Proullaud296

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dictionnaire

  • Philologie allemande

    La lettre H sonne si typiquement deutsch que l'effarant Goebbels avait prénommé tous ses enfants par cette initiale, avant que sa femme les empoisonnât. J'ai appris Hebamme, la nourrice qui élève l'enfant au-dessus du ventre, la sage-femme. Très beau nom, empreint de respect. Il faut bien marquer la scission entre « Heb- » et le reste du mot. Heißhunger, c'est l'appétit dévorant, la fringale, et, médicalement, la boulimie. Voici une association d'idées : Geneviève, quoique opérée de l'estomac, n'a pas cessé de grossir. Vierge à plus de quarante ans, elle a cédé à son Heißhunger, est demeurée heißhungrig, boulimique, et non pas « goulue » ou « vorace », que notre Larousse mentionne seuls. Il est fréquent de ne pas retrouver dans le Larousse les mots du « kleine Duden », tant il est délicat de déterminer si tel ou tel mot s'est véritablement lexicalisé. Geneviève a la peau très douce des personnes grasses, elle vit en compagnie d'une autre femme, la fille Ducauche, toujours joyeuse,, ou toujours méfiante. Elles amènent en chariot roulant toutes sortes de vieilles choses que le père de Geneviève entrepose dans notre maisonnette abandonnée.

    Nous passons au verbe heißmachen, imprimé en rouge, appartenant je suppose à la langue commune, à l'Umgangssprache : or, nous ne l'apercevons pas dans le Larousse ; en revanche, heißlaufen, « chauffer » en parlant d'un moteur, der Motor ist heißgelaufen, hat sich heißgelaufen, ce moteur chauffe ; d'où Heißlaufen, « échauffement, grippage » - c'est donc cela, un « grippage », et Heißluft, « air chaud », ne figurent pas dans le Duden. Jemandem die Hölle heißmachen, « faire chauffer l'enfer à quelqu'un », doit vouloir dire « lui préparer un chien de sa chienne » (Umgangsprache : jmdm heftig zusetzen) – voyons : presser vivement, « pousser au cul », peut-être, ce qui est tout différent.

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    À rapprocher de heiß, « chaud », ce qui n'a rien de surprenant. Die Heißmangel ne figure pas dans le Larousse. Seulement die Mangel, « la calandre », ce qui « réchaufferait » le moteur, comme semble l'indiquer la racine cal- de « calorifère ». Heißumstritten serait alors l'action de « chauffer le moteur », ou plutôt le fait de s'échauffer dans un débat. Nous ne consulterons plus le Larousse que pour vérifier les significations du Duden, sans être certain de les y trouver. Nous sommes de nouveau renvoyés à heiß, « chaud ». De préférence à ces pédanteries répétitives, nous préférerions des précisions : Hammer n'est pas seulement un Werkzeug, un outil, mais ce qui permet de frapper sur un clou par exemple, un marteau.

    Passons à présent à une racine dérivée sans doute de la première : heiter, «clair, découvert, serrein » : heiteres Wetter, « temps clair », exemple du Larousse. D'où Heiterkeit, « clarté, pureté » - die Heiterkeit des Himmels, « la pureté, la sérénité du ciel ». Heiterkeitserfolg, «accession à la sérénité ». Nous voici loin des ébouillantements précédents. Heizen nous y ramène : « chauffer, faire du feu ». Heizer sera « le chauffeur », en « technique » : cela signifie donc autre chose qu'une profession ? Ici, le Robert entre en jeu : « chauffeur-mécanicien de bateau ». Il ne s'agit donc pas, pour l'instant, d'une pièce mécanique, mais d'un homme. Cette promenade bavarde à travers le vocabulaire franco-germanique ressemble assez aux livres de géographie signés Perpillou, d'où il était très mal commode de tirer de la science, parce que sa rédaction tenait plus de la littérature, cotonneuse, contournée, là où nous éprouvions le besoin, nous autres potaches, de tableaux statistiques ou de courbes sans poésie superflue, sans poésie du tout. Heizgas correspondra à « gaz chauffant », Heizkissen à « coussin chauffant », Heizkörper à « corps chauffant », rien de tout cela ne figurant dans le Larousse, lequel dévoile des lacunes de plus en plus flagrantes, ainsi que je l'avais soupçonné en voyant les dimensions réduites et la grosse impression du volume : fût-ce en 780 pages sur double colonnes, il me semblait improbable de contenir le vocabulaire d'un dictionnaire franco-allemand, plus celui d'un germano-français. Heizöl est bien sûr une « huile chauffante », mais cela ne donne rien en français véritable...

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    "Die Schwalbe", l'hirondelle. D, H, S, nous avançons. Avant d'avoir fini ce rectificateur d'orthographe plutôt que "dictionnaire" monolingue, j'espère avoir pensé à offrir à Sonia ce qu'elle attend depuis des années, un véritable Larousse allemand-allemand. Mon étourderie n'a d'égal que Mon Nombrilisme. "Schwalbe" est le nom d'une de mes élèves viennnoise, qui doit approcher de la cinquantaine à présent. Elle avait l'air d'une hirondelle justement, vive et de cheveux noirs ; pour le ventre blanc, je n'ai pas vérifié. Elle avait convaincu ses parents de pétitionner en ma faveur lors de mon éviction (pour raison financière) du lycée de Vienne ; cependant, lorsqu'il s'est agi de renouveler leur soutien, pour me prolonger d'une annér, ils refusèrent : "Nous avons témoigné une fois, maintenant, qu'il se tire d'affaire lui-même".

    L'hirondelle me rappelle aussi l'étonnement d'Olivier, car j'avais reconnu son gazouillement grinçant si caractéristique :"Mais, Olivier, cela n'a rien d'étonnant ! pendant mon enfance, les villages en grouillaient !" Voilà pour l'extinction des espèces... Et nos dessous de toit abritaient souvent des Schwalbennester, de ces fameux "nids d'hirondelles", que mangent les Chinois lorsqu'il s'agit d'un mucus comestible de martinets locaux. Au sein de l'écriture se glisse une inquiétude sur l'utilité de mon vice... Ensuite je reprends mon collier de coton. Sonia tu as mon âge à présent : je ne t'ennuie pas trop ? Passons au mot suivant : "der Schwall", "de Schwall". Pluriel "Schwalle". Es ist so wie ein Guss Wasser : le Duden ne me fournit pas le sens de ce mot courant : un jet, (une coulée), une averse.

    Une douche, au sens de "déversement". "Schwall" est plus précisément "un torrent", "un flot ininterrompu" : "ein Wortschwall", un flot de paroles. Un "paquet" (de mer). Les hirondelles de mer sont des sternes pierregarins. Cela se dit justement "eine Seeschwalbe". Une "Seeschwalbe" peut donc très bien recevoir "einen Seeschwall", à supposer qu'un tel oiseau soit de sortie par gros temps. Or ce mot signifie aussi "un alcyon", ces oiseaux de légende qui nidifiaient sur l'eau lorsque la mer était d'huile. "Pleurez, doux alcyons, doux alcyons, pleurez / Elle a vécu, Myrto, la belle Tarentine", ces vers, de Chénier, évoquent-ils encore quelque chose ? Il a mal fini, bonnes gens. Pleurez à votre tour. "Der Schwamm", c'est l'éponge.

    L'ordre alphabétique maintient le champ sémantique... "der Schwamm" : c'était l'un des premiers mots que nous apprenions en 6e, lorsque la pédagogie consistait simplement à désigner, en allemand, les objets scolaires que le professeur avait sous la main :"das ist die Kreide, das ist die Tafel", "c'est la craie, c'est le tableau", pour lequel on se servait encore d'une éponge, avant de passer "le chiffon sec" ("M'sieu ! j'peux effacer le tableau ?") - c'étaient des fils de paysans que l'on enseignait, et nul journaliste pressé d'étaler sa clairvoyance ne s'avisait de stigmatiser une prétendue "culture bourgeoise".

    Et nous savions l'allemand aussi bien que les passionnés d'aujourd'hui. Pourquoi s'est-on mêlé de sociologie à deux balles ?