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der grüne Affe - Page 102

  • Imbibé de soi-même et Fils de Dieu

    Il faut être imbibé de soi-même. Non pas imbu mais imbibé.  Que toutes les pensées procèdent de la littérature, comme un évêque se trouve sans cesse immergé dans la prière. Quoi qu'il fasse, à quoi qu'il pense. “Je suis toujours” disait Mgr Marty – “en prières”. Ainsi toutes les pensées nourriraient-elles une espèce de composition perpétuelle. Nous voilà sauvés. Les lieux communs coulent de source. Tous nos écrits doivent traîner en tous lieux, comme autant de témoignages désespérés. Je sais désormais que chaque ligne procède de l'immortalité.
        Je bats des mains, une éphémère tombe. “Quel orgueil !” disait Lazarus. “Quel orgueil !” Qui est-ce que ça va intéresser ? Tout le monde, mec, tout le monde. L'apaisement de savoir que tout cela sera imprimé, diffusé. L'assurance d'être, par décision de soi-même, un des vieux briscards de la littérature. Et surtout : écrire à la main, écrire n'importe où, avec la certitude de ne pas être lu.
    La fumée.JPGLES FILS DE DIEU        25 12 2046

        ...respecter cet élan de tout un peuple de fils de Dieu. Tout cela est bien bizarre. Et j'écris. Pour l'instant je ne vais vers l'homme que sur un petit carré de papier où l'ombre de ma main même recouvre ce que j'écris. A mes élèves je donne tout, et c'est pourquoi ils me reconnaissent. Ce sont les seule à qui je donne sans restriction tout ce qu 'jai. Je n'ai pas droit à la moindre restriction, de conserver par-devers moi quoi que ce soit, car tout est à eux. “Chacun de vous est le comble du mystère” - notez, notez. Ils sont destinataires de mon tout, et peut-être trouverais-je une inspiration illimitée, un souffle illimité, si je me figurais seulement que c'est à eux que je parle, à eux que j'expédie mon œuvre.
        Qu'il existe par le monde autant d'hommes capables et coupables de penser , d'écrire et d'avoir le temps d'écrire est une chose qui doit m'encourager. Tourne-toi vers le meilleur des hommes et de toi et ne crois pas qu'ils te détestent. Et cependant qu'il est compliqué de vivre. Etrange page quui m'incite à écrire sans honte et à m'amuser de chacun de vous comme aux membres de ma famille disparue (dans la considération de l'argent). Dieu est avec toi, car il a inspiré tous ces inconnus sublimes dont s'inspirent les Revues Littéraires.  Et moi aussi j'appartiens à ce lourd essaim obscur et laborieux.
        Et je ne serai pas moins inconnu qu'eux tous. Combien de sages de l'Inde... C'est la matière humaine qui ne doit périr et non ton propre nom. Propose-leur un jour autre chose que de la [le texte s'interrompt ; le mot manquant serait-il merde ? ]

  • Un chef-d'oeuvre de BHL

        On va dire « encore lui », encore BHL, on va dire « il fait sa pub », « il a ses séides, même ici, à la Clef des Ondes » eh bien non, pas du tout, pas du tout, je n'ai nous n'avons pas touché un radis pas un shékel, et de plus, l'ouvrage dont nous parlons a paru en 1984, ce n'est pas uen nouveauté tant s'en faut, en ce temps-là il n'y avait pas la Bosnie, il n'y avait que l'Ethiopie, vous avez la mémoire courte bande de gangréneux, et le mur de Berlin semblait éternel. Ici pas de ce petit jeu littéraro-commercial « tu me vantes je te vends ». Si je vous parle d'un livre c'est parce qu'il m'a plu, ou débecqueté, ou indifféré, parce que je l'ai lu, simplement.

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        Et celui-là,  Le Diable en tête, fini à Sore le 9 janvier 1995 à onze heures trente (j'ai le tic de noter tout cela en fin de chaque volume à moi qui me passe dans les pattes) – celui-là continue à me hanter. C'est l'histoire d'un mec. C'est la mienne à quelques détails près. D'abord, mon père n'a pas été un collabo bon teint comme celui du héros. Mais fouillez bien dans vos mémoires, frères quinquagénaires. Ensuite, il n'a pas été fusillé, mais seulement condamné à mort et gracié. Puis, je n'ai pas vécu dans le luxe avec ma maman, qui ne s'est pas remariée avec un Rrrésistant. Le luxe, je l'ai eu dans l'imagination.
        Et puis encore, il lui arrive toutes sortes de choses, à ce garçon gâté, adulé par sa maman, exécré par son beau-père qui le traite de fils de Collabo – la gaffe – trop tard. Je sais qu'il est facile de fabriquer un personnage, dont j'ai oublié le nom, de lui faire endosser tout un poids de passé bien choisi mais pas si rare j'insiste, de lui donner du fric dans le roman et de lui faire faire toutes les conneries possibles et imaginables. C'est l'histoire d'un mec, d'un fils de facho qui devient gaucho, qui finit propalestinien, qui se mêle de terrorisme en Italie -mémoire courte, vous dis-je, mémoire courte ! - qui s'engage comme ouvrier chez Renault – ça, c'était peut-être avant, mais je ne suis pas chargé de vous raconter le livre dans l'ordre chronologique, et qui découvre, le pauvre, que le prolétariat n'est pas formé de saints austères attendant la Révolution en se prenant pour Robespierre mais se souciant fort de toucher sa paye et de regarder la télé.
        BHL fait le portrait de tous les cocus de la politique de gauche, d'extrême gauche, de Mao à Staline à Trotsky à Che Guevara tout y passe et trépasse, et tout est traîné dans la boue par l'auteur, tout est échec. Si l'on prend un déchet de la bourgeoisie rupine et qu'on le trimballe dans toutes les situations oùles circonstances et les faiblesses humaines, que dis-je les névroses et le cabotinage le plus odieux, permettent de détruire tous les idéaux, c'est trop facile, et ce n'est pas une preuve. Un tel héros que ce X., éternellement jeune, éternellement dupe de toutes les théories et idéologies visant à régénérer enfin l'humain et à lepurifier de sa pourriture originelle, ne peut être utilisé comme démonstration. Cependant, tout invraisemblable et récapitulatif, exhaustif même, que soit cet itinéraire, il n'en révèle pas moins en un résumé- un peu long, toutefois, un peu long : trop souvent un paragraphe eût suffi où BHL nous assène deux pages – mais en un résumé dis-je très caractéristique la théorie de son auteur, ailleurs illustrée dans un film : Les Aventures de la liberté.     C'est fou ce que l'on a voulu libérer l'homme depuis la Révolution Française, dont Dieu ou Y. me garde de vouloir remettre en cause etc. etc.   Mais du fouriérisme au socialisme au communisme au maoïsme à la fraction Armée Rouge à l'Intifadda et j'en passe (oui, je sais, je me livre à des amalgames à la noix, mais le dénominateur commun profond de tout cela est tout de même bien si je ne me trompe la justice universelle et la salvation de l'humanité où nous serons tous frères sauf les morts) -  nous avons tous cru, jeunes et vieux, à l'un ou l'autre de ces mouvements, àl'une ou l'autre de ces mouvances pour être moins précis, quand on n'y ajoutait pas en plus une bonne louchée de chistianisme ou de freudisme.
        Or, l'humanité ne peut être sauvée. BHL, qu'on accuse sans cesse d'aveuglement et de girouettisme dès 1984, date de parution du Diable en tête, notait déjà cette faillite de l'homme devant ce qu'on pourrait appeler son péché originel qui est la dose indispensable de connerie avec laquelle nous avons été créés, dose irréductible et que j'illustre en ce moment même avec mes propos de vieux croûton soit. Et rien ne m'a fait plus de plaisir jubilatoire que ce jeu de massacre de toutes les idéologies quand elles débouchent, et j'insiste bien là-dessus, sur la violence, car il est bon d'avoir la foi, mais il est mieux d'avoir les foies quand les -ismes se transforment en manuels de poseurs de bombes ou de trafic de drogues.
        Les idéalismes sont pourris, ont été pourris de tout temps par les petits malins qui ne songent qu'au pouvoir, et la lutte pour les libertés n'est en haut lieu qu'une lutte de paravents – à grands coups de paravents sur la gueule, bing, bang – pour plus d'argent et plus d'esclavage. Alors que aire, docteur Lévy ? "Il ne nous reste plus que le courage d'être lâche",  disait Philippe Noiret, perspective peu exaltante certes, mais pas plus que celle qui consiste à fomenter des attentats. Et puis si, perspective exaltante quand même, puisqu'elle nous laisse le vaste champ à des actions ponctuelles de grande envergure qui permet de se dévouer à toutes les causes nobles et ponctuelles qu'on voudra pour restaurer la dignité humaine, à condition de ne jamais généraliser.
        Apporter la télé dans les foyers de vieux, mais pas en Amazonie, par exemple, et l'exemple se discute ô combien ! Mais ces leçons de morale nous font chier, ô commentateur usurpateur.

  • Je me fais plus ou moins chier

    Voilà, c'est le bonheur, j'ai mangé des nouilles infectes, et ça vaut le coup que vous le sa-chiez. Ma femme bouquine elle me fout la paix, à part qu'elle voudrait bien que j'embraye après elle sur ce bouquin. La vie de Filippo Lippi, peintre, hétérosexuel, ayant foutu enceinte une nonne, grâcié par le pape. Mais j'ai bien du mal à finir "Il n'y a personne dans les tombes" de Taillandier, pas mal mais sinistre. L'auteur mélange Houellebecque et Renaud Camus, mais à la différence de ces derniers il n'a rien à dire, sauf des choses que je pense aussi, alors, j'ai tout ça à la maison. Vous n'en avez rien à foutre non plus. De toute façon je ne vous connais pas. C'est d'ailleurs pour ça que je vous parle. Bref, le bonheur, à un âge que je ne comptais pas atteindre, passé lequel on n'est plus qu'un vieux con. D'ailleurs ça fait longtemps. Etre et avoir été ? Avec la connerie, ça marche. C'est pas comme le sexe. Sûr qu'après m'avoir lu vous allez vous endormir moins cons. A part ça je me sens vide comme un cerveau de sixième redoublant, et je vais me farcir les désinformations nationales et internationales. Vous aussi vous vous demandez pourquoi vous regardez encore ce bourrage de crâne ? parce que ça remue. Et le soir, malgré mon âge (oh ! faites-le taire, une fois !) je me farcis Clubbing TV, les gonzesses sont super, et les mecs d'une banalité consternante. D'ailleurs les filles se roulent des pelles, c'est ce qu'elles ont de mieux à faire. J'arrête, parce que je vais dire des conneries - j'avais déjà commencé ? ah bon.

    sylvette anne et annie 3.jpgMa femme, c'est celle de droite. et no comment, please.

  • Jérôme

        Au milieu d'un fourré de doutes et d'interrogations, mon sort me mène au sein d'une méditation de Jérôme, futur saint. Elle concerne la meilleure façon de mener sa vie. Epinglons cette inconséquence de Cicéron, je crois, qui affirme ne pas se soucier des observations des autres sur son propre compte, "à moins qu'elles ne soient justifiées" : en effet, comment distinguer, et qui distinguera, les observations justifiées de celles qui ne le sont pas ? On y passe toute sa vie, à étudier précisément les réflexions des autres ! Nous dirions plutôt qu'il ne faudrait pas tenir compte de ces autres. Oui, mais s'ils se jettent à la traverse ? S'ils vous "taclent" ? La réponse n'est pas même simple chez Jérôme, lequel vante le monacat : il n'est rien de plus pénible de vivre dans une société restreinte et sans renouvellement perceptible.
        Non, il s'agirait pluôt de l'ermite, de l'anachorète, du "séparé. Encore se voit-on hanté par de certains dédoublements de nous, sous formes de démons hallucinatoires ou d'un phénomène cérébral qui se fait passer pour Dieu. Nous serions donc un carrefour d'influences rivales, un courant d'air. Cette conclusion sans appel et sans grande originalité une fois acquise, retournons-nous, retrouvons-nous, dans la Littérature, seul champ illimité à notre portée : ca    r la glose est inépuisable : à l'exemple des marins, entonnons un refrain joyeux en guise d'épilogue. La joie de vivre, en accord avec le modèle humain du Christ je suppose. Démerdez-vous, et soyez en accord avec vous-même, dédoublé en un Sauveur largement fantasmé.   
        Nous nous sommes trompés, tout est réductible, nul champ n'est sans limites. Ô désert que diaprent les fleurs du Christ ! Et c'est parti pour le délire litanique et l'exaltation à deux balles. Le désert, oui. Les fleurs du Christ, surtout des fleurs de sang, sous les épines, autrement, nous sombrerions dans la guimauve de calendrier des postes. Surtout ne rien prendre au sérieux, sous peine de tomber dans la paralysie tautologique : "Ce qui est, est". Ô solitude, où naissent ces pierres fameuses, desquelles – selon l'Apocalypse – se bâtit la cité du grand roi ! Les métaphores vont leur train. Les deux premiers mots exceptés, nous n'acceptons rien. Quant à la solitude, elle ne se peut concevoir, sous-entend Cicéron, que dans l'espoir d'une publication de ses écrits : dans le désert, mais bien en vue. Ô ermitage qui jouit de la familiarité divine ! Complétons Jérôme : cette familiarité avec le dédoublement se mérite, passés de nombreux écueils.

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        Il y faut une âme d'athlète, une lucidité sans faille, alternant avec l'extase. Et cette familiarité, que Dieu soit extérieur ou non, cette étincelle, cet éclair répété entre ces deux pôles de soi-même, consume sans devoir brûler, s'il est vrai que la conscience est le bien suprême. Alors, s'il est une conscience, elle ne pourra que se tourner vers un destinataire, et voilà pourquoi Dieu créa le monde et la conscience de l'homme, son extension à lui. Frère, que fais-tu dans le siècle, toi qui es plus grand que le monde ? Appel ici à la dignité, à la vanité aussi, à ce sursaut de crête de coq par lequel nous pensons nous élever au-dessus de notre charogne. Mais posé le Transcendant, nous en procédons, et notre orgueil n'est qu'humilité. L'absolu ne vaut rien. Il stérilise, anesthésie, endort. Tue. Bâillonne à tout le moins. Ne reste que le chant. Le bruit. Le Verbe. Boucle bouclée ? Jusqu'à quand un toit t'oppressera-t-il de son ombre ? Mais c'est qu'il y a de la véhémence là-dedans, un sacré mouvement, une bousculade !
        Ne saurons-nous sortir de ces morcellements, ne rendrons-nous pas justice à tant de conviction, à tant d'enthousiasme ? Én théos ! Il est vrai que Dieu résout tout, du moins ouvre tout, propose une clôture qui soit à la fois suprême ouverture, infinie diversité ! Sans chercher aussi loin, ne serons-nous pas sensibles à cet appel du large, appel au nomadisme de l'esprit, corps immobile mais âme cherchant Dieu dans son dédale ? Jusqu'à quand t'enfermera la fumeuse prison de tes cités ?  Mourons donc dans un bus déglingué, au fond de l'Alaska. Fuir ou rester ?  S'il le faut, part. Ma focale est coincée. Le monde relatif m'échappe. Crois-moi, il me semble contempler ici un jopur plus lumineux ! Je m'éveille face à l'aube, au bord de ma caverne.
        Bientôt le soleil torride me renverra dans mon abri. Pour l'instant je bâille comme un lion, avec le soleil dans l'œil. Libre, immobile, retiré, joint au monde par courrier, vagabond des espaces infinis de la prière et de l'adoration, revenant à moi-même assez souvent pour dissiper les craintes infondées de fusion, d'absorption... Je jouis d'avoir rejeté le fardeau de la chair et de m'envoler vers le ciel brillant et pur.  Adaptons : la chair serait notre télévision, nos écrans. Notre société de communication ? Non, puisque Jérôme écrit pour convaincre. La réalité subsisterait, mais plus pure, comme sous un cristal filtrant, la conscience du monde caché au-dessus de nous autres. Vivre en vibrante et constante alternance entre le Haut et le Bas.
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        Coucou, Jérôme, bonjour au lion, bonjour au crâne. T'as mal au cââne, visiblement, t'as mal au cââne. A présent il se débat, notre Jérôme, avec des visions bibliques, prises au pied de la lettre : Isaïe a vu le trône du Seigneur environné d'un couple de séraphin, de six ailes : deux pour couvrir le haut, deux pour couvrir le bas, deux enfin pour voler. Il disserte pour savoir comment il se fait que les séraphins soient à à la fois siégeant et volant. Qu'ils aient représenté le Fils et le Saint-Esprit, alors que d'autres ont vu le Fils Unique sur le trône. Il va falloir redescendre de notre ironie pour examiner ces symboles avec érudition. Parler du Christ, cuius domus sumus nos, dont  nous sommes la maison. “Il faudra donc ne pas nous souiller du péché”, dont le plus répugnant n'est-ce pas est la luxure. A chaque père sa spécialité : pour Augustin, c'est la culpabilité PARDON SEIGNEUR PARDON DE N'ETRE QU'UNE MERDE JE ME ROULE A VOS PIEDS SI ÇA NE PUE PAS TROP ; Jérôme, c'est le zizi : “Les trois commandements de l'Eglise sont PAS DE SEXE, PAS DE SEXE, et troisièmement PAS DE SEXE.” Eternellement il me faut surmonter cela. Il ne m'a pas été donné d'intelligence supérieure. Pourtant si : le pressentiment qu'enfermé dans un système clos, ce système devient littéralement, rigoureusement exact. La clôture de la pensée juive est emblématique de cette fascination : si l'on accepte la symbolique, la correspondance juive trait à trait de ce monde-ci et de l'autre ici bas même présente, rien ne permet d'en sortir, et tout se justifie au micron près dans une construction confortable et agrandissante.
        “Si toutefois jusqu'au bout nous gardons fermement le principe de sa substance”, principium substantiae eius. Latin d'Eglise, ordre des mots inversé. Citation de l'Epître aux Hébreux III. Ne peuvent avancer sans béquilles de chaque côté, afin de corroborer leurs dires, et que l'on se prosterne en les écoutant, devant Dieu, bien entendu, devant Dieu... Or plus Grand Corps Malade s'appuiera ostensiblement sur sa béquille, plus il en aura besoin : ça marche en sens inverse ; au lieu de te guérir, tu t'aggraves. Et l'exégèse de Paul mène aux langues de bois, qui fleurissent en chaire. Il faut expliquer les explications, comme un répétiteur de saint Thomas d'Aquin. Ce que je préfère aux sermons d'aujourd'hui, que l'on croirait écrit par un Michel Drucker.
        Et notre Jérôme de joindre référence à référence, Epître cette fois à Timothée. Il fait comme moi. Il se raccroche, faute de mieux en lui-même, aux textes saints, à l'Ecriture, puis il commente. Race de profs. Traducteur de la Bible, la Vulgate. Dispensateur de la bonne parole, par opposition avec l'hérésie. Accusé lui-même d'hérésie par les hérésiarques. “Dans la maison de Dieu, qui est l'Eglise”. Il y a, Sonia, ce que je pense avec le cœur, et ce que je dois faire et penser. A dire sans détours sa pensée, chacun se trouverait confronté aux ennemis en tout genre. Je ne veux pas passser ma vie entouré d'épées menaçantes. Au sein de l'hostilité de ma famille, sans compter ma femme à dompter.
        Donc je me fais aimer, j'opère des concessions, je prêche ce qu'il faut, je pense à l'extrême droite et je vote à gauche, voire à l'extrême gauche. Tu trouves cela bien curieux, et tu n'es pas la seule. Mes terminales de Belvès se demandaient aussi ce que je pensais vraiment. Et je répondais que je ne me sentais pas le droit de les désespérer. Dans ma fonction de professeur. Moi non plus je ne crois à rien, mais vous êtes vous -mêmes, adolescents, suffisamment pénétrés de nihil pour que je me dispense d'y ajouter mon nihil personnel. Et combien je m'en félicite, n'est-ce pas... Retournons donc au saint texte : Sequitur (Suite) “Et les Séraphins étaient debout autour de lui ; six ailes à l'un et six ailes à l'autre”. Et l'on y croyait. Pourquoi le Seigneur en effet n'eût-il pas envoyé ses visions ? Car si tu crois, tout devient possible, logique, évident, digne d'être rapporté, voire d'être aux autres imposé. Rien de plus terrible que la logique. “Tout change, et il n'y a que des opinions”.
        Autre écueil : l'évaporation du cerveau. Pétrification, sublimation : Eros, Antéros. Ordre et Désordre. Nous revenons toujours buter à cette aporie. Demeure l'action : il fit ceci, et fit cela, trame de tous les romans et récits. Puis à bien voir les hommes dans les rues, ou sur les journaux, mon Dieu, ce sont bien toujours les mêmes mille actions qui s'enchaînent autour de leurs axes toujours les mêmes. En mathématiques, il me fallait toujours en revenir au axiomes, aux théorèmes déjà depuis longtemps démontrés : le moyen de poursuivre une démonstration, lorsqu'il fallait toujours étayer les béquilles ? Le texte, le texte : “De deux ailes ils voilaient la face, de deux les pieds, de deux ils volaient, et duobus uolabant. On se voile la face devant Dieu, par respect, pour ne pas non plus être brûlé.
        J'ai oublié le sens de seraphim. Les voici donc en libellules. “Et ils criaient l'un à l'autre et disaient : saint, saint, saint le Seigneur Sabaoth, la terre entière est pleine de sa gloire” - “des armées”, sabaoth, “des armées”, Messieurs de Vatican II, armées d'anges et de dominations. Le ciel est un plafond d'Opéra, bourré d'anges bouffis et fessus, dans une avalanche de bleu et rose, sans une fissure de vide, roulant sur les nuages gras et ramenant leurs pans de voiles sur leurs grassouillettes anatomies de nourrissons géants. Bien préférables sont les libellules de Jérôme. Qui se crient dans la gueule sanctus sanctus sanctus, “et paix  sur la terre aux hommes de bonne volonté”, ce qui ne signifie pas que les autres sont dans la guerre et l'affliction. Se répéter comme en classe, le public se renouvelant chaque année. A présent s'approfondir, les classes ayant disparu. Je ne suis plus que devant moi, devant Dieu, qui est mon jugement. Mais alors : voir plus haut, impasse, aporie, sans étapes intermédiaires.  “Il n'y a pas de Purgatoire”. “Nous voulons savoir ce que sont les Séraphins debout autour de Dieu, ce que sont les six ailes de chacun et le total de douze” - m'sieu ! m'sieu ! Les apôtres ! Quomodo duabus uelent faciem et duabus pedes - “comment de deux ils voilent le visage”, etc... Jérôme professe, conte, répète...
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        Etrange explication en vérité d'estimer que les séraphins (de genre neutre) voilent la face de Dieu, et ses pieds, et non pas les leurs propres ; ce qui nous renvoie à notre ignorance de l'extrême passé , et de l'extrême avenir : qu'advenait-il avant le monde, qu'adviendra-t-il après le monde ? Il faudrait donc que le temps soit une dimension physique ? Et nous autres, humains, n'aurions pour voler de nos propres ailes que les deux ailes du milieu, suffisantes pour notre territoire de connaissance. Non moins étrange l'interprétation des ailes voilant la face de Séleucus, roi aveuglé, conduit en captivité à Babylone, la paire inférieure voilant les pieds parce que les derniers rois ont été enchaînés dans leurs captivités successives.  L'exégèse aurait beaucoup à voir avec l'explication de textes, tout débouchant sur tout, et l'association d'idées, tout mot se situant au carrefour infini des possibles. Ce qui rend si hasardeux toute exégèse. Puissance et faiblesse du Verbum. « Mais moi, dont les yeux ont des ragards de convoitise, dont la main m'est cause de scandale, moi qui pèche par les pieds, par toutes les parties de mes membres » - il est temps de considérer ces évidences non plus comme d'intolérables humiliations de la glorieuse nature humaine, mais comme d'autres incontestables évidences : nous sommes impurs par réalisation, par rapport à ce néant qu'est Dieu.

  • La femme d'à côté

    Alors comme ça c'est toi la femme d'à côté. Avec tes airs triomphants; parce que tu es certaine de te faire aimer, avec tes yeux de braise et ton air de cours après moi que je t'attrape. Parce que c'est con, les hommes, un sourire, emballé c'est pesé. Par le bout du nez - enfin le nez... Vous n'avez qu'à vous baisser - oh pardon... Nous les hommes, quand on est seuls, on le reste. Vous n'en avez rien à foutre des hommes.Rien à redire, d'ailleurs ; sauf quand vous vous mêlez de nous faire la morale - c'est la meilleure. Femmes  d'à côté, d'un autre monde. Le monde des femmes. Celui de la faiblesse. Tu parles. Les hommes, ça le fait mal. Ça viole, ça tue, ça étripe, ça dépèce. Faut voir le costume qu'on nous taille dans les médias. On en a pour trois âges de glace. Une joggeuse par-ci, une petite fille par là. Sans compter les guerres. Qui est-ce qui fait les guerres ? Gagné, les hommes. Odieux on vous dit. Ou ridicules : ça souffle comme un bœuf enfin un taureau (impuissant, ou violeur ; vous, vous n'avez rien demandé). L'homme d'à côté, il bat sa femme. Une femme sur dix ! Vous vous rendez compte ! Vous croisez des femmes dans la rue : une, deux, trois,... dix : une femme battue. - 3 femmes par jour meurent sous les coups de leur compagnon - combien d'enfants, sous les coups de leur mère ? Plus encore. C'est pourquoi, ô femme d'à côté,inciter les hommes à pisser assis, par voie d'affiches dans le métro ça c'est du sérieux – mais quand on pend des filles de seize ans pour "mauvaise conduite", attention, faut pas stigmatiser, silence radio. Bien sûr, salaire égal, droit de vote, liberté de tout. Mais de là à se faire poursuivre pour harcèlement, pour attouchements, et dès qu'on rate sa baise, pour viol - c'est un peu fort tout de même. "'Il faut aller vers l'autre" Bonjour madame. Ah pardon vous êtes lesbienne – logique – suis-je bête – moi aussi j'aime les femmes – bon ça va je n'insiste pas – que de dégâts juste avec ce truc qui pendouille j'arrête parce que je vais dire des conneries.
        Alors que j'ai toujours adoré les femmes, celles d'à côté (forcément, les autres on ne les voit pas). Nous perdons notre ignoble domination n'est-ce pas, je ne me suis jamais autant aperçu que j'étais un saligaud qu'en regardant les journaux et la télé. Alors maintenant la femme est libérée, flic elle tire mieux que les mecs – mais qui est-ce que je vais protéger, moi ? Qu'est-ce que je vais bien pouvoir lui apporter ? Attirante, sexy ? - revêche, rébarbative. Et l'amour dans tout ça ? (j'oubliais : pas de prostituées, ils ne pensent qu'à ça ma parole) – il faut avoir confiance. Ça ne se décrète pas comme ça, la confiance. C'est une longue approche. La femme d'à côté a tout son temps. Les hommes vous savez c'est dégueulasse : ça a besoin de  ça avec une femme en vrai.Alors la femme d'à côté, eh bien on la met de côté. Elle est libre. Elle est seule.  Où est le problème ?

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  • Enfer et limbes

    ...Comment peut-il se faire qu'un Dieu infiniment bon, infiniment cruel, ait pu laisser subsister, non loin de Guantanamo (j'plaisante !), un endroit matériel où les âmes, mêmes celles des Anglais, ne cessent de hurler avec "le feu partout, le feu dessus, le feu dessous, le feu à droite, le feu à gauche, le feu devant, le feu derrière" – et Dieu sait comment les séminaristes montherlantistes pouvaient bien interpréter cette pantalonnade – l'auteur s'empresse d'ajouter que les paroles exaltées du prédicateur jésuite suscitaient sous cape de sacrilèges ricanements). Mais ces flammes n'ont jamais pu se définir de façon éclairée,  humaine, logique :
    Les théologiens s'accordent aujour'hui à conférer à ces flammes une valeur métaphorique, symbolisant les sentiments d'abandon, de soliltude totale, de désespori et d'abandon par dieu: la Déréliction. Ces âmes se desespèrent d'avoir été elles-mêmes pleinement responsables de cet ^te mise à l'écart définitive et infinie de l'Esprit d'Amour :
        Et s'il faut, pour sauver de l'Absence éternelle
        Les âmes des damnés s'affolant de l'Absence,
        Abandonner mon âme à l'Absence éternelle,
        Que mon ême s'en aille en l'absence éternelle.
        L'enfer est l'ultime aliénation, le vide à soi-même, ce "qui suis-je" voire ce "suis-je" pour lequel fut interné Nicolas Bouvier, dont la recherche de l'autre à tout prix au cœur de ses voyages l'avait privé du sentiment de soi-même, car on ne cherche les autres que pour se trouver...  
         D'après les termes mêmes du Credo, le Christ "est descendu aux enfers" : il conffirme ainsi aux saintes âmes n'ayant pas connu la Rédemption qu'elles seront sauvées, au jour du Jugement Dernier ; finalement, tout le  monde sera sauvé, depuis Adam, qui signifie "l'Homme", jusqu'à Noé, dont tous les cotemporains futent noyés, jusqu'aux immenses sages antiques, Platon, Sénèque, Plotin : ils ne ne sauraient avoir été voué à la souffrance juste en raison de leur ignorance. On ne parle plus d'enfer, dans notre religion d'à présent. Il ne faudrait plus parler d'enfer, maid il faut faire croire que Dieu n'est qu'Amour, "c'est que du bonheur" et autres fadaises, alors qu'il est aussi Justice et Equilibre.
        Mais cette imagination, cette représentation, cet article de dogme, relayés de siècle en siècle peuvent-ils ainsi s'être évanouis, peut-on les rayer d'un trait de plume ou d'un compte rendu de concile, alors qu'elle a visiblement dirigée, maintenu sous sa férule, voire structuré des peuples entiers, femmes terrorisées, pères de famille se battant la coulpe, mea culpa, mea maxima culpa ? Ces flammes ou ces glaces, ces fers rouges et ces tenailles, ont hanté l'imagination de millions de nos ancêtres, ont servi d'instruments de domination, instruments d'un clergé indigne amateur de pouvoir lâchement extorqué. Or, nous rappelle Luz Amparo Cuevas, à qui la sainte Vierge apparut, "l'enfer existe. Nous voudrions tous qu’il n’existe pas, mais il existe bel et bien, tout comme le Ciel existe." Et chacun sait que la plus grande ruse du Diable est de faire croire qu'il n'existe pas.
        Mais, "si [l'enfer] était vide ?" Peut-être venons-nous juste de laisser derrière nous les  siècles les plus cruels de la superstition théologique, et ne sommes-nous qu'au tout début de notre interminable ascension vers la nature de Dieu... Nous pourrions toujours espérer que l'enfer soit vide... Mais cela contredit l'Evangile : « Luttez pour entrer par la porte étroite, car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer et ne pourront pas. » (Luc 13, 23-24) A moins de mettre en doute les paroles du Christ – donc le christianisme lui-même : prétendre qu'à la fin des temps Dieu et le Diable se réconcilieront est une hérésie. Nous conclurons provisoirement par cet aphorisme peut-être d'Ambrose Bierce : "Si Dieu et le Diable existent, ils doivent bien se frotter les mains ensemble"...
    En Madrid,
    Seis meses de invierno
    Seis meses de infierno.