Proullaud296

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Petites femmes

 

L'avortement ? elle seule, Bela, l'aurait programmé - « ...qu'il ne vive pas, mon enfant, parmi ces HLM »  - ni avec un tel père ? ...Devant mon café quand ils ont raccroché je compte les coups, qui portent encore, chez ces deux là, à 25 années de distance. Il me faut encore prêter l'oreille à ces jérémiades éculées d'avoir dissimulé au sieur Lazare la poursuite de mes relations avec Bela, ce qui le chiffonne encore : « Tu as gâché quelque chose entre nous... » - gâché quoi, Lazare ? je tenais simplement ma promesse, de ne jamais te remettre sur son chemin – je venais de le faire à l'instant, mais avec une maestria de pur délire... « Tu n'avais pas à promettre quoi que ce soit ! » - ô admirable, miraculeuse science infuse, qui toujours laisse pressentir avec la plus fine justesse la phrase unique à dire, le mot historique, le beau geste ajusté ! ô chevalerie ! Pour moi, les promesses que j'ai faites, à bon ou mauvais escient, je les tiens – à condition qu'elles soient explicites, en termes très exacts, car les implicites, celles que l'on déduit, que l'on suppute et que l'on finit par croire dur comme fer alors qu'elles sont en l'air et purement imaginaires, mon Lazare, ne sauraient engager que ceux qui les ont forgées – n'est-ce pas, Kalénou ? Cantat compter sur ma délicatesse, à d'autres - « ce qui m'arrange bien » d'après les philosophes à deux balles, car il est bien entendu, chez ces bons bouffons, que l'on se choisit son caractère : liberté sartrienne, vous dis-je !

 

 

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...La loi du plus fort, Lazare. Du mieux adapté. La Fontaine encore et toujours. « C'est bien pour toi, ça, La Fontaine. » Mais parfaitement. La Fontaine n'est pas pour les enfants. Et Jean-Paul Sartre un idéaliste en culottes courtes.

 

 

 

X

 

 

 

La Hanem, petite brune, ne rit qu'en ma présence : « Tu me pervertis... » - j'espère bien ! Bouffon Suborneur. Mon épouse, brune au long nez, devine où je cours, bahouts, chaque matin. Elle me voit partir et me sourit : bouddhisme ? indifférence ? équivalence ? En vérité j'ai toujours su, gand blond, qu'un jour elle céderait : cela n'aura jamais pris que quarante ans. Car nul n'est amoureux, Seigneur, s'il ne veut aimer  - relu tout Britannicus sans retrouver ce vers, ni chez Burrhus, ni même chez Narcisse – bien que Racine m'ennuie profondément – il ne sait que gémir ; je préfère de loin les rodomontades de Pierre Corneille. La Sévigné aussi était « Corneille » - tout cela passera comme Racine et le café. J'ai balancé au vide-ordures le tome III sur papier bible de sa correspondance dans la Pléiade – mille pages de féroce et futile frivolité.

 

 

X

 

 

 

Si je l'attire à moi, elle est sans résistance. Conscience excessive de mon charme dit-elle? j'avais cessé très tôt, et sur toutes les femmes, les séductions que j'avais, qui m'enfonçaient dans leur mépris. Très vite j'avais pigé que jamais je n'attirerais de fille. Et la première à qui miracle je n'ai pas trop déplu, je l'ai gardée : « Faire l'amour ou me laisser partir », elle a cédé. Quant à cette autre 43 ans plus tard, Gvêréét Hanem, qui m'aime et que j'aime moi-même, le plus normalement du monde, j'ai voulu la conserver comme l'autre ; et s'il m'est arrivé de les tromper toutes les deux, c'était par bonne aubaine, et plaisir sans égal d'être enfin désiré, si tard, de vivre enfin, si tard, ce que vivent ordinairement les autres, ceux qui se vantent auprès de tous d'être normaux, que j'ai si largement pris pour des cons dans mon désespoir de les égaler.

 

Puis après tant d'élucubrations et de généralités les premiers mois, je profite avec elle de mes nouveaux atouts. Nous nous satisfaisons d'étreintes adolescentes. Je serais objet de railleries, si les autres savaient – mais il n'y a pas d'autres : l'éclat qu'on se donne à soi-même suffit ; quant à mes parents mêmes, à présent dissous dans les alluvions quaternaires, que nous importe à tous. Auquel cas, et avant de dormir, détaillons la rencontre du jour : je suis allé place d'Erres. Elle m'a cherché partout, tête basse, œil farouche. Elle m'a vu brandir une très sévère Introduction au Talmud. Le soleil a rongé  la plage arrière. Nous sommes repartis sans nous étreindre. L'étau des espions, dit-elle, se durcit.

 

Défilent les retrouvailles, en rangs serrés. Je réitère mon attachement. Mon amour. Je me gare à l'ombre, deux roues sur un trottoir de rue coudée. Durant tout notre « entretien si doux » nous vrillent jusqu'à l'os les piépiements des petits enfants au fond d'une cour d'école. J'attire à moi Gvêréét Hanem, elle se débat, je la frappe. Elle répète qu'elle a pris sa décision : « Je suis venue t'annoncer mon départ définitif ». Oui, c'était ce que nous avions de mieux à faire, elle sur le qui-vive, lançant par la vitre des œillades latérales, et je la rétreignais, trouvant ses lèvres. Je ne voudrais jamais d'autres amours, mais dans quel entretien n'avons-nous pas évoqué la rupture. C'est toujours elle qui l'évoque.

 

La rupture. Et je me promets bien chaque fois de ne plus y mordre, (« ...ne veulent pas être comprises, mais aimées ») - car tout raisonnement logique mené jusqu'à son terme aboutit immanquablement à me clore la gueule  - c'est pourquoi je ne m'y fie plus - mon corps avec elle est ma seule réplique. Pour une fois, une femme qui montre ses désirs ! Quelle aubaine ! Je ne m'en lasse pas, je ne la lâche pas. Un tel phénomène est absolument rarissime. On devrait l'exhiber dans les foires. Pour l'instant, la foire, c'est moi. Elle finit par se jeter sur moi, je l'ai reconduite place d'Erres. Elle s'est éloignée rue de l'Ob, une petite voie pavée. Suis remonté aux Terres Fermes.

 

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