Proullaud296

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Et Djian, passe-moi l'éponge...

 

 

 

Bonsoir tas de fromages septembraux. Le compte à rebours indique : vier Sendungen noch, plus que quatre émissions avant le grand plongeon bordelais. Ce soir, ce sera Djian, Philippe, Bleu comme l'enfer. Et chacun d'ajouter, pour montrer qu'il est bien au courant, que le bleu est la couleur d'un ciel implacable, au pays des éternelles chaleurs infernales. C'est assavoir la Californie et le Mexique tout près, mis à part qu'on y rencontre des Noirs. Autrement dit, c'est un pays imaginaire, mais qui ressemble furieusement à tout ce que l'on voit sur les écrans de télé dans les séries dites “B” et dites inférieures, détraquant l'esprit de nos jeunes bambins etc...

 

Djian un beau jour en eut marre de toute la sacrée littérature fondée sur Hugo et Balzac, poursuivie par Flaubert et Julien Gracq. Bon, se dit-il, ou ne se dit-il pas, tout cela est bel et bon, mais que voit l'homme d'aujourd'hui ? Il voit de la violence d'importation américaine. Il se nourrit de télé, et vrai ou faux, il doit pouvoir lire ce qu'il voit. Je ne pense pas d'ailleurs que ce raisonnement ait été tenu en tant que raisonnement. Vraisemblablement et bien plutôt Djian n'a pas pu faire autrement. Toujours est-il que Bleu comme l'enfer , comme nombre de romans ayant suivi, fait référence à une culture américanisée, tout en conservant le sens de la langue française, triturée dans tous les sens, truffée d'américanismes savoureux, qui en relèvent le goût au lieu de l'anéantir.

 

Attrapons le taureau par les cornes, ne renions pas les manifestations culturelles flétries par les mots “inférieure” et synonymes. Faisons faire à nos personnages, dans une Amérique fantasmatique et non pas réaliste, tout ce qu'ils n'osaient pas faire jusqu'ici dans le roman non policier traditionnel. Qu'ils aient l'air tous plus ou moins de s'être exprimés en américain bon teint avant d'avoir été traduits. Que toutes les phrases aient l'air traduites de l'américain. Tordons les mots et la syntaxe, mais au second degré, flanquons une bonne dose d'humour et de désespoir calme, le seul vrai.

 

Et surtout, exagérons. S'il pleut, parlons d'océans qui dégringolent sur la tête ; si tu es énervé, tu seras semblable à un poulain au milleu d'une prairie close électriquement sous un violent orage. Que tous se cognent la tête contre les murs, boivent le whisky au goulot et gueulent des jurons à n'en plus finir, tels que “hey”, “doux Jésus (sweet Jesus) “, and so on.Avec une bagarre assez souvent et des gros calibres qui ne fotn que passer et vous péter à la gueule, des filles qui ouvrent les cuisses et des kilos de came qui circulent – voilà : je vous ai livré les ingrédients des séries B, ainsi que de maints auteurs de polars amerlocks probablement.

 

Le scandale des romans de Djian, qui trouvent un lectorat considérable à la barbe de la critique exsangue parfaitement dépassée, c'est qu'ils ont déboulé dans un paysage éditorial bien balisé, simple, élégant et de bon goût. Et encore maintenant, certains vautours attendent patiemment que le phénomène Djian s'avoue enfin pour ce qu'il est, un phénomène de mode disent-ils ha ha ! - mais jamais on ne reviendra aux afféteries de papa, jamais, never, man. L'histoire est éculée comme Hérode, j'ai d'ailleurs eu bien du mal à piger, parce que les personnages ne répondent pas du tout aux exigences, aux fourches caudines des éditeurs d'antan, ils ne savent surtout pas où ils vont, ils sont inconsistants et surtout violents, parfaitement névrosés, et le flic est plus assassin que les autres et de toute façon tout le monde meurt à la fin.

 

Portrait de Maud.JPGIl n'y a pas d'analyse psychologique, il n'y a pas de morale, tout le monde est à la fois génialement bon et très féroce, le lecteur Dieu merci ne peut s'identifier à aucun des personnages (ah! ces raisons que vous fourguent les éditeurs quand ils ne veulent pas de vos productions !!) - et ça cogne dans tous les coins. Personne ne sait où aller, et c'est pourquoi justement, très précisément, je veux m'identifier à tous ces mecs – peut-être Djian est-il misogyne, moi je m'en fous, ce que je sais, c'est que les mecs frustes et frustrés réagissent comme ça avec les femmes, d'ailleurs ne vous en faites pas elles savent se défendre et tout ce qu'elles veulent c'est la même chose que les mecs merde ça change un peu du traditionnel “Ne touchez pas à mon précieux cul” et du “Maintenant que tu y as touché tu vas payer 1000 $ ou dix ans”.

 

Donc je m'identifie très bien à tous ces paumés ainsi que maints lecteurs avec moi. Et c'est l'histoire (parce que jusqu'ici je vous ai fait plutôt une présentation passablement confuse mais un peu enthousiaste aussi) d'un flic qui se fait enlever sa nana par une bande d'allumés bien bourrés bien camés dans un bus couleur citron, et la course poursuite s'engage à travers une espèce de sud des States, mais pas vraiment non plus parce que tout doit rester inidentifiable. Et cette histoire-là, pleine de bruit et de fureur, je ne l'ai comprise que peu à peu, et seulement véritablement qu'à partir des deux tiers du bouquin j'allais écrire film.

 

Alors de deux choses l'une ou vous êtes un vieux croûton allergique et vous refermez tout de suite (et j'ai failli le faire avec Maudit manège, le premier que j'aie lu ; je me disais “merde c'est pas possible ce mec il truque, il roule des mécaniques, il en fout plein la vue mais c'est bidon, bidon, bidon, puis j'ai persévéré, le ciel s'est dégagé), ou bien vous adhérez après les premiers grincements de premières pages d'usage. Evidemment, profs de français et Léostic s'abstenir. Le français ce n'est pas seulement Lamartine et Julien Green. C'est aussi une langue vachement savoureuse et vivante, qu'on peut encore violer pour lui faire des enfants. San Antonio a failli ronronner, Djian prend le relai en nettement moins pessimiste, avec une véritable tendresse pour ses héros. On lit et on se tait. Parce qu'au fond tout le monde s'en fout, de l'histoire. Même qu'on en a tiré un film, en plus. Non, ce qui compte, ben voyons vous m'avez compris, c'est l'atmosphère... l'atmosphère...

 

 

 

Lecture des pages 47 – Ce qu'il y a de marrant, c'est que maintenant que j'ai compris à partir de la fin de l'histoire, les personnages étant mal différenciés et toc, c'est que maintenant je recomprends tout depuis le début...

 

 

 

Lecture des pages 94, 141, 188, 235, 329, 346, etc...

 

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