Proullaud296

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • On efface tout et on recommence

     

     

     

     

    La petite fille a grandi.JPGSidoine, dernier Romain. Lorsque croula l'Empire, il comptait cinquante-six ans : c'était alors (476) la fin d'une vie. Pourtant trônait une statue de lui en or, dans le vestibulum du Sénat ; mais l'esprit filandreux de Sidoine sombrait dans la plus niaise bondieuserie : cinq années plus tôt, notre poète avait été élu à l'épiscopat de Clermont, alors même que les Skyres envahissaient l'Auvergne... Il avait épousé pourtant, vingt ans plus tôt, la fille du premier Gaulois qui revêtirait la pourpre impériale, Esychius Avitus ; puis les assassinats se succédant, Sidoine détala, noblesse en sautoir ; ceux de sa classe lui confièrent alors les vers dédiés par tradition au successeur et assassin de son impérial beau-père : cet exercice s'appelait le Panégyrique – un long discours fleuri de louanges, lors de l'investiture du Sénat.

     

    Ce que nous pourrions appeler « sacre civil »... Nous reviendrons sur cette ébauche biographique (naissance, statue ; mariage et décadence ; panégyriques, évêché). Nous traiterons plus volontiers de tout ce qui fascine. Siècle des invasions (comme une terre prenant l'eau, par-dessous, avant la vague) – et certes, le Barbare à la fin paraît-il finit toujours par vaincre, mais tôt ou tard les hommes toujours tôt ou tard s'entretuent et le guerrier se cviilise. Assurémént l'histoire d'à présent montre bien moins son visage - inculture pharamineuse de nos politiciens, leur incapacité congénitale de parti à remonter avant l'an 1900 - les plus hardis s'aventurant jusqu'à la Révolution – d'où il font commencer la sortie de la préhistoire – l'Empire Romain ? connais pas – ça ne sert à rien. Or devant le soldat, ferions-nous mieux que Rome ? qui déjà produisait nos collabos, nos résignés, nos chantres du métissage – fin définitive de ces fameuses différences, rebrassage gigantesques des conformismes, sous le vernis du sang neuf...

     

    Notre Occident assurément ne périrait pas, mais déformé, cabossé, méconnaissable : Wisigoths et Burgondes perpétuant le droit romain ; Clovis embrassant le cul-te de Clotilde, celui de Jésus-Christ – qui verrions-nous de cette trempe, susceptible avec son épouse d'infléchir la trajectoire de nos nation au prix d'une conversion ? Sans compter le massacre de sa famille... Non que j'éprouve la moindre nostalgie du temps des assassins – mais je ne vois en terre contemporaine que boutiquiers cramponnés à leur calculette, ou peintres affairés à raccorder de toute urgence la rambarde du Titanic. Je ne connaîtrai pas la fin de l'histoire - fin de moi difficile... Sidoine en son temps reste incernable, indéfinissable, éponge pathétique de tout ce qui traînait alors.

     

  • Ca commence comme ça

     

    Un autre distinguo s'effectuera également : les cérémonies et fêtes privées, mariages sanctionnés et sanctifiés par la religion, baptêmes, circoncisions et communions, interviennent bien entendu de façon tout à fait particulière (voire inattendue pour des funérailles, conçues dans certaines communautés comme de véritables fêtes) ; mais il semble difficile et peu souhaitable, pour ne pas dire impossible, de célébrer l'une de ces fêtes en même temps qu'une réjouissance officielle. C'est ainsi par exemple que les noces ne peuvent se célébrer, pour les juifs, entre la Pâque et Souccoth (fête des Cabanes), “par suite de l'interdiction de confondre deux occasions différentes de joie, celle de la fête et celle du mariage”. En France catholique, la coutume est de ne pas célébrer de cérémonies familiales un jour de fête ni même un simple dimanche ; il s'agit là du maillage, de la scansion d'une vie individuelle, irrégulièrement superposés à ceux de la vie communautaire.

     

     

     

    RESPECT DE L'ORDRE CHRONOLOGIQUE

     

     

    C'est ma cabane.JPG

    Nous traiterons donc des fêtes religieuses publiques, par ordre chronologique d'apparition des religions, même si d'aucuns affirment qu'Adam fut déjà un parfait musulman ou un parfait juif (n'est-il pas de bonne guerre que chacun s'estime le premier sur la place ? certains chrétiens ne se figurent-ils pas que tous les dogmes remontent à l'Evangile selon Jésus-Christ, ainsi que le moindre rite de tous les sacrements, alors même qu'on leur démontrerait cent fois que tout cela ne s'est élaboré qu'au fil des conciles et des décisions papales, voire impériales ? )

     

    Chaque fête recevra donc une définition, la plus succincte possible ; puis nous établirons sa date, ses références historiques ; nous évoquerons les rites et liturgies qui les accompagnent ; les coutumes et réjouissances, publiques et privées, dont elles sont soulignées ; enfin leur signification mystique, dans la mesure où les sources religieuses des trois grandes confessions monothéistes occidentales, juive, chrétienne et musulmane, nous en aurons instruit.

     

    LES FETES JUIVES

     

     

    GENERALITES

     

    Les fêtes juives comprennent des fêtes de pélerinage, que les fidèles devaient accomplir au Temple de Jérusalem afin d'y apporter leurs offrandes ; ce sont Pessah (“la Pâque”), Chavouoth (“fête des moissons”) et Souccoth (“fête des cabanes” ou “des tabernacles”). Ce pèlerinage cessa d'être obligatoire après la destruction du second temple en 63 de l'ère chrétienne (ou “ère commune”). Il s'agissait vraisemblablement de la célébration de rites agricoles, auxquels la religion substitua sa marque indélébile. Les autres fêtes sont Roch Hachana (“tête de l'année” ou jour de l'an), Yom Kippour (“jour du grand pardon”) et Hanouccah (“fête des lumières”).

     

    Nous y ajouterons “Pourim”, qui concerne plus particulièrement les enfants avec ses cadeaux et ses déguisements. Chacune de nos rubriques s'ouvrira donc sur des questions de datation, et les évènements historiques ayant inauguré leur établissement, puis nous rendrons compte des rites et des coutumes qui s'y attachent, comme nous l'avons dit précédemment ; mais il manquerait l'essentiel à nos chapitres si nous ne nous efforcions pas de déterminer, à partir des meilleures sources, l'esprit qui préside à ces fêtes et les significations profondes, métaphysiques et personnelles, dont on ne saurait les détacher sans en dénaturer le sens.

     

  • Lorraine, ne varietur...

     

    LORRAINE

     

     

    Le sachem en son bordel.JPG

    Le deux novembre 1895, Jour des Morts, Péguy visita Domremy et Vaucouleurs. Je fus jadis enthousiasmé à la lecture de La Colline Inspirée de Barrès. Le Culte du Moi en revanche, me communiqua de tels engourdissements que je me suis surpris bien des fois à somnoler, suivant des yeux des lignes successives entières en sommeillant - que de fadeurs, que d'insignifiances ! ...Barrès, voulant tutoyer l'Eternité, s'ancre et se vautre dans le daté. Comme Joseph de Pesquidoux, autre vaste oublié, celui-là Gascon. Les trois jours que j'ai passés dans ma seizième année au bord de la Meuse - suffirent à me conforter dans l'idée du racisme des Lorrains - "on ne sait jamais avec ces gens-là [les Africains]" - voire de leur indécrottable et criminelle sottise : ma cousine violée dans le foin, ce fut son père qui fut proprement ostracisée à Lacroix-sur-Meuse - "Quand on a une fille, on la tient". C'est ainsi que me laissent froids tous les enracinements, tous les “Blut und Boden” (“Sang et Sol”) et les "Adieux de Jehanne à la Meuse", malgré ses ensorcelantes finales endormeuses, avant de prendre la route du bûcher.

     

     

     

     

     

    Les adieux à la Meuse (suite)

     

    "Adieu , Meuse endormeuse et douce à mon enfance...

     

    O Meuse inépuisable et que j'avais aimée...

     

    Meuse qui ne sais rien de la souffrance humaine...

     

    O Meuse inaltérable, ô Meuse que j'aimais..." - sont à placer à côté des plus pures lamentations de jeunes filles sacrifiées, de la fille de Jephté, d'Iphigénie, fille d'Agamemnon, d'Antigone, fille maudite d'Edipe (je tiens à cette orthographe), à la lumière, tant il est vrai que par l'inépuisable approfondissement du terroir l'Autochtone parvient, par cette "racination", dit Péguy, (faut-il lire "ratiocination" ? ) - à l'Universel. (Une classe de Viennois, sollicitée, s'abstint hautainement de tout commentaire - jusqu'à ce que j'eusse rencontré, plusieurs années plus tard, le substantif "Möse", prononcez "Meuse", désignant le sexe féminin - avez-vous observé combien l'agglomération bordelaise s'étend désormais très exactement autour de son cimetière?) - sans intention grivoise, ni médicale ; tout simplement, c'est le nom que porte en allemand le sexe de la femme. Impossible, impensable de parler de cela dans la langue française, sans un réprimer quelque rictus. Il existe un mot allemand, qui permet d'appeler le corps par son nom.

     

     

     

    Il faut un jour (justement) quitter la matrice.

     

    L'enracinement, le ressassement, le repassage incessant au sein de ces mêmes artères bordelaises ou lorraines, voies de passages et d'obstructions, bords de Meuse ou labyrinthe bordelais – constitue pour moi et pour bien d'autres le pire des étouffements, le pire crime. Rester, s'enraciner, demeurer, est un crime. Contre l'esprit. “Péril en la demeure” ne signifie pas “dans la maison”, mais dans le fait de demeurer. Ceux qui demeurent, et se bourrent de leur propre glèbe, de leur propre terroir, de leur sale terre, jusqu'à en crever, qu'ils y crèvent. Il n'est pas vrai que l'on choisisse les situations où l'on s'est empêtré.

     

    Où l'on s'est trouvé empêtré. Choix implique adhésion. Implique sincérité, joie, élan. On ne choisit pas par défaut. On ne choisit pas par inertie. On ne choisit pas “faute de mieux”. Je n'ai pas choisi. N'en déplaise à Sartre. Je me revois errer des années durant au long des mêmes voies, je vois des foules de moi-mêmes serrés à n'y pouvoir déambuler couler comme des flots de lave morte dans tous les quartiers de cette ville – n'a-t-il donc servi à rien d'avoir vécu, vieilli, mûri, d'avoir, dit-on, "évolué" ? Pure et simple intransmissibilité, pure imperméabilité, anosmose, avec ceux qui sont nés dans des coquilles de moules adhérentes. “Ceux qui sont nés quelque part” nargués par Brassens, et qui veulent faitre croire que le “crottin de leurs chevaux sent bien mieux que le crottin d'en face”.

     

    J'ai rué une fois, une seule petite fois, dans les brancards, je me suis exilé, je nous ai exilés, nous sommes à présent revenus pour toujours, pour le toujours de nos jours terrestres, quoique les morts parfois soient enterrés sous forme de fœtus, mais cela ne console point, ne me consolera jamais. Péguy fut sédentaire. Il ne sortit jamais, que je sache, de France – n'allant jamais plus loin qu'Orange, une seule fois, pour entendre de l'Eschyle (et à Sanary, je crois) - c'est ainsi que tous les lieux de Péguy peuvent s'interchanger ("Orléans, qui êtes au pays de Loire"; Domrémy, la Meuse, Notre-Dame de Paris, Chartres et la Beauce, Notre-Dame de Cléry, Vendôme, Vendôme)) - tous les lieux chez Péguy sont une synecdoque du lieu, tout renvoie à la terre, à Jehanne, à la France, à l'amour terrien - “la partie pour le tout”, ce qu'on appelle donc une synecdoque (“Figure de rhétorique consistant à prendre le plus pour le moins, la matière pour l'objet, l'espèce pour le genre, la partie pour le tout, le singulier pour le pluriel... ou inversement - “les mortels” pour “les hommes”, “un fer” pour “une épée”, “une voile” pour “un navire”.)

     

  • Quelques phrases d'Elie Faure

     

    Hélas : le XXe siècle vient tout casser, et notre enfant au large front, c'est d'Elie que je parle, se surpasse en enthousiasme inquiet pour affirmer, la voix trop forte, que toutes ces convulsions universelles ne sont que le prélude à une gigantesque gestation de l'art. En 1993 (2040 nouveau style) nous voyons où nous en sommes, l'art n'est plus que la distance que nous décidons de mettre entre l'œil et l'objet, fût-ce une crotte de chien sur un trottoir. Ô long dévoiement de 70 années ! Mais Elie Faure reste, petit garçon blotti en tailleur jambes nues au bas de la photo de famille, et dont le large front de huit ans illumine le troupeau, s'il est vrai qu'Elisée Reclus le domine. Parcourir l'ouvrage équivaut à une redoutable indigestion de siècles. Et pourtant l' “Histoire de l'Art” d'Elie Faure soulage, car il hiérarchise. L'art doit être cela : grandeur, équilibre, “que la partie corresponde au tout”, élévation morale et religieuse, conformité à l'apogée de son époque, musique et littérature aussi, puis maints autres critères dont le moindre n'est pas un subtil recours au dérangement dans le conformisme. Déranger avec goût. Détruire à condition de trouver Dieu ou la Mort, de trouver l'abîme humain. Il est bien oublié, Elie Faure non plus ne fait plus le poids devant Mac Do, mais est-il vraiment nécessaire de prendre les hommes et soi pour des imbéciles ?

     

    Elie Faure pourrait, comme Dieu, revenir. Extraits - p. 47, phrase un :

     

    “C'est la vie, dans son mouvement prodigieux où la matière et l'esprit se mélangent sans qu'il songe à les désunir, qui allume en lui l'étincelle et dirige sa main.” Problème de l'esprit et de la matière. Dépassé. Tiens, mon œil !

     

     

     

    P. 94 : “Sans interruption ses formes se continuent. Comme des végétations pacifiques elles sortent de terre, et dans l'air dont elles vivent, unissent leurs rameaux et mêlent leurs frondaisons” - l'art expression de la nature. Dépassé. Mon œil. Retour à la nature actuel. Oui, la tache et le carré, la merde, sont dans la nature. Mais ras le bol. A bas Motherwell.

     

     

     

    P. 141 phrase 3 : “Rome n'avait aucun autre besoin moral que de proclamer sa gloire extérieure, et tout monument y suffisait, pourvu qu'il fût décoré du nom de tempel, d'arc de triomphe, de rostre ou de trophée” - peut-être, oui. Belle tentation de croire Elie Faure pour les peuples disparus où nous avons toute liberté de fantasme...

     

     

     

    P. 188 phrase 4 : “Là où il est, il a la force de celui qui sait peu, mais est certain de ce qu'il sait” : toujours le coup de patte au chinois !

     

     

     

    Moi, allongé.JPG

    P. 235 phrase 5 : “Comment en pas reconnaître, dans les formes qui les décorent, toujours violentes certes, meurtrières, rouges de sang, contorsionnées en attitudes infernales, mais manifestant déjà une opiniâtre volonté d'équilibre et de rythme architectural, l'influence dominatrice des paysages majestueux où se déroulait l'action des Maoris et de l'effort qu'ils fournissaient pour maintenir cette action ?” - sur les Tropiques, considérés comme un éternel Moyen Age. On plaque les catégoreis occidentales, d'évolution en particulier, et en avant ! La grande catégorie occidentale est l'inscription dans le temps, dans le progrès. Je ne peux pas renoncer à cet espoir-là, même périlleux.

     

     

     

    P. 282 phrase 6 : “Dans le brouillard ou le soleil, le monde des images peintes fait participer les façades, de la base sévère à l'emportement des tours, au mouvement des rues noires où les campagnes voisines pénètrent sans arrêt avec les colporteurs, les marchands, leurs chevaux, leurs moutons, les bateliers et les maraîchers qui apportent à la ville les légumes et le bois.”

     

     

     

    P. 329 : elle reproduit, de Giotto, Saint François d'Assise recevant les Stigmates. Détail de la prédelle : Saint François prêchant les Oiseaux (Louvre). Cl. André Held.

     

     

     

    P. 376 : “Chez Angelico, chez Gozzoli, sans doute le rayonnement du cœur et l'illumination des yeux noyaient dans leur gloire tout ce qu'il y a dans ces pratiques ouvrières de minutieux et de petit.”

     

     

     

    P. 423 : “Je sais bien que, plus tard, le même delacroix parle de l' “exactitude outrée” de Carrache, qui est en effet le vice capital de tous les Italiens qui se réclament, au XVIIe siècle, de l'éclectisme bolonais.” La page repréente aussi en illustration 582, d' Annibal Carrache, une Etude (dessin), au louvre. Cliché Giraudon.

     

     

     

    P. 470 : “On dirait qu'il sort à peine de chez lui, qu'il n'aperçoit guère le monde qu'au travers des vitres de sa fenêtre, ce qui donne à ses foules leur aspect lointain et leur aspect précieux, voilé, spirituel à ses paysages.”

     

     

     

    P. 517 : “Elles chantaient la chanson de Heine au moment où elles passaient devant le rocher de la Lorelei qu'elles ne regardaient pas” - toujours le coup de patte anti-allemand !

     

     

     

    [...] Tome 2 page 200 phrase 4 : “Voici l'odeur des herbes brûlées, des herbes fleuries, des herbes humides.”

     

     

     

    Tome 2 p. 247 phrase 5 : “Mais il est vrai qu'il est dépourvu d'innocence, ” (l'art contemporain) “et peut-être un peu trop conscient des émotions qu'il prétend éveiller.”

     

     

     

    ...Elie Faure, “Histoire de l'art”...

     

  • Et Djian, passe-moi l'éponge...

     

     

     

    Bonsoir tas de fromages septembraux. Le compte à rebours indique : vier Sendungen noch, plus que quatre émissions avant le grand plongeon bordelais. Ce soir, ce sera Djian, Philippe, Bleu comme l'enfer. Et chacun d'ajouter, pour montrer qu'il est bien au courant, que le bleu est la couleur d'un ciel implacable, au pays des éternelles chaleurs infernales. C'est assavoir la Californie et le Mexique tout près, mis à part qu'on y rencontre des Noirs. Autrement dit, c'est un pays imaginaire, mais qui ressemble furieusement à tout ce que l'on voit sur les écrans de télé dans les séries dites “B” et dites inférieures, détraquant l'esprit de nos jeunes bambins etc...

     

    Djian un beau jour en eut marre de toute la sacrée littérature fondée sur Hugo et Balzac, poursuivie par Flaubert et Julien Gracq. Bon, se dit-il, ou ne se dit-il pas, tout cela est bel et bon, mais que voit l'homme d'aujourd'hui ? Il voit de la violence d'importation américaine. Il se nourrit de télé, et vrai ou faux, il doit pouvoir lire ce qu'il voit. Je ne pense pas d'ailleurs que ce raisonnement ait été tenu en tant que raisonnement. Vraisemblablement et bien plutôt Djian n'a pas pu faire autrement. Toujours est-il que Bleu comme l'enfer , comme nombre de romans ayant suivi, fait référence à une culture américanisée, tout en conservant le sens de la langue française, triturée dans tous les sens, truffée d'américanismes savoureux, qui en relèvent le goût au lieu de l'anéantir.

     

    Attrapons le taureau par les cornes, ne renions pas les manifestations culturelles flétries par les mots “inférieure” et synonymes. Faisons faire à nos personnages, dans une Amérique fantasmatique et non pas réaliste, tout ce qu'ils n'osaient pas faire jusqu'ici dans le roman non policier traditionnel. Qu'ils aient l'air tous plus ou moins de s'être exprimés en américain bon teint avant d'avoir été traduits. Que toutes les phrases aient l'air traduites de l'américain. Tordons les mots et la syntaxe, mais au second degré, flanquons une bonne dose d'humour et de désespoir calme, le seul vrai.

     

    Et surtout, exagérons. S'il pleut, parlons d'océans qui dégringolent sur la tête ; si tu es énervé, tu seras semblable à un poulain au milleu d'une prairie close électriquement sous un violent orage. Que tous se cognent la tête contre les murs, boivent le whisky au goulot et gueulent des jurons à n'en plus finir, tels que “hey”, “doux Jésus (sweet Jesus) “, and so on.Avec une bagarre assez souvent et des gros calibres qui ne fotn que passer et vous péter à la gueule, des filles qui ouvrent les cuisses et des kilos de came qui circulent – voilà : je vous ai livré les ingrédients des séries B, ainsi que de maints auteurs de polars amerlocks probablement.

     

    Le scandale des romans de Djian, qui trouvent un lectorat considérable à la barbe de la critique exsangue parfaitement dépassée, c'est qu'ils ont déboulé dans un paysage éditorial bien balisé, simple, élégant et de bon goût. Et encore maintenant, certains vautours attendent patiemment que le phénomène Djian s'avoue enfin pour ce qu'il est, un phénomène de mode disent-ils ha ha ! - mais jamais on ne reviendra aux afféteries de papa, jamais, never, man. L'histoire est éculée comme Hérode, j'ai d'ailleurs eu bien du mal à piger, parce que les personnages ne répondent pas du tout aux exigences, aux fourches caudines des éditeurs d'antan, ils ne savent surtout pas où ils vont, ils sont inconsistants et surtout violents, parfaitement névrosés, et le flic est plus assassin que les autres et de toute façon tout le monde meurt à la fin.

     

    Portrait de Maud.JPGIl n'y a pas d'analyse psychologique, il n'y a pas de morale, tout le monde est à la fois génialement bon et très féroce, le lecteur Dieu merci ne peut s'identifier à aucun des personnages (ah! ces raisons que vous fourguent les éditeurs quand ils ne veulent pas de vos productions !!) - et ça cogne dans tous les coins. Personne ne sait où aller, et c'est pourquoi justement, très précisément, je veux m'identifier à tous ces mecs – peut-être Djian est-il misogyne, moi je m'en fous, ce que je sais, c'est que les mecs frustes et frustrés réagissent comme ça avec les femmes, d'ailleurs ne vous en faites pas elles savent se défendre et tout ce qu'elles veulent c'est la même chose que les mecs merde ça change un peu du traditionnel “Ne touchez pas à mon précieux cul” et du “Maintenant que tu y as touché tu vas payer 1000 $ ou dix ans”.

     

    Donc je m'identifie très bien à tous ces paumés ainsi que maints lecteurs avec moi. Et c'est l'histoire (parce que jusqu'ici je vous ai fait plutôt une présentation passablement confuse mais un peu enthousiaste aussi) d'un flic qui se fait enlever sa nana par une bande d'allumés bien bourrés bien camés dans un bus couleur citron, et la course poursuite s'engage à travers une espèce de sud des States, mais pas vraiment non plus parce que tout doit rester inidentifiable. Et cette histoire-là, pleine de bruit et de fureur, je ne l'ai comprise que peu à peu, et seulement véritablement qu'à partir des deux tiers du bouquin j'allais écrire film.

     

    Alors de deux choses l'une ou vous êtes un vieux croûton allergique et vous refermez tout de suite (et j'ai failli le faire avec Maudit manège, le premier que j'aie lu ; je me disais “merde c'est pas possible ce mec il truque, il roule des mécaniques, il en fout plein la vue mais c'est bidon, bidon, bidon, puis j'ai persévéré, le ciel s'est dégagé), ou bien vous adhérez après les premiers grincements de premières pages d'usage. Evidemment, profs de français et Léostic s'abstenir. Le français ce n'est pas seulement Lamartine et Julien Green. C'est aussi une langue vachement savoureuse et vivante, qu'on peut encore violer pour lui faire des enfants. San Antonio a failli ronronner, Djian prend le relai en nettement moins pessimiste, avec une véritable tendresse pour ses héros. On lit et on se tait. Parce qu'au fond tout le monde s'en fout, de l'histoire. Même qu'on en a tiré un film, en plus. Non, ce qui compte, ben voyons vous m'avez compris, c'est l'atmosphère... l'atmosphère...

     

     

     

    Lecture des pages 47 – Ce qu'il y a de marrant, c'est que maintenant que j'ai compris à partir de la fin de l'histoire, les personnages étant mal différenciés et toc, c'est que maintenant je recomprends tout depuis le début...

     

     

     

    Lecture des pages 94, 141, 188, 235, 329, 346, etc...

     

  • Vous n'êtes pas obligés de me croire...

     

     POURQUOI TOUS  LES MOTS SONT -ILS ATTACHES, mystere...

    Nous avons usé peu de lits:...trois, quatre... douze peut-être? sans les hôtels.
    Nous
    avonstoujoursvécu
    l'unsurl'autre.Lachose
    était
    fréquenteausiècledernier
    (toujours,pourmoi,leXIXe).Certaines
    années
    nouschevillaient
    trois
    centsoixante-cinqjournées,
    millequatre-vingtquinzemêmeunefoistroisanstoutentiers
    faute
    d'argent(quatre-vIngtcinq,six,sept)d'un
    effrayant
    corpsàcorps.fauted'argent.
    Sylvie
    Nervalcontestanttoutcela
    n'y
    saurarienchangersachantpertinemment
    en
    monâmeetconscience
    que
    le150885,ayanteulefrontd'accomplir
    unmodestepélerinagesurunetombedeBigorre,
    je
    fustaxéàmonretourd'ignoblecruautépourabandon
    degrandemalade.

     

     Troisannées,dis-je,l'éventualité
    dumoindrevoyage,visanttantsoitpeu
    àdénouernefût-cequethérapeutiquement
    lelienfusionnel,s'estvu
    âprement
    ettriomphalementcontestée.
    Même
    àprésentgagne
    l'arthrose,jesaisqu'ilmeseraitimpossible
    de
    melivreràquelqueescapadequecefût
    au-delàd'unnombredejourstoujours
    tropcourts:lefilàlapatte.C'estainsi
    que
    sisouvents'achève(j'yreviens)l'histoire
    d'un
    amour:enrèglementdecomptes.Combiend'écrivains
    dont
    jesoupèseàl'éditionlespesantsmanuscrits
    nesesont-ilspasainsiconsacrésàtantd'inepties?

     

     Tantdesincérité,tantdepoignance,tantde
    tics
    aussi,tantd'impardonnableamateurisme
    postés
    àl'éditeur!Lalittératureestparfaiteou
    n'est
    rien.Nosexhaustitivitésformentleplusgros
    bataillondel'ennui.Onsefaitchieràvouslire,
    mespauvreschoux.Vousvousimaginez
    sansdoutequelemoindreméandre,leplusinfimediverticule
    de
    vostourmentsimporteaulecteurvictime.Or
    ilsetrouvequechacundenouspossède,justement,et
    àfoison,audétailprèsjusqu'àlanausée,desemblables
    révélationsetrebutsd'hôpitauxpsy.Ainsi
    cetteeffrayantecontinuitédesnuitsdecouple
    évoquée
    dansCetteNuit-là,milleobservations
    merveilleuses,
    etcettecertitudelentequedanslenoir,rejoignant
    le
    corpsténébreuxdel'épouse,jegagne
    lacoucheetlanuitinfinies
    enveloppantlaviedupremier
    àmonderniersouffle.

     

     Celanem'effraiepas.D'autresdisent
    que
    lesdrapsconjugauxsontdéjàles
    drapsdutombeau;etqu'iln'estni
    parfaiteépousequienpréserve.Juliette,nousserons
    seulsdansnoscercueils,séparésparlesplanches,même
    surunemêmeétagère.Imaginons
    seulementladélicatessequ'ilya
    àbienplacer,judicieusement,sanslamoindre
    superposition,sansleplusminime
    empiétementsusceptibled'engendrercourbatures,écrasements,ni
    friction,ankylose,fourmisniobstructiondesang-lesabattis
    dechacundansuneseuleetmêmecouche,jamaisleslits
    matrimoniaux
    nedoublantexactementlesmesures:ilest
    toujours
    eneffettenucomptedeschevauchements;comment
    faisaient-ils
    doncàMontaillou,villageoccitan,tousces
    bergersdegrandetranshumance,pours'empileràcinq
    ousixparcouchedansleursboriespyrénéennes,sansmême
    imaginerqu'onpûtsesodomiseràcouillesrabattues?

     

     L'innocencedecestemps-là...Assurément
    l'onétaitloindenosfétidesimaginationsducorps;c'estmême
    unedesplusinsolublesénigmes:commentfaisaient-ils
    donc
    touspournepointsongeràmal,pourquerien,fût-celeplus
    mince
    soupçon,lamoindrevelléitéd'érection,nepûtseglisser?
    quelles
    pouvaientbienêtreleursassociationsd'idées?D'autrepart,c'est-à-dire
    defaçondiamétralementopposée,commentdonc
    leursmembres,dépourvusdetoutattrait,detoutechargeérotique
    fût-elleinfinitésimale,neserévélaient-ilspasenfin
    nonpluspourcequ'ilsétaient,desappendicescrurauxvelusouglabres,osseux
    ouadipeux,crasseuxjusqu'auxcroûtes,écrasant
    etbroyantjusqu'àlafolietoutespacevital,toute
    tentativedesommeil?

     

     ...Leslitsjumeaux?pureabomination,pourlaquelle
    oneûtdûtréclamerlesplusrigoureusessanctionspénales.Ne
    pouvantdoncnonplus,siépineuxqu'onsesente
    l'un
    etl'autreaumomentdesemettreaulit,nousfuirsanscesse,sauf
    ànousretrouverenéquilibredeprofilsurlesrebordsdumatelas,force
    estdenousrésoudreàlapromiscuitédelachair,lardet
    tibiasmêlés.Nosbergersariégeois
    de
    treizecentdouzeétaientsansdouteplusprochesdela
    chaircollective,delaviandeanimaleindistincte;maisnous,couple
    occidental
    finvingtième,sommesbienforcésde
    nous
    encastrer,danslesaffres,puisdansles
    délices
    (toutdemême)del'emmêle-papattes.

     

    Maisqu'ilestdurdejouirdu
    simplesommeil,fonctionpremièreaprèstoutdulit.(Jecrainsdetrouver
    unjour,auréveil,mapartenairemorte,raide,etqu'il
    faille
    romprelesospournousdégagerdel'étreinte;lacocottede
    Félix
    Faurevécutausoirdu18novembre1899cetatrocedélire
    hystérique-horreur!terreur!)jereprends:autantj'aimetrouver
    aucreuxdemonventrel'empreinteetlapressionintimedesfesses,
    autantjeregretteden'avoiraucuncorpspesantsurledos
    pour
    m'enrecouvrir.Unetelleirremplaçablesensation
    nepeutm'êtredonnéequeparunhomme(iciplacerunsarcasme).Nous
    aimonscependant,hommeetfemme,nousendormir
    àl'intérieurl'undel'autre.
     Le chantier.JPG