Proullaud296

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der grüne Affe - Page 106

  • D. décline

    Grappe humaine.JPGEh bien les potes plus moyen de transcrire quoi que ce soit, j'ai perdu mon "libre office" et on me renvoie sur je ne sais quoi, avec des indications in english (ne vous en faites pas, bientôt ce sera de l'arabe). Alors vous aurez droit à n'importe lequel de ces blogs où l'auteur vous informe de son dernier rang de tricot ou de ses hémorroïdes. Parce que j'ai toujours eu l'ambition d'être littéraire, farpaitement, et vous aviez droit à mes glorieux fonds de tiroir : je me suis fait éditer à petit bruit par l'amitié, mais depuis 1o ans, plus rien : vous savez, quand on a raté le train de la sociabilité à 6 ans, c'est insurmontable. "On ne joue pas avec toi, t'es fou". C'est Nicole Duchêne qui m'a dit ça, et d'autres me l'ont confirmé tout au long de mon adolescence et de mon existence. Et ceux qui s'imaginent qu'on peut se réformer avec je ne sais quel yoghi, prêtre ou psychiatre, je le prends et je le retourne. Allez sans rancune, j'aime l'humanité mais de loin, il y a de tout sur ces blogs, et je retrouve souvent des grincheux, alors tout baigne. Ci-dessus, vous avez l'Hermione, fraîche et moulue des chantiers de Rochefort, en visite à Bordeaux, ce fut grandiose. A bientôt, lecteurs et lectristes !

  • Guerre, crime et légitime défense

     

    Nous ne parlerons pas de la légitime défense. Nous ne parlons pas ici de la guerre. Ne pas oublier que Jaurès aimerait bien remonter aux causes profondes du crime, aussi ; il existe des criminels qui n'ont jamais versé une goutte de sang, mais qui ont poussé au suicide, ou à la crevaison par manque d'aliments, sur la terre entière.

     

    Une petite émission ne règlera rien, et les arguments se multiplient à l'infini, on peut toujours en trouver sans fin, quelle que soit la cause, Montaigne nous l'a dit, en un temps, justement, de guerres de religions, où l'on s'assassinait aussi au nom de Dieu – et des intérêts politiques aussi, mais les exécutants, les bien-nommés, ne veulent pas entendre parler des causes premières, et les commanditaires ne sont pas les assassins proprement ou salement dits. A titre personnel, j'espère ne jamais être en état de légitime défense : parce que je suis tellement con que je me laisserais peut-être faire comme un vulgaire Jésus-Christ, et si je tue mon assaillant, je ne pourrais plus me regarder en face dans une glace.

     

    Quelle idée aussi d'être si sensible, si tremblant au-dessus de la machine à écrire, si lavette, si lopette allons-y ça fera homophobe tant qu'on y est, les pédés se font exécuter par écroulement d'un mur de briques pour ne pas souiller le bourreau, bravo l'Iran, des noms, merde, des noms, je rappellerai seulement ce commandement : « Tu ne tueras pas ». Et je ne crois pas en Dieu. Qui dans la Bible aussi, parfaitement, dit parfois n'importe quoi. Il dit « Tu ne tueras pas ». Je m'en tiens là, avec ce mélange inextricable mais infiniment respectable de raisonnement, d'instinct, de sensibilité, de mystère, qui forme l'infiniment petite et l'infiniment grande personne humaine. Chaque personne humaine. Nous aurons parlé davantage du sujet du livre que du livre lui-même, de sa composition, facilitant la consultation et la disponibilité des informations, nous l'aurons disculpé de son apparente partialité, car il expose les deux thèses, y compris celle des abstentionnistes qui dans le doute, se décident, comme le prévoit la loi, en faveur de l'accusé. Partageons à l'antenne le si vilipendé, si conspué Robert Badinter, dont la victoire ne sera jamais totalement acquise, mais le reste, depuis ce discours du 17 septembre 1981 devant l'Assemblée Nationale Française, qui n'est pas le ramassis de canailles que certains voudraient nous le faire croire.

     

    Il n'a toute sa vie cessé de combattre contre le crime. « Mais, ajoute-t-il, « ressentir, au profond de soi-même, le malheur et la douleur des victimes, mais lutter de toutes les manières pour que la violence et le crime reculent dans notre société, cette sensibilité et ce combat ne sauraient impliquer la nécessaire mise à mort du coupable. Que les parents et les proches de la victime souhaitent cette mort, par réaction naturelle de l'être humain blessé, je le comprends, je le conçois. Mais c'est une réaction humaine, naturelle. Or tout le progrès historique de la justice a été de dépasser la vengeance privée. Et comment la dépasser, sinon d'abord en refusant la loi du talion ?

     

     

    Gréements de l'Hermione.JPG

    « La vérité est que, au plus profond des motivations de l'attachement à la peine de mort, on trouve, inavouée le plus souvent, la tentation de l'élimination. Ce qui paraît impossible à beaucoup, c'est moins la vie du criminel emprisonné que la peur qu'il récidive un jour. Et ils pensent que la garantie, à cet égard, est que le criminel soit mis à mort par précaution.

     

    « Ainsi, dans cette conception, la justice tuerait moins par vengeance que par prudence. Au-delà de la justice d'expiation, apparaît donc la justice d'élimination, derrière la balance, la guillotine. L'assassin doit mourir tout simplement parce que, ainsi, il ne récidivera pas. Et tout paraît si simple, et tout paraît si juste !

     

    « Mais quand on accepte ou quand on prône la justice d'élimination, au nom de la justice, il faut bien savoir dans quelle voie on s'engage. Pour être acceptable, même pour ses partisans, la justice qui tue le criminel doit tuer en connaissance de cause. Notre justice, et c'est son honneur, ne tue pas les déments. Mais elle ne sait pas les identifier à coup sûr et c'est à l'expertise psychiatrique, la plus aléatoire, la plus incertaine de toutes, que, dans la réalité judiciaire, on va s'en remettre. Que le verdict psychiatrique soit favorable à l'assassin, et il sera épargné. La société aceptera l'assumer le risque qu'il représente sans que quiconque s'en indigne. Mais que le verdict psychiatrique lui soit défavorable, et il sera exécuté. Quand on accepte la justice d'élimination, il faut que les responsables politiques mesurent dans quelle logique de l'Histoire on s'inscrit […]

     

    Il s'agit bien, en définitive, dans l'abolition, d'un choix fondamental, d'une certaine conception de l'homme et de la justice. Ceux qui veulent une justice qui tue, ceux-là sont animés par une double conviction : qu'il existe des hommes totalement coupables, c'est-à-dire des hommes totalement responsables de leurs actes, et qu'il peut y avoir une justice sûre de son infaillibilitéau point de dire que celui-là peut vivre et que celui-là doit mourir.

     

    À cet âge de ma vie, l'une et l'autre affirmations me paraissent également erronées. Aussi terribles, aussi odieux que soient leurs actes, il n'est point d'hommes en cette terre dont la culpabilité soit totale et dont il faille pour toujours désespérer totalement. Aussi prudente que soit la justice, aussi mesurés et angoissés que soient les femmes et les hommes qui jugent, la justice demeure humaine, donc faillible. Et je ne parle pas seulement de l'erreur judiciaire absolue, quand, après une exécution, il se révèle, comme cela peut encore arriver, que le condamné à mort était innocent et qu'une société entière – c'est-à-dire nous tous – au nom de laquelle un verdict a été rendu, devient ainsi collectivement coupable, puisque sa justice rend possible l'injustice suprême. Je parle aussi de l'incertitude et de la contradiction des décisions rendues qui font que les mêmes accusés, condamnés à mort une première fois, dont la condamnation est cassée pour vice de forme, sont de nouveau jugés et, bien qu'ils s'agisse des mêmes faits, échappent, cette fois-ci, à la mort, comme si, en justice, la vie d'un homme se jouait au hasard d'une erreur de plume d'un greffier. Ou bien tels condamnés, pour des crimes moindres, seront exécutés, alors que d'autres, plus coupables, sauveront leur tête à la faveur de la passion de l'audience, du climat ou de l'emportement de tel ou tel.

     

    « Cette sorte de loterie juciaire, quelle que soit la peine qu'on éprouve à prononcer ce mot quand il y va de la vie d'une femme ou d'un homme, est intolérable […] Pour ceux d'entre nous qui croient en Dieu, lui seul a le pouvoir de choisir l'heure de notre mort. Pour tous les abolitionnistes, il est impossible de reconnaître à la justice des hommes ce pouvoir de mort parce qu'ils savent qu'elle est faillible.

     

    « Le choix qui s'offre à vos consciences est donc clair : ou notre société refuse une justice qui tue et accepte d'assumer, au nom de ses valeurs fondamentales – celles qui l'ont faite grande et respectée entre toute – la vie de ceux qui font horreur, déments ou criminels ou les deux à la fois, et c'est le choix de l'abolition ; ou cette société croit, en dépit de l'expérience des siècles, faire disparaître le crime avec le criminel, et c'est l'élimination.

     

    « Cette justice d'élimination, cette justice d'angoisse et de mort, décidée avec sa marge de hasard, nous la refusons. Nous la refusons parce qu'elle est pour nous l'anti-justice, parce qu'elle est la passion et la peur triomphant de la raison et de l'humanité.

     

    […]

     

    J'en ai terminé. »

     

  • Questions très anciennes

     

    BERNARD DEFRANCE « LE PLAISIR D'ENSEIGNER »

     

    Questions posées à l'auteur, en présence de quelques-uns de ses élèves :

     

      • « Le plaisir d'enseigner » : pourquoi le titre ?

      • Les élèves ont-ils plaisir à être enseignés ?

      • Trouée sur la Garonne.JPGComment les avez-vous préparés à l'émission ?

      • Votre expérience est-elle universelle ? Peut-elle être valable pour des élèves de 14 à 16 ans ?

      • Une expérience peut-elle se transmettre ?

      • Quels sont les défauts que vous trouvez insupportables chez les profs ? Les névroses ?

      • Quelle proportion de profs acceptables ?

      • Si le prof n'a plus le droit de punir ni de séduire, quelle est sa marge de manœuvre ?

      • Un prof de maths peut-il transformer son cours en exposé des griefs ?

      • Croyez-vous que les élèves auront la patience de supporter les tâtonnements du prof dans sa marche vers l'amélioration ?

      • Que faire contre l'indiscipline ?

      • Ne croyez-vous pas que les entretiens peuvent tourner en rond de façon répétitive ?

      • Que faire si personne n'a la forme ?

      • Laissez-vous dormir vos élèves ?

      • Les laissez-vous faire de l'histoire-géo en classe de philo ?

      • Y a-t-il un rapport pervers entre fascisme et enseignement ?

      • Les élèves n'exagèrent-ils pas dans les proportions de leurs ripostes ? Pourquoi chahutent-ils avec les profs faibles au lieu de choisir celui qui les emmerde précisément ?

      • Pourquoi vos élèves sèchent-ils les cours ?

      • Le bas peuple a-t-il envie d'apprendre ? Pourquoi veulent-ils aller travailler alors que tous nos efforts visent à empêcher qu'ils ne soient exploités trop tôt ?

      • Faut-il avoir pitié des élèves qui n'ont rien foutu, qui ont démoli des cours et des profs, et qui viennent agresser l'orientateur alors qu'ils n'ont rien voulu foutre pendant huit ou neuf ans ? Et se retrouvent évidemment au chômage ?

      • Ne doit-on pas se sentir encore plus éminemment coupable après avoir lu vos

     

    remarques, si l'on échoue encore ?

     

    La réforme passe par la modification en classe du rapport entre prof et élèves et non pas par des réformes administratives qui ont à peu près autant d'effet que celle du statut des pharmaciens sur la lutte contre le sida...

     

  • Agenda, montre, etc.

     

     

      Ma femme s'affaiblit. Ma fonction est de décrire ce qui se trouve devant mes yeux. J'ai là un agenda 2009, rebaptisé 2014 par le moyen d'une étiquette scolaire, lignée de vert : "4 saisons en 20..." est en lettres faussement dorées, quatre colonnes du même or alignes de faux pictogrammes chinois signés "Miel", du nom de leur peintresse : une femme charmante, intelligente, trop belle popur moi. La mienne eut son apogée aux débuts de sa grossesse, printemps 72. Elle ne devait plus jamais être si belle, et je l'ai trop accablée de reproches, l'accusant de m'avoir gâché ma vie, comme j'ai fait de la sienne, mais nous étant à la fois sauvés l'un l'autre, car nous ne savions que trop dans quels abîmes nous aurions sombré, elle de la folie, moi de l'alcool.

     

    A présent elle passe devant moi dans sa vieille robe de chambre vieux pourpre, voûtée, traînant des pieds, vers ses rêves sous les couvertures. Devant moi j'ai sur le bureau une montre et son bracelet, sur le chant, avec son cercle de faux acier, son écran gris kaki portant une heure indue : soixante minutes d'avance, heure d'été déjà, d'ici je ne distingue pas les chiffres : le pourtour est noir, puis la structure ronde, virile, sportive, et les deux demi-cercles du bracelet, sans souplesse. Elle pose ainsi de profil sur une enveloppe courte et carrée, à demi engagée sous l'agenda. Ce registre à tranche dorée relate plutôt ce que j'ai fait que ce qu'il reste à faire, c'et donc plutôt un memorandum. Tous les jours j'y note ce que j'ai fait la veille, et relisant de vieux carnets de ce genre pour 81, je ne retrouve plus la mémoire de tous ces familiers que je mentionnais, comme allant de soi : qui était Philippe Martin ?

     

    Nous voyons donc en superposition : l'agenda de faux cuir 2009 rectifié 14, la montre bien ronde aux boutons sans emplois, l'enveloppe carrée au volant soulevé, une petite carte postale à l'envers de mêmes dimensions, et dans le noir, à l'extrémité du bracelet de faux je ne sais quoi, le piédestal plat deviné de mon écran plat offert par le petit-fils pour Noël. À l'idée de décrire l'écran, l'à quoi bon me prend, et je vérifie mon reste de minutes : Dieu merci dix, seulement. Ce que nous écrivons risque toujours d'échouer sur la plage des documents antiques : nous ne pouvons plus apprécier Aristophane ou Rabelais par manque d'informations sur ces temps-là, que l'auteur n'a pas donnés, comme allant de soi.

     

    Ce que je fais, bien d'autres le font, sans dépasser le cercle de leurs petits lecteurs. Mais sur ces textes proliférants se fonderont j'ose croire tant d'imaginations à venir, s'il nous reste un cerveau parmi nos implants, et des cœurs sous nos pacemakers. Nous sommes méprisés, récupérés, moins sous la boue que les plombiers-zingueurs, mais tout de même. C'est le temps, le sujet, comme toujours. Les objets qui subsistent. Le mouchoir de Flaubert, son dernier verre, petit, épais, sous une vitrine. D'Anne-Marie subsisteront les tableaux, minces, médiocres ou magnifiques, et les littératures qui les ont fait naître ne seront plus. Alors je témoigne, je témoigne, "je t'empoigne" et nous écrivons. Le dessous de l'écran n'est qu'une caverne à l'ombre, où disparaît le bois du meuble. Juste au-dessus la petite architrave, avec sa lueur vert anis, ne prononcez pas le "s", et la grande architrave fendue sur toute sa longueur. Au-dessus, c'est l'Ecran. Sa grande bordure bleue, sa "barre", comme ils disent...

    Hommage au peintre.JPG

     

     

  • Gretel dans la nuit

     

    A 23h, Gretel se promène. Son quartier présente des terrains vagues, mal fermés de palissades. Les grues dardent leurs antennes clignotantes. C'est un coupe-gorge. Si le Vieux savait ça, il se réjouirait en dedans. Il hausserait son épaule valide. Gretel clopine entre les fondations béantes. Au coin des rues tracées les rôdeurs se concertent. Mais Gretel traîne un gros cabas gris, bourré de pelotes et de légumes T'aurais plus d'emmerdes que de blé Gretel sourit, flattée. Au bout d'une palissade anonyme et d'une place s'étire une enseigne rouge sous quinze étages de béton vide ; pendant près d'une heure elle guette la fermeture. Taxi-Club. Jusqu'à ses pieds le néon diffuse ses braises.

     

    1. Sur les pavés froids passent les ombres fantastiques des buveurs. À minuit l'enseigne s'éteint, le grésillement du néon renvoie au plus épuisant silence, tandis que revient le grondement de la ville; Devant la porte sombre un homme remue les poubelles et les roule au fond de la place, dans un recoin d'où tombent les lumières, plus loin, en en bas. Il tombe dans sa poche un trousseau comme un gémissement d'acier. S'il fait tout à fait noir je demande des nouvelles du fils. L'ombre navigue en vacillant à travers les pavés, portant de près un laid complet de confection, le sourire vide. Un gros ours en peluche qui se dandine. Pardon monsieur je vous aborde en pleine rue n'allez pas penser - vous voyez comme je suis habillée parce que dès qu'une femme aborde un homme tout de suite on va s'imaginer il s'arrêteet la cherche des yeux sans cesser de sourire d'habitude je sors en cloche, un vieux manteau marron la voilette, le long des murs en vieille souris personne ne m'embête c'est bête les hommes dit l'inconnu juste aujourd'hui dit-elle je suis sorti en catogan – de velours orné de serre-tête – et ça suffit – vous voyez ce type là-bas qui traverse il voulait coucher avec moi c'est terrible à mon âge elle demande quand elle sera enfin débarrassée de cette chiennerie je l'ai remballé il a insisté "mon vieux t'as l'air con" je lui dis, je serais un homme ça me vexerait mais lui non il continuait – ne partez pas tout de suite l'homme en ours regarde indulgent le bandeau en oreilles de Mickey et les yeux charbonnés sur trois bons centimètres Les hommes dit-il c'est tous des cochons avec l'accent du Nord Tenez reprend Gretel jeudi dernier je monte en stop - je ne le fais plus c'est trop risqué – à peine cent mètres et tout de suite la main sur la cuisse, je suis redescendue Merde je lui ai dit Merde comme ça je sais pas moi je serais un homme l'Ours émet entre les dents un sifflement vus comprenez ce que je veux dire elle a vu tout de suite qu'il n'était pas comme les autres car au fond les hommes n'est-ce pas n'ont pas de chance avec les femmes jamais ils ne sont sûrs de bien tomber "vous allez vers les filles et toc vous êtes refusés – moi je vous le dis – quand je vois des jeunes filles faire les coquettes – j'ai envie de leur envoyer des tartes."Personnellement, la Gretel se voit en homme : attaquer "mais dès que l'homme a fait le moindre mouvement vers une femme elles vous font marcher c'est fini mais ajoute-t-elle si vous restez là dans votre coin tranquilles sans bouger – moi je suis spychologue c'est de la spychologie ça monsieur – je n'ai pas fait d'études mais j'ai beaucoup lu – je sais bien comment elles font les femmes allez et puis les hommes aussi c'est le manège éternel – si vous restez sans bouger vous êtes sûrs que la femme ira vers vous sinon c'est les femmes qui choisissent et ça c'est vrai dans le fond elles auront toujours l'avantage -

    2. - C'est vrai." Fait un pas de côté "Mon fils mon fils" fait Gretel en posant la main sur son avant-bras Plaît-il ? - Vous connaissez mon fils Denis, Denis Fitsel - ...il ne travaille plus ici" fait l'homme en rejetant la tête elle lâche son bras Attendez, attendez j'ai quelque chose – si vous pouviez luir remettre – Je ne sais pas où il habite" – elle fouille nerveusement dans son cabas, genou levé "juste un petit message" une pomme de terre germée roule au sol. Le gérant n'a sur lui ni stylo ni papier "Gretel, vous l'avez bien connu tout de même – "La Ficelle" ? Ça va faire trois mois qu'il est parti. - Vous avez l'air si aimable, si – compatissant" – l'homme -ours rit silencieusement, découvrant ses dents sous la lumière jaune.

    3. Peint sur le mur.JPG

      Gretel a trouvé un bout de crayon "vous avez de ses nouvelles ?" Sur la face de l'ours retombe le masque noble, vide et professionnel du barman. "Il est à Paris je crois. - A Paris ? - Ou Marseille je ne sais plus." Il fait trois pas elle le suit. Elle dit qu'elle aurait aimé voyager. "J'étais stewart, madame, sur les lignes libanaises – J'aurais voulu vor la Bulgarie, la Roumanie... - De beaux pays, de beaux pays." Il marche plus vite. Elle propose la bonne aventure. "Je vais m'installer à mon compte. À Nevers. Avec Denis. - Denis ? - Sifakis, un Grec, un ami." Elle tire de sa poche une poignée de bons de réduction "c'est pour lui" dit-elle en baissant la voix", "ça peut servir vous savez" Donnez. Il les fourre dans sa poche
    4. Une étiquette rouge lui échappe dans le caniveau. Gretel la ramasse, l'essuie sur sa jupe et presse le pas J'habite juste à côté, prochaine à droite – Moi je tourne à gauche, vous voyez. - Excusez-moi monsieur je vous aborde comme ça en pleine nuit n'allez pas vous imaginer" le gérant n'imagine rien, fait dix pas et se retourne, Gretel s'est arrêtée ils se regardent et s'éloignent l'un de l'autre. Gretel a bousculé sa porte, s'essuie les yeux et trébuche en se déchaussant sur le paillasson ; Soupov tourne la tête.

     

  • Le contrat de midi

     

    Ici 30 janvier 2062. Ici 30 janvier 2062. Seigneur ayez pitié de moi car je suis nul. J'entreprends une chose que tout un chacun a déjà faite, pour le plus grand malheur, bonheur, ou la plus grande indifférence de sa postérité : enfants, petits-enfants, s'il savent lire, et quinze siècles ont passé, et Grégoire de Tours est toujours vivant, j'en possède une médaille, avers et revers, sculptée par Maître Paoli. Il pleut, une scie à pierre retentit dans la rue pour la nouvelle maison, aveugle et très haute. Hier donc à midi ne se signale d'aucune victoire sur les Perses ou les Saxons, mais par un travail acharné à la fois et très mou, celui de mon oeuvre léguée aux poussières d'asticots. Mais vaillamment je porte ma petite croix de bois léger, et vous en aurez.

     

    Il ne s'est rien passé, j'ai englouti du risotto avec poulet souffrant, blanc et fondant. J'ai refait un lit aux multiples couvertures, je me suis reposé, et vous, qu'avez-vous fait ? Le jeu consiste à s'étendre sur un canapé vert de skai troué, dont un accoudoir soutient mes péronés raides. Puis à sombrer dans une agréable rêverie douloureuse, où surgissent des constructions imaginaires répétitives : mes disciples, leurs locaux, toutes sortes de lieux où je bouge et m'agite, où je vis enfin. Nous poursuivons nos mystérieuses énergies, à mon rythme, à son rythme, car nous vivons en couple. Nos échangeons nos codes et nos anecdotes plus ou moins remaniées, y trouvant un charme. Nos connaissances les plus chères, masculines pour mon épouse et pour moi faminines, sont menacées d'un redoutable cancer. L'ami masculin se tape une grosse couille en langage vulgaire, et mon amie qui m'aima tant une forme de leucémie, contre laquelle je sais qu'elle se mobilisera sans épargner les forces de sa râlerie. Les seuls évènements sont les sentiments face aux adversités. Ces dernières vous arrivent, sans qu'on puisse connaître en elles ses responsabilités. Ainsi, d'occupations en occupations, de lectures en consultations de blogs ou de facebook, mamelles de notre temps qu'uen panne d'électricité suffira à détruire, nous parvenons à l'extinction de l'après-midi.

     

     

    Chat sur carrelage.JPG

    Il ne s'agit que de trombes d'eaux et de coups de vent, de porte en bois qui bâille refermée à l'aide d'une échelle bien pesante. Nous parlons, Arielle et moi, de nos deux destinées, de leurs différences et ressemblances. Nous refeuilletons l'album de nos destinées : j'ai écouté, allongé sur le petit lit, des extraits du Freischütz de Weber pressés en 1969, l'année de Woodstock, après laquelle plus rien ne serait comme avant. Sur la couverture, un splendide cor du XIXe siècle expose les gravures intérieures de son pavillon. Et c'est Kempf qui dirige. Nos écoutions cela jadis, exaltés, chantant avec les virils chasseurs "Yo-hô tralala tralala" dont l'attaque est si joyeuse, si couillue. A présent le disque miaule, brouille les sons sous le saphir en plastique made in China, et même il a fallu me relever pour pousser un peu le bras de lecture, vu la répétition, la répétition du même motif : rayure. Et je nous évoquais coincés dans cet atelier de 7m sur 3, où nous attendions la gloire au milieu des exhalations du radiateur à gaz. Arielle peignait, je lisais ou composais des fragments à présent réunis pour l'éternité dans leur armoire verticale. Et nous savions de source sûre qu'un jour, sans qu'il nous en coûtât rien, l'univers viendrait prosterner devant nos œuvres ses pieds admiratifs. Hélas, nous n'étions pas doués aux jeux de société, nous étions repoussés dès que l'on nous voyait, et les couleuvres se succédèrent dans nos gosiers larmoyants.

     

    Cela nos mena jusqu'à l'inéluctable messe, car le seul, le grand événement de nos journées séparées, c'est le Grand Journal de Vihngt plus avantageusement nomme le Grand Enfumage. Nous y apprenons l'incompétence et la mollesse de nos dirigeants, bardés de précautions pour ne pas déclencher la guerre, gérant le naufrage à grands coups de dossiers administratifs. Nosu voyons la Grèce redresser la tête grâce à l'éloquence de Tsakiris, qui ne pourra pas manquer de virer réaliste. Nous paierons donc, la Grèce aura cessé d'être esclave pour avoir embauché de nouveau les femmes de ménage du ministère des finances, et stoppé net les acquisitions d'hectomètres de quais et d'entrepôts.

     

    Le monde va de crise en crise, et la mafia constitue, après tout, le modèle même de l'organisation humaine, aussi les Napolitains appellent-ils la Camorra il sistemo. Ensuite, après des chipotages de vieux couple ou ploucs, nous atterrissons dans les jardins enchantés de la littérature, moribonde depuis sa naissance. Nous y voyons la dégaine et le visage fascinants de Virginie Despentes, qui porte l'alcool et la vie sur ses joues, dans ses yeux larges et attentifs, et qui évolua, dit-elle, depuis Baise-Moi, où le fin du fin consistait à tuer les hommes d'un bon coup de revolver dans l'anus. On ne comprend pas ce qu'elle dit, elle se la joue Sagan, elle est Sagan, elle écarte les jambes sur son fauteuil.

     

    En face un pédé marocain, lui aussi très sympa, salué d'un "Encore !" par ma stupidité, expliquant qu'à treize ans sa volonté fut déjà d'émigrer à Paris, où l'on peut s'enculer sans problème. Nous avons apprécié Busnuel, qui donne à chacun sa chance, anime ces personnes qui n'ont rien à se dire, effectue entre eux des rapprochements, présente tous ses livres comme autant d'œuvres intéressantes, sans jamais parler de leur style, qui fait tomber des mains les livres laborieux. On ne sait plus ce qu'on lit. Au moins, les classiques sont les classiques. On sait qu'on ne perd pas son temps. Pourquoi l'écrire ? insistait un philosophe dans une réunion ; celui-là ne se consolait pas de son refus chez l'éditeur, et voulait réduire les autres au silence. En ce temps-là, j'étais vivant, je traçais sur ma paume l'Etoile de David et je faisais dédicacer mes livres par l'auteur. Jamais je ne passerrai dans les émissions littéraires, à moins qu'on ait pitié de ma silhouette branlante à braguette baveuse : l'urine, l'urine de Paul Guth. Nous quittâmes l'émission emballés, prêts à acheter tel ou tel, et tel est le but du jeu. Puis nous nous calmâmes de part et d'autre d'une glace au café, puis je laissai Arielle rejoindre sa vie mystérieuse de seule au lit, où elle vit pleinement, comme moi dans mes involontaires rêves.

     

    Pour achever ma journée, je me replongeai dans ce que les médias nomment les "réseaux sociaux", dont ils prédisent une apocalypse à venir, mais depuis le temps, personne ne les croit plus. Depuis plus de 30 ans Télécaca criaille qu'Hannibal est à nos portes, et nous déroule sur des pages ses têtes de premiers de la classe, qui réussissent une semaine et replongent dans la boue des foules. N'empêche que j'aurais bien aimé, moi aussi, relever les narines au-dessus de la vase pour qu'on, aperçoive mes bulles au-dessus du marécage. Je me plonge dans Facebook, surnommé Fesse-Bouc par les humoristes, et me délecte d'appels à la haine des djihadistes, des célébrations d'Israël dont les avions de chasse out survolé Auschwitz, des projets pour bouleverser l'Education Nationale, qui ferait mieux d'en revenir purement et simplement au préceptorat, avec CAP de vacher ou de menuisier à partir de treize ans.

     

    Me voici à la fin de mon petit contrat, persuadé d'avoir pondu un petit bijou de Fabergé, qui sent un peu la merde de la poule.