Considérations éparses
D'après les livres, ou ses yeux, apprends juste que ce n'est pas toi qui provoqueras la vague. Et un souci de moins. L'homme est un sac de sales fantasmes. Qui ne soulève plus sa viande qu'exceptionnellement, éjacule à grand-peine et à grand ahan, devant des films sales qui claquent les cœurs. Ne jamais donc oublier la Formule de Gaspard : « 97 % des femmes étant clitoridiennes, à quoi bon s'obstiner à bander ? » mais les nerfs clitoridiens cernant le vagin sur dix bons centimètres – tout espoir n'est pas perdu.
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Le carnet dans l'herbe : je crois bien l'avoir laissé choir ici, sur l'herbe ; à côté de la capote rose, hideuse. Ariel n'appréciait pas que les troubles conjugaux de Kohanim fussent apparus dès l'instant où je l'avais fréquentée. La dernière fois que je fis l'amour avec G.H., ce fut sublime : nous n'avions rien trouvé de mieux qu'une friche mal close derrière une barrière levable ; parmi les merdes et les traces de pas, nous avons étendu nos corps qui, de justesse, ne passaient pas le niveau des herbes. Il est invraisemblable qu'elle n'ait pas utilisé ce lieu avec un autre que moi, auparavant. Les lieux d'amour clandestins sont tous sordides. J'ai roulé sous ma langue son entrelacs de cordelettes. Extraordinaire spectacle des cuisses s'élevant de part et d'autre de vos flancs pour vous absorber tout entier - comme un pont-levis qui aspire, englobe, utilise et rejette. Jouissance et solennité. Sincérité jamais ressentie jusqu'alors. Et lorsque j'eus éjaculé, longuement, je sentis le fin fond d'elle-même se contracter doucement, fermement, pour extraire le dernier suc, sans omettre une goutte. Puis j'ai su que je n'obtiendrais jamais rien de plus que ce jour-là, venant lui-même après neuf mois d'abstinence.
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Refait à neuf, le nouveau corps d'Arielle et ses traversées dans « l'opium » : assommages à l'antidépresseur, rêves paludéens de matinées entières : j'en deviendrais fou. Fausses naïvetés pour les motifs de mes absences promenades : je rejoins Kohanim, la serre dans mes bras sans cesser de parler, je ne sais si cela finira (en Fleuve Jaune, enfoui dans les sables de son delta?) Il est impensable qu'Ariel me croie vraiment : son sourire est constant ; elle me dit : « Même si tu as trouvé quelqu'un d'autre, notre union restera toujours fondamentale » – l'a-t-elle dit ? Seulement au cours du temps, dans l'histoire ; ma carrière, ma course, ma vie. Comment est-il possible que cela fut moi, cela que je rejette de toutes mes forces mentales - pas question de remises en causes concrètes, pratiques, je veux dire, présentant la moindre chance d'aboutir, dans le monde réel, dans le monde présent ; impitoyable confrontation d'un passé violemment renié, mais impossible à modifier, avec le présent.
Le point commun étant peut-être de toujours commencer, de ne jamais finir. Comme pour l'apprentissage des langues. Toujours vagir. A sans cesse recommencer du début, à sans cesse tout reprendre, le sujet débouche sur une conduite fatalement compulsionnelle. Il s'imagine recommencer ailleurs, mais ne fait que « reprendre », sans s'en apercevoir le moins du monde.A la fin de sa vie, il s'imaginera qu'il a progressé, qu'il a vécu de façon infiniment variée, alors qu'il n'aura jamais labouré sans trêve que le premier sillon, « reprenant » son ouvrage. C'est ainsi que Monsieur de Sainte-Colombe, ou tel aide-soignant, pourra dire à l'instant de sa mort : « J'ai vécu une vie passionnée ».
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L'inquiétude de la jalouse, lorsqu'elle demande si nous nous embrassons sur la bouche. J'ai répondu par une fâcherie : « Qu'importent les choses faites ou pas ! c'est l'émotion de la présence qui nous importe. » Et voilà pourquoi, reprenant sans arrêt le même présent, comme un tourne-en-rond, la plupart d'entre nous décousent l'histoire, niant le successif, sauf ne figure de spirale. Ainsi je la déconstruis, elle, son histoire, tout son déroulement de raisonnement. De plus, je lui dénie le droit de vivre à son tour son propre instant présent, afin de l'incorporer dans mon présent à moi. Mon présent ne peut exister que dans la négation de celui de l'autre : je punis ses élans involontaires vécus. Les sectateurs de l'instantané, les instantanophiles, n'ont plus alors à leur disposition que la prière, ou la contemplation, qui en est l'autre forme. Peu importe qu'elles s'écrivent ou non, chacun s'étant emprisonné dans son propre ressenti immédiat. Décrire, ou surtout contempler, c'est accepter. Cette contemplation survient dans l'amour. Décrire déjà suppose la distance. Contempler et être contemplé n'implique pas nécessairement destruction de l'autre. C'est pourquoi il est plus aisé de contempler le paysage, que les yeux de l'autre.