Proullaud296

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der grüne Affe - Page 182

  • Lorraine, ne varietur...

     

    LORRAINE

     

     

    Le sachem en son bordel.JPG

    Le deux novembre 1895, Jour des Morts, Péguy visita Domremy et Vaucouleurs. Je fus jadis enthousiasmé à la lecture de La Colline Inspirée de Barrès. Le Culte du Moi en revanche, me communiqua de tels engourdissements que je me suis surpris bien des fois à somnoler, suivant des yeux des lignes successives entières en sommeillant - que de fadeurs, que d'insignifiances ! ...Barrès, voulant tutoyer l'Eternité, s'ancre et se vautre dans le daté. Comme Joseph de Pesquidoux, autre vaste oublié, celui-là Gascon. Les trois jours que j'ai passés dans ma seizième année au bord de la Meuse - suffirent à me conforter dans l'idée du racisme des Lorrains - "on ne sait jamais avec ces gens-là [les Africains]" - voire de leur indécrottable et criminelle sottise : ma cousine violée dans le foin, ce fut son père qui fut proprement ostracisée à Lacroix-sur-Meuse - "Quand on a une fille, on la tient". C'est ainsi que me laissent froids tous les enracinements, tous les “Blut und Boden” (“Sang et Sol”) et les "Adieux de Jehanne à la Meuse", malgré ses ensorcelantes finales endormeuses, avant de prendre la route du bûcher.

     

     

     

     

     

    Les adieux à la Meuse (suite)

     

    "Adieu , Meuse endormeuse et douce à mon enfance...

     

    O Meuse inépuisable et que j'avais aimée...

     

    Meuse qui ne sais rien de la souffrance humaine...

     

    O Meuse inaltérable, ô Meuse que j'aimais..." - sont à placer à côté des plus pures lamentations de jeunes filles sacrifiées, de la fille de Jephté, d'Iphigénie, fille d'Agamemnon, d'Antigone, fille maudite d'Edipe (je tiens à cette orthographe), à la lumière, tant il est vrai que par l'inépuisable approfondissement du terroir l'Autochtone parvient, par cette "racination", dit Péguy, (faut-il lire "ratiocination" ? ) - à l'Universel. (Une classe de Viennois, sollicitée, s'abstint hautainement de tout commentaire - jusqu'à ce que j'eusse rencontré, plusieurs années plus tard, le substantif "Möse", prononcez "Meuse", désignant le sexe féminin - avez-vous observé combien l'agglomération bordelaise s'étend désormais très exactement autour de son cimetière?) - sans intention grivoise, ni médicale ; tout simplement, c'est le nom que porte en allemand le sexe de la femme. Impossible, impensable de parler de cela dans la langue française, sans un réprimer quelque rictus. Il existe un mot allemand, qui permet d'appeler le corps par son nom.

     

     

     

    Il faut un jour (justement) quitter la matrice.

     

    L'enracinement, le ressassement, le repassage incessant au sein de ces mêmes artères bordelaises ou lorraines, voies de passages et d'obstructions, bords de Meuse ou labyrinthe bordelais – constitue pour moi et pour bien d'autres le pire des étouffements, le pire crime. Rester, s'enraciner, demeurer, est un crime. Contre l'esprit. “Péril en la demeure” ne signifie pas “dans la maison”, mais dans le fait de demeurer. Ceux qui demeurent, et se bourrent de leur propre glèbe, de leur propre terroir, de leur sale terre, jusqu'à en crever, qu'ils y crèvent. Il n'est pas vrai que l'on choisisse les situations où l'on s'est empêtré.

     

    Où l'on s'est trouvé empêtré. Choix implique adhésion. Implique sincérité, joie, élan. On ne choisit pas par défaut. On ne choisit pas par inertie. On ne choisit pas “faute de mieux”. Je n'ai pas choisi. N'en déplaise à Sartre. Je me revois errer des années durant au long des mêmes voies, je vois des foules de moi-mêmes serrés à n'y pouvoir déambuler couler comme des flots de lave morte dans tous les quartiers de cette ville – n'a-t-il donc servi à rien d'avoir vécu, vieilli, mûri, d'avoir, dit-on, "évolué" ? Pure et simple intransmissibilité, pure imperméabilité, anosmose, avec ceux qui sont nés dans des coquilles de moules adhérentes. “Ceux qui sont nés quelque part” nargués par Brassens, et qui veulent faitre croire que le “crottin de leurs chevaux sent bien mieux que le crottin d'en face”.

     

    J'ai rué une fois, une seule petite fois, dans les brancards, je me suis exilé, je nous ai exilés, nous sommes à présent revenus pour toujours, pour le toujours de nos jours terrestres, quoique les morts parfois soient enterrés sous forme de fœtus, mais cela ne console point, ne me consolera jamais. Péguy fut sédentaire. Il ne sortit jamais, que je sache, de France – n'allant jamais plus loin qu'Orange, une seule fois, pour entendre de l'Eschyle (et à Sanary, je crois) - c'est ainsi que tous les lieux de Péguy peuvent s'interchanger ("Orléans, qui êtes au pays de Loire"; Domrémy, la Meuse, Notre-Dame de Paris, Chartres et la Beauce, Notre-Dame de Cléry, Vendôme, Vendôme)) - tous les lieux chez Péguy sont une synecdoque du lieu, tout renvoie à la terre, à Jehanne, à la France, à l'amour terrien - “la partie pour le tout”, ce qu'on appelle donc une synecdoque (“Figure de rhétorique consistant à prendre le plus pour le moins, la matière pour l'objet, l'espèce pour le genre, la partie pour le tout, le singulier pour le pluriel... ou inversement - “les mortels” pour “les hommes”, “un fer” pour “une épée”, “une voile” pour “un navire”.)

     

  • Quelques phrases d'Elie Faure

     

    Hélas : le XXe siècle vient tout casser, et notre enfant au large front, c'est d'Elie que je parle, se surpasse en enthousiasme inquiet pour affirmer, la voix trop forte, que toutes ces convulsions universelles ne sont que le prélude à une gigantesque gestation de l'art. En 1993 (2040 nouveau style) nous voyons où nous en sommes, l'art n'est plus que la distance que nous décidons de mettre entre l'œil et l'objet, fût-ce une crotte de chien sur un trottoir. Ô long dévoiement de 70 années ! Mais Elie Faure reste, petit garçon blotti en tailleur jambes nues au bas de la photo de famille, et dont le large front de huit ans illumine le troupeau, s'il est vrai qu'Elisée Reclus le domine. Parcourir l'ouvrage équivaut à une redoutable indigestion de siècles. Et pourtant l' “Histoire de l'Art” d'Elie Faure soulage, car il hiérarchise. L'art doit être cela : grandeur, équilibre, “que la partie corresponde au tout”, élévation morale et religieuse, conformité à l'apogée de son époque, musique et littérature aussi, puis maints autres critères dont le moindre n'est pas un subtil recours au dérangement dans le conformisme. Déranger avec goût. Détruire à condition de trouver Dieu ou la Mort, de trouver l'abîme humain. Il est bien oublié, Elie Faure non plus ne fait plus le poids devant Mac Do, mais est-il vraiment nécessaire de prendre les hommes et soi pour des imbéciles ?

     

    Elie Faure pourrait, comme Dieu, revenir. Extraits - p. 47, phrase un :

     

    “C'est la vie, dans son mouvement prodigieux où la matière et l'esprit se mélangent sans qu'il songe à les désunir, qui allume en lui l'étincelle et dirige sa main.” Problème de l'esprit et de la matière. Dépassé. Tiens, mon œil !

     

     

     

    P. 94 : “Sans interruption ses formes se continuent. Comme des végétations pacifiques elles sortent de terre, et dans l'air dont elles vivent, unissent leurs rameaux et mêlent leurs frondaisons” - l'art expression de la nature. Dépassé. Mon œil. Retour à la nature actuel. Oui, la tache et le carré, la merde, sont dans la nature. Mais ras le bol. A bas Motherwell.

     

     

     

    P. 141 phrase 3 : “Rome n'avait aucun autre besoin moral que de proclamer sa gloire extérieure, et tout monument y suffisait, pourvu qu'il fût décoré du nom de tempel, d'arc de triomphe, de rostre ou de trophée” - peut-être, oui. Belle tentation de croire Elie Faure pour les peuples disparus où nous avons toute liberté de fantasme...

     

     

     

    P. 188 phrase 4 : “Là où il est, il a la force de celui qui sait peu, mais est certain de ce qu'il sait” : toujours le coup de patte au chinois !

     

     

     

    Moi, allongé.JPG

    P. 235 phrase 5 : “Comment en pas reconnaître, dans les formes qui les décorent, toujours violentes certes, meurtrières, rouges de sang, contorsionnées en attitudes infernales, mais manifestant déjà une opiniâtre volonté d'équilibre et de rythme architectural, l'influence dominatrice des paysages majestueux où se déroulait l'action des Maoris et de l'effort qu'ils fournissaient pour maintenir cette action ?” - sur les Tropiques, considérés comme un éternel Moyen Age. On plaque les catégoreis occidentales, d'évolution en particulier, et en avant ! La grande catégorie occidentale est l'inscription dans le temps, dans le progrès. Je ne peux pas renoncer à cet espoir-là, même périlleux.

     

     

     

    P. 282 phrase 6 : “Dans le brouillard ou le soleil, le monde des images peintes fait participer les façades, de la base sévère à l'emportement des tours, au mouvement des rues noires où les campagnes voisines pénètrent sans arrêt avec les colporteurs, les marchands, leurs chevaux, leurs moutons, les bateliers et les maraîchers qui apportent à la ville les légumes et le bois.”

     

     

     

    P. 329 : elle reproduit, de Giotto, Saint François d'Assise recevant les Stigmates. Détail de la prédelle : Saint François prêchant les Oiseaux (Louvre). Cl. André Held.

     

     

     

    P. 376 : “Chez Angelico, chez Gozzoli, sans doute le rayonnement du cœur et l'illumination des yeux noyaient dans leur gloire tout ce qu'il y a dans ces pratiques ouvrières de minutieux et de petit.”

     

     

     

    P. 423 : “Je sais bien que, plus tard, le même delacroix parle de l' “exactitude outrée” de Carrache, qui est en effet le vice capital de tous les Italiens qui se réclament, au XVIIe siècle, de l'éclectisme bolonais.” La page repréente aussi en illustration 582, d' Annibal Carrache, une Etude (dessin), au louvre. Cliché Giraudon.

     

     

     

    P. 470 : “On dirait qu'il sort à peine de chez lui, qu'il n'aperçoit guère le monde qu'au travers des vitres de sa fenêtre, ce qui donne à ses foules leur aspect lointain et leur aspect précieux, voilé, spirituel à ses paysages.”

     

     

     

    P. 517 : “Elles chantaient la chanson de Heine au moment où elles passaient devant le rocher de la Lorelei qu'elles ne regardaient pas” - toujours le coup de patte anti-allemand !

     

     

     

    [...] Tome 2 page 200 phrase 4 : “Voici l'odeur des herbes brûlées, des herbes fleuries, des herbes humides.”

     

     

     

    Tome 2 p. 247 phrase 5 : “Mais il est vrai qu'il est dépourvu d'innocence, ” (l'art contemporain) “et peut-être un peu trop conscient des émotions qu'il prétend éveiller.”

     

     

     

    ...Elie Faure, “Histoire de l'art”...

     

  • Et Djian, passe-moi l'éponge...

     

     

     

    Bonsoir tas de fromages septembraux. Le compte à rebours indique : vier Sendungen noch, plus que quatre émissions avant le grand plongeon bordelais. Ce soir, ce sera Djian, Philippe, Bleu comme l'enfer. Et chacun d'ajouter, pour montrer qu'il est bien au courant, que le bleu est la couleur d'un ciel implacable, au pays des éternelles chaleurs infernales. C'est assavoir la Californie et le Mexique tout près, mis à part qu'on y rencontre des Noirs. Autrement dit, c'est un pays imaginaire, mais qui ressemble furieusement à tout ce que l'on voit sur les écrans de télé dans les séries dites “B” et dites inférieures, détraquant l'esprit de nos jeunes bambins etc...

     

    Djian un beau jour en eut marre de toute la sacrée littérature fondée sur Hugo et Balzac, poursuivie par Flaubert et Julien Gracq. Bon, se dit-il, ou ne se dit-il pas, tout cela est bel et bon, mais que voit l'homme d'aujourd'hui ? Il voit de la violence d'importation américaine. Il se nourrit de télé, et vrai ou faux, il doit pouvoir lire ce qu'il voit. Je ne pense pas d'ailleurs que ce raisonnement ait été tenu en tant que raisonnement. Vraisemblablement et bien plutôt Djian n'a pas pu faire autrement. Toujours est-il que Bleu comme l'enfer , comme nombre de romans ayant suivi, fait référence à une culture américanisée, tout en conservant le sens de la langue française, triturée dans tous les sens, truffée d'américanismes savoureux, qui en relèvent le goût au lieu de l'anéantir.

     

    Attrapons le taureau par les cornes, ne renions pas les manifestations culturelles flétries par les mots “inférieure” et synonymes. Faisons faire à nos personnages, dans une Amérique fantasmatique et non pas réaliste, tout ce qu'ils n'osaient pas faire jusqu'ici dans le roman non policier traditionnel. Qu'ils aient l'air tous plus ou moins de s'être exprimés en américain bon teint avant d'avoir été traduits. Que toutes les phrases aient l'air traduites de l'américain. Tordons les mots et la syntaxe, mais au second degré, flanquons une bonne dose d'humour et de désespoir calme, le seul vrai.

     

    Et surtout, exagérons. S'il pleut, parlons d'océans qui dégringolent sur la tête ; si tu es énervé, tu seras semblable à un poulain au milleu d'une prairie close électriquement sous un violent orage. Que tous se cognent la tête contre les murs, boivent le whisky au goulot et gueulent des jurons à n'en plus finir, tels que “hey”, “doux Jésus (sweet Jesus) “, and so on.Avec une bagarre assez souvent et des gros calibres qui ne fotn que passer et vous péter à la gueule, des filles qui ouvrent les cuisses et des kilos de came qui circulent – voilà : je vous ai livré les ingrédients des séries B, ainsi que de maints auteurs de polars amerlocks probablement.

     

    Le scandale des romans de Djian, qui trouvent un lectorat considérable à la barbe de la critique exsangue parfaitement dépassée, c'est qu'ils ont déboulé dans un paysage éditorial bien balisé, simple, élégant et de bon goût. Et encore maintenant, certains vautours attendent patiemment que le phénomène Djian s'avoue enfin pour ce qu'il est, un phénomène de mode disent-ils ha ha ! - mais jamais on ne reviendra aux afféteries de papa, jamais, never, man. L'histoire est éculée comme Hérode, j'ai d'ailleurs eu bien du mal à piger, parce que les personnages ne répondent pas du tout aux exigences, aux fourches caudines des éditeurs d'antan, ils ne savent surtout pas où ils vont, ils sont inconsistants et surtout violents, parfaitement névrosés, et le flic est plus assassin que les autres et de toute façon tout le monde meurt à la fin.

     

    Portrait de Maud.JPGIl n'y a pas d'analyse psychologique, il n'y a pas de morale, tout le monde est à la fois génialement bon et très féroce, le lecteur Dieu merci ne peut s'identifier à aucun des personnages (ah! ces raisons que vous fourguent les éditeurs quand ils ne veulent pas de vos productions !!) - et ça cogne dans tous les coins. Personne ne sait où aller, et c'est pourquoi justement, très précisément, je veux m'identifier à tous ces mecs – peut-être Djian est-il misogyne, moi je m'en fous, ce que je sais, c'est que les mecs frustes et frustrés réagissent comme ça avec les femmes, d'ailleurs ne vous en faites pas elles savent se défendre et tout ce qu'elles veulent c'est la même chose que les mecs merde ça change un peu du traditionnel “Ne touchez pas à mon précieux cul” et du “Maintenant que tu y as touché tu vas payer 1000 $ ou dix ans”.

     

    Donc je m'identifie très bien à tous ces paumés ainsi que maints lecteurs avec moi. Et c'est l'histoire (parce que jusqu'ici je vous ai fait plutôt une présentation passablement confuse mais un peu enthousiaste aussi) d'un flic qui se fait enlever sa nana par une bande d'allumés bien bourrés bien camés dans un bus couleur citron, et la course poursuite s'engage à travers une espèce de sud des States, mais pas vraiment non plus parce que tout doit rester inidentifiable. Et cette histoire-là, pleine de bruit et de fureur, je ne l'ai comprise que peu à peu, et seulement véritablement qu'à partir des deux tiers du bouquin j'allais écrire film.

     

    Alors de deux choses l'une ou vous êtes un vieux croûton allergique et vous refermez tout de suite (et j'ai failli le faire avec Maudit manège, le premier que j'aie lu ; je me disais “merde c'est pas possible ce mec il truque, il roule des mécaniques, il en fout plein la vue mais c'est bidon, bidon, bidon, puis j'ai persévéré, le ciel s'est dégagé), ou bien vous adhérez après les premiers grincements de premières pages d'usage. Evidemment, profs de français et Léostic s'abstenir. Le français ce n'est pas seulement Lamartine et Julien Green. C'est aussi une langue vachement savoureuse et vivante, qu'on peut encore violer pour lui faire des enfants. San Antonio a failli ronronner, Djian prend le relai en nettement moins pessimiste, avec une véritable tendresse pour ses héros. On lit et on se tait. Parce qu'au fond tout le monde s'en fout, de l'histoire. Même qu'on en a tiré un film, en plus. Non, ce qui compte, ben voyons vous m'avez compris, c'est l'atmosphère... l'atmosphère...

     

     

     

    Lecture des pages 47 – Ce qu'il y a de marrant, c'est que maintenant que j'ai compris à partir de la fin de l'histoire, les personnages étant mal différenciés et toc, c'est que maintenant je recomprends tout depuis le début...

     

     

     

    Lecture des pages 94, 141, 188, 235, 329, 346, etc...

     

  • Vous n'êtes pas obligés de me croire...

     

     POURQUOI TOUS  LES MOTS SONT -ILS ATTACHES, mystere...

    Nous avons usé peu de lits:...trois, quatre... douze peut-être? sans les hôtels.
    Nous
    avonstoujoursvécu
    l'unsurl'autre.Lachose
    était
    fréquenteausiècledernier
    (toujours,pourmoi,leXIXe).Certaines
    années
    nouschevillaient
    trois
    centsoixante-cinqjournées,
    millequatre-vingtquinzemêmeunefoistroisanstoutentiers
    faute
    d'argent(quatre-vIngtcinq,six,sept)d'un
    effrayant
    corpsàcorps.fauted'argent.
    Sylvie
    Nervalcontestanttoutcela
    n'y
    saurarienchangersachantpertinemment
    en
    monâmeetconscience
    que
    le150885,ayanteulefrontd'accomplir
    unmodestepélerinagesurunetombedeBigorre,
    je
    fustaxéàmonretourd'ignoblecruautépourabandon
    degrandemalade.

     

     Troisannées,dis-je,l'éventualité
    dumoindrevoyage,visanttantsoitpeu
    àdénouernefût-cequethérapeutiquement
    lelienfusionnel,s'estvu
    âprement
    ettriomphalementcontestée.
    Même
    àprésentgagne
    l'arthrose,jesaisqu'ilmeseraitimpossible
    de
    melivreràquelqueescapadequecefût
    au-delàd'unnombredejourstoujours
    tropcourts:lefilàlapatte.C'estainsi
    que
    sisouvents'achève(j'yreviens)l'histoire
    d'un
    amour:enrèglementdecomptes.Combiend'écrivains
    dont
    jesoupèseàl'éditionlespesantsmanuscrits
    nesesont-ilspasainsiconsacrésàtantd'inepties?

     

     Tantdesincérité,tantdepoignance,tantde
    tics
    aussi,tantd'impardonnableamateurisme
    postés
    àl'éditeur!Lalittératureestparfaiteou
    n'est
    rien.Nosexhaustitivitésformentleplusgros
    bataillondel'ennui.Onsefaitchieràvouslire,
    mespauvreschoux.Vousvousimaginez
    sansdoutequelemoindreméandre,leplusinfimediverticule
    de
    vostourmentsimporteaulecteurvictime.Or
    ilsetrouvequechacundenouspossède,justement,et
    àfoison,audétailprèsjusqu'àlanausée,desemblables
    révélationsetrebutsd'hôpitauxpsy.Ainsi
    cetteeffrayantecontinuitédesnuitsdecouple
    évoquée
    dansCetteNuit-là,milleobservations
    merveilleuses,
    etcettecertitudelentequedanslenoir,rejoignant
    le
    corpsténébreuxdel'épouse,jegagne
    lacoucheetlanuitinfinies
    enveloppantlaviedupremier
    àmonderniersouffle.

     

     Celanem'effraiepas.D'autresdisent
    que
    lesdrapsconjugauxsontdéjàles
    drapsdutombeau;etqu'iln'estni
    parfaiteépousequienpréserve.Juliette,nousserons
    seulsdansnoscercueils,séparésparlesplanches,même
    surunemêmeétagère.Imaginons
    seulementladélicatessequ'ilya
    àbienplacer,judicieusement,sanslamoindre
    superposition,sansleplusminime
    empiétementsusceptibled'engendrercourbatures,écrasements,ni
    friction,ankylose,fourmisniobstructiondesang-lesabattis
    dechacundansuneseuleetmêmecouche,jamaisleslits
    matrimoniaux
    nedoublantexactementlesmesures:ilest
    toujours
    eneffettenucomptedeschevauchements;comment
    faisaient-ils
    doncàMontaillou,villageoccitan,tousces
    bergersdegrandetranshumance,pours'empileràcinq
    ousixparcouchedansleursboriespyrénéennes,sansmême
    imaginerqu'onpûtsesodomiseràcouillesrabattues?

     

     L'innocencedecestemps-là...Assurément
    l'onétaitloindenosfétidesimaginationsducorps;c'estmême
    unedesplusinsolublesénigmes:commentfaisaient-ils
    donc
    touspournepointsongeràmal,pourquerien,fût-celeplus
    mince
    soupçon,lamoindrevelléitéd'érection,nepûtseglisser?
    quelles
    pouvaientbienêtreleursassociationsd'idées?D'autrepart,c'est-à-dire
    defaçondiamétralementopposée,commentdonc
    leursmembres,dépourvusdetoutattrait,detoutechargeérotique
    fût-elleinfinitésimale,neserévélaient-ilspasenfin
    nonpluspourcequ'ilsétaient,desappendicescrurauxvelusouglabres,osseux
    ouadipeux,crasseuxjusqu'auxcroûtes,écrasant
    etbroyantjusqu'àlafolietoutespacevital,toute
    tentativedesommeil?

     

     ...Leslitsjumeaux?pureabomination,pourlaquelle
    oneûtdûtréclamerlesplusrigoureusessanctionspénales.Ne
    pouvantdoncnonplus,siépineuxqu'onsesente
    l'un
    etl'autreaumomentdesemettreaulit,nousfuirsanscesse,sauf
    ànousretrouverenéquilibredeprofilsurlesrebordsdumatelas,force
    estdenousrésoudreàlapromiscuitédelachair,lardet
    tibiasmêlés.Nosbergersariégeois
    de
    treizecentdouzeétaientsansdouteplusprochesdela
    chaircollective,delaviandeanimaleindistincte;maisnous,couple
    occidental
    finvingtième,sommesbienforcésde
    nous
    encastrer,danslesaffres,puisdansles
    délices
    (toutdemême)del'emmêle-papattes.

     

    Maisqu'ilestdurdejouirdu
    simplesommeil,fonctionpremièreaprèstoutdulit.(Jecrainsdetrouver
    unjour,auréveil,mapartenairemorte,raide,etqu'il
    faille
    romprelesospournousdégagerdel'étreinte;lacocottede
    Félix
    Faurevécutausoirdu18novembre1899cetatrocedélire
    hystérique-horreur!terreur!)jereprends:autantj'aimetrouver
    aucreuxdemonventrel'empreinteetlapressionintimedesfesses,
    autantjeregretteden'avoiraucuncorpspesantsurledos
    pour
    m'enrecouvrir.Unetelleirremplaçablesensation
    nepeutm'êtredonnéequeparunhomme(iciplacerunsarcasme).Nous
    aimonscependant,hommeetfemme,nousendormir
    àl'intérieurl'undel'autre.
     Le chantier.JPG

     

  • Je suis de cette opinion, et aussi de la contraire...

     

     

    Bonjour ! Revoici Mone de Beauvoir, cette fois

     

    dans le troisiŠme et plus copieux volume de sa

     

    trilogie : aprŠs "M‚moires d'une Jeune Fille

     

    rang‚e" et "La Force de l'Age", vient le tome

     

    intitul‚ "La Force des Choses" . Et comme dit

     

    C‚line, elle a une force terrible, la force des

     

    choses.

     

    C'est ainsi que se v‚rifie le mot de John

     

    Lennon : "La vie, c'est ce qui arrive quand on

     

    avait pr‚vu autre chose." Eh oui Simone, il ne

     

    suffit pas de vouloir quelque chose pour qu'elle

     

    advienne, et la libert‚ de l'humain se heurte

     

    souvent de fa‡on irr‚m‚diable … la contingence. On

     

    n'a plus la sensation de ma^itrise de son destin,

     

    et l'on doit bien galoper derriŠre l'histoire,

     

    surtout quand on en a fait son quotidien.

     

    Car enfin voil… une femme qui a li‚ sciemment

     

    son sort … Jean-Paul Sartre, de renomm‚e mondiale,

     

    et bien engag‚ dans tous les conflits politique

     

    passant à sa portée. Que la guerre éclate en

     

    Algérie, et elle est bien obligée d'exprimer à

     

    haute voix, voire dans des conférences en France

     

    et à l'étranger, son opinion la plus sincère et la

     

    plus militante.

     

     

    Le cul de bagnole.JPG

    Le livre d'aujourd'hui est une véritable somme

     

    de tout ce que Simone de Beauvoir a pu faire ou

     

    entendre au cours des dix-huit années ayant suivi

     

    la Libération de Paris, jusqu'en 1963. Elle n'a

     

    pas prétendu faire une oeuvre littéraire, mais

     

    entasser dans la sincérité témoignage sur

     

    témoignage. Amenée par sa profession

     

    d'intellectuelle, à se déplacer d'un bout à l'autre

     

    de la planŠte, par ses convictions … se pencher

     

    plus particuliŠrement sur les destin‚es de Cuba et

     

    de l'URSS, ou sur la situation ‚conomique

     

    v‚ritablement f‚odale du Br‚sil, elle nous en

     

    entretient sans faux-fuyant, avec une balourdise

     

    qui laisse parfois pantois.

     

    Nous qui savons … pr‚sent ce que furent les

     

    abus des pays communistes, nous avons peine …

     

    imaginer que les r‚volutions s'effectuŠrent

     

    d'abord dans l'enthousiasme et l'efficacit‚, et

     

    l'on ne peut nier que la r‚volution castriste

     

    radiqua l'analphab‚tisme … Cuba. Cependant il est

     

    bien honn^etement pr‚cis‚ que le sort r‚serv‚ aux

     

    opposants ne fut pas des plus honorables pour la

     

    conception socialiste de l'humanit‚.

     

    Mais valait-il mieux laisser croupir le paysan

     

    dans la misŠre et l'abrutissement de l'ignorance

     

    comme au temps de Batista ?

     

    On sourit amŠrement en apprenant que Simone de

     

    Beauvoir acceptait sans sourciller les

     

    affirmations de ses amis sovi‚tiques, disant qu'il

     

    n'y avait plus d‚sormais dans les camps de Staline

     

    - que son nom soit maudit ! nous sommes sous

     

    Khrouchtchev - que des prisonniers de droit

     

    commun. Et que dira-t-on de nous autres ! Mais le

     

    d‚bat est sans fin, et truqu‚. Par moi, qui fais

     

    actuellement de la politique de comptoir en zinc.

     

    En fait, ce qui m'a le plus profondément marqué,

     

    ce sont les rappels de faits passablement oubli‚s

     

    de la guerre d'Alg‚rie.

     

    Nous avons oubli‚ que l'arm‚e fran‡aise a

     

    tortur‚. C'est cela, je crois, qui a ‚t‚ cause

     

    essentiellement de l'isolement de la France sur le

     

    plan de l'opinion publique mondiale, c'est cela

     

    qui a discr‚dit‚ la France, quelles qu'aient pu

     

    ^etre ses raisons de combattre les

     

    ind‚pendantistes.

     

    Nous avons oubli‚ que l'arm‚e fran‡aise a

     

    parqu‚ dans des camps la population entiŠre de

     

    villages dits suspects ; que dans ces camps, l'on

     

    mourait de faim, y compris les enfants ; que les

     

    braves pieds noirs, pour un d'entre eux assassin‚,

     

    tuaient dix … vingt indigŠnes en repr‚sailles.

  • Les restrictions d'Elie Faure

     

    Bonsouâr ! Au retour de vacances imméritées, à Valencia, Granada et autres lieux, je m'attaque à un double monstre : l'un polycéphale, id est vous autres, ennemis auditeurs, l'autre en un volume et demi mais quels volumes, qualia volumina, “L'Histoire de l'Art” d'Elie Faure. Je l'ai vu aussi en petit format, emporté dans le creux du bras au Musée d'Orsay par un individu fier et mystérieux, jaloux de son acquisition. Il est vrai que peu ont la faculté de se vanter en ces termes : “J'ai lu “l'Histoire de l'Art” d'Elie Faure”. Tout de même, le petit format doit nuire à l'illustration. Elle est abondante comme on dit, et surannée ; Elie Faure a pris ou fait prendre ses photos en début de siècle. Nous voyons le plus souvent noir su rblanc statues et monuments tels qu'ils furent alors, avec double recul dans le temps. Je me demande aussi non sans malice : “Le petit format ne heurte-t-il pas (“l'ambition” ?) (...) Victor Hugo est sobre, Michelet anémique, face à Elie Faure, où le lecteur se trouve (...) de Pallas. Il éblouit, puis (...) maintenir toujours sur les crêtes (...) et nous revoilà emportés (“par les” ?) métaphores frappantes et merveilleusement adaptées.

     

    Il s'agit de nous faire plonger dans l'intérieur créatif des sculpteurs et des peintres de toutes époques, de l'Egypte à 1928 de notre ère. L'Egypte, précisément, fait l'objet d'une dévotion toute particulière. C'est là que les ignares que nous sommes découvrent que la sculpture, par ses méplats, se prolonge dans l'espace par ses ronds, concentre la lumière des cieux ; à sa surface polie, révèle des nœuds de tension au bord de la rupture. Ainsi se retiennent, d'une civilisation sur l'autre, quelques formules frappées à resservir dans les salons des Mureaux où à engranger pour étiquetage dans son cerveau artistique.

    Le buisson flou.JPG

     

    L'ironie ici se fait légère et tendre, car la formulation d'Elie Faure se veut insistante et vous imprègne de sa justesse. Nous dirons après lui que l'idéal grec n'a rien à voir de plus parfait que l'harmonie du corps humain et succomba de n'avoir su déceler la faille dans le monde ; que l'Assyrien s'est vautré dans la cruauté. Nous renâclerons devant certaines exécutions enveloppées : Elie Faure ne comprend rien à l'art chinois parce que c'est un art éminemment antiromantique. Il traite les Chinois de peuple terre-à-terre et rechigné. Mais à force de se battre les flancs il parvient à un commentaire dithyrambique.

     

    Il en est de même face à l'art hindou, qui fait grouiller et ruisseler les parois de ses rochers, de ses temples souterrains. Ce qu'il y a de nouveau chez Elie Faure, c'est sa façon de relier étroitement ce qui se passe en art et ce qui baigne une civilisation. Il a établi des ponts solides entre les caractères d'un peuple tel que nous le révèle son histoire et l'explosion ou la régression de son

    expression artistique. Cela est hélas bien sujet à caution, car, qu'est-ce que le “caractère” d'une nation ? C'est ainsi qu'il explique la floraison de l'art hollandais par l'établissement de l'opulence ; son extinction par l'excès de la même opulence, étouffant le talent ; et Rembrandt, qui fut pauvre en fin de vie ? Eh bien euh... mais c'est une exception, un contraste grandiose ! Convaincant donc sur le moment, dans l'élan de la phrase, mais à y regarder de plus près, très discutable. La critique dite moderne, le jargon dit marxiste, ont recouvert de leurs coulées dictatoriales, de leur dogmatisme, le terrain richissime et douteux d'Elie Faure.

     

    Le ciment sur le fumier. Au point que dans une histoire de la critique d'art que je feuilletais récemment, le nom d'Elie Faure n'est pas même mentionné : comble tout de même de l'injustice. Elie Faure a cédé aux goûts de son temps, exaltant l'art japonais (Dieu merci, il faut bel et bien l'exalter !) au détriment malgré tout de l'art chinois, dénonçant l'assèchement géométrique de l'art arabe, dénigrant le côté “horloger appliqué” des artistes allemands qui n'ont su que juxtaposer sans composer, exécutant Jérôme Bosch en dix lignes alors que Gréco se voit porté aux nues, et il fallait qu'il le fût.

     

    Il a aussi beaucoup trop parlé de religion, d'âme, de ciel et de transcendance. Le XXe siècle a brisé toutes ces idoles, et les revoici qui ressurgissent d'autant plus fortes d'avoir été brimées. Or il se trouve qu'Elie Faure a raison : raison d'imaginer que l'homme est aspiré au-dessus de sa tête ; qu'il ne fera jamais mieux rien que seul et dans l'exaltation de son travail, que les civilisations naissent, s'épanouissent et décadent ou s'effondrent comme de vastes respirations, poumons gigantesques lentement levés ou abaissés, en attendant parfois la flèche du Barbare qui les crève ; quand uen civilisation s'affaisse, une autre monte, le Barbare s'assouplit et prend le pli de ses prédécesseurs, et jamais ne s'arrête le souffle de l'humain.