en matière de religion, a sursis au sacrifice du mouton, pour ne pas aggraver la situation économique des moins favorisés.

    15. Un tiers du mouton familial doit être donné aux nécessiteux.

    16. L'abattage rituel du mouton n'est pas sans soulever de nombreux problèmes en milieu culturel européen. Pour éviter toute vente directe aux particuliers, l'organisation de l'Aïd el Kébir se fait souvent par le biais de points de vente agréés par les DDSV (Direction Départementale des Services Vétérinaires), et ayant un contrat avec les abattoirs où auront lieu les sacrifices. La quantité du bétail traité peut également poser problème. En Belgique par exemple, 300 000 musulmans mettent à mort près de 30 000 moutons, rien qu'à Bruxelles. Près de Paris, les abattoirs suivants sont agréés : Meaux, Dammarie-les-Lys, Coulommiers, Jossigny, Montereau (77), Mantes-la-Jolie (78), Ezanville (95).

    17. Un autre aspect de la loi concerne l'humanité relative avec laquelle il convient de traiter les animaux promis à la consommation. L'animal doit être étourdi, avant d'être mis à mort, par exemple, à l'aide d'un pistolet à tige captive, piquée dans la boîte crânienne. Les sites dérogatoires (abattage en plein air ou dans des équipements sans équipement adapté) ont été interdits. Les animaux doivent être tués dans des abattoirs agréés soumis aux mêmes règles que les abattoirs traditionnels. Les animaux sont immobilisés de manière mécanique (pièges de contention). Or les textes coraniques stipulent (sourate V, verset 3) : « Voici ce qui vous est interdit : la bête morte, le sang, la viande de porc... la bête étouffée, ou morte à la suite d'un coup... sauf si vous avez eu le temps de l'égorger. » Les animaux, choisis valides et en bonne santé, doivent être couchés sur leur côté gauche et tournés vers La Mecque, puis généralement tués sans étourdissement préalable. L'égorgement doit bien vider la chair de son sang, par la blessure ouverte. C'est l'abattage rituel.

    18. Dans certains pays on pratique l'étourdissement sous forme d'électronarcose, conformément à des fatwas de Jad-al-Haq, Grand Sheik de l'Azhar, et d'Ibn-Baz, la plus haute autorité religieuse de l'Arabie Séoudite.

    19. Après l'abattage on procède au dépeçage.

    20. Troisième problème : les déchets. Au Maroc, on brûlait les têtes de mouton dans la rue. A Bruxelles on distribue des sacs jaunes pour les peaux, rouges pour les viscères, qui sont ensuite disposés dans des conteneurs étanches, pour éviter tout écoulement.

    21. Brigitte Bardot a fustigé « la dégradation générale des mœurs, la décomposition des valeurs et de la culture nationales », « l'irruption de comportements et de mœurs d'origine étrangère liés à une immigration massive, jugée envahissante » ; la justice française l'a condamnée.

    22.  

    23. HISTOIRE ET SIGNIFICATION

    24. Il faut d'abord, historiquement, commémorer le sacrifice d'Ibrahim sur son fils aîné Ismaël – ce serait le même mouton, élevé depuis au Paradis, que Dieu aurait déjà accepté de la part du fils d'Adam, Abel, puis renvoyé sur terre... De plus, ce sacrifice rituel permet de subvenir ce jour-là aux besoins des pauvres : « Je n’autorise pas celui qui en a les moyens d’y déroger. » ( Ash-Shâfi`î)

    25.  

    26. Le fils d'Abraham/Ibrahim, « père des croyants », est une image du croyant, méritant la punition de Dieu. En effet il ne parvient pas à la perfection, il ne respecte pas les commandements de Dieu : « Tu ne voleras pas, tu ne regarderas pas avec envie la femme ou les biens de ton prochain... » « Tous ont péché, et sont privés de la gloire de Dieu » (Romains, 3; 23) - « le salaire du péché, c'est la mort » (ibid., 6, 23). Mais Allah miséricordieux substitue au coupable une victime innocente, le mouton, qui subit la punition à sa place. Jésus est appelé « l'Agneau de Dieu » :

    27. « Vous avez été rachetés... par le sang précieux du Messie, comme d'un agneau sans défaut et sans tache ».

    28. Il doit revenir bientôt pour régner. Dieu promit à Abraham une abondante postérité, de grandes nations qui seraient issues de sa descendance. Les commentateurs ont indiqué que, devant tant de malheur subi, Abraham aurait protesté : « Tu m'as promis une postérité, une multitude plus nombreuse que les étoiles dans le ciel, qui ne peut être comptée, comme le sable, et tu me reprends celui par lequel cette descendance va se perpétuer. » Les exégètes précisent bien que les protestations d'Abraham ont été « timides ». Mais le moment de révolte, de surprise, passé, il a obéi, corps et âme, à la décision divine. Pas un instant il n'a hésité, il a vérifié que les liens étaient bien noués, avant de lever son couteau. Isaac était le premier fils d'Abraham et de Sarah, et, selon l'islam, ce serait le second fils, nommé Ismaël, fils d'Agar, qui aurait échappé au sacrifice. Mahomet serait le descendant d'Ismaël. L'Aïd el Kébir représente la fête du partage, du pardon et de la solidarité, permettant à chaque musulman de réaliser que l'entraide est une nécessité, qu'elle permet de tisser des liens aussi bien spirituels que sociaux avec tous les humains, musulmans ou non.

    29.  

    30. BENEDICTION

    31.  

    32. Aïd saïd ou moubarek, kol aam wintouma bkhir ! Que le sacrifice rituel soit accepté par Allah. « Qu'Il accède à vos désirs, qu'Il apporte la joie et la santé dans toutes les familles ! Qu'Il fasse activer les temps de paix, entre tous les peuples et toutes les nations ! » Ce texte fait mention de l'épreuve que Dieu envoie à Ibrahim pour éprouver sa foi. Il contient également des éléments symboliques : bonne fête à tous les musulmans du monde, en particulier à ceux qui n'auraient pas encore trouvé le chemin de Dieu.

     

  • De l'Histoire à la Konnerie, itinéraire

     

    Pas de chance, Thibault, encore toi, qui nous gonfle sérieusement avec les dégrèvements fiscaux qui peuvent faire varier la contribution directe ou indirecte de l'Etat de 30 à 70 p. 100 du coût e la construction ce qui est le cas en Allemagne fédérale. On s'en fout. Le texte date du début 71. C'est la loi du genre : sitôt que l'on veut descendre, en histoire, aux temps d'aujourd'hui, l'on débouche sur des pensums concernant l'économie, la finance et autres joyeusetés. Je me souviens d'un horrible épais volume sur l'Histoire de l'Autriche, qui expédiait à toute vitesse et dans la plus inextricable confusion les âges héroïques et médiévaux, qui sont tout de même l'essentiel de l'âme germanique, et s'épanchait en pages extasiées et interminables sur les derniers développements de la Caisse d'Epargne (Sparkasse) et l'expansion considérable des pantoufles Meinl...

     

    J'espère bien que j'ai foutu ce livre à la poubelle, encore n'en suis-je même pas sûr. Il en sera peut-être de même de ce volume sur Le temps des contestations, ou plutôt, je le fourguerai à ces bibliothèques de plein air disposées près des mairies ou des églises, où les personnes à mobilité réduite, entendez les clopineux, viennent se réapprovisionner en victuailles intellectuelles. Les fameux ouvriers qui s'intéressent tant à l'économie. Enfin, l'Etat est également amené à intervenir dans le domaine de l'enseignement. Détails suivent. Ce serait en effet impeccable, si ledit Etat ne tenait compte hélas de la sottise des emballements collectifs pour imposer des leçons entières sur le féminisme (“Encore !” ont soupiré les filles) ou la protection de la Nature , prout, gaz à effets de serre.

     

    Je deviens contre l'éducation obligatoire. Qu'on ne fasse donc plus redoubler ; la sélection interviendra beaucoup plus tôt, et je laisse au peuple tous les Michel Drucker, Patrick Sébastien et Jean-Marie Bigard, plus mon cul et six kilos de moules, pour qu'ils se goinfrent bien de conneries à s'en faire péter la ceinture, et pendant ce temps-là, nous autres, loin de la populace, nous pourrons nous livrer aux délices de la culture et de la littérature. Et quand la grosse masse se remuera un peu trop, on lui enverra des flics et du pognon. Encore faudra-t-il que les journalistes ferment leurs gueules, ainsi que les oppositions : par exemple, les militants de gauche qui exigent pour les Roms des emplois (mais pas dans leurs entreprises), des logements (mais pas en face) et une scolarité (mais pas dans leurs écoles).

     

    Le fascisme, au moins, c'est franc. Il le fait d'abord, l'Etat, pour assurer la promotion sociale et le renouvellement des élites sur la base des seules aptitudes intellectuelles et manuelles. Des bibliothèques se sont constituées sur de simples phrases de cet ordre. D'abord, la promotion sociale, certes, mais de ceux qui le désirent seulement. Les autres, que l'on n'aura pas fait redoubler depuis la sixième et qui encombreront (autre possibilité, hélas !) les classes de terminales de leur analphabétisme chahuteur, à dégager. Il est question ici en effet de “promotion sociale” et pas de “promotion friquière”. Le renouvellement des élites ? Bien, monsieur Thibault ! Un gros mot ! Encore faut-il voir plus haut que des journalistes aboyeurs n'aient pas écrasé l'Education nationale sous leur fatras de critiques négatives et de dénigrement systématiques desdites élites, sous prétexte qu'elles ont commis des erreurs et se vautrent tant soit peu dans une certaine conscience de leur valeur - dans leur prétention, soit... Tous les ans, à la rentrée, c'était le même tintouin en pages de couverture des magazines : l'école ne sert à rien, des tas d'élèves quittent le système scolaire sans avoir de diplôme (traduction : sans en avoir foutu une rame), l'école répercute les oppressions sociales, j'en passe et de plus calomnieuses ; et à présent, ces semeurs de vent se scandalisent de récolter la tempête, et titrent sur “la violence à l'école” ! Et que je me voile la face, et que je hulule en me tordant les bras ! Mais braves ploucs, qi vous n'aviez pas passer quarante ans à tirer sur les profs à pleines bordées vos haines et votre bave, nous n'en serions pas là et chacun respecterait le savoir. Mais revenons à ces bonnes intentions européennes : il le fait aussi (l'Etat) afin de four nir à l'économie les cadres scientifiques et techniques de plus en plus qualifiés et de plus nombreux que requiert cette dernière à tous les échelons de la hiérarchie professionnelle. Ah çà, on ne l'a surtout pas oublié.

     

    Il n'y en a même plus que pour ceux-là. Les élèves abandonnent en masse les études littéraires pour se ruer sur les fausses sciences économiques, autant dire l'astrologie. L'économie vous dis-je, le poumon, le poumon ! Ensuite, ces braves économistes, scientifiques et techniciens nous vont prônant, le ricanement à la bouche, l'abolition de toute formation culturelle, en particulier musicale et artistique, parce que “ça ne sert à hhhhien” ! Et l'on voit tenez-vous bien le doyen de telle faculté décréter que dans toute son académie, on supprimera le latin et le grec parce que personne ne veut plus s'y diriger, et que les professeurs coûtent trop cher ! J'espère que les diplômes nouveaux mélangeant le grec et l'économie vont bien marcher...

     

    Il n'y a pas que des cons à côté de moi, ce qui m'a toujours surpris (humour évidemment, connard). Quelle idée, mais quelle idée franchement, d'avoir voulu “populariser” la culture... Autant apprendre aux poissons à naviguer dans l'espace... Cette intervention se manifeste d'abord par la prolongation de la scolarité jusqu'à quinze ans en Grande-Bretagne depuis 1947 (loi Butler de 1944), jusqu'à seize ans en France depuis 1965 (réforme de 1959). Précisions devenues poussières. Evidemment (revenons, “rebondissons” comme on dit sottement, sur l'anathème prématurément proféré contre les “techniciens” de tout acabit, injustement accusés de crétinerie épaisse) : abandonner toute formation concrète ou administrative plongerait le pays dans une forte récession comparable à celle des Byzantins, qui avaient abandonné leur commerce et leur défense aux mercenaires vénitiens ou pisans, se réservant les discussions théologiques ; ils s'étaient mis des voiles sur les yeux, et se sont réveillés bien égorgés par les Barbares...

    Les arbres et le sanctuaire.JPG

     

     

    Alors, vive la science quand même. Nous avons toujours considéré les esprits encombrés de statistiques et de schémas électroniques comme autant de cerveaux mécaniques, incapables du moindre sentiment humain ou des moindres tripes : il paraît que c'est une erreur grossière

     

    acceptons-le comme un mystère, au même titre que la flottaison des navires et le maintien en l'air, sur des milliers de kilomètres, d'avions de plusieurs centaines de tonnes... Elle se manifeste également, cette intervention, en particulier dans ce dernier pays (la France), par la généralisation de l'enseignement secondaire qui tend à y devenir aujourd'hui aussi commun que l'enseignement primaire l'était jadis (suppression de l'examen d'entrée en 6e depuis 1959 ce qui est devenu absurde vu la faillite des cours préparatoires) et par l'encouragement systématique apporté à l'éducation professionnelle (loi de 1960) et à l'enseignement technique bien que celui-ci soit encore insuffisamment développé. Parfait, que de bonnes intentions !

     

    Il est à observer toutefois que les établissements d'enseignement professionnel et technique (...toujours “insuffisamment développé”) sont devenus d'inexpugnables forteresses de vulgarité, de dénigrement de la culture “bonne pour les tapettes” et de violence ; et tel journaliste pour une fois réaliste avait bien eu raison de déplorer que personne ne voulût s'y inscrire, pour ne pas avoir à côtoyer “la lie de la société”. La sortie de tel établissement de banlieue où je suis allé chercher mon épouse donnait l'impression d'une immonde dégoulinade de maquereaux et de putes, d'une avalanche de vulgarité comportementale et vestimentaire, à vomir, et je tâchais, bien correct dans ma petite auto, de ne pas me faire remarquer, avant de soustraire mon épouse à cette bande d'abrutis : “Celle-là, on va voir combien de jours elle va rester avant de craquer”, phrase entendue de ses propres oreilles ; trois jours, record battu.

     

    Elle est belle, la démocratisation de l'enseignement. La meilleure école de technique, c'est la pratique. Allez hop, à l'établi, avec coups de pied au cul ! Ah, devant un patron, on fait moins le fier, petit con...

     

  • Rue des chats

     

    Carte postale hideuse séparée en deux parties, représentant dans un sens, puis dans l'autre, une rue bien connue des touristes : la Rue des Chats, que j'ai prise en photo moi-même. La carte est coupée d'un montant vertical couleur bois où s'incruste en lettres rouges le nom de la ville : Troyes. La carte elle-même présente sur ses quatre côtés un liseré noir de quelques millimètres de largeur. En bas, de part et d'autre de l'ouverture, quatre silhouettes félines semblent contempler leur territoire, deux par deux. A gauche, les chats sont de profil, le premier baissant la tête en profil perdu, l'autre exactement détouré, hiératique et familier.

     

    Les deux queues vont au devant l'une de l'autre, sur le sol. A droite, le premier chat ramène sa queue contre son arrière-train et l'on n'en voit que la pointe. Le dernier chat s'est ramassé, calmement, et l'on distingue bien ses deux oreilles dressées, ainsi que celles de son vis-à-vis ; les autres n'en montrent qu'une. Mais il reste peu de chats dans cette rue assez passante. La légende au verso précise qu'elle était close, comme beaucoup de rues au Moyen Âge, d'une grille à chaque bout. L'époque n'était pas favorables aux déambulateurs nocturnes ! Les encorbellements de la première vue, à gauche, éliminent la trace du ciel, et les chats de jadis n'avaient sans doute aucun mal à passer d'un immeuble à l'autre d'un léger bond sur les toits.

     

    Ce qui frappe c'est l'échelle de bois, horizontale, qui semble servir d'étai entre deux murs , assez mal entretenus : ils se rejoignent sans doute en une étroite ogive, que la perspective ne permet pas d'apercevoir. Plus loin, la lumière montre un angle de mur gris clair, indiquant une bifurcation, un changement de nom. Au niveau du sol, nous apercevons un pavage de part et d'autre d'une rigole centrale, soigneusement conservés et restaurés depuis le Moyen Âge. Les bornes accolées aux murs, nous disent obligeamment les notes du verso, empêchaient que les essieux des roues n'endommageassent les parois. A droite, les étais sont situés beaucoup plus haut, l'espace semble plus étroit, au point qu'on pouvait se serrer la main d'une fenêtre à l'autre – mais cette époque ignorait le shake-hand.

     

    Arbre charentais.JPG

    Tout va aussi en se rétrécissant vers l'arrière-plan, les bornes sauf les deux premières n'apparaissent pas, mais l'on aperçoit mieux les colombages, en haut à gauche, et les empilements e briques entre deux montants de bois, sur la droit. D'autre part, nous voyons que l'ogive ne se referme pas, barrées par les planches d'étai, à demi-obstruée par le dispositif en potence qui permet à l'encorbellement supérieur de prendre appui sur les poutres verticales du rez-de-chaussée, dont la première présente de profondes crevasses ligneuses. La prise de vue décale le mur de gauche et celui de droite, si bien que le spectateur se figure, en contre-plongée, que les deux angles d'entrée ne se font pas face exactement, d'autant plus qu'il voit bien par-dessous la disposition des planchers saillants sous l'encorbellement du premier. Tout cela est bel et bon, mais ne nous empêche pas une fois de plus de déplorer ces cartes postales représentant plusieurs vues à la fois en une marqueterie très commode pour le touriste qui veut résumer, mais assez frustrante pour l'amateur de rêves et d'unité.