Proullaud296

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

der grüne Affe - Page 85

  • Ah tiens qu'me v'là

    Ben oué c'est moué. Entre l'envie de braire et de bâfrer, avec peut-être la tronchabobonne. Marre de ces visqueux qui veulent plaire, faire danser dans les "soirées de monsieur Durand". Bonnes soirées. Le truc bien râpeux, la vinasse qui déchire sa race. Je viens de publier une liste de consuls romains. HEIN ? fallait le faire. La bûche en bois, avé l'écorce cong. Le meilleur et le pire. Aintza ! j'ai lu quelque chose de terrible par un émigré polonais qui faisoit exprès d'écrire mal, mais mal ! tout incorrect, et ma sève y est allée, elle n'a pas su quoi dire, c'était mauvais mais môvé , et qu'est-ce que ça changeait de tous ces André Maurois et Anatole Frankreich. Vous savez, c'est mes premiers pas en dehors du mollard natal ("Le gerfaut"). C'est épuisant. Restons bref.

    Sur la mer calme le baloigne qui s'éteaut.JPG

  • Fin de carrière

    Ma carrière n'est pas une ligne, mais un ressassement. Nulle différence, âge à part, entre mes rapports humains au début ou en fin de ma période d'activité : 2005-2051. A présent, quand je cauchemardise, il s'agit de cours, dont je n'ai rien préparé. Les élèves sont là, en amphithéâtre, prêts à se dissiper - je les amuse avec des considérations sur la couverture de leur livre. Quand ils repartent, c'est un soulagement. Preuve par neuf de ma détestation – en vérité ? A Gambriac (son château, ses fous) le principal, Gepetto (des noms !) s'était mis en tête d'appliquer la fameuse initiative grandiose du gouvernement : dans le cadre du « décloisonnement des disciplines », ménager un espace intitulé « 10% culturel » - l'école, on le sait, n'est pas de la culture, c'est de l'ingurgitation ; on ne savait pas faire cours, autrefois : Descartes, Bolingbroke, Saint-Just, singes savants que tout cela ! n'est-ce pas !

    Une matinée par semaine (cela dura deux mois) nous avons réparti les classes autrement, sans distinction de niveau ni d'effectifs, pour leur apprendre d'autres choses autrement. Ce fut la plus gigantesque pagaïe que nous ayons jamais vue. Personne ne s'est retrouvé avec le groupe souhaité. J'ai reçu septante élèves, qui n'avaient rien demandé, réunis dans la plus grande salle, décidés (paraît-il) à recevoir un « enseignement musical », autrement qu'à coups de solfège, de chansons niaises ( troupiaux, troupiaux) et de flûtes-z-à bec ; ce furent 105 mn sur la musique, de Sheila et Sylvie Vartan à Jean-Sébastien Bach. En passant par Aznavour, le rock, le pop, le jazz, Pierre Henry, Stravinsky, Debussy – au bout d'une heure trois quarts soixante-dix élèves écoutant Haydn et Mozart dans un silence religieux...

    Station météo.JPG

    Le cours dont je suis de loin le plus fier. Mon plus beau. Un chef-d'œuvre. La collègue d'espagnol complètement dépassée – ne s'y connaissant même pas en musique espagnole, jota, fandango... Me rappeler aussi ce désamorçage d'une classe entière (“Bande de petits sadiques ! ») qui exécutait cruellement, dans la salle voisine, une pionne ; je la sentais progressivement perdre pied, se noyer, à travers la cloison. Je suis entré brusquement dans la classe, j'ai engueulé tous ces petits salopards : « C'est un être humain, là, derrière ce bureau, pas un paillasson ! Je ne veux plus vous entendre ! » Je me suis tourné vers elle : « Excuse-moi », elle m'a dit : « Merci. » J'ai tellement envie d'avoir fait de bonnes actions dans ma vie.

    Un petit élève de seconde, réorienté dès la fin du premier trimestre (le crève-cœur : « Tu feras un métier manuel, mon fils ») qui tient absolument à me serrer la main avant son départ. C'est d'ailleurs ce qui attend tous ces réformateurs de bureau qui n'ont jamais, je ne le répéterai jamais assez, jamais mis les pieds dans le cambouis devant une classe et qui prônent l'abolition des redoublements : l'orientation prématurée de tous leurs petits protégés ; car ne vous faites aucune illusion : jamais le soutien scolaire n'a jamais démontré la moindre efficacité. Bien moins encore que ce redoublement, deuxième chance que vous vous obstinez à refuser. Le jeune homme est venu me demander mes livres préférés - déçu que j'aime par-dessus tout les livres difficiles et spécialisés,

    du Moyen Age ou de l'Antiquité, avec profusion de notes annexes. Il attendait de moi une bibliothèque, des conseils de lecture... Tant de souvenirs comme l'eau entre les doigts. Nous aurons connu la vraie vie, nous autres professeurs, bien autant que tous ces Autres qui nous auront asséné, le mépris et la bave aux lèvres, que les profs, voyons, mais « ça n'a pas quitté la mère », ça ne connaît pas la vraie vie, celle où il faut se battre pour gagner son bifteck », au lieu d'avoir « son- salaire-de-fonctionnaire à la fin du mois ». C'est quoi « la vraie vie », tas de robots ? ...se casser la gueule à coups de râteaux dans votre bac à sable ?

    Jean Viandaire tient absolument à me parler, se rappelle mes cours avec reconnaissance, alors qu'il ne foutait pas grand-chose ; nous nous sommes revus trois fois, il avait fait « des conneries », devenu soudain très mûr. Ce que j'ai bien pu leur transmettre ? Est-ce à moi de fournir la réponse ? Nous nous sommes affrontés au risque permanent de l'humiliation, de perte de sang-froid, de pleurs. Risque du contact humain. (« Ça ne vous fait rien de revenir dans ma classe alors que je vous ai donné une baffe l'année dernière ? - Non M'sieur : avec vous au moins c'est plus humain. - Main sur la gueule ? ») Tout professeur tire en permanence des feux d'artifice dans des caves.

    Pourtant qui ne se souvient d'eux ? Faudrait-il reconstituer autour de nous tous ceux qui nous ont admirés ou subis ou les deux ? Je dois me souvenir sans cesse du mot de Thomas Bastonneau : « Vous êtes un prof pour bons élèves. Il en faut, mais vous ne savez pas expliquer. » J'ai ici rappéle 392 élèves, sur près de 3000.

  • Les vieilles et deux hommes

    Le mois de juin fut torride. On rouvrit les vitres calfatées de crasse. Le caniveau poussa de gros relents graisseux. La Naine réfugiée dans le dernier coin sombre conserva la soif sous sa langue. Les mouches ont circulé. Gretel est revenue vers les trois heures : "Je lui prépare des salades fraîches". Elle reste dans la porte, son œil gallinacé piquant l'un après l'autre bougeoir, le cadre en teck, le calendrier Massey Ferguson. Elle est venue passer l'index sur le manteau de cheminée, renifle - il faudrait fermer la fenêtre – "Mais la salade, il aime ça ! Il en a repris deux fois, trois en tout."

    La Naine regarde Soupov en dessous : "Elle en a pour longtemps comme ça ? ...Tu l'as nettoyée ce matin ? ...je dis ça, pour les mouches... Tu as balayé au moins ?"

     

    La seule chose qui intéresse Gretel, c'est de savoir s'il est arrivé du courrier de Marseille : mon fils a trouvé un emploi de barman ; il n'a jamais bu une goutte de whisky – qu'est-ce que tu écris ? Marciau répond J'écris ce que tu dis.

    ...Soupov n'existe plus que par la peur. De son siège émanent des gémissements, ses mains déformées tressautent. Gretel la secoue. Un ronflement brusque redresse son cou, ses yeux s'égarent. La Naine tire de son tablier le jeu de cartes que Soupov se met à fixer; Gretel rapproche de la table le fauteuil roulant, les mains de l'infirme les saisissent d'un coup : "J'ai tiré l'as de pique". Soupir. Elle étale en soufflant les douze figures. A qui as-tu pensé ? Soupov se tait. Gretel dit : Je préférais la belote à quatre. Soupov répond qu'elle a oublié. Marciau ramasse le jeu et le renfonce dans sa poche ; à contempler le teint plombé de la Soupov, à écouter les radotages de Gretel, la Naine se prend à espérer : "...la dernière" murmure-t-elle à mi-voix en raclant la cendre - puis "je dois me surveiller."

    Ente rive et rambarde.JPGDes bribes d'oraisons funèbres s'agitent sous son crâne. Il lui semble entendre frapper C'est toi ? Jeanne ? Jeanne !! - Qu'est-ce que vous foutez là-dedans ? crie le Niçois à travers la porte. On vous entend gueuler du bout de la rue !" Gretel se lève d'un coup. L'homme entre sans invitation. "Vous ne me remettez pas ?" Tourné vers Soupov : "L'argent ? - Quel argent ? - Vous devez six mensualités ! - C'est lui... c'est lui... répète Gretel. Soupov parfaitement lucide tire cent francs de ses guenilles, le Niçois claque entre ses doigts le billet qu'il enfourne dans son pantalon.

    Il demande si les vieilles ont un magot. Soulève Soupov par les fesses. L'infirme le frappe au visage, la couverture tombe à terre, ses jambes sont de vrais poteaux couverts d'édèmes. Foutez le camp. Plus vite que ça. Elle agrippe l'homme, qui la fait tomber. Marciau : Aidez-moi ! Le représentant s'empare des jambes, elle rue tête en bas prenez mes bras ! Gretel et la Naine la replacent par les hanches, l'homme s'épuise à hisser le buste. Soupov étouffe, souffle et l'Homme reste là, bras ballants - Marciau la Naine lui montre la porte d'un coup de menton, il empoigne d'un coup sa

    BERNARD COLLIGNON COURS DU SOIR

     

     

     

     

    mallette et laisse là ses cartes routières Je reviendrai dit-il. Dès son départ Soupov mains jointes jure en sanglotant qu'elles y passeront toutes, l'une après l'autre, la Naine ajoute "c'est l'ordre des choses" ; elle arrache des mains de Gretel son litre de rhum qu'elle brise à terre, Soupov renifle toute l'odeur d'un coup. Gretel tombe sur une chaise – les yeux fixes – une plaque rouge envahit son visage, la Naine courbée sur sa pelle en plastique balaie les débris, Soupov se mouche à petit bruit, le verre tombe en cliquetant dans la poubelle, Gretel sursaute.

  • La soupe

     

    F R A G M E N T S

    17 05 2019

    Pourquoi “Pas d'enfants” ? ...d'autres en ont eu, sans être morts... Vaisseau.JPG

    ---> refus d'assimilation au père

    ---> refus du statut d'enfant

    ---> refus de devoir s'intéresser à quelqu'un d'autre

    Le fric n'est qu'un prétexte.

     

    _____________

     

    ______________

     

    Idées de sujets avec des classes...

    Voir pourquoi ça ne marche pas...

    Préliminaire : Babette M. ; la mère qui surveille Instaurer une Dictature du Parti Intellectuel, pour édifier l'humanité (Gogol) : élever "l'homme et ses œuvres à la hauteur d'une religion" - ce qui ne serait qu'un bandeau sur les yeux.

    Il y a des idées auxquelles je crois - hélas.

    L'élitisme des âmes ne peut s'épanouir que' sur le fumier de la friction des corps - croyais-je. Elitisme, certes, mais refus de toute prédestination. Force, mais refus de la force subie.

    Le doute, le clown et le narcisse : Pamiers, 1er juin 1974.

    Le narcissisme s'incarnera dans un seul homme. Les réflexions démolitrices, en un autre. Seul l'homme dans ses rapports avec l'homme. L'anecdote est le support à la philosophie : Le Diable et le Bon Dieu.

    En ce temps-là le jeune homme imagina - sans rire ! de travailler deux heures par jour.

     

    Fragment de nouvelle

    "Il se dressa sur ses pieds :

    - Je suis Abraham Ronsard ! et le tronc d'arbre s'abattit.

    "Sa femme Albertine lui apporta en plein air une marmite, très lourde, dont elle avait enveloppé d'un linge les anses brûlantes :

    - Cesse de brailler. Tu as fendu toutes les poutres de notre maison.

    "Il pleura bruyamment, car c'était une fermette à poutres apparentes. Martine lui versa l'épais breuvage aux poireaux :

    - Avale ça ; tu es fatigué.

    "J'ai achevé ta mère. Tu trouveras des morceaux de cerveau dans la soupe.

    "Jean-Pierre, alias Abraham Ronsard, recracha sa cuillerée. Puis, haussant les épaules, il termina son assiette.

    Martine, assise sur le tronc abattu, le regardait faire. Puis elle tira de sa poche un miroir de vieil argent orné de deux sirènes ; Jean-Pierre caressa la pointe de leurs seins [caetera desunt]"

     

    En gros caractères : MANGER L'ARTICHAUT D'URGENCE !

  • Diderot parasité

    Je me suis encore laissé emporter par la lecture de cet infernal bavard de Diderot. Il m'a conduit au cœur de ce qui « n'est pas un conte », qui en est un, fort bon, fondé sur une mésaventure apparemment réelle, puisque Denis D. en fut témoin. Nous le reporterons au dessein de Magrossebite de Navarre, qui voulait que ses compagnons et compagnes beaux seigneurs et gentes dames discutassent (à l'infini n'en doutons pas) sur la vertu respective des hommes et des femmes. L'originalité de Diderot consiste à interrompre sans cesse le narrateur sous les traits d'un auditeur un peu récalcitrant, qui prétend en avoir désormais tant et tant entendu que plus rien ne saurait le surprendre.

    Il se trouve que cet interrupteur grincheux s'est trouvé lui-même dans une situation semblable à celle des héros de l'histoire, et le mélange de ces histoires provoque chez moi une certaine confusion, car je suis facile à troubler. Il s'agit donc d'une femme qui apprend l'hébreu et qui toute la nuit transcrit « des lambeaux d'auteurs hébreux ». Elle est victime d'un homme qui l'exploite et qu'elle aime. Cela fait pendant à l'histoire pr écédente, où c'était un homme qui mourait. Cette guerre se poursuit dans la nuit des temps, jusque dans les colonnes du Journal de Mickey. « Le temps de dépouiller les auteurs grecs arriva ; Melle de La Chaux se hâta de se perfectionner dans cette langue dont elle avait déjà quelque teinture : et tandis que Gardeil dormait, elle était occupée à traduire et à copier des passages de Xénophon et de Thucydide. » Voilà qui est fort bien. Le vaisseau.JPG

    S'il dort, c'est qu'il est fatigué, sans doute, le Dalaï-Lama ne dirait pas mieux. En ce temps-là les gens étaient comme nous autres. Ils mouraient comme des mouches, voilà tout. « A la connaissance du grec et de l'hébreu, elle joignit celle de l'italien et de l'anglais ». Très bien, Madame, que ne ferait-on pas par amour, afin de soulager l'homme qu'on aime, et qui dort. « Elle posséda l'anglais au point de rendre en français les premiers essais de la métaphysique de Hume ; » - nous les ignorons tous de nos jours. Que n'ignorons-nous pas. Diderot et ses Encyclopédistes rassemblèrent tous les savoirs pour nous les transmettre à tous.

    Il existe encore de nos jours, comme à toute époque, des amoureux de la connaissance. Partout autour de moi, et en moi, j'entends des murmures sur la perte irréparable de la science. Comment se concentrer sans admettre les bruits de fond ? « ...ouvrage où la difficulté de la matière ajoutait infiniment à celle de l'idiome ». Nous le croyons volontiers. Nous doutons toutefois que l'obscurité soit aussi forte que chez Leibniz, où nous n'avons rien compris, à moins qu'il ne se contredise tout le temps. « Lorsque l'étude avait épuisé ses forces, elle s'amusait à graver de la musique ». Eh quoi ? La musique se grave ? Consultons : mais la machine nous met en esclave, et nous serons contraints au manque d'explication. Toujours est-il que cette « distraction » pour Mlle de La Chaux consiste en un travail supplémentaire. Et toujours rôde autour de nous cette tendance à la commisération dès qu'il s'agit d'une femme malheureuse.

    Cependant nous compatîmes à l'homme précédent, et la larme à l'oeil vient toujours au philosophe des Lumières. « Lorsqu'elle craignait que l'ennui ne s'emparât de son amant, elle chantait ». Vu de loin, c'est un martyrat. Ne pas oublier que toute situation se vit aussi de l'intérieur, et qu'alors, rien ne peut la juger. Elle aime, elle se dévoue. Nous autres, les autres, admirons, blâmons, attendons la suite. Non sans quelque digression du narrateur, qui atteste de sa bonne foi, et ceci depuis le titre : Ceci n'est pas un conte : « Je n'exagère rien, j'en atteste M. Le Camus, docteur en médecine, qui l'a consolée dans ses peines et secourue dans son indigence ; » - méfions-nous, car M. de Croixmare a bien cru à cette histoire de Religieuse.

    Ce Le Camus, note 569, naquit en 1772, mais publia en 1757 – plaidons pour une coquille typographique, et rectifions : né en 1722 - « qui lui a rendu les services les plus continus ; qui l'a suivie dans un grenier où sa pauvreté l'avait reléguée, et qui lui a fermé les yeux quand elle est morte ». Larmons, larmons. Nous connaissons au moins le dénouement ou l'un d'entre eux. « Mais j'oublie un de ses premiers malheurs ; c'est la persécution qu'elle eut à souffrir d'une famille indignée d'un attachement public et scandaleux. » Il fallait un mariage authentique. Souffrir, oui, mais selon les règles du monde.

    Ô critique, toujours prête à déployer tes ailes et tes ciseaux, à voir chez les autres la paraphrase la plus plate, en ne pouvant t'en empêcher toi-même ! Ô grand recopieur devant l'Eternel, sublime Bouvard, atroce Pécuchet à la fois ! Ne resterait-il pas un petit sommet à gravir dans les parages ?

  • Je ressors mes archives enfouies, même si elles sont complètement connes

     

    Autrefois, j'étais plus virulent.

    A bas l'édition. Ca commence bien. Vous allez dire (mais qu'est-ce que j'en sais) - "Nous avons déjà lu cent fois ce genre de hargneries ("vieux ; "hargneries d'auteur") sur "l'édition qui ne m'édite pas parce que je ne fais pas partie des copains" etc... etc... Oui, bien sûr, j'ai commencé comme ça. Je revois encore Clavel tournant et retournant mon bouquin "avec sa serre", s'adressant à mon éditeur d'un air écoeuré : "C'est votre ami que vous éditez ?"  Réponse "oui". Réponse occulte : "Et vous, Monsieur Clavel, comment avez-vous fait pour vous faire éditer la première fois que vous montiez à Paris de votre Jura natal ?" mais ça ne se dit pas. Il est clair, archi-clair, sauf pour une légion de puceaux et -celles, qu'on ne peut se faire éditer que par un de ses amis. J'ai assez payé pour le comprendre. Je lis dans Télérama (on se signe) qu'un pauvre petit pohouête se plaint de ce que son manuscrit se fait refuser depuis un an - un an ? 
    Mais pauvre cloche moi ça fait vingt ans que j'essaie. Toute mon enfance, toute mon Hâdolescence, tout mon âge adulte passé à entendre autour de moi que je suis original, qu'on ne peut pas m'oublier - je n'invente rien - puisqu'il paraît, n'est-ce pas Monsieur Sartre - on se signe - que ce sont les Aûûûûtres qui vous définissent, eh bien j'ai eu la faiblesse de les croire, quand ils me disaient que j'étais un être sortant de l'ordinaire - et les éditeurs seraient les seuls à me trouver banal, plat, indigne d'attirer l'attention de leurs lecteurs ? Pourquoi donc croyez-vous que je publie à mes frais cette feuille de chou que vous parcourez en ce moment ? seulement si vous avez le temps, hein, car comme disait l'évêque de Macon, "Pourquoi envoyez-vous votre journal à des inconnus", "qui ne vous ont rien demandé", ajouteraient les soeurs Eurysthée. Attends, coco, c'est quoi, cet argument ?

    Quand je me balade dans la rue, est-ce que j'ai demandé à cet imbécile de pharmacien de me hanter avec sa croix verte qui clignote, qui se tortille, qui me flashe les yeux pour pas un rond ? Si j'ai envie ou besoin d'entrer dans sa pharmacie, j'y entre, si je n'en ai pas envie, je n'y entre pas. Mes merdes écrites, c'est la même chose : tu lis, ou tu lis pas. Moi j'ai juste fait le signal. Je ne vois pas pourquoi dans un monde où tout le monde s'impose à tout le monde, je n'aurais pas le droit de m'imposer aux autres. Pardon - de ma proposer, nuance. Un collègue me disait l'autre année "Personne n'est obligé d'écouter tes conneries", j'ai failli répondre, putain j'aurais dû répondre, mais je n'aime pas envenimer, "Personne n'est obligé non plus de supporter non plus ta tête de con".  ...Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Mais mon vieux c'est ça, la vie en société ! en promiscuité !

    Chacun est bien obligé de supporter l'odeur de pet de son voisin, je ne vois pas pourquoi MOI, sous prétexte qu'il y en a qui me jugent plus con que les autres, pourquoi MOI je devrais me faire discret. Ma revue vous emmerde ? Et les papiers publicitaires alors ? Je vous empêche, moi, de me jeter à la poubelle ? je vous fais payer quelque chose ? Je vous harcèle pour avoir de l'argent ? Non. Quand je dis "à bas l'édition", c'est radical. Le système de l'édition doit être purement et simplement supprimé. Il faut en revenir au bon vieux système des libraires, qui acceptaient ou qui n'acceptaient pas l'ouvrage sur leurs rayons. D'ailleurs il n'y aurait plus de libraire non plus. Parce que ces gens-là ne verraient bientôt plus que le truc qui se vend. Ni libraire ni rien. On se repasserait les livres de mec à mec, "Je t'ai écrit ça qu'est-ce que tu en penses", et la littérature réintégrerait enfin le domaine privé. 
    Ca ressemblerait à la Toile (en français, le Web).