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der grüne Affe - Page 82

  • Un Américain à Paris

    Une illustration que je déteste pour sa banalité, son conventionnel, assaisonnée d'un texte dithyrambique de commande, sur une œuvre (Pitié ! Pitié !) que je déteste. Vous avez reconnu l'exclamation épouvantée de Bukowski – Un Américain à Paris. Trituré à toutes les sauces, rabâché, ravassé jusqu'à plus soif, leur Boléro de Ravel moins le génie, car "il ne sufffit pas d'être juif et mort jeune pour avoir du génie". Il paraît que ce spectacle has been accueilled by a standing ovation (massacrons l'anglais, ils le font bien avec la nôtre), "New York retrouvant enfin sa Heimatmusik" sous forme de ballet. L'Amerlocke est ici en falzar noir et chemise white,à genoux en angle droit, les belles épaules et le visage inclinés caressants vers le visage de son aimée.

    La fille (la girl) est à genoux aux genoux de son adorateur, une jambe tendue et l'autre repliée, on voit la semelle du chausson, en bas à droite. Sa jupe est d'un jaune particulièrement criard et flashy, bien accordée aux stridences de trompette à Gershwin. Le tout sur fond violet (bel éclairage) où se devinent une plinthe, un montant, un rideau vaporeux. La jambe nue tendue de la danseuse projette sur le plateau son ombre déliée. Ces deux-là s'adorent et s'accolent, avec des heurts chromatiques à la Mondrian (même époque) ; noir, blanc, jaune, violet foncé, géométrie de carte à jouer (un rectangle vertical mi-parti blanc-rose chair-noir-jaune). Ça crie, ça crache, c'est l'Amérique au goût d'acier et de whisky.

    Ecume et rocs B.JPG

    Coiffure 1925 pour la dame (on était jeune aussi en ce temps-là), en casque noir, une mèche pointue soulignant la mâchoire, l'homme rasé bien dégagé au-dessus des oreilles, masculin, con, quelconque, et pas trop d'enthousiasme surtout alors que la femme, n'est-ce pas, est si spontanée que ses jambes se sont écartées dans un grand élan d'amour et d'émerveillement mutuel complètement superficiel. Kitsch, volonté de choc et de rafraîchissement. Les deux clichés se fixent dans les yeux, le bras de l'homme enserrant la taille de sa partenaire à genoux (angle de 100° environ, point d'ébullition), mais pas un pli de son impeccable chemisette ne s'est dérangé, son autre main (la gauche) soutient "le menton de la petite" ainsi protégée par sa bite de service, et lui, l'homme quelconque mais élu, reçoit sur son menton la pointe protectrice de la main féminine, directement inspirée (mais y a-t-il pensé, Jean-Luc Choplin ?) par le geste de Sémélé aux pieds de Jupiter.

    De Gustave Moreau.

  • Sortir de soi

    (16 octobre 2020 ?)

    Certains personnages de Dostoïevski griffonnent, ou rédigent posément, quelques phrases insignifiantes, qu'ils font lire à leur femme, et confient ensuite à la postérité dans de grands cartons verts d'administration. Se repaissant de pipes et de rêves.

    Pendant que d'autres volent dans les plumes de la littérature, eux passent leur vie à se créer une méthode, sélectionnent leurs thèmes, un par page, comme des grains par sachets, composent des fiches ; s'enquièrent de tel point, lisent tel ouvrage primordial - lisent surtout, ce qui dispense d'écrire - poussent même le scrupule jusqu'à indiquer la musique particulière, l'atmosphère qu'ils désirent autour d'eux pour telle ou telle écriture. Départ d'Ajaccio  B.JPG

    Tantôt une méthode, tantôt l'autre. Ils s'obstinent longtemps, surtout s'ils la sentent inadaptée.

    La pipe se fume, et l'inspiration ne se hausse guère au-dessus du talent. Et de peaufiner leurs thèses.

     

    Pendant ce temps, des gigolos nouent d'innombrables connaissances. Les miens habitent loin de Paris. Ils ne paraissent pas. Ils écrivent à longueur d'heures, qu'ils ont glanées au travers de leurs besognes. Ils écrivent qu'ils ont envie d'écrire, qu'ils ne savent pas écrire. Proust, Du Bellay - furent des seigneurs.

    Une deuxième pipe succède à la première. L'esprit demeure vide. L'auteur retourne à ses briques. Il vit une époque noire, chargée d'oubli futur. Il sait qu'en période de décadence, les auteurs perdent le souffle : l'épopée, le roman-fleuve, se perdent...

    Et voici le moment crucial : sortir de soi. C'est un courant d'air, que je supporte mal.

     

    X

     

    Es war einmal un schizophrène. Il ne voulait jamais quitter son oeuf. Il voulait écrire sans effort - au fil de la plume. Il s'indignait qu'on vînt le lui reprocher :

    - Comment écrire sans souffrir ?

    ...comment dresser son flûtiau parmi ces puissants arrachements de trombones ?

    Surgit soudain quelque révolutionnaire, ignorant tout de Proust et de Gide, et qui le fusilla pour tiédeur.

  • La Révélation

    Quant aux infirmiers, bien plus jeunes que nous, ils ne s'estiment nullement tenus à partager leurs propos avec leurs gogols. Nos repas suivants se tiendront dehors ou dedans : aux gens normaux les vastes nefs badigeonnées de vert, voûtées, séparées sur toute leur longueur par de fines baguettes de plomb ; profondes, fraîches, où nous demeurons seuls tous les cinq, moi seul homme : Fedora bourdonne, vibrille et trompette. Elle beugle sans en foutre une rame que sa fille pourrait tout de même se bouger, que Ma Compagne se tourne les pouces – décibels, décibels. Et sautant sur un demi-soupir inespéré, je relance servilement : « Et qu'as-tu fait de ta journée aujourd'hui ? » Alors Fedora, très raide, congestionnée de dignité, articule, très Vieil Horace : « J'ai vécu chez moi ».

    Très corse. Elle n'a rien fait du tout. «Heureux les fainéants », s'ils savaient leur bonheur » - mais c'est bien Lénora, sa fille, si j'ai bonne mémoire, qui tient les cordons de la bourse ; qui loge sa mère et lui permet, sous couleur de gardiennage, de torturer impunément sa fille. Courage, Lydia, plus que quatre ans. Majeure à 18 ans. Autrefois, 21 : tu as de la chance, Lydia : c'est de 18 à 21 ans que se perpétraient jadis les coups les plus rudes, les plus irrémédiables ; que les parents brisaient à la lettre et en toute bonne conscience, achevaient, effondraient en toute légalité l'épine dorsale même de leurs enfants, qui devenaient ces atroces carcasses ratatinées sur leurs fauteuils roulants, tout prêts à rosser à leur tour leur progéniture à grands coups de béquilles sur le crâne et sur les épaules, jusqu'à ce que le dos se brise, de génération en génération. De ma fenêtre sur le port P.JPG

    Lydia, si tu as résisté, tenu le coup jusque là, malgré ma lâcheté, fuis, détale, avec le premier con velu venu, romps avec lui et rend-toi libre. A vingt ans la dépression te rattrapera, infaillible, sournoise, terrible. Pour ma part je m'en veux toujours de ne pas avoir tiré de ma gorge s la moindre protestation, de n'avoir pas levé la moindre phalange pour te défendre. Sur quelles hauteurs, sur quels surplombs s'étaient-elles donc hissées, une telle mère, une telle fille – Fedora, Lénora ! ...pour nous bailler à nous autres manants leurs leçons d'ascension sociale ? Vivant elles-mêmes comme des demi-cloches dans leur trois-pièces suffocant, face au troquet qui pue les pâtes aux tomates ? encombré jusque sur le balcon de 4m sur 0,60 de cartons servant de meubles et d'un biclou rouillé ?

    Soudain, du jour au lendemain, le thème des vies ratées, au premier rang desquelles bien entendu la nôtre, ce sujet disparut d'un coup sans laisser de trace, brutalement, de leur plein fait : il arrive en effet que la Révélation foudroie les plus crétins.

  • Humain

    Curieux P.JPG

    - C'est sans religion que nous sommes bornés. Nous autres poussière d'étoiles. Qui bientôt captureront des météorites, violant les lois de Dieu. Nous sommes à présent capable d'élever nos âmes à ce haut niveau de conscience qui si avantageusement remplacerait « cette constante bouillie qui nous tient lieu de pensée ». « Les laquais qui avaient fait fortune sous le règne passé vantent aujourd'hui leur naissance ; ils rendent à ceux qui viennent de quitter leur livrée dans une certaine rue tout le mépris qu'on avait pour eux il y a six mois ».

    La fameuse rue Quincampoix, si étroite que deux femmes en panier n'y pouvaient se croiser. Toute terne, obscure, où personne jamais ne passe. Survivante du quartier éventré par Beaubourg. Reverrons-nous reconstruire à l'identique ces dévastations guerrières ? Ô papiers lancés en l'air par des foules en délire ! Ô livrées portées par nos ancêtres ! « Nous levons les bras au ciel et nous crions : « Oooooh ! Ooooh ! » - alors je leur enseignai les divines prières : « Notre Père qui êtes aux cieux... » - et voilà encore des sauvages de foutus. Fureur de la noblesse, décriée, falsifiée, de quoi voudrait-on être aujourd'hui ? Nous voudrions « passer à la télé ». « Qui nous délivrera des femmes et des hommes ? » - des hommes tout court, mon Honoré, des hommes, vaniteux jusque dans leurs reproches de vanités, conventionnels jusque dans leurs diatribes. « ...ils crient de toute leur force : « La noblesse est ruinée ! Quel désordre dans l'Etat ! Quelle confusion dans les rangs ! On ne voit que des inconnus faire fortune ! » Et tout est la répétition du même.

    Ce que nous écrivons s'appellerait « De la constance dans l'inconstance », et nous y trouverions de l'unité. D'autres nous la cimenteraient, et nous porteraient jusqu'aux cieux, d'où nous retomberions brisés. La lettre du Persan est bien vivante, bien étrange, bien ironique. Elle est animée d'exclamations, de réflexions personnelles : « Je te promets que ceux-ci prendront bien leur revanche sur ceux qui viendront après eux, et que, dans trente ans, ces gens de qualité feront bien du bruit. » Les laquais mépriseront les accesseurs venus après eux, et se récrieront sur leurs quartiers de noblesse de fraîche date. Il n'y a rien là que d'humain. Nous aimerions moins d'ironie. Juste le désabusement, que nous voudrions conserver.

  • Petite révision de vocabulaire

    En cette soixante-et-onzième année achevée de ma vie, après invitation de bouffe chez mon petit-fils, me voici rescotché à l'allemand, langue maudite et non encore assimilée, au point de n'avoir pas compris ces deux femmes, hochdeutschsprechende, ce qui me mortifia, mais j'avais faim. Le Duden-Wörterbuch est à l'usage des Deutschsprechenden, afin de leur permettre une bonne orthographe et une bonne déclinaison. Mais les mots évidents ne sont pas définis : ainsi pour Sonne, sollen, usw. La surprise pour le francolâtre est de voir en ces colonnes nombre de mots français, dans la pure tradition dix-huitiémiste : Ich stabiliere die Monarchie auf einem Rocher von Bronze, devise authentique prussienne.

    Das mag man auch wohl pardonnieren. Mais ce qu'on ne pardonniert qu'avec einer Grimasse ist un nombre important d'expressions reprises telles quelles de l'anglais : das Standby par exemple, qui ne figure même pas dans le Larousse. Le vieux "Petit" ne mentionne que "ressource", le supplément de Savage et Renoir parle de "position d'attente" ("mettez sur "stand-by") ; rien sur Robert, comme dit le film. Enfin, le Larousse encyclopédique en 16 volumes ne me parle que du passager qui attend qu'une place se libère sur un avion... Cette définition se trouve aussi sur le petit Duden jaune, complétée par Bereitschaftschaltung, "branchement de mise (immédiate) à disposition" - nous dirons "prêt à l'emploi", "prêt au déclenchement". Stand-by-Betrieb ou en un seul mot Standbybetrieb n'a pas été subodoré non plus. Coin de forteresse B.JPG

    Seul le vieux Petit du temps de "ma femme" a donné une définition valable, à la pointe de la technique d'alors, dans un remarquable élan d'intuition. Ce qui importe pour le Duden est d'indiquer une bonne façon d'orthographier ce mot, ("Betrieb = "marche", "activité"), soit avec des traits d'union, soit d'un seul coup. "Fonctionnement en stand-by", sans qu'on ait besoin d'y toucher, peut-être. Ce mot est un monstre. Passons je vous prie au Ständchen, dit aussi Stander. Sur une voiture, ou sur une drisse de navire, c'est un "fanion", de forme triangulaire (Dienstflagge am Auto). Peut-être le pavillon d'un taxi, mais aucun dictionnaire ne mentionne cet emploi du mot "pavillon" :

    Et c'est alors seulement, Mesdames et Messieurs, que l'auteur de ces lignes s'aperçut - ce qui fait tout le charme de sa chienlit - qu'il pouvait aussi bien, sans secouer les moutons de poussière, consulter son précieux tout-en-un, son ordinateur, son moteur de recherche ! Wir sind gerettet ! Ce que c'est tout de même que d'avoir le réflexe facile ! d'être moderne, up-to-date ! Hélas, on me parle des taxis de Les Pavillons-sous-Bois" : "de les" ! mon Dieu quelle horreur ! La ville de Le Havre ! La commune de Les Mureaux ! progrès dans la vitesse assurément, barbarie dans la langue à coup sûr. Vous l'aurez bien compris, chercheurs en linguistique : le sujet d'icelui article est aussi le conflit entre l'utilisateur des encyclopédies et les (petites) encyclopédies elles-mêmes.

    Les taxis autrefois possédaient un compteur extérieur. Lorsqu'ils chargeaient un client, ils abaisssaient un petit levier "occupé" je suppose. Ce petit levier avait-il un nom ? "Pavillon" par exemple ? Cherche Médor : et rien trouvé. Suivant. Au suivan-an-an-ant. Bien distinguer, donc, Stander et Ständer. Le premier vient sans doute d'estandard. L'étendard n'est pas marqué dans le Larousse : pourtant, "l'étendard sanglant est levé", ah pardon, je cherchais à "étandard", quand on est con... Alors, ce Ständer ? un planton ? non, un support, un montant. Et le planton ? die Ordonnanz, der Melder. On s'instruit.

    Ach, welch eine schmerzhafte Koinzidenz ! Il se trouve qu'un mois et une semaine après mon Geburtstag, nos calculs nous ramènent pour la 5e fois au kleinen gelben Duden, acheté par erreur, offert et poliment décliné. Soit ! écrivons n'mporte quoi ! drapons-nous dans notre dignité, "faisons comme si de rien n'était", et rappelons-nous que j'ai dépassé la lettre C. Si peu germanique. Et de justesse. J'en suis à dableiben. Difficile de me servir de ce dictionnaire, que j'ai offert, puis repris : c'est bien plus un recueil des mots lexicalisés qu'un dictionnaire ordinaire, qui donne une définition, des exemples, diverses acceptions. Ici les définitions ne sont pas toujours données, loin de là, ou bien de façon extrêmement succincte, par exemple « ein Vogel ». Et l'on doit se référer, quand on est francophone, à des dictionnaires allemand-français. Dableiben, c'est « rester là » : er ist da geblieben, wo es ihm gefiel ; dans cet exemple, contrairement au précédent (« er ist nach dem Unterricht noch dageblieben ») « da » figure non comme particule mais comme adverbe, en corrélation avec « wo » : « il est resté là, où ça lui plaisait », « là où il voulait ».

    Le verbe « dableiben » ne figure pas, comme tant d'autres mots, dans le dictionnaire de mon père, à conserver comme relique (le dictionnaire), mais sans plus. Et le petit Duden, bien accueillant aux anglicismes, accepte ensuite une expression italienne, da capo. La prononciation figure entre crochets, [-kapo] avec un « a » long, car l'allemand distingue bien voyelles longues de voyelles brèves. (Musik : noch einmal von Anfang an, encore une fois depuis le début. Abk. (Abkürzung, abréviation, « d.c. » da capo). La définition vient du fait que cette expression soit d'origine étrangère. Dach (das) ; -[e]s, Dächer ; nulle définition.

    Tout le monde sait qu'il s'agit d'un « toit ». C'est évident. Cela va de soi. L'auteur s'adresse à un public allemand, germanophone, il n'éprouve pas le besoin de préciser qu'il s'agit de la couverture d'une maison ou d'un bâtiment. Ce dictionnaire ne répond donc pas aux mêmes usages qu'un dictionnaire de définitions. Il sert à vérifier les génitifs (prononce-t-on « des Dachs » de la même façon que « Dachs », [daks], « le blaireau ?) et les pluriels (une difficulté pour le débutant). Mon premier livre d'allemand, le Bodevin et Isler de 6e, m'apprenait très tôt ce mot, à propos d'une maison vivement coloriée, qui servait aussi à nous apprendre les couleurs : das Dach ist rot, « le toit est rouge ».

  • Si peu de choses sur l'Antique

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    Cimetière marin d'Ajaccio P.JPG

     

    Plus de noblesse ? soit, l'Eglise. Sidoine rejoint son évêché. Les grands auteurs réduits à l'anecdote, à la devinette. Ne pas oublier que la préciosité est en germe dans le principe de la poésie latine, à la métrique importée de Grèce. Rome survient per aethra, c'est en vérité trop de pathos. Plus tard, dégoulinades sacristaines...

     

     

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    Sidoine répudie Cicéron pour la Vulgate, avec la plus grande flagornerie conformiste, y compris envers St-Loup, évêque de Troyes.

     

    1. 40

    Julius Népos négocie l'échange de l'Auvergne contre Arles et Marseille.

    Tout était-il si désertique ? si infesté de brigands ? Sidoine poursuit son festival de jeux de mots. Hommage appuyé aux commentateurs et philologues des manuscrits, moqués en tant qu' « Assis »…

     

    1. 41 aucun vers traité

    « Lectio difficilior » . Comment les hommes de ce temps-là voyaient-ils leur courte vie ? Début de la critique d'Anglade.