Proullaud296

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der grüne Affe - Page 180

  • Poète-poète !

     

     

    RECUEIL de POESIES

     

     

     

     

     

    ...Déjà, le fascitrouducule est en mauvais étapette. Non par longue fréquentation, mais par long abandon. Pour l'avoir feuilleté, je sais qu'il s'agit d'un recouil de poèmes, avec beaucoup de blancs “pour l'âme” et une infinité de platitudes – ce genre de vent que s'obstinent à vesser depuis trente ans uen génération d'anémiques. Mais que vois-je ? Une préface ! Sans doute quelque éloge abscons et di tire-en-bique – ouah le beau papier d'impression ! Les beaux cahiers non-reliés, toujours plus brut, toujours plus authentiques ! Hmmm, Danone... Exergue de Kenneth White, ben mon cochon...

    Le tube.JPG

     

    L'auteur est donc censé, avec ses “Runes”, surenchérir sur la puissance des dieux. Ça ronfle la préface, coco, dès les premiers mots, ça te renforce déjà l'antipathie, par cette grossière approximation sottement revendiquée de l'écriture aux sciences physique et mathématique. Encore un poseur d'équation. Et de s'interroger : “Est-ce de la poésie, une forme de poésie ? Une poésie formelle ? Ou formellement la poétique ?” - mon pied au cul, est-ce un pied sur un cul, un cul frappé d'un pied, un pied augmenté d'un cul, ou deux fesses exprimées par le pied ? Moi-même et Dieu merci, la page 8 épuise la préface : “L'évidence scientifique peut-elle rejoindre l'évidence poétique ?”

     

    Grand Un, Attila, toute la page. Suivante, blanche, fin du premier cahier, ô grandiose pensée, allez ! On s'y plonge :

     

    “Naître dans le noir” (là dis donc)

     

    du vivant des caresses”

     

    (interligne)

     

    “en vouloir à la nuit”

     

    (interligne) (très important les interlignes)

     

    “gagner à s'y perdre”

     

    Traduction (? ) : “Mes parents ont baisé dans le noir (là dis donc) (oui, bon...) - ces salauds, et j'ai peur du noir, ce qui ne m'empêche pas de m'enfoncer dans un vagin”.

     

    N'est-ce pas profond ? C'est fort variable ma foi, et les femmes se le mesurent au doigt tant qu'elles peuvent. La page douze est encore plus succincte. Ayant lu les “Runes”, peut-être en ferai-je cadeau – page 13 : “La parole futile

     

    une douleur qui se tue au silence

     

    ce besoin de rien

     

     

     

    que la faim assouvit”

     

      • autrement dit, “quand j'ai le bourdon, je la ferme, mais je la rouvre, je bouffe un Mars, et ça repart”.

     

    Que de Béotie dans l'âme du critique... Il suffirait sans doute d'un ton pénétré ? Je crains que ma conviction première ne se mue en grosse indulgence de poisson noyé. Qurtout n'attendons rien de neuf : Monsieur Poète pense :

     

    “Captif des vertiges

     

    sur la terre à bâtir

     

    son mal en patience

     

    pour y dormir au bord”.

     

     

     

    Celui-ci me plaît : c'est bien par la faute de ma femme que je ne peux voyager : GNAGNAGNOUEEEERE !

     

    ...Ah, enfin ! Ce vers nul ! Ce vers parfaitement nul !

     

    “Les dents cariées par le sucre du silence” - ça c'est du symbolique mon pote ! “le sucre du silence”, apposition indirecte. “Les prés de mon âme”, “le pneu de mon amour”, “la braguette de mon tambour”, ça c'est de la poésie coco ! T'as pas deux briques que je te ficelle un bouquin à la con ? Page 16 ! Juste avant, “II”, au début d'un feuillet : nous retombons sur nos pieds. Ce doit être cela, le mathématisme de la poésie :

     

    “Les récoltes engrangées

     

    l'ivraie se récolte

     

    pour la beauté” - penseur ! Et qu'y a-t-il derrière ce “grand II” ? Une page blanche. Tant le poème précédent tant à penser laisse...

     

     

     

    “Femmes” (attendons-nosu au pire) (mais non, pas parce que c'est des femmes, abruti !) - “Femmes

     

    moissons oubliées

     

    sous la pluie des regards

     

    elles donnent faim”

     

    - je vous fais grâce des interlignes.

     

    Après l'ennui, l'amour ! Ah nom de Dieu ! Le “grand III”, c'est le sexe : sûr ! Les femmes, les moissons ! Quel être singulier, ce poète ! Quelle puissance !

     

    “Un sourire,

     

    un champ givré à perdre haleine

     

    la plaie qui se rouvre

     

    quand le lière fuit !

     

    Quand on débande, la vulve bée, puis en redemande !

     

    Moi aussi je manie le symbole. Mais je perds le souffle. Il arriv eun moment où plus rien n'est à dire. Çase surpasse pp. 22/23. Plus que deux vers. Sûr que ça gagne en intensité :

     

    “Quand on caresse l'arbre,

     

    on met la main au feu”

     

    “Arbre, il brûle de le savoir.”

     

     

     

    Je sens venir, parole ! Une page avec une lettre ! Ou blanche, non plus au revers d'un chapitre, mais en plein milieu !

     

     

     

    “Sur le chemin du retour

     

    la pluie

     

    allume la lumière” - j'ai gagné ! La page d'en face est blanche.

     

    De la poésie mathématique on vous dit ! Plus subtile encore : la page n'est pas numérotée ! Ni la suivante, blanche aussi ! Il faut tourner une page entre 24 et 25 ! ô piètre âme, ô pieds au cul, pieds découragez qui restez mous dans vos pantoufles !

     

     

     

    “La pluie

     

    ses cheveux brûlent

     

    sur terre” - lecteurs, vous avez vu l'opposition ? La pluie qui brûle ! Vous avez remarqué les éléments ? L'au, le feu, la terre ! L'air, c'était le vide des pages. A présent chiche qu'il nous entretient vde vent, de brebis ou de roc... Encore gagné ! C'est la neige, le diamant, “les facettes égrisées par une bise” - je n'aurai pas perdu mon temps : j'aurai appris un mot. Mais j'ai la flemme vraiment d'aller chercher dans le dictionnaire. Allez, un petit coup de Bon Dieu, un petit coup de Mort pour finir, ça ne fait pas de mal ! C'est joli les majuscules. Un peu de montagne, un peu de roc, ça manquait, ah ! La ville. M. Désagulier touche à tout. J'accélère : “La ville

     

    elle porte des bas

     

    à demeure”.

     

     

     

    C'est joli la polysémie. Soudain, page 35, je tressaille un peu, à peine :

     

     

     

    “Noyés au-delà de la force

     

    cherchant dans l'eau

     

    ce qui dénoue

     

    ils en prennent encore la peine”.

     

     

     

    Et je le noterai.

     

    La moindre chaise au désert devient cathédrale.

     

    Mais la chaise s'effondre page 36. Chapitre IV !

     

    A chaque nombre je scrute en vain l'arrivée de la mathématique :

     

     

     

    “Une grappe de folie fait un repas au solitaire” : il a pensé. Il a poété. Peut-être ce Monsieur gagne-t-il à être connu. Mais voilà : il croit écrire.

     

    “La peur aime à cacher ce que la solitude invente”, et je dirai même plus : “La peur aime à inventer...”

     

    Ce n'est pas fini

     

    “Avec l'âge, la beauté se protège” !

     

    Ici, deux réactions : ou bien s'acheter un kilo de Nivéa, ou bien relire “Les Vieilles” de Baudelaire.

     

    Ah ben merde alors ! C'est fini ! “Il a été imprimé 500 Runes ... Pas de prix... Quelques lignes ua dos, reprises de la Préface, pour rappeler n'est-ce pas, mais ça ne me rappelle rien du tout – mais alors, mais alors, il va falloir que je me cherche un autre livre, moi !

     

     

     

     

     

  • Des chats et des hommes

     

    Alors j'ai attiré les plus vigoureux, les plus retors, les plus féroces, par la fenêtre à ras du sol : ils dévoraient jusque sur mes pieds, l'échine lourde, dégoulinante. Je les ai caressés malgré leurs grondements terribles, tournant sur leurs gueules pour éviter mes mains, rivés qu'ils étaient sur les gamelles à bouffe : un chat errant ne dépasse pas sept ou huit ans. Ma vie n'est ainsi que ces anecdotes que j'égrène. Ainsi dans les rues nocturnes désertes de Laroque-lès-Ganges (Hérault), dans la chaleur touffue qui stagnait sous les lampes, se faufilaient d'un soupirail à l'autre les chats faméliques, tandis que les humains s'hypnotisaient devant l'écran - partout les ventres creux des chats se glissent et disparaissent.

     

     

    Du quai des Chartrons.JPG

    Au sommet de ma pente blanche torréfiée trônait à flanc de garrigue une Vierge éblouissante, les bras bénissant - combien de pieux touristes en procession bravant l'insolation parviennent-ils à ses pieds - un infarctus, dix ans d'indulgences... Le soleil matinal me voit aussi gagnant Sumène, deux ou trois places entre les ruelles, encore obscures à sept heures en été. Je revois la boulangère abîmée de l'intérieur par la vue du mur aveugle et l'abstinence conjugale, puis l'Héraut à sec, une autre place après le pont, le monument aux morts. J'ai poussé à pied jusqu'à Maison Verte (vers l'Aigoual et St-Romans). Abordé au retour très tôt par deux amis retour de goguette auprès de la pompe Esso, m'implorant d'accepter cinq euros pour de l'essence dans leur deuche, ils me remercient mille fois, rejoignent leur bourg et se couchent à l'aube.

     

    Quand je reviens à St-Bault ma femme est immobile au centimètre près sur le lit ouvert, attendant qu'il fasse trop chaud ; elle a perdu depuis plus d'un demi-quintal. Autre jour, autre année, ma femme et moi (j'ai ramé pour l'avoir, je lâche plus rien - une femme, une vraie, fidèle et sans jalousie) poussâmes jusqu'à St-Romans, premier bourg cévenol à flanc de lacets. Vivre ici m'eût ennobli l'âme ; en ont-ils seulement ceux qui s'enlisent en croupissants pavillons de banlieue – sable et plat pays – oui sans conteste, tous ont une âme - hommes bons et grands surtout au-dessus des plaines ? Dans le Bâtiment Communal une exposition d'artistes, où gisent de longs tréteaux bordés de vieilles souriantes et transpirant de toutes les tendresses du monde : limites et générosités du peuple, sexagénaires et débiles légères envahissant tous les coins de partout).

     

    C'était d'elles ces boules de cristal, foulards et sous-verre qu'elles s'étaient accaparés, étiquetés, répertoriés, enregistrés, pour les vendre. Nous avons acheté je ne sais quoi d'essentiel. Le plaisir est d'exposer. Objets bien gauches, sincères - tant d'âme en chacune et tant d'honnêteté, que j'apparente aux funambules de cabaret dont toute la vie ne tient qu'au numéro qu'ils exhibent, contorsions sans cesse reprises et répétées chez soi, pour un ingrat public bâfrant, buvant, payant le champagne plus que l'artiste. J'ai photographié ma femme sous les branches, au bord d'un de ces abreuvoirs à sec souvent vieux sarcophages en pierre des Mérovingiens ; cette photo de dos présente sur son corps et ses vêtements une telle marqueterie de bistres et d'ocres, ombres et feuilles, que l'on ne sait de quel genre il retourne, si c'est humain, animal ou plante

     

    Aussi bien minéral. Derrière le muret en contrebas le cimetière de village et l'église fermée, car les voleurs sont désormais plus craints que désiré le visiteur. Pèlerin, prie donc à l'extérieur, et remercie requins, chineurs et antiquaires - je vivrais donc ici, même l'hiver, sous les pluies noires, au-dessus du torrent invisible. Avec une autre dans une autre vie nous logerions dans ces cabanes aux volets bleus, murs délités, qui cuisent sur les vues glacées des cartes postales. Nous ne penserions qu'à nous, et à écrire. Nous serions entraînés vers le haut, je l'aurais tirée, et elle moi.

     

  • S'insérer à Saint-Céré

     

    Flou sensuel.JPG

    St-Céré. Je marche dans les rues « crinière au vent », passé de « jeune écervelé soucieux de son effet » à « vieux peintre pathétique ». Nous partons dans le frais, vers Collonges-la-Rouge (« plus rien ne bouge ») - deux heures de bonheur, à se demander si l'on est heureux, à conclure que « oui », photos numériques à la pelle à la pluie. Ce que l'on serait si l'on était un autre, « Mystère du monde, accorde l'Harmonie ». Brugnon articulait « Villa Harmonie » comme on déguste un fruit, baissant la voix, il l'aurait dit de façon enfantine. Aucune réponse de ses veuves. Derrière moi ça dort. Après Coullonges (acquisition d'un lézard rembourré), nous gagnons Cameyrac, où Fénelon (de Ste-Mondane) posséda aussi un bâtiment-presbytère.

     

    Crêperie, des Espagnols non castillans malaisés à comprendre, avec deux petites sœurs à se damner déjà, l'une belle comme une femme elles se rendent pas compte car il ne s'agit pas de possession sexuelle mais d'envoûtement – le corps n'est plus ce que l'on prétend, présomptueux, posséder ; c'est une atroce impuissance imposibilité d'un autre règne, d'un autre ordre au point de vouloir frapper transpercer transgresser la Frontière Señor tién piedad de nosotros et le sous-chef crépier de ronchonner Des Espagnols on en a eu toute l'année y en a jusque là ta gueule charron ouvre un steak-frites.

     

    Juste à côté « Menu Espagnol » boutique vide, sans Espagnols ni pitié saloperie de commerce - nous rejoignons la bagnole à l'ombre. A St-Céré donc le troisième hôtel est le bon, car devant le second, fermé , démarrait une noce à char-à-bancs 1880, coiffes et hauts-de-forme. Dames blanc crème. Je monte à l'hôtel Touring. Charmant réceptionniste, pédé si j'avais le temps, et que les odeurs de glandes à cul n'écœurent pas. Mon patronyme lui évoque celui de son maire près Limoges. Des bras je lui prends les oreillers que ma femme réclame, je peux les insaller mieux qu'un larbin. Et puis je suis revenu ici, dans ma chambre, après avoir dégoté un cybercafé juste à côté d'un cybermagasin qui n'envoyait vers d'autres, « au-dessus de l'office de tourisme » -  « mais je ne sais pas si c'est ouvert le samedi. - Ben j'm'en fous tant pis. » Et je suis revenu.

     

    Je me sens tellement plus chez moi à l'hôtel. Anne dort. Sans elle pourtant je sais quelle pente j'aurais dévalée. Quant à l'endormissement, j'en eus l'explication de la bouche d'un éphémère collègue : c'est que je ne provoque ni tension ni attention, sans peur, et que la sensation s'invite et ne lâche plus, vous menant inexorablement vers « la vie ressentie, à la source même de l'être », Bergson dixerat. Situation, le lendemain, très particulière : dans un fauteuil de hall médiocrement éclairé, attendant le lever d'une encore ensuquée dans le sommeil. Nous avons présumé de ses forces. Elle se trouve plus affaiblie que je n'aurai cru, devant éprouver de grandes difficultés à dépasser désormais les frontières de l'Aquitaine. De plus, mes lectures de cuvette à chiottes m'ont semé one more time le doute quant au bien-fondé de ma conduite de vie : l'étude du Talmud en effet se fonde sur l'effort, l'engagement affectif. Or je n'étudie, quoi que ce soit, que pour avoir empilé, entassé, derrière moi, tels ou tels livres, en les oubliant. Comme on accumule des nombres en comptant. J'ai sursauté en lisant le passage où l'on reprochait à certains sages de ne pas mettre en pratique, matérielle, leurs connaissances : c'est tout à fait moi.

     

    C'est très simple, je refuse. J'ai peur. Incroyable le nombre de ceux qui veulent absolument que l'on s'engage, du Talmud à Sartre.

     

  • Xénophobie ? Racisme ? Puritanisme ?

     

    Mais pour en revenir aux Porthos, celui que je n'ai pas apprécié, pas du tout du tout, c'est celui à qui j'avais collé un zéro de première, pour être passé d'un seul coup de six de moyenne à 16 (devoir fait à la maison) avec une telle proportion d'aide extérieure que je n'ai pu m'empêcher de le saquer comme un malade.

     

    Il tenta de venir s'expliquer à la fin du cours, mais je l'ai repoussé indignement. Mon appréciation portait la phrase suivante : “Votre niveau de culture ne vous permet pas d'atteindre à tant d'excellence” ou quelque chose de ce genre. Mal m'en a pris. Le devoir avait été composé, d'un bout à l'autre et à la virgule près, par un de mes collègues de leçon particulière. Sans avoir une seule fois l'idée de venir me rencontrer, il poste illico une lettre de dénonciation au Rectorat (les gens qui font cela, par-derrière, la « dénonciation au Chef) » ont toujours suscité en moi un dégoût profondément vomitif), m'en faisant remettre photocopie par l'élève en question. Il y était question de xénophobie, de négation de la culture portugaise (absurde ; il y a certainement plus de Portugais fins lettrés des deux littératures que de Français connaisseurs en littérature portugaise... encore et toujours, dans cette ignoble dénonciation, cette confusion crétine entre “culture” et “coutumes” : quand j'achète une baguette en effet, je me conforme aux coutumes françaises ; mais en aucun cas, au grand jamais, je n'incarne ma “culture”...). Il dit aussi, ce faux-frère, cet enculé du cul, qu'on aurait dû sans délai me radier des cadres de l'Education nationale, que je “ne laissais aucun choix à cet élève autre que la médiocrité ou la fraude” : pauvre con ! Est-ce que je saurais passer la moindre épreuve du bac en langue portugaise ? est-ce que je ne suis pas le roi des ignorants, le champion des bonnets d'âne toutes catégories confondues, en culture lusitanienne ?

     

    En quoi cela pourrait-il me vexer qu'on m'en fasse la remarque ? Le fond du drame, c'est qu'un élève ait pu se retrouver en classe de première avec un tel niveau, pas si différent d'ailleurs de celui d'un élève français dit « de souche ».

     

    Racisme ?

     

    Pour des raisons évidentes, celui que l'on repère toujours en premier dans une classe, c'est le Noir. La « minorité visible » comme on dit (je serais noir, je préfèrerais « nègre », carrément) - il en est de même, symétriquement, pour le béké aux Antilles. Mon Africain s'appelle Mombo. Médiocre, effacé. Je n'ai pas pu résister : peu avant Noël, je chante avec l' « accent noir » : “Mombo sapin, roi des forêts, que j'aime ta – verrrdûûreuh...". C'est parfaitement crétin. Voire impardonnable. D'accord. Il me dit “Vous êtes rrraciste. Si si Monsieur, vous êtes rrraciste.” Verjus, le prof d'allemand, a trouvé ça « excellent ». Evidemment... Sous la rocade.JPG

     

    Un Tahitien d'Arveyres (« M'Bélélé») était venu me demander si je l'étais, raciste : les autres, pour se payer sa tête, le lui avaient fait croire. Je l'ai formellement détrompé ; il est reparti tout triomphant. C'est naïf, les enfants, vous savez... On ne joue pas, avec ça. Un autre collègue, Vosgien, prof de musique traitant Satie d'imposteur indigent... - ne pouvait jamais s'empêcher d'éprouver les pires difficultés avec tout ce qui était noir ou tant soit peu bronzé. « Simple question de discipline ! » protestait-il invariablement. Voire... Ce collègue était un personnage. Toutes les collègues ont passé sur sa queue. Il trompait ouvertement M. U., capitaine au long cours, et se laissait surprendre avec sa femme au petit-déjeuner, dans le même lit. Lorsque Mme U. mit au monde une fille, chacun rechercha sur le visage du bébé la ressemblance avec Vosgien : en vain ; le couple ne copulait pas. Mais tout ce qui pouvait se faire, il le faisait.

     

  • - Turista !

     

    Je lis Concerto Baroque (Alejo Carpentier) jubilation médiocre hélas combien forcée d'un texte sans émoi, qui cliquète et tintinnabule, tandis qu'un jeune couple anglais frêle et fébrile s'engueule à l'ombre en s'accusant de torts imaginaires, elle sanglote et dit Just comfort me console-moi, la Cour des Lions est trop petite et grise et non pas large et plaquée d'or comme la montrent les photographies, 13h 25 ; l'éclat solaire aplatit les tons fauves et les alvéoles si bleus de la voûte elle-même multipliée parfait objet fractal – et je me suis perdu sur l'autre côte de Grenade en redescendant mal du plateau sommital par tout un lacis de mauvaises ruelles qui m'égaraient sans cesse entre les queues dressées de tous les chats fuyants : c'est une Anglaise brune qui les traque au Nikon 520, d'autres encore à l'angle d'une impasse et d'une autre et d'une autre, et qui me tend elle aussi perdue son plan de ville.

     

    Epaule contre épaule nous consultons à l'ombre d'un bar les plis froissés del mapa-guía de Granada sans même avoir consommé, nous ressortons et je l'attire à moi mais elle se dérobe allons je suis bien moi j'aurai du moins retrouvé ma 4L bien coincée 40 au dehors 55 dedans l'eau chaude à recracher je bois je bois du Coca-Cola de distributeur en distributeur bloquant la circulation pas un coup de klaxon. Isábel la Muy Católica y su sepulcro son tombeau dans mon autre vie tant pis pas le temps pas le temps rouler vite avant de crever en enfer en infierno sur cette Terre je monte à Jaén à 35 km au nord et ça cogne toujours (adieu Cordoue adieu Séville, une autre fois) le vent du Nord ou de Castille pulse sur ma peau de véritables flammes au point que je monte mes vitres.

     

    Un hurlement me saisit cette fois, suraigu, incontrôlé, qui je le sais n'est plus de joie. L'intensité peut-être. J'arrive à Jaén écrasée dit le guide par la colline qui la domine et tôt ou tard s'effondrera 20 000 morts comme au Pérou j'ai d'abord lu à l'extérieur Chateaubriand ou mieux encore les fraîcheurs normandes de Flaubert Par les prés et par les grèves, la façade cathédrale aussi longue qu'un chat présenté de profil et qui réverbère le soleil. Ou bien c'était Murcie. Trop de feu, trop de mort. On me croise en rotant je pète. A l'intérieur du bar (¿ Murcía ?) les Andalous se vautrent sur les ronds des guéridons de marbre noir dans un bar sombre et frais sans consommer jambes lâchées sous la table, chez eux, tandis que je commande en hâte et tout debout mon Coca tiède REFRESCA MEJOR juste le temps de l'avaler puis c'est la pépie qui revient, plus forte que jamais. Bailén juillet 1808 Napoléon battu Joseph quitte Madrid, bourg bouffé de soleil, coiffeur et magasin de jouets, viejecitos descendant mains dans le dos la seule rue à peu près abritée, j'avise et je descends un immense escalier d'enfer frais débouchant sur un bar cave - alcools frais, musique en boîte et belles femmes. Tapas y cerveza. Plutôt boire et crever.

     

    Je reste sous la voûte plus d'une heure otra cerveza por favor alternant otra más des textes d'océan, Normandie, Saint-Malo, Guérande de Balzac, seuls repères dans un temps défunt. L'alcool évaporé j'aborde Almuradiel, "Histórico", Viso del Marquès, admirant scellés tout debout contre un mur tout un pan de fûts de canons briqués depuis le XVIIe siècle, et je ne sus jamais ce qui s'était passé là. Quant au château de Mudela ce n'est comme il advient souvent qu'une rouge maison de maître, à peine digne d'avoir abrité quelque famille enrichie de négociants ou tisserands. J'ai suivi sur le sol extérieur – ACCES INTERDIT – un sentier défoncé d'ornières, bourbier pour l'instant desséché, d'où l'on peut voir à la rigueur, demi-masquées par les camions et moissonneuses à l'arrêt, quelques vues de pierres nobles. Le chemin.JPG

     

    Quand en pleine campagne plus loin je dépasse à pied ce petit vieux voûté flanqué de son petit-fils, le vent plus tard me porte sa voix grêle et je me suis tourné sans hâte, évitant de crier dans mon accent Français, traçant du bras autour de moi le cercle qui partout signifie promenade, mais le vieux sous le regard du drôle s'époumone et m'enjoint de déguerpir, je salue de la main sur la tempe et je retourne lentement, pour ne pas briser l'admiration d'un enfant. J'ai remâché plus loin la scène, l'ai modifiée à mon avantage, mais ne me suis pas senti mortifié. Sur la route de Valdepeñas je passe entre deux obélisques blancs, perdus de part et d'autre en rase campagne, limites ancestrales du latifundio. Et la nuit se met à tomber.

     

    À 21h il fait encore 38°, et j'erre encore à 25 à l'heure à travers la bourgade trop vaste pour sa nullité, demandant aux grands-mères assises sur leurs chaises au seuil de leurs demeures basses l'hôtel ou le camping. "Passez" me disent-elles "sous le tunnel de l'autoroute" – il n'y a là, en effet, qu'un hôtel,, dans un paysage de désolation. Je n'ose pas demander à la réception où se trouve le terrain de camping... cette satanée agglomération n'en finit donc pas... Surgie d'entre les maisons basses une moto sans lumière se jette sur moi, les vieilles jettent leurs malédictions, et je ne saurai jamais à quoi peut corresponde ce Monumento a la Victoria signalé sur la carte. Victoire sur nous les Français.

     

  • Monségur 47 - Excellent roman

     

      • "Je partirai quand je voudrai" – c'est dans le texte. "La terre est lourde sous mes bottes.

     

    "Je me brosse, m'ébroue, renifle et mène grand tapage ; à son réveil ainsi Gargantua "rotait, pétait, fientait"-

    Sur le lit avec le chat.JPG


     

      • Poursuivez ?

     

    "...ainsi faisaient à Léningrad en 42 les Commissaires du peuple, quand les troupes hitlériennes, afin de les fusiller, les firent avancer de trois pas dans la neige : Sur toute la ligne se déclencha une série de raclements de gorge et de reniflements. Par un absurde respect de ces ultimes manifestations humblement humaines, les exécuteurs attendirent leur totale extinction avant de tirer leurs rafales – c'est horrible !

     

     

     

    X

     

    AVANT-PROPOS

     

    Les biographies littéraires présentent toutes sans exception un point désespérant : celui où lHomme, promis jusqu'alors à une destinée obscure et à la mort, bascule d'un coup là-haut vers la lumière, les projecteurs, la Vie. La phrase fatidique immanquablement commence par "Il rencontre..." - et c'est précisément là, et non ailleurs, qu'intervient l'injustice de la Prédestination. Et comme le lecteur admiratif ne peut se satisfaire de cet impitoyable couperet, il va fouillant, désespérement, tous les interstices de la biographie (mais il n'y en a pas), susceptible de justifier rationnellement, tant soit peu, cette dure injustice, cette iniquité du sort.

     

     

     

    X

     

     

     

    Description du mur extérieur

     

    Meulières effritées, délitescentes. Trous plâtreux et fourmis. "Que feriez-vous devant un mur infranchissable ?" (test de l'armée). Il y en a qui pissent.

     

    Moi j'examine les lichens, les insectes.

     

    "Salut !"

     

    C'est un petit homme jaune essoufflé, déjà si tôt ce matin, qui pousse un vélo; avec des pinces à vélo, un col de sacristain ; les sourcils en aigrettes et des yeux de clebs. Il pue l'anis.

     

    "Vous n'êtes pas d'ici ?

     

      • Du nord.

     

    En ce temps-là je racontais vraiment ma vie à n'importe qui.

     

    "Je suis Breton" me dit-il.

     

    Rien à foutre.

     

    Des touffes de poils sur la pomme d'Adam et dans les oreilles ; dans le silence, le pédalier croque un grain d'acier. Le curé déglutit (la pomme d'Adam qui monte et qui descend) :

     

    "Vous avez de la famille là-dedans ? vous êtes le fils Ménestrel ?" - démarche, cou tendu, les yeux dans le vague – je suis tout mon père – et cet homme me dit :

     

    "Je suis le curé Meneau ! C'est moi qui fais le catéchisme aux enfants !" Comme si c'était la nouvelle du siècle. "C'est bouillant à cet âge-là ! Ça répond sans réfléchir !

     

        • Oui.

        • Ce n'est pas un endroit ici pour passer les vacances."

    Sa voix gazouille. Sa voix glousse. Grince.

    "Au revoir Monsieur Ménestrel. A bientôt !"

     

    Qu'est-ce qu'il pue. Le Ricard. Il s'enfonça du côté de l'aurore, et, autour de ses chevilles, le falzar drapeautait.

     

     

     

    Sept heures cinq. Les coqs braillent, les chiens gueulent en contrebas.

     

    Je reconnais un rocher. Je monte dessus. Roc immédiat, hanté de possibles chèvres. C'est une plate-forme de 4m² à pic sur trois côtés, la cime des arbres à mes pieds. Le vent dans mes cheveux, le chemin jaune en bas, le tracteur qui déjà pétarade, la vallée du Lot. Ses villas.Blanches.Des œufs de fourmis – La terre infestée d'hommes, de Robert Merle. Je suis blasonné de soleil, écartelé de vent. L'auteur dit j'écarte les bras et danse au-dessus de l'abîme bientôt tu ne danseras plus (...) mes lourdes bottes (...) indépendantes (...) ainsi dansaient les fils d'Erin les bras au corps.

     

    Frappant les cuisses. Les Garibaldiens de Sicile (Allonsenfants) – j'ai faim.

     

    Je redescends les cuisses raides, un volet poussé bâille, trogne somnolente, un cul levé tape un tapis sur le seuil Je peux déjeuner ? La tapeuse se redresse et me prend pour un fou. Je demande si la mansarde du premier est toujours libre – "Vous ne reprenez pas votre ancien logement? - Pas question." Brune boulotte de 54 ans, hagarde. "Me ferez des œufs ? - Monsieur Ménestrel ?

     

      • Oui ?

      • Faudra vous raser.