Proullaud296

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der grüne Affe - Page 156

  • Jeunes filles

     

     

    Je me souviens de Mlle Yassine, juive, brune, marseillaise, qui se contrefichait de la tradition, et que j'ai failli bénir le dernier jour, les deux mains jointes sur sa tête, avec cette fameuse formule araméenne je suppose : « Baroukh chem kweït malhoussè loheïlem boët » - même Delécrou, juif pratiquant, n'a pas su m'identifier cette langue... Ma bachelière s'est dérobée, très vite, sentant une lueur dans mes yeux, non de désir, mais théâtrale : le désir de me rendre, une ultime fois, intéressant, même parfaitement déplacé, par le « jeu du rabbin ». J'aime jouer. C'est mon essence. Je ne pense pas que ce soit à blâmer, au titre d'une prétendue « immaturité » - Cocteau jouait à Dieu avec les Maritain, jouait au gros chagrin à l'enterrement d'Erik Satie...

     

     

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    Etchegarry, si déplorablement gênée par Myrrha « qui aimait un peu trop son papa » dans les Métamorphoses d'Ovide ; son père ne cessait de la mitrailler en photo - quel prescripteur crétin s'avisa donc d'inscrire ces interminables vers d'Ovide dans un programme de terminales, dont les latinistes sont presque exclusivement des jeunes filles ? Un père incestueux. Je me souviens de Kreutzfeld, qui ne s'appelait pas “Brigitte” comme la journaliste. Dont la mère était arabe ; et très sensible au fait que j'aie proclamé les musulmans les plus propres des garçons, car je jouais au pédé, aussi. Jouer : quelle chose sérieuse ; je devrai cependant toujours m'en persuader, jusqu'à mon dernier souffle.

     

    J'aurai passé ma vie à jouer, avec la plus grande sincérité ; il ne m'en restera que des bribes, comme pour les actifs. « J'ai évité de vivre », confiais-je à ma classe. « Tu as su établir des contacts », me dit mon ami l'auditeur, « avec des élèves ». Et je me souviens de m'être exclamé : « Mais ce ne sont pas des vrais ! » Alors je m'aperçus de la grimace de dépit du jeune Mathieu, son fils de 18 ans, que je n'avais pas repéré.

     

     

     

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    Je me souviens du « prof de gym » Sablon, que les demoiselles de sa classe ont forcé (après courageuse délégation auprès du principal...) à porter des pantalons, parce que son short révélait un peu trop ses légumes, ballottant de façon choquante pour ne pas dire dégoûtante... Ah, nous sommes aimés, je vous jure ! ...Je l'avais croisé, ce collègue, dans un meeting du P.C., où ce jovial imbécile me fit adhérer, juste avant la mémorable culottée des élections de 78 (oubliées)... J'ai vite démissionné : les réunions de sections se ponctuaient toujours de phrases du style : « On n'a pas besoin d'intellectuels, dans le Parti ». Merci, j'avais cru comprendre.

     

    Et lorsqu'on m'a envoyé, à charge pour moi de les acheter d'avance, des paquets de billets de loterie pour la fête de l'Huma - « Qui veut mes billets ? », j'ai renvoyé le tout en précisant qu'être communiste ne signifiait pas, pour moi, faire le guignol sur les champs de foire en me farcissant les invendus...

     

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    Choulahn ressemblait à ma mère jeune – en infiniment mieux ; elle sentait mon désir. Un peu la goualanteuse Schlesing, qui se frotte avec Ursula Baun, comme chacun sait. Schlott me dit un jour, à la fin d'un cours : “Et si je tombais enceinte, vous seriez emmerdé ?” D'après ma psy, ce serait “une avance” : ah bon ??? ah tiens donc ??? J'ai répondu : “Ecoutez, si on ne se fait pas confiance l'un à l'autre, ce n'est pas la peine.” L'année précédente elle frappait du pied à plusieurs reprises, chaussée de laides baskets, entre mes jambes, au sol, pour me montrer burlesquement un pas de danse. “C'est de la provocation ça”, répétait ma psy. Mlle Schlott, « avec deux t », ne pouvait retenir ses amies en classe, qu'elle avait invitées à l'un de mes cours (je tolérais cela, par admiration de moi-même). « Ben restez,quoi...”. Même chez les personnes de son sexe, elle peinait à se créer des attachements, voire le moindre intérêt. Elle était d'une myopie nécessairement affligeante. J'aimerais la revoir. Me la faire, certainement pas. J'ai tellement vu, en long, en large et en travers, à quoi ressemblaient un sexe et un cul de femme y compris quand on les défonce (la muqueuse du vagin qui ressort et qui rentre au rythme de la bite qui défonce) que cela ne m'intrigue plus du tout. Mais je peux changer d'avis. Je me souviens de Giustina, juive suisse (je prononçais à la française, « Justine») à qui j'ordonnai, carrément, de poursuivre les cours de latin. Comme elle était italienne, elle obtempéra. Tant d'autres dont j'ai oublié le nom, dont cette Roumaine qui comprit les épouvantables grossièretés transylvaniennes dont j'abreuvais la classe : « Monsieur, pourquoi est-ce que vous dites ça ? » Elle lançait autour d'elle des regards épouvantés : mais nous étions seuls à comprendre. Je me souviens de Jacqueline Armel, qui m'affirma de pas avoir le moindre lien avec cet abruti de philosophe volontariste dont les sartriens fascisants font tant de cas (« la puissance de la volonté », peau de balle, oui !) Elle était lesbienne, venait me voir avec son ami futur pédé après les cours.

     

    Ils me dirent : « Vous êtes un prof attachant ». Que répondre ? Comme la poêle Téfal. Je faisais tout ce qu'il ne faut surtout pas faire d'après tous les manuels du Parfait Petit Professeur : parler de soi. Faire déborder ses névroses sur ses classes. « Ne pas attendrir ses élèves », nous prescrit-on à présent. Et justement, je n'aurai fait que cela. Complicité, attendrissement. Comme ils étaient vexés, tous ces administrateurs de lycée qui avaient recruté des « grands frères » « issus de l'immigration » : ces derniers obtenaient d'excellents résultats de discipline ; mais on leur dit : « Tout le monde à l'impression que vous êtes avec eux, contre nous. » Les grands frères changèrent de registre, et n'obtinrent plus du tout de résultats ; ah petits chefs, ineffables petits chefs !!! quarts de sous-chefs adjoints auxiliaires !

     

    Jacqueline, rue Verlaine, m'a recontacté. Son site est encombré de contacts lesbiens. Vive la liberté. Je n'ai jamais pu concevoir d'agir autrement que par la projection de mes complexes sur mes élèves. Simplement, je le leur disais. Dédart procédait de même. Mais sans le dire. Dans le mauvais sens. C'était une horrible guenon venimeuse, pourrie de prétention. Exposant ses photos de famille à la plage pour illustrer une conférence sur Auschwitz. Elle n'a reçu qu'un stylo à dix euros, le jour de son départ, pour écrire ses poèmes imbéciles, loin, loin. J'ai reçu, moi, 600 euros en liquide, bien insuffisants pour faire quoi que ce soit. Insuffisants pour un trombone, en tout cas. Je me suis procuré auprès d'Irénée un logiciel piraté moitié prix, qui ne lui avait pas coûté un centime.

     

    C'est de bonne guerre. Je ne peux lui en vouloir.

     

     

  • Petites femmes

     

    L'avortement ? elle seule, Bela, l'aurait programmé - « ...qu'il ne vive pas, mon enfant, parmi ces HLM »  - ni avec un tel père ? ...Devant mon café quand ils ont raccroché je compte les coups, qui portent encore, chez ces deux là, à 25 années de distance. Il me faut encore prêter l'oreille à ces jérémiades éculées d'avoir dissimulé au sieur Lazare la poursuite de mes relations avec Bela, ce qui le chiffonne encore : « Tu as gâché quelque chose entre nous... » - gâché quoi, Lazare ? je tenais simplement ma promesse, de ne jamais te remettre sur son chemin – je venais de le faire à l'instant, mais avec une maestria de pur délire... « Tu n'avais pas à promettre quoi que ce soit ! » - ô admirable, miraculeuse science infuse, qui toujours laisse pressentir avec la plus fine justesse la phrase unique à dire, le mot historique, le beau geste ajusté ! ô chevalerie ! Pour moi, les promesses que j'ai faites, à bon ou mauvais escient, je les tiens – à condition qu'elles soient explicites, en termes très exacts, car les implicites, celles que l'on déduit, que l'on suppute et que l'on finit par croire dur comme fer alors qu'elles sont en l'air et purement imaginaires, mon Lazare, ne sauraient engager que ceux qui les ont forgées – n'est-ce pas, Kalénou ? Cantat compter sur ma délicatesse, à d'autres - « ce qui m'arrange bien » d'après les philosophes à deux balles, car il est bien entendu, chez ces bons bouffons, que l'on se choisit son caractère : liberté sartrienne, vous dis-je !

     

     

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    ...La loi du plus fort, Lazare. Du mieux adapté. La Fontaine encore et toujours. « C'est bien pour toi, ça, La Fontaine. » Mais parfaitement. La Fontaine n'est pas pour les enfants. Et Jean-Paul Sartre un idéaliste en culottes courtes.

     

     

     

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    La Hanem, petite brune, ne rit qu'en ma présence : « Tu me pervertis... » - j'espère bien ! Bouffon Suborneur. Mon épouse, brune au long nez, devine où je cours, bahouts, chaque matin. Elle me voit partir et me sourit : bouddhisme ? indifférence ? équivalence ? En vérité j'ai toujours su, gand blond, qu'un jour elle céderait : cela n'aura jamais pris que quarante ans. Car nul n'est amoureux, Seigneur, s'il ne veut aimer  - relu tout Britannicus sans retrouver ce vers, ni chez Burrhus, ni même chez Narcisse – bien que Racine m'ennuie profondément – il ne sait que gémir ; je préfère de loin les rodomontades de Pierre Corneille. La Sévigné aussi était « Corneille » - tout cela passera comme Racine et le café. J'ai balancé au vide-ordures le tome III sur papier bible de sa correspondance dans la Pléiade – mille pages de féroce et futile frivolité.

     

     

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    Si je l'attire à moi, elle est sans résistance. Conscience excessive de mon charme dit-elle? j'avais cessé très tôt, et sur toutes les femmes, les séductions que j'avais, qui m'enfonçaient dans leur mépris. Très vite j'avais pigé que jamais je n'attirerais de fille. Et la première à qui miracle je n'ai pas trop déplu, je l'ai gardée : « Faire l'amour ou me laisser partir », elle a cédé. Quant à cette autre 43 ans plus tard, Gvêréét Hanem, qui m'aime et que j'aime moi-même, le plus normalement du monde, j'ai voulu la conserver comme l'autre ; et s'il m'est arrivé de les tromper toutes les deux, c'était par bonne aubaine, et plaisir sans égal d'être enfin désiré, si tard, de vivre enfin, si tard, ce que vivent ordinairement les autres, ceux qui se vantent auprès de tous d'être normaux, que j'ai si largement pris pour des cons dans mon désespoir de les égaler.

     

    Puis après tant d'élucubrations et de généralités les premiers mois, je profite avec elle de mes nouveaux atouts. Nous nous satisfaisons d'étreintes adolescentes. Je serais objet de railleries, si les autres savaient – mais il n'y a pas d'autres : l'éclat qu'on se donne à soi-même suffit ; quant à mes parents mêmes, à présent dissous dans les alluvions quaternaires, que nous importe à tous. Auquel cas, et avant de dormir, détaillons la rencontre du jour : je suis allé place d'Erres. Elle m'a cherché partout, tête basse, œil farouche. Elle m'a vu brandir une très sévère Introduction au Talmud. Le soleil a rongé  la plage arrière. Nous sommes repartis sans nous étreindre. L'étau des espions, dit-elle, se durcit.

     

    Défilent les retrouvailles, en rangs serrés. Je réitère mon attachement. Mon amour. Je me gare à l'ombre, deux roues sur un trottoir de rue coudée. Durant tout notre « entretien si doux » nous vrillent jusqu'à l'os les piépiements des petits enfants au fond d'une cour d'école. J'attire à moi Gvêréét Hanem, elle se débat, je la frappe. Elle répète qu'elle a pris sa décision : « Je suis venue t'annoncer mon départ définitif ». Oui, c'était ce que nous avions de mieux à faire, elle sur le qui-vive, lançant par la vitre des œillades latérales, et je la rétreignais, trouvant ses lèvres. Je ne voudrais jamais d'autres amours, mais dans quel entretien n'avons-nous pas évoqué la rupture. C'est toujours elle qui l'évoque.

     

    La rupture. Et je me promets bien chaque fois de ne plus y mordre, (« ...ne veulent pas être comprises, mais aimées ») - car tout raisonnement logique mené jusqu'à son terme aboutit immanquablement à me clore la gueule  - c'est pourquoi je ne m'y fie plus - mon corps avec elle est ma seule réplique. Pour une fois, une femme qui montre ses désirs ! Quelle aubaine ! Je ne m'en lasse pas, je ne la lâche pas. Un tel phénomène est absolument rarissime. On devrait l'exhiber dans les foires. Pour l'instant, la foire, c'est moi. Elle finit par se jeter sur moi, je l'ai reconduite place d'Erres. Elle s'est éloignée rue de l'Ob, une petite voie pavée. Suis remonté aux Terres Fermes.

     

  • Le dernier des vampires

     

    " Suzanne le dévisage, le souffle court. Il n'ose s'avancer vers elle. La crainte le paralyse.

     

     

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    " - Au point où nous en sommes, je crois qu'il est temps d'ouvrir une bouteille de cet excellent petrus, propose-t-elle." Pour les connaisseurs, c'est un Pomerol. Pour les psychologues, vous venez d'assister à la naissance typique d'un syndrome de Stockholm chez cette charmante et complètement conne victime du vampire séquestrateur. Et vous abordez en ce moment le chapitre 10 : c'est marqué en haut, sur la page. Nous changeons alors de scène, de lieu et de personnages, comme il convient dans un roman construit selon les règles de l'art. Seulement, "Amaury de la Faille" ne me dit plus rien du tout : symptôme de littérature Kleenex ? Notre Amaury "emprunte" donc "la rue Pascale", mais il la rendra tout à lheure, et coupe brusquement les gaz en apercevant deux femmes assises autour d'un brasero sous le porche de l'hôpital Broca. Sur le sol, devant elles, une toile cirée où s'empilent des bouquets d'anémones défraîchies, des sachets de pistaches, des bijoux en toc et des ours en peluche, tout un bric-à-brac misérable sur lequel les rares visiteurs qui sortent de l'établissement, après avoir emmené un malade aux urgences, jettent un coup d'œil furtif. Le lieutenant relève la visière de son casque et, d'une voix atone, bredouille par-dessus son épaule :

     

    " - Une dernière tentative avant d'aller dormir ?" (d'abord on ne dit pas une tante hâtive, mais un homosexuel pressé).

     

    "Christine louche vers sa montre" – c'est peut-être la compagne de la métisse enlevée par le vampire. "...il est plus de minuit, largement l'heure de s'accorder un peu de repos après avoir passé les trois quarts de la journée à sillonner les rues entre la rive gauche de la Seine et les boulevards des Maréchaux.

     

    " - Je reste près de ta bécane, acquiesce-t-elle. Seul, tu feras un tabac auprès de ces dames.

     

    " Sur une grimace ulcérée, La Faille se dirige vers les vendeuses à la sauvette qui escamotent prestement leur foutoir. Amaury s'adresse à la plus âgée, une gitane originaire de Roumanie, et lui dit qu'il l'a vue glisser dans l'un de ses cabas un portefeuille qui ressemblait étrangement à celui

     

    FAIVRE D'ARCIER(JEANNE) "LE DERNIER DES VAMPIRES" 60 03 24 12

     

    d'une femme portée disparue depuis une dizaine de jours.

     

    "La Rom laisse filtrer un regard insolent sous ses lourdes paupières. Un flot de diphtongues criardes jaillit de sa bouche où subsistent quelques chicots branlants. Elle darde un ongle sale vers Christine. Une longue enfant aux yeux battus déplie ses membres grêles et tend sa menotte brune au jeune lieutenant :

     

    " - L'argent d'abord. Et mamie veut voir la chef.

     

    " La rumeur que deux flics quadrillent la ville à moto s'est répandue comme une traînée de poude" (nous n'en sommes plus à un cliché près) dans la société parallèle des sans-abris. La Faille, qui soupçonne la petite et son aïeule de monnayer du vent, fait sauter quelques pièces dans le creux de sa paume.

     

    " - Plus, exige l'enfant ; elle frotte son pouce contre son index.

     

    " - Cinq euros et basta, marchande La Faille." - et une incise superflue, une ; on le voit bien, qu'il marchande.

     

    " Les deux complices se murent dans un silence outré et remballent leurs paquetages. La Faille menace d'appeler un fourgon qui les enverra au bloc", évidemment, pas à l'Arc de Triomphe.

     

    " - On sera au chaud, rétorque la petite avec un fort accent.

     

    " La Faille lui tend un billet de 10 euros. Elle le froisse dans son poing refermé. Sa grand-mère invite Christine à traverser la rue d'un geste autoritaire tout en baragouinant des insultes contre La Faille, qu'elle accuse, dans un méli-mélo de roumain et de franglais, d'intimider de pauvres femmes sans défense parce qu'il est furieux de cavaler en plein hiver au lieu de se pelotonner dans un bon lit douillet.

     

    " Christine s'empresse de doubler le bakchich, geste qui endigue instantanément le courroux de la mégère. Elle montre ensuite une photo de Suzanne aux réfugiées. Celles-ci se consultent du regard avant que la vieille se décide à tâter le terrain :

     

    " - Jolie dame étrangère...

     

    " - Oui et non... Son père était de Madagascar...

     

    " La Roumaine traduit son scepticisme d'un claquement de langue : elle a peine à croire que deux flics se démènent pour porter secours à une clandestine quand la majorité de leurs collègues arrête des gosses à la sortie de la maternelle et les enfournent comme du bétail dans des avions-cargos qui les vomissent dans des pays dont ils ignorent à peu près tout." C'est vrai ça, l'autre jour j'en ai vu un cortège de 50 attachés par les pieds deux par deux, l'avion était pour Auschwitz. Salauds de Français. Le dernier des vampires, de Jeanne Favre d'Arcier, qui ne serait pas très contente de m'avoir entendu, aux éditions de Bragelonne.

     

  • Guerre urbaine

     

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    Jamais ce labyrinthe d'entrepôts ne semble prendre fin. « Quand tout sera fini, dit Remigio, j'accepte tes bras, pour livrer en ville tout ce qui nous parviendra, tout ce que nous vendrons. » Les chiffons détrempés dégagent une odeur lourde. Cela m'effraie, puis se stabilise. Si l'air vient à manquer, tous mourront en se tenant la gorge, vacillant puis pliant les genoux et heurtant de la tête le sol cimenté sous les sacs de pois chiches. « Vois-tu dit l'Italien je crois que tous nous resterons sur terre, invisibles. Les morts sont tous là parmi nous, les fraîchement tués, les hommes préhistoriques. Ça se tient comme les sacs de riz. Même mort tu reverras la paix ». Des grenades atterrissent sur les stores, sans les trouer. J'aimerais conduire un camion. Livrer des marchandises. Je serais libre, avec l'assurance d'une vie éternelle. Ma nouvelle fraternité des morts ! - quoi ! tant de certitudes, au sein d'une classe sociale si craintive ! « Je m'appelle Emilia », me dit une femme. « Tu es libre », ajoute Remigio. « Tu pourras l'épouser ! » On criait-on dans la rue : « Moulay Slimane est mort !...  Moulay Slimane est mort ! » On peut bien tuer qui l'on veut, et Paziols est innocent.

     

    Six jours sur les sacs de riz, de dattes, parmi les parfums, six jours à caresser la fille de Remigio, à écouter ses leçons de morale – même en train de crever, une femme ne refusera jamais de faire la morale - au dehors plus rien, la guerre ne parvient plus jusqu'ici, les gens demeurent sombres et voilés, le monde extérieur n'envoie plus que des rais de lumière sous le store aux 3/4 baissé, nous vendons à la dérobée mais en fortes quantités, parfois des camions sautent, ceux du Sud les pillent et tapent les cadavres du pied, personne ne m'a proposé de prendre la relève. Rien ne vaut des voûtes bien construites. Emilia, d'autres femmes, des cousines, morales jusqu'aux phalanges – phalanges exclues ; ça respire fort la nuit dans les coins.

     

    Le jour j'écoute la musique, les femmes chantent sur le transistor, farniente dans les baignoires, séchages sous les avalanches de pois chiches – je ne manque de rien. « Bordel ! Sois un homme ! » gueule en italien le père Remigio. - Ta fille reste vierge, vieux con ! Stronzo vecchio ! - Va te battre ! -Vaffanculo ! (je me ravise) - ok je prends le flingue. » Le nez dehors et trois rafales aboient, de quoi me renfoncer dans l'abri de mur, c'est noir, mes doigts tremblent sur un verrou, je ne suis pas si lâche : cette entrée de souterrain - m'excitera toujours - si je meurs là je ne serai toujours pas volatilisé sous le soleil - je ne serai pas - des paillettes - dans un rayon. Ça pue, on se bat au-dessus, je cherche un couloir qui remonte, ou qui pénètre par l'anus de mon Palais, c'est fou : juste une porte au bout d'un plan incliné, l'air libre plus loin, je respire, Abinaya que je croyais crevée me retombe dans les bras, elle qui me cueillait au sortir du Palais, elle qui me tire dessus « TOUT ce qui sort des magasins Talia se fait descendre surtout par les sorties secrètes. » C'est un jeu.

     

    Il n'y a (dis-je) dans l'entrepôt que des fruits, des vieilles filles, tout confit. » Nous faisons quelques pas, Abinaya l'arme en bandoulière, abandon de poste, «on tire pour passer le temps, trois morts avec du pot et un petit brin de promenade », soleil, rafales entre les murs comme un cheval qui s'ébroue, Abinaya me hurle à l'oreille : « on change de camp ! de quoi te plains-tu ? » Je crie : «Je ne me plains pas ! » Je saute un muret Abinaya court tout droit pousse encore une porte en bois, descend pour trois jours, pour toujours ? Moi je m'accroupis dans les cactus malades, un homme de dos tire en extension jambes à terre écartées, je me jette au sol pour cartonner le mur d'en face, un trou et la tige de métal « tu vois là c'est le fusil », j'épuise trois chargeurs, je jette mon arme, le mur ne fume même pas. La tige a disparu, je suis resté le dernier, je rampe à reculons, calme surprenant, après tout je n'ai pas tué, je remonte vers le Palais en longeant des bâtiments blancs, plus de président. Giboulées de guerre sur le Nord-Est, ruines de plus en plus fréquentes, je m'introduis chez moi par une porte dérobée, beaucoup de portes, me voici dans une chambre pour la première fois depuis longtemps sauf l'hôtel. Sur la table je déplie le vieux plan, toutes les indications d'Abinaya sont fausses, je révise un vieux syllabaire arménien, d'avant la guerre, ma ville se divise en cinq ou six parties (« Gallia est divisa in partes tres, « Guerre des Gaules »...) - ce sont les cimetières qui occupent les lignes de démarcation.

     

    ...Si je suis pris en otage, le loyer du Palais (au Gouvernement) courra-t-il toujours ? Si je suis tué dans un cimetière - si je meurs dans les bras d'une femme, sera-ce Abinaya ? Me reste-t-il le temps de boire ? de fumer ? Je m'ennuie. Je ressors. Je croise des groupes d'assassins. La rue résonne, les combattants me crient « Ecarte-toi ! Balek ! Balek r-ras ! »  - je baisse la tête, on m'écarte comme un mouche, l'hôpital juste en face touché de plain-fouet, j'espère que mon père est mort, OUI – j'offre des fleurs à l'infirmier qui me l'annonce, je lance « qu'on l'incinère ! » Je rentre au palais, la rue à traverser, quelques vieux serviteurs accourent vers moi, je demande : « Paziols ? Paziols ? » - les deux chaouchs ne savent rien « Trop de massacres Sidi Jourji. Si c'est un homme il doit se battre en ce moment. » Pas une ombre de blâme. Le bureau du troisième est intact. Si l'on attaque, un coup de fil suffit. Toutes les lignes ne sont pas coupées ; au standard on peut fournir quinze, vingt miliciens, à la demande.

     

    S'ils s'introduisent par les gaines de clim, je suis mort. Je fais tout colmater, je place des gardes. Je m'avise soudain, au milieu de tous ces préparatifs de crainte – que je regrette profondément mon père : il me tirait les cartes. Je n'ai pas tenu compte de ses fausses prédictions, que Diable aussi, par Iblis ! on prend des notes... Je fais suspendre au sous-sol un énorme punching-ball bourré de vêtements pour les combats de rue. Abinaya est venue. Elle dit qu'en Turquie, pays de paix, les roses poussent dans des bacs de ciment frais. Je suis jaloux de tous ceux qui l'ont approchée. « Tu prends facilement les hommes auprès des femmes, dit-elle, pour leurs amants. Elles finissent par les congédier, tous. » Elle m'apprend aussi le siège d'Antalya, le cannibalisme qui s'ensuit.

     

  • Le temps béni de la paranoïa

     

    Avant son départ, deux titres chez Pauvert. Voilà qui n'arrange rien. Editée en France, chez un éditeur prestigieux, et tout laisser tomber pour s'enfermer dans une armoire à bols de riz ? Mais qu'est-ce qu'ils ont donc dans le crânes, ces gens-là ? Je n'arrive même pas à sortir mes couplets habituels sur les femmes, et on m'annoncerait tout de go que cette gonzesse a une trompe, trois yeux et des pustules qu eje n'en serais pas autrement étonné. Comment peut-on être persan ? Moi, je ne semble étrange à personne. C'est ce que je pense. Et je me trompe. Jamais je ne me lasserai de ces constatations moroses, tant elles ont fait la perplexité désespérée de ma vie. Au retour, elle décide qu'elle va écrire, u npoint c'est tout – cher biographe, je ne comprends plus : a-t-elle publié chez Pauvert ou non ? Elle a donc déjà exercé l'écriture. Bon. Que de décisions prises. Quelle femme. Comme il vaut mieux de pas être avec elle un compagnon attentionné. Comme il faut être dur. ELLE ECRIT ! m'annonce l'intertitre. C'est l'emphase habituelle d' "Ecrire et Editer". Je le prends ainsi. Et commence la galère.

     

    Ah ! Enfin ! Je me retrouve en terrain connu ! Notre aventurière va s'en prendre plein les dents, enfin confrontées -z - aux forces molles qui sont les seules forces vives de nos contrées !

     

    53 05 28

     

    Quinzième anniversaire aujourd'hui du dernier jour de vie complet de Coco, belle-mère, et mère adoptive deToub, du temps où nous manquions de force pour l'assumer... Mes parents à moi disaient : Nous ne t'aurons plus près de nous. Les temps se mélangent. Ni différence, ni émotion... Je lis : N4728 en reprend d'ailleurs la formule. C'est le latitude nord d'Angers. C'est le titre d'une revue. Qui met la poésie en Angers. Nul. ...et forme originale avec plusieurs cahiers insérés dans un long étui. Comment peut-on s'intéresser à une revue, s'intéresser à quoi que ce soit. Là commence en vérité la vulgarité. C'est à la fois élégant et pratique. Mais je m'en fous. Il n'y a que moi.

     

    Moi au monde, à tout jamais. « Moi, la Mort et les autres ». les autres en tant que chiants. Ceux qui s'intéressent à quoi que ce soit d'autre qu'à soi sont chiants. Pas sociable. Pas avec des incultes. Il faut être con pour faire de la poésie, plsu encore pour en faire une revue. Ce nouveau trimestriel est d'une part couplée – avec un « e », bravo. S'insérer, être efficace, quelle horreur. Qu'on vienne me chercher, soit, pour rehausser, servir à d'autres, soit – et pas trop... - mais que je me démène, moi, pour qu'on me serve, pouah. ...avec les soirées organisées avec la bibliothèque d'Angers – tous ensemble, tous ensemble, GNOUF ! GNOUF ! Vulgarité des collaborations, des bonnes consciences, les sourires d'insertion sociale, horreur, horreur...

     

    Tout au long de l'année. A heures fixes, revoir les mêmes gens, se congratuler de participer à la même aventure de sauvetage de ce qui ne mérite même plus d'être sauvé... la... poésie je crois ? Ah qu'elles doivent être belles les soirées poétiques d'Angers, aussi fécondes et pénétrantes n'en doutons pas que le salon angoumoisin de Mme de Bargeton. Comme ce sont la plupart du temps des pointures – sans blague ? Bien insérés, bon serreurs de mains ? « Mon chien Pataud / A le nez gros... » On a des comptes rendus intéressants et des inédits de qualité. Pourquoi pas. Peut-être qu'on travaille en collectivité sans se bouffer le nez. Ainsi dans le n°3 peut-on lire successivement dans ce cadre : Paul Badin, Yves Bonnefoy, Sabine Macher et André Velter. Je me souviens de Sabine Macher.

     

    Je l'ai connue, pressée de près, elle a une petite fille, que je n'ai pas vue ; le soir avait lieu une présentation d' Homophobie 2004, où j'ai beaucoup transpiré. Parfosi je fonce sur une femme. Je rate. Ensuite je me suis déconsidéré par une traduction fautive. Malgré les tentatives de Favretto, je ne me suis plus représenté dans cette arène. Il m'est impossible de traduire de l'allemand de poésie. Tout effleuré dans ma vie : femmes, allemand, travail en commun... Ce qui n'empêche d'autre part la publication d'inédits – ainsi donc, cette Sabine, en France depuis 76, écrivait en français des poèmes ! comme elle était bilingue ! insoupçonnable, une légère pointe d'alsacianisme, moche et malingre, mais que j'eusse baisée comme une autre, disons : que j'eusse flirté, sans aller jusqu'au pistonnage...

     

    Manuscrits en trois exemplaires anonymes... Que tous ces gens désirent écrire me lasse, car ils respectent si bien ces règles que je feins ici d'enfreindre... Je ne supporte ni moyenneté, ni altérité. Les autres sont, éternellement, l'obstacle. En particulier, je refuse désormais le moindre effort. Qui dit effort dit soumission. Je veux, moi, que l'on admire – disons : que l'on considère – mon petit tour de piste à moi. Plutôt premier des minables que troisième des excellences. Pas de concours, pas de troupeau. J'ai reçu un livre, en service de presse, où l'on me qualifie d' « homme libre ».

     

    PHOTO : JE NE VAIS TOUT DE MEME PAS ME FAIRE CHIER A INSERER UNE PHOTO DONT TOUT LE MONDE SE FOUT.

     

    Un livre sur Decaunes. Decaunes fut aussi un électron libre. C'est du moins ce qu'on essayera de me faire croire, dans uen biographie plus ou moins hagiographique. Mais il a si peu rué dans les brancards... A part sur son île... Sur papier ou disquette ou e-mail pièce jointe sur Word SVP. Je préfèrerais la disquette. Et je gagnerais une médaille en chocolat, en compagnie d'autres qui eussent aussi bien vaincu. J'ai déjà participé à des concours, pour obtenir ma profession « à la papa ». Un cahier photos signées Michel Durigneux – cher Michel, qui es-tu ? Fondu dans la foule des tireurs de clichés. Il était une foi un eexposition dans le Gers. Chacun d'entrer, de contempler au

     

    mur toutes les photos. Puis de se retourner pour sortir. Alors on apercevait, derrière un bureau qu'on n'avait point vu, quelque employé bien souriant de hyène, qui vous infligeait de payer votre beau billet. Ô le bien puant piège.

     

  • Voyage à Caen

    Restez-moi fidèles petits amis, je me débats avec un cybercafé caennais, vous me retrouverez très bientôt avec des textes superintelligents et supermodestes. Bises !