Proullaud296

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  • Onirica

     

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    J'ai tant besoin de mon corps complémentaire. De mon corps comme reste, excroissance, résidu de l'esprit, mais seul véritable. Simplement la prochaine fois je prendrai une femme qui ne pense pas. Tant de messages notés dans l'urgence, jetés après six semaines ; tant de commentaires enamourés de soi. Que faire de tous ces « bonheurs d'écriture” ? Repente pertruatur. Berdé moralister évencté - Sagolas de perso lamaltibus latinum popinae.

    Escalier sur les voies de Caen.JPG

     

     

    Seges actéôn sogastaque leniant. Adque praepotentem regere ligna sinant, dum molities inter aedes Paphlagoniam erithursentes. Latinum verum.

     

     

     

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    Comment peut-on ainsi passer toutesa vie au lit ?

     

     

     

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    « Ma mère a pissé au lit. Tout est détrempé : je dois tout nettoyer » : une telle épreuve me fut épargnée. Mais en la nourrissant de compote sur son lit de mort, recueillant sur ses lèvres les bavures et les redirigeant vers sa bouche, je me suis soudain détourné pour pleurer, pensant à cette inversion des rôles, aux deux bouts de la vie.

     

     

     

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    Je marche (je suis une jeune femme) dans une ville coloniale munie de grands terrrains vagues. Je chante d'une voix très claire. Les hommes se tiennent à distance. Mon chant doit à la fois les charmer et les éloigner. Les paroles sont dans ma langue. Au moment où je traverse un long terrain vague au sol gris d'argile très fine, un rideau ou plutôt un store géant s'abaisse devant moi, m'emprisonnant. Cela devient l'intérieur d'une pièce. Un vieux monsieur corpulent et paisible s'assied près de moi sur un banc, une petite fille nous regarde d'un air de blâme ou de méfiance, je continue à chanter “Motchisvo” (“Liberté”). C'est un grand apaisement, il me semble que je peux avoir confiance en cet homme.

     

     

     

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    Ce jour-là j'étais femme, dans une ville coloniale aux nombreux terrains vagues : ainsi à Tanger, les rues étaient déjà tracées sur le plan, toutes en pointillés, déjà nommées. C'étaient des chemins de crête poussiéreux, entre les immenses cuvettes carrées figurant les fondations, envahis de sable, de flaques et de chardons, où les enfants dépenaillés se poursuivaient en hurlant ; sur les sentiers d'en haut passaient les petits ânes trottinant et surchargés, frôlés par les badines des âniers à pied. Aux abords de l'agglomération, certaines parcelles ainsi cadastrées se sont construites en résidences de type européen, jusqu'à ce que, petit à petit, le tissu urbain se soit complété. Mais en pleine ville fréquemment nous trouvons encore des espaces clos de palissades, à l'abri desquelles se cachent plus ou moins des trafics ou des viols, sous les fenêtres éteintes et décalées des pièces arrière. Et dans cette ville je chante seule d'une voix claire, tandis que les hommes m'observent, à distance prudente : mon chant les charme, les ensorcelle et les tient à distance, désirants et respectueux. Il ne comprennent pas car c'est ma propre langue dont je me sers, connue de moi seule, régulièrement pratiquée, selon certaines règles que je suis seule à connaître. Voici ce long rectangle de sol gris et poudreux comme du talc d'argile, terrain vague immaculé, sans touffe d'herbe ou trace d'animal. Et je ne peux aller plus loin : descend du ciel à mon insu un fin rideau ou store qui m'emprisonne.

     

    C'est ainsi que je deviens intérieure. Un vieux monsieur corpulent et paisible s'assied près de moi sur un banc, une petite fille nous regarde d'un air de blâme ou de méfiance, elle est venue seule, de temps en temps la porte s'ouvrira et le médecin appelera doucement le consultant suivant ; je recouvre donc toute ma confiance et je me remets à chanter dans ma lanue l'Hymne à la lilberté, « Immotchizvo ». L'apaisement se répand sur le petit auditoire. La petite fille se met à sourire. Le vieil homme également. Il me semble que je peux avoir confiance en cet homme. D'où sont-ils venus l'un et l'autre, par des routes différentes ? Ont-ils été capturés dans les filets de l'au-delà ? Qui est ce médecin qui nous observe assurément, de l'autre côté, pour étudier nos réacions et comportements ?

     

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    Le médecin ouvre la porte. C'est un tout petit filet d'homme à fines moustaches, méticuleux, incliné sans servilité. Nous le suivons tous trois où il nous mène, car une route au-delà se poursuit jusqu'à des alignements de logis troglodytes rouges à flanc de falaise, en pays dogon. Dans ces habitations désormais transformées en greniers, Jacques-Marie le médecin s'est installé un cabinet de brousse et des appartements privés : « Vous allez retrouver le jumellier » nous dit-il – il s'agit d'un fabricant de jumelles, que nous n'avions plus revu depuis cinq bonnes années, lesquelles ne nous ont pas semblé particulièrement longues sur ce plan ; aurons-nous encore plaisir à nous rencontrer ?

     

    Le jumellier, autrefois chercheur d'or, se trouve assis, vieilli, sérieux, méconnaissable. C'est bien lui cependant, étroitement vêtu d'un veston à l'ancienne, au-dessus duquel palpite un visage trop fin terminé en barbiche : véritable exhumation du siècle des Goncourt. Il me tend une main amaigrie, refusant aimablement de prendre place entre nous Jacques-Marie et moi, qui nous sommes assis face à lui sans gêne aux deux extrémités d'un divan à trois places ; il s'est d'ailleurs assombri, comme affecté d'un manque de respect, et semble ne pas souhaiter m'adresser la parole. Pour finir, le médecin fait servir sur la table un succulent repas pour nous faire les honneurs de sa demeure dans le roc.

     

    Tout s'est très bien passé. Le jumellier a déplacé son siège, et sa compagne, accorte sexagénaire ! est venue s'assoir poliment à ma droite, sortant d'une autre pièce. Elle est très avenante, et nous menons ensemble, en tout bien tout honneur, une conversation spirituelle qui nous fait souvent rire : le jumellier ne nous en tient nullement rigueur, lui-même absorbé à l'autre bout de table dans une autre conversation animée. Torba (c'est son nom) peut difficilement, en raison de sa grande faiblesse, quitter son siège ; nous le comprenons lorsqu'il décline poliment l'invitation purement formelle du médecin à visiter la ville primitive, qui s'étend au-dessus de sa voûte rocheuse : il s'y trouve d'abord un certains nombres de villas, très tarabiscotées, voire kitsch, suspendues à flanc de falaise ; la façade, un étroit jardin, puis tout de suite, devant le muret, la pente raide.

     

    Il nous arrive de prendre de véritables échelles de cordes, plaquées sur la roche rouge, et même en surplomb : l'expédition devient vite épuisante après ce repas, pourtant léger, mais le docteur Jacques-Marie nous encourage, aide à nous hisser de sa main tendue : « Nous reviendrons chez moi par l'autre côté, en contournant la roche ! » Une voiture en effet nous attend au nord à mi-pente, mais il faut alors nous faufiler, de lacets en lacets, jusque sous des stalactites aux arêtes coupantes, périlleuses pendeloques : s'ils se détachaient, ils nous laboureraient le ventre. Concentrons-nous. Le domicile de Jacques-Marie est proche. Nous retrouverons la sécurité, ainsi que notre jumellier, Torba, qui nous refait la tête sitôt qu'il nous revoit.

     

    Peut-être ne sommes-nous pas la cause des sautes d'humeur d'autrui : à méditer. Moi-même d'ailleurs ai pris dans cette expédition l'envie de m'isoler : en contrebas de la maison troglodyte, je prends un escalier tournant, étroit, où la roche prend des luminosités coralliennes. Et serti là comme une façade d'aquarium dans la rocaille, je rejoins un écran sur lequel je m'absorbe en navigation informatique : autant valent ma foi ces relations-là que d'autres.

     

  • Rue Magoui

     

    A cinq heures hier j'étais dans mon lit, après un laborieux trayage privé de jouissance, car il faut exercer sa prostate. Ce n'est qu'à neuf heures que j'ai émergé d'un lit fripé, les baveux en chetaille. Et puis très vite il a fallu vivre, faire lever mon indispensable compagne et la laisser retourner à la couche : mais la relever à onze heures, puis onze heures et demie, puis midi : le modèle pointant le bout de son nez à 14h 3. Alors ma foi j'ai tout haché pour elle, puisqu'il est décidé une fois pour toutes qu'elle me pèse, et que si j'en étais délivré je m'empresserais d'en retrouver une autre pour jouer le même éternel jeu. Bref, après débarrassage de l'étagère à pose, brossage du fauteuil Voltaire incrusté de poils de chat, sans oublier le coussin cale-fesses, nous nous sommes séparés, moi poussant de mon pied la voiture enrouée (la patinette à starter), Anne mettant la dernière main à ses installations. Chapelle de St-Jean-de-Donne.JPG

     

    Mon but si l'on peut dire (comment avoir ce but en effet) n'était que la rue et le "domaine" Clérambault, aux confins d'Eysines. J'y parvins non sans zigzags, et parcourus alors le plus neutre et terne assemblage de pavillons de banlieue. Des jardiniers déracinaient à grand bruit de vastes souches qu'ils déposaient dans le camion-benne avec une grue derrière une grille. Le "domaine" Clérambault, un peu plus loin, s'appelait désormais rue Magoui, prononcée "Magouille" par ses habitants. Dès le numéro 7, elle était barrée d'un petit mur. Dans ces parages logeait jadis un certain Joël, maigre et nerveux, avec sa femme champenoise et classée sotte automatique, pour avoir un jour proféré devant nous : "Dès que les enfants sont absents, j'en profite pour faire du repassage" – aussitôt cataloguée conne.

     

    Nous n'avons plus revu ce couple, Joël me demanda par grâce de ne plus envoyer ma revue Singe Vert au siège de son travail, les collègues n'étant pas de taille à rigoler. Quod feci. Dans ce quartier se sont construits de hasardeux ensembles pavillonnaires dépourvus de tout attrait sauf par leurs proprios, qui hantent chacun leur Sam'Suffy. Peut-être la rue Magoui se poursuivait-elle autre part, dans ce tronçon sans nom, au numéro 13, mais au quinze un charmant jeune homme depuis son sège jardinier a rappelé son chien ; si j'étais revenu sous mes pas, j'aurais eu l'air de draguer l'homme. Ces comédies constituent toute une vie. Voyez Sénèque : il retranche de l'existence tous les instants que nous en avons perdus – mais enlève à BB ses seins, son cul, sa bouche et sa coiffure, et que restera-t-il ?

     

    Ces occupations vaines, cette baise, ces intrigues, ces carrières politiques et littéraires, sont la substance même de la vie. Vais-je renier les moments où je suis allé chier ? Ces nécessités, ces comédies que l'on se joue, sont aussi bien parties constituantes de nos vies. "Il se la joue", disait mon philosophe de poche ; certes, Lazare, mais s'il y croit ? S'ils y croient tous ? Lazare ne put répondre que par un geste d'impuissance, il était parvenu, comme si souvent, au terme indépassable de son raisonnement... Ma prise de billet pour la lointaine Angoulême fit également partie de ma vie, où je me vois en grand voyageur, fuyant le quotidien la main sur le front pour méditer au sein des vastes métropoles du bout du monde (une heure de train !), et c'est cela ma vie. Je voulais dire aussi combien je feins de m'esclaffer en recevant un mot de refus des Editions Machintralalouère : mon "intérêt littéraire n'est pas suffisamment affirmé" : ô sublimes crétins ! ne voyez-vous pas que Mes Enflures se contrefoutent de votre qualité "littéraire", quand il voit tant de médiocres à la Ferrari, à la Jérusalmy, hanter les grandes et petites collections ?

     

    Qu'il nous suffirait largement de parader sur les estrades avec les autres médiocres et gonflés du bulbe, sous les projecteurs ? Que j'en suis viscéralement incapable, tant je les trouve odieux, ridicules, conviviaux et cooptés ? Les dédaignons-nous, le feignons-nous, ou feignons-nous de feindre ? À relire lentement. Cela ne servirait de rien de leur répondre. Mais si je trouve leur adresse électronique... "Je bouffe à tous les râteliers, y compris à celui que je me suis accroché au cul". Réponse de Françoise : "Soupir..." Ainsi passe la vie, de la scène aux coulisses, sans frontières nettes. Nous sommes des milliers à le dire, mais j'emmerde les milliers.

  • Bayon, grand, grand, grand littérateur

     

    « Un soir, mes lascars, dont le trio de choc, m'invitaient à une boum. Une de plus. À peine en rupture de ban colonial, le port de ۞۞۞ était raciste : il y avait les boums noires, et les autres. Là, c'était archinoir. Pas un blanc. Que moi, par le fait. L'ambiance s'en ressentait, dynamique, puissante, torride, une ambiance de vraie nouba fétichée. De la soul du Diable à fond, de la bibine à verse, et de la sarabande dansante à bloc, dans une tabagie méphitique et les clameurs incantatoires de James Brown maître du ring. Désiré et Magloire m'avaient repéré une nouvelle nana à emballer . C'était d'accord d'avance. » Bidon, bidon, bidon. Ça croit singer le vulgaire, erreur : c'est vulgaire. Pas la moindre trace de pastiche, ni d'humour : c'est con, barre.

     

    Barbant. Artificiel. Convenu, en un ou en deux mots. Imbitable, nègre ou pas. « Edwige et moi nous accouplerions. Ils me le disaient : «Touche un peu sa foufoune, mon cher. » Ce qui s'appelle toucher le fond. « Me faisant valoir son « popotin : ça c'est de la nitro ».

     

    «J'avais promptement glissé à la soûlerie générale. Trop radicalement, de fait. Beurré, l'équilibre perdu, bien au-delà du « gilet », je tenais ce qu'on appelle une cuite.

     

    « Dans cet état nocturne ruisselant, j'ai accompagné Edwige la métisse dans une chambre pour pousser l'affaire de ses fesses. Moiteur équatoriale standard : 40° centigrade sous 98 % d'humidité. Mister Brown donnant l'impulsion sauvage, nous voilà versant sur l'un des lits de cet intérieur petit-bourgeois africain. Souffles, échanges de langues, barbouille de salives, « Rhâ, ah, say it loud / I'm black I'm proud ! » (pas du tout, moi), pétrissement de volumes mammaires et fessiers, doigts, touchers mutuels humides. 

     

    « Cela traînait bien un peu, parce que j'attendais d'abord juste, dans l'état où je me trouvais, qu'elle m'enfourne dans sa bouche, qu'elle me pompe largement et me vide les bourses. » C'est chiant. Ni drôle, ni parodique, ni salace : chiant. « Or, elle ne voulait pas. Ah, bon. D'ailleurs, elle n'aimait pas trop que je lui dénude largement les nichons. » (deux fois « largement », comme les nichons). « Alors quoi ? Justement, elle tolérait volontiers – curieuse citoyenne – que je lui pelote la culotte, l'entrecuisse fourré.

     

    « D'un coup, vlouff, elle s'est ouverte, écartelée il fallait voir comme. En grognant : « Plus lentement, « Là, là , ohh, han, ah », en se relevant la robe aux aisselles, « Là-aah », râlait cette créature, et plus singulier : « Regarde-moi dedans, regarde », lâchait notre pétroleuse qui s'ignorait, tandis que je gamahuchais vaguement son intimité. « Regarde, c'est ta chatte ! » Beuh... Inhalant à larges goulées, elle voulait tout ; tout prendre, tout donner, maintenant – les seins aussi, « Tiens, si, si ». Je débande jusqu'au sous-sol.

     

    « C'était moi, mal à l'aise, des vapeurs de whisky et de ces façons, qui devais presque modérer ses expansions de « Sex Machine ». Elle saccadait des hanches sur la couche en vrac et le vestiaire empilé, « Like A Sex Machine », poussant et enfonçant tout ce qu'elle savait son coussin pubien caoutchouteux contre mes mains. « Oui oui, d'accord » (D'accord, quoi?). Dans son empressement ovarien, sa montée d'hormones, elle s'étalait et élargissait dans la foulée sur le flanc , elle se retournait à plat ventre, sur les seins, la tête de côté avec un bout de langue débordé, « Like A Sex Machine », le cul arrondi à deux mains, ébahissante de vulgarité, » - tu t'es vu, tu t'es lu, rédacteur de mes couilles? - « pour que je m'occupe aussi de « par là ».

     

    Certaines choses.JPG« C'est à ce stade que j'aurais dû enfoncer ma verge en elle, ici ou là. Mais, je n'y étais pas. Je ne me sentais pas trop bien. Cela asphyxiait, dans la pièce. » Pourquoi, t'as pété ? « Le foutre, la transpiration chaude, les sous-vêtements, les trous de gruyère au parfum tourné, le méat, la toison intime, l'ennui, le rance sudatif des fringues de luxe dans lesquelles on se roulait ; et mon estomac s'en levait un peu. Je sentais ballotter la nausée. Je pouvais légitimement appréhender – à force de tournis et de légère répulsion, entre deux palots un peu mous et baveux qui me faisaient penser, sur fond d'étalages de muqueuses, à du mou de veau – de dégobiller. Si cela traînait encore autant... »

    C'est même particulièrement puant, car la femme y est dépeinte comme répugnante, alors que soi-même, bien sûr, "on est largement au-dessus de tout ça". Voilà qui est du dernier immonde.

     

    1. Je ne pensais pas trouver plus chiant que les cours de la Bourse, c'est fait. Nous dirons simplement que ce n'est pas en collant une godasse sur un tableau qu'on peint une godasse ; que ce n'est pas en restant ennuyeux que l'on évoque l'ennui, ni en demeurant vulgaire sans s'en rendre compte (ce qui est le comble de la vulgarité) que l'on évoque la vulgarité, et que l'écriture nulle ne parvient nullement à dénoncer l'écriture nulle. Et ce mec est passé à France-Culture. «  Les Pays immobiles sont un roman inclassable - '' une réponse, écrit Bayon, à la question '' Tu écris ? '' qu'on me pose. ''

      Or la réponse est un entrelacs énigmatique de romans '' inexprimables '', combinatoire d'aventures, figures, passions et compassions, farces, décors, peurs et pages, qui font un grand livre voué à l'écriture autant qu'à la vie. » J'ai lu ça. Merde alors, je suis passé à côté d'un chef-d'œuvre. Quel con je fus !
      Mais j'en suis fier, je persiste et je signe : ce bouquin est une des plus fières daubes que j'aie lues depuis des siècles...

     

  • Quatre citations bien senties

     

    2441.- Nos villes sont les usines où on nous prépare ; les familles, les écoles et les églises sont les abattoirs de nos enfants ; les collèges et les universités sont les cuisines. Adultes, mariés et dans les affaires, nous mangeons le produit fini.

     

    Ronald LAING

     

    Politique de la famille 3."Opération"

     

     

     

    2442. - Après ce sacrifice presque complet de ses sentiments sur l'autel du conformisme, on se sentira sans doute "vide", mais on peut essayer de remplir ce vide avec de l'argent, des biens de consommation, une situation, du respect, de l'admiration, ou l'envie de la réussite des autres. Tout cela, joint à un ensemble de distractions, autorisées ou obligatoires, sert à distraire l'individu de sa propre distraction, et s'il se sent surmené ou déprimé, il existe d'autres lignes de défense parfaitement approuvées, drogues, stimulants, sédatifs, tranquillisants, qui le déprimeront encore un peu plus, de façon qu'il ne sache pas à quel point il est déprimé, et qu'il soit en mesure de manger et de dormir exagérément.

     

    id. ibid.

     

     

     

    2443. - Sanabimur, si separemur modo a coetu.

    Nous serons guéris, dans la mesure où nous nous séparerons de la foule.

    Café de l'Avenir.JPG

     CAFE DE L'AVENIR BIEN SÛR...

     

    SENEQUE

     

    De la vie heureuse

     

     

     

    2444 . - A présent, laissez-moi, je vais seul.

     

    Je sortirai, car j'ai affaire : un insecte m'attend

     

    pour traiter. Je me fais joie

     

    du gros œil à facettes : anguleux, imprévu, comme le fruit du cyprès.

     

    Ou bien j'ai une alliance avec les pierres veinées bleu :

     

    et vous me laissez également,

     

    assis, dans l'amitié de mes genoux.

     

    ST JOHN – PERSE

     

    Eloges – "Pour fêter une enfance" XVIII

     

  • Considérations éparses

     

    D'après les livres, ou ses yeux, apprends juste que ce n'est pas toi qui provoqueras la vague. Et un souci de moins. L'homme est un sac de sales fantasmes. Qui ne soulève plus sa viande qu'exceptionnellement, éjacule à grand-peine et à grand ahan, devant des films sales qui claquent les cœurs. Ne jamais donc oublier la Formule de Gaspard : « 97 % des femmes étant clitoridiennes, à quoi bon s'obstiner à bander ? » mais les nerfs clitoridiens cernant le vagin sur dix bons centimètres – tout espoir n'est pas perdu.

     

    X

    Le carnet dans l'herbe : je crois bien l'avoir laissé choir ici, sur l'herbe ; à côté de la capote rose, hideuse. Ariel n'appréciait pas que les troubles conjugaux de Kohanim fussent apparus dès l'instant où je l'avais fréquentée. La dernière fois que je fis l'amour avec G.H., ce fut sublime : nous n'avions rien trouvé de mieux qu'une friche mal close derrière une barrière levable ; parmi les merdes et les traces de pas, nous avons étendu nos corps qui, de justesse, ne passaient pas le niveau des herbes. Il est invraisemblable qu'elle n'ait pas utilisé ce lieu avec un autre que moi, auparavant. Les lieux d'amour clandestins sont tous sordides. J'ai roulé sous ma langue son entrelacs de cordelettes. Extraordinaire spectacle des cuisses s'élevant de part et d'autre de vos flancs pour vous absorber tout entier - comme un pont-levis qui aspire, englobe, utilise et rejette. Jouissance et solennité. Sincérité jamais ressentie jusqu'alors. Et lorsque j'eus éjaculé, longuement, je sentis le fin fond d'elle-même se contracter doucement, fermement, pour extraire le dernier suc, sans omettre une goutte. Puis j'ai su que je n'obtiendrais jamais rien de plus que ce jour-là, venant lui-même après neuf mois d'abstinence.

     

    X

     

    Refait à neuf, le nouveau corps d'Arielle et ses traversées dans « l'opium » : assommages à l'antidépresseur, rêves paludéens de matinées entières : j'en deviendrais fou. Fausses naïvetés pour les motifs de mes absences promenades : je rejoins Kohanim, la serre dans mes bras sans cesser de parler, je ne sais si cela finira (en Fleuve Jaune, enfoui dans les sables de son delta?) Il est impensable qu'Ariel me croie vraiment : son sourire est constant ; elle me dit : « Même si tu as trouvé quelqu'un d'autre, notre union restera toujours fondamentale » – l'a-t-elle dit ? Seulement au cours du temps, dans l'histoire ; ma carrière, ma course, ma vie. Comment est-il possible que cela fut moi, cela que je rejette de toutes mes forces mentales - pas question de remises en causes concrètes, pratiques, je veux dire, présentant la moindre chance d'aboutir, dans le monde réel, dans le monde présent ; impitoyable confrontation d'un passé violemment renié, mais impossible à modifier, avec le présent.

     

    Le point commun étant peut-être de toujours commencer, de ne jamais finir. Comme pour l'apprentissage des langues. Toujours vagir. A sans cesse recommencer du début, à sans cesse tout reprendre, le sujet débouche sur une conduite fatalement compulsionnelle. Il s'imagine recommencer ailleurs, mais ne fait que « reprendre », sans s'en apercevoir le moins du monde.A la fin de sa vie, il s'imaginera qu'il a progressé, qu'il a vécu de façon infiniment variée, alors qu'il n'aura jamais labouré sans trêve que le premier sillon, « reprenant » son ouvrage. C'est ainsi que Monsieur de Sainte-Colombe, ou tel aide-soignant, pourra dire à l'instant de sa mort : « J'ai vécu une vie passionnée ».

     

     

     

    X

    Beau port de tête.JPG

     

     

     L'inquiétude de la jalouse, lorsqu'elle demande si nous nous embrassons sur la bouche. J'ai répondu par une fâcherie : « Qu'importent les choses faites ou pas ! c'est l'émotion de la présence qui nous importe. » Et voilà pourquoi, reprenant sans arrêt le même présent, comme un tourne-en-rond, la plupart d'entre nous décousent l'histoire, niant le successif, sauf ne figure de spirale. Ainsi je la déconstruis, elle, son histoire, tout son déroulement de raisonnement. De plus, je lui dénie le droit de vivre à son tour son propre instant présent, afin de l'incorporer dans mon présent à moi. Mon présent ne peut exister que dans la négation de celui de l'autre : je punis ses élans involontaires vécus. Les sectateurs de l'instantané, les instantanophiles, n'ont plus alors à leur disposition que la prière, ou la contemplation, qui en est l'autre forme. Peu importe qu'elles s'écrivent ou non, chacun s'étant emprisonné dans son propre ressenti immédiat. Décrire, ou surtout contempler, c'est accepter. Cette contemplation survient dans l'amour. Décrire déjà suppose la distance. Contempler et être contemplé n'implique pas nécessairement destruction de l'autre. C'est pourquoi il est plus aisé de contempler le paysage, que les yeux de l'autre.

     

  • Erotisme et purgatoire

     

    TEL EST TON REVE, ECOUTE, dit le Seigneur.

     

    TU SENTIRAS TON AME COMBLEE DE REMORDS. ET CE REMORDS TE SERA  VOLUPTE, ET CETTE VOLUPTE TE SERA PLUS GRAND HONTE ENCORE. ET DE LA

     

    HONTE MEME TU TIRERAS TA VOLUPTE. Retourne dans ta tombe, et crois en Ma  Miséricorde."

     

    Tel fut Son ordre. Et les anges s'envolèrent, agitant leurs ailes noires en poussant des cris rauques.

     

    Je me trouvai d'un coup les yeux ouverts, Michel Parmentier près de moi : « Ca va mieux ? ...Je  vous ai regardé, ce n'était pas beau à voir. - Pourquoi êtes-vous venu ? En quoi puis-je vous

     

    intéresser ? - Entre morts, il faut bien s'entraider. Tenez - il s'écarta - je vous présente ma femme. »

     

    Ses yeux bleu pervenche pendaient de leurs orbites. ELLE PUAIT. C'était la première fois que  l'odeur m'incommodait.

     

    Elle commença à m'embrasser, me fixant avec des lueurs éloquentes. « Excusez-la, dit Michel, vous

     

    lui faites envie, vous êtes encore tout frais. » Elle tourna vers son mari un regard interrogateur. Il  acquiesça. Elle glissa une main sous mon linceul et me fit bander comme un mort. Mais pris de

     

    pudeur je les renvoyai tous les deux. Après quoi je restai longtemps de mauvaise humeur.

     

    Quelques jours, quelques nuits s'écoulèrent - moi aussi (j'appellerai "jour" l'intervalle inégal  séparant deux temps de sommeil - intervalle plus court apparemment que sur la terre - pour qu'on

     

    s'ennuyât moins sans doute ? Je n'ose penser pour que les rêves reviennent plus souvent... La nuit

     

    surtout est dure à supporter. On dort un peu - très peu - puis le sommeil survient, très lourd, puis  s'effondre lui-même, comme défoncé par-dessus.

     

    Puis tranchant la nécrose, taillant son manchon, chutant de plus en plus bas, le cylindre pestilentiel

     

    et lumineux du SONGE - non pas à proprement parler une vision, mais une sensation qui se  propagerait au corps entier : chaque pore comme un oeil, aussi autonome qu'un organe entier : une

     

    boule au ventre, une boule derrière l'os du front, le Remords comme une matière lumineuse et

     

    pourpre, ou le rubis au front de LUCIFER.

     

    Et aussitôt, infecte, la jouissance, l'ignoble complaisance, l'atroce volupté de l'avilissement. ...Je me  réveillai en sursaut, lèvres bourdonnantes. Je passai mon doigt sur mon ventre. Il s'enfonça. Un peu

     

    de sanie s'écoula. Des bouts de vêtements sombrent dans la chair liquide ; du bout des doigts je les

     

    repêche et les projette, comme des mucosités nasales, sur les parois. Mes mouvements deviennent  moins gourds, je suis très fier de cette nouvelle agilité de mes index... Le sommeil me reprit et de

     

    nouveau, terrible, le cauchemar m'envahit. Ce n'était pas une histoire vécue, ni des visions, mais une

     

    horrible sensation, physique, de remords. Rien de plus terrible que ces rêves d'aveugle.  Parfois le sommeil calme revenait, parfois non. Les jours et les nuits avaient perdu leurs repères.

     

    Mais sommeils et veilles se succédaient rapidement.

     

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    J'eus envie de la femme. J'appelai. Elle vint. Elle me fit l'amour en riant : « Excusez-moi, j'étais  privée depuis si longtemps ! » Elle me vida, et je constatai avec plaisir qu'au moins, sous terre,

     

    l'avantage était que les femmes jouissaient aussi vite avec un homme que seules en surface. Au  moment ou l'orgasme commençait à venir, survint le mari : "Ne vous dérangez pas pour moi !" Il

     

    nous regarda jusqu'au bout et respecta notre postlude. "Elle vous rend service, dit-il.

     

    « En vous secouant, elle vous aide à vous décomposer davantage... Françoise, tu pourrais rester plus

     

    longtemps, par politesse. « J'ai hâte de retrouver le violoniste, au bout de l'allée. » Et je constatai

     

    avec non moins de plaisir que les femmes mortes montraient beaucoup plus de chaleur et de

     

    spontanéité. « Ne croyez pas cela de toutes, me confia Michel Parmentier. Vous avez de la chance

     

    avec la mienne. »Mais ce qui me préoccupait le plus, c'était le Temps. L'ennui. "Michel, comment

     

    faites-vous, ici, pour compter le temps ?

     

    - Compter le temps ? - Calculer les jours... Michel rit doucement. "Que vous êtes jeune! ma femme

     

    posait les mêmes questions... Eh bien, nous pouvons toujours nous régler sur les "bruits d'en haut".

     

    Quelque chose de précis, par exemple, les rondes du gardien, et des jardiniers. On les entend

     

    marcher, pousser la brouette, parler... - On comprend ce qu'ils disent ? - Bien sûr, avec un peu

     

    d'entraînement. Il y a une ronde à 11 heures, et une à 17 heures, avant la fermeture... Mais vous

     

    verrez, on cesse vite de s'y intéresser.

     

    « On s'habitue vite à l'éternité. On s'installe.. .- Il doit bien y avoir quelques marchands de

     

    pantoufles, ici ? - Au bout de l'allée, oui... Que voulez-vous dire ? » Je laisse tomber la question

     

    dans le vide. "Tenez, reprend-il, je me souviens de la visite des deux beaux-frères, il y a de ça...

     

    trois mois, peut-être ? Ils étaient là à discuter au pied de ma dalle, et le premier se met à dire : "Il est

     

    toujours là-dessous ce vieux con..." Je l'entendais gratter la terre avec son pied. Et l'autre lui répond

     

    quelque chose dans le genre : "C'est ce qui pouvait lui arriver de mieux.

     

    « De toute façon il était condamné. Et puis qui est-ce qui pouvait bien l'aimer? - Vous avez pourtant

     

    l'air bien aimable... » Il hausse les épaules, secoue ses orbites d'un air fataliste. Sa mâchoire

     

    s'allonge et pendille, il la reclaque en frappant du carpe, avec un bruit de cigogne. Soudain je

     

    m'avise d'une étrangeté singulière : « Mais dites-moi... - Oui ? - Comment se fait-il donc que nous

     

    puissions nous voir, l'un et l'autre ? ...D'où vient la lumière? - Tiens ? D'où vient la lumière ? c'est

     

    ma foi vrai ; nous n'y avions jamais pensé...

     

    Je hasarde l'expression de "perception extra-sensorielle". Il reste dans le vague. "Et nous, reprends-je, on ne nous entend pas ? - Non. La plupart du temps, ils n'ont pas l'oreille assez fine. - "La plupart

     

    du temps" ? - Ici, nous avons le silence ambiant, nous ne respirons pas, notre coeur ne bat plus... -C'est beaucoup plus facile ? Vous êtes sûr ? » A ce moment mon jéjunum miné laisse échapper,

     

    entre cuir et sanie, un doux phrasé bulleux. De tous les coins du cimetière, par le couvercle à demi

     

    soulevé, me parvient, semble-t-il, proche ou lointain, toute une rumeur concertante de chuintements,

     

    de sifflements, de craquements indéfinissables, ce qui remit fortement en question pour moi

     

    l'existence de ce fameux Peuple Souterrain auquel il me faudrait peut-être bien bien croire, peut-être

     

    même à quelque sauterie ou danse macabre.