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Montesquieu, Varia

 

Il semble que les vœux d'un malin esprit aient voulu écarter de nos commentaires tout ce qui concerne le meilleur ouvrage de Montesquieu, à savoir L'esprit des lois. D'autres ouvrages en revanche, plus frivoles, se sont chargés d'iceux commentaires comme le papier tue-mouches de ses diptères. Las quatorze premiers livres de L'esprit des Lois, disent les exégètes, coulent de source, comme d'un bon raisonnement naturel découlent toutes les conséquences, avec la rigueur de la logique. Mais où nous en arrivons ce jour, Livre XXV, depuis un certain temps, Montesquieu bat la campagne et ses flancs avec la plus louable diversité, appliquant à la venvole ses si discutables préceptes sur le climat.

 

Nous ne saurions sans xénophobie attribuer les régimes politiques en fonction de leurs latitudes ou longitudes, décrétant que les pays arabes sont réfractaires à la démocratie. Mais nous admirons le bon sens de Montézuma, déclarant que la religion espagnole convenait aux Espagnols, celle de son Mexique aux habitants de ce Mexique. Les changements effectués avant les éditions successives nous renseignent, nous autres mécréants, sur les précautions et contorsions auxquelles devaient se livrer les sujets spirituels de notre Saint Père le Pape, NSPP. Il fallait y rappeler que la religion chrétienne était "le plus grand bien", que le célibat des prêtres relevait de la plus granSphinx cul en l'air.JPGde sagesse divine, et que seul restait critiquable un trop grand développement de ce célibat.

 

L'homme d'esprit lisait donc entre les lignes la profonde stupidité d'une pratique brimatoire et superstitieuse, voire de toutes les pratiques, voire de toutes les religions. Montesquieu fut-il athée ? Pas consciemment. Méfions-nous cependant des élucubrations à venir de la psychanalyse, qui tire argument de l'inconscience en faveur de la vérité mathématiquement démontrée ; nous serions tous alors des pédophiles assassins, que Dieu nous en préserve... Le chapitre IX s'intitule "De la tolérance en fait de religion". Il sera plaisant (et navrant) de lire les restrictions que Montesquieu devra imposer à son expression. Il a pu dire que les peuples nomades s'attachent moins à la religion que les autres, et l'abandonnent volontiers pour se convertir. Il a pu rapporter que tel conquérant musulman, à Boukhara, fit piétiner le Coran par ses chevaux ; si c'eût été l'Evangile, notre auteur ne l'aurait pas dit. Tout ce qu'on écrit sur les religions, en quelque époque que ce soit, est toujours assorti de clauses restrictives, qui ne sont là que pour la forme, de Pierre Charron à qui l'on voudra. Par quoi chacun peut bien voir l'inanité de telles précautions, et l'inanité, le vide, de quelque religion que ce soit eu égard aux raisonnements rationnels et laïques ; voyez ces protestations empressées de Montesquieu, qui feraient pitié si nous n'y sentions toute la bonhomie de l'ironie : Nous sommes ici politiques et non pas théologiens ; et, pour les théologiens mêmes, il y a bien de la différence à tolérer une religion et l'approuver. Ô admirable sagesse du langage humain, qui pense tout régler par la différence des mots ; mais ne tombons pas non plus dans le nihilisme, et lisons, car la perfection du nihil n'appartient pas aux hommes : Lorsque les lois d'un Etat ont cru devoir souffrir plusieurs religions, il faut qu'elles les obligent aussi à se tolérer entre elles. Tout de suite l'auteur omet l'intolérance d'Etat.

 

Si ce dernier n'est pas despotique, il devra empêcher ses gamins de se conduire despotiquement. Le désordre ne vient pas de l'Etat libéral, mais des fanatiques, toute religion ne pouvant être que totalitaire ; car toute religion est en elle-même totalitaire. Perfidie toute jésuite.... avant les attaques desdits jésuites. C'est un principe, que toute religion qui est réprimée, devient elle-même réprimante : car sitôt que, par quelque hasard, elle peut sortir de l'oppression, elle attaque la religion qui l'a réprimée, non pas comme une religion, mais comme une tyrannie. Sinon, elle devrait admettre qu'on ait pu l'attaquer elle-même, et admettre le caractère relatif de toute religion. L'Etat, s'il est intelligent et non pas répressif, devra donc se garder de favoriser telle ou telle religion, ne se mêler de rien, et ne se préoccuper que de paix publique, c'est-à-dire de paix laïque.

 

Ainsi se trouve aussi battu en brèche le principe du Cujus principis, cujus religio. Les princes qui ne l'appliquaient pas sont allés contre la majorité de ce temps-là ; ils ont peut-être eu tort, peut-être eu raison. Les circonlocutions de Montesquieu le dérobent aussi bien à l'ire des religieux qu'à celle des agents du pouvoir : sous Louis XV, la Révocation de l'Edit de Nantes s'appliquait encore en principe, et les fils de protestants, considérés comme bâtards, n'héritaient point. La religion, suggère Montesquieu, est en elle-même, quelle qu'elle soit, source de troubles, non seulement religieux, mais politiques ; ne vaudrait-il donc pas mieux les réprimer toutes à égalité? Car elles n'auraient jamais l'intelligence de s'unir toutes, entre elles, contre un Etat si équitable dans son oppression... Méfions-nous des religions : elles raisonnent de travers, substituant la passion, voire la connerie, aux raisonnements. Il est donc utile que les lois exigent de ces diverses religions, non seulement qu'elles ne troublent pas l'Etat, mais aussi qu'elles ne se troublent pas entre elles. Qu'elles s'ignorent. Qu'elles s'évitent. Qu'elles n'en viennent même pas à se comprendre, car elles pourraient s'unir contre l'Etat, pour ensuite s'entredéchirer de plus belle. Il n'y a donc rien de plus laïque, de républicain au sens d'étatique, que le désarmement de toutes les religions. Bien sûr, Montesquieu prit bien soin d'exclure de ces dispositions la seule religion vraie, celle du roi. Mais que les écrits de ce temps, vus du nôtres, paraissent enveloppés. Avec cette différence toutefois qu'un Leibniz se prend les pieds dans les tapis et s'embrouille de la façon la plus inextricable, tandis que le baron de La Brède s'en sort avec panache. Un citoyen ne satisfait point aus lois , en se contentant de ne pas agiter le corps de l'Etat ; il faut encore qu'il ne trouble pas quelque citoyen que ce soit. Les religieux se voient là ramenés au simple statut de citoyens, voire athées, du moins laïcisés. Ils ne sauraient bénéficier, en tant que religieux, que croyants, d'un statut à part, pourvu de quelque privilège légal que ce soit. L'auteur de ces lignes n'a pas outrepassé le champ de sa réflexion, et ses préliminaires n'étaient pas seulement des garde-fous (les fous sont à l'extérieur...) mais aussi des pétitions de principe.

 

Il peut à présent aborder son chapitre suivant, fort malicieusement intitulé Continuation du même sujet.

 

Commentaires

  • Une deuxième édition des Grandes Fêtes Religieuses est encore dans mes tiroirs. Pourquoi ? Parce que je n'ai pas assez vendu la première...

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