Proullaud296

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  • L'arrière-cuisine

     

    Je veux m'introduire, me glisser, frayer ma voie dans une famille, à seule fin de sauver une femme. Il me faut pour cela feindre l'amour, le composer, voire l'éprouver. Le jeu consiste en ces chapitres à combiner deux projets illustratifs, ce que la comédie antique appelait « contamination » : ainsi Térence assemblait-il deux pièces de Ménandre ; ainsi, d'une autre manière, Vintila Horia superposa – t - il la relégation de Thomas et l'inhumaine incarcération de Boèce en 525. Sans véritablement tirer de larmes ni infliger le rire, Je devrais alors potasser la chronologie. Onufrio = mec de Véra. Dodo-Béryl, ce serait moi.

     

    L'inconnu d'Auteuil.JPGLydie, mélange de Lucinda et d'Amandine Noinin. Rappeler les épisodes de son enfance, mais que ce soit du passé. Lydie aura donc 16 ou 17 ans.

     

    Maintenir l'étagement des trois générations de femelles.

     

    Patch sera infirmière comme Vanessa, et sera pourvue du caractère de Patch, avec les inflexions bipolaires de Vanessa, vers l'effacement. Pas de mec fixe pour Vanessa. insupportable. VERA ET ONUFRIO SONT UN COUPLE TORTUREUR. PATCH/VANESSA LE COUPLE VICTIME. LYDIE/NADINE SERA SEULE, avec un jeune homme qui tourne autour, plus absent qu'autre chose. VANINA/MACHA sont un seul personnage, faible, tantôt catatonique tantôt hypernerveux. Le trio est VERA-LYDIE-PATCH. Et moi, folâtre et inconsistant, je naviguerais entre Patch et Lydie. Nous parlerons volontiers du trio F.T.B., en tant que référence.

     

    ESSAYER une ébauche de plan ou du moins de succession avant de recoudre maladroitement les morceaux. La fin doit être ce que l'on connaît d'abord. La meilleure que je connaisse est l'éclatement et la dispersion. La diaspora.

     

    1. ONUFRIO ET VERA font connaissance lorsque ce dernier joue sur une scène et chante à la guitare. Facile à mettre en place. Onufrio doit être argentin et non chilien.

    2. Il vient chez elle où se trouve déjà Vanessa - Patch 13 ou 14 ans. Et déjà ça le tenterait bien de faire coup double à travers les générations. Penser à Patch adolescente, très idéaliste, sauvage, revêche.

    3. VERA s'aperçoit qu'à son retour d'une tournée parisienne (la faire plus avancée en grade qu'elle ne fut) (Onufrio l'accueille vertement parce que le voisinage l'a vue revenir à bord d'une somptueuse voiture conduite par Félix-Denis) sa fille Vanessa – Patch est en cloque, et le choc est terrible. Eviter le mélodrame narratif. Penser toutefois à la conduite innommable de Gondaut avec Patch avortée de frais.

    4. Saut dans le temps : Lydie-Camira-Nadine, fille de Vanessa-Patch et d'Onufrio, a désormais 17 ou 18 ans, avec déjà tout un passé de brimades. Onufrio est parti, idéalisé par toutes. Lydie me raconte ses brimades, parmi lesquelles l'abandon de Nadine par son père Félix. Cela ressemblera également aux boniments de Patch sur BCG prétendu violent et cocaïnomane. BCG serait F., penser aussi à Dodo d'Evry.

     

    Et c'est dans ces structures familiales incestuelles que j'ai envie de m'immiscer, pour les démolir à mon profit. Ma femme serait Annie éternelle malade évanescente. Et je drague aux trois étages. D'ailleurs ces femmes occupent chacune un minuscule appartement par étage, la plus âgée en haut.

     

    GVÊREET HANIM

     

    Gvêréét Hanem, indienne. Sourire à la Gauguin. Son porte-clé est une tête de Ganesha, de faux argent. Sa sœur a épousé un Paki. Son amie est Jurassienne. Elle aime bien que son fils ait rompu avec son premier flirt, qui lui a fait savoir qu'elle ne devait pas parler à une Indienne ; depuis, ils se sont réconciliés. Moi aussi je suis raciste, mais je ne le manifeste pas dans mes actes. Sauf dans ma gêne avec Hamed l'ingénieur. Que je trouve répugnant de douceur. GH possède une fille blonde, qu'elle a eue d'un Normand ou d'un Percheron.

     

    Il porte le prénom juif de Dan, passé de mode : nul ne sait plus que c'est un prénom juif. Je le vois rougeaud, rouquin, vulgaire et ventru. Je ne l'aime pas, car il est le mari de GH., qui le supporte depuis plus de vingt ans. Cocaïnomane intermittent. Il a succédé à Gondaut de la Sécurité Sociale. Gvêréétm'est présentée par mon meilleur ami d'antan, blond squelettique ; il mène campagne à Tranchez, pour la députation : cette ville, vous le savez, constitue l'horizon de mon âme. Le blond sur la toile se fait journellement incendier par un nommé “Dan”, de même prénom que l'autre. Cet autre Dan et Gvêréét en savent beaucoup plus qu'ils n'en laissent paraître ; je vous renvoie au « Blog National” - que le vent de la Dordogne les emporte et les envoie se faire foutre. Eux et leurs convictions ; il a connu Gvêréét, j'en suis convaincu, bibliquement parlant ; la seule répulsive évocation d'un membre court et râblé me dispense d'en dire davantage. Il s'est trouvé que Gvêréét, désireuse de s'affranchir de l'esclavage des garagistes, a voulu s'instuire en mécanique automobile, à l'instar des élites gouvernantes autoproclamées.

     

    A 30 dollars le cours le tarif l'indispose, mais elle consent à ce sacrifice. Après accord téléphonique, l'ami blond me conduit par les raccourcis, me présente à Gvêréét, si bien qu'aux soins grossiers que l'on prend de tout cacher, j'ai deviné sans peine leur liaison passée toujours niée avec une pathétique persévérance : ainsi, dans le film « Z », Trintignant, juge d'instruction, fait-il répéter «bondir comme un tigre» à ses témoins, s'ébahissant ; les autres d'en rajouter, flattés de si bien décrire, se rengorgent, en rajoutent et miment, tandis que le magistrat, feignant l'admiration, découvre en jubilant que tous ces hauts gradés, couverts de galons et de serments solennels, répétent à l'envi le cliché, qui précisément démontre l'appris par cœur, au mot près : « comme un tigre »

     

  • BHL, cherchez les coquilles

    Si tu nous faisais lire le texte ? En voici en voilà, pour que tu juges, indocile auditeur, de la valeur d'un style, car tout ceci est aussi de la littérature. Nous commençons par la page 47 de chez Grasset, puis nous poursuivrons par les multiples de 47, car toutes les méthodes se valent. P. 47 :

                "Impossible, bien entendu, d'avoir un mot d'explication."  

                Court extrait d'un "Journal de Mathilde", mère du héros. Le livre navigue ainsi d'un point de vue à l'autre de la mère au fils au beau-père au manipulateur. C'est du grand art. Mathilde est une petite cruche mariée à un collabo. Ça fait mal de le découvrir. P. 94 :

                "On devine l'effet sur la salle... La température qui remonte d'un seul coup. Les jurés qui "sortent de leur torpeur. "

                            Eh oui ! Le collabo se fait juger, un témoin juif rescapé vient dire que c'est lui, là, dans le box, qui l'a fait déporter ! P. 141 :

                "Ça peut vous paraître bizarre et c'est peut-être bien, après tout, une autre de nos erreurs. "Mais le fait est, c'est vrai, qu'on n'y est plus du tout revenu et que s'est noué entre lui et nous une "sorte de contrat tacite aux termes duquel le sujet était comme forclos. Pourquoi ?"    

                Chez moi non plus, braves gens, je ne savais jamais pourquoi mes parents se disputaient. Ma mère parlait de "tes conneries pendant la guerre", mais lesquelles ? P. 188 :

                "Yvonne enfin, une très vieille amie de Mathilde, celle-là, qu'il était allé chercher, "traquer,  circonvenir comme un furieux et dont il n'a réussi qu'à briser le cœur et le ménage."

                Car il faut que vous sachiez, Mesdames, que tout héros de roman se doit de tomber les femmes, surtout ici les vieilles rombières, complexe d'Œdipe oblige. Y aurait-iil imitation de Sollers? Perfidie... P. 235 :

                "Que te disais-je, ma chère Constance ? Je n'ai emménagé que depuis trois jours et tu ne peux pas savoir combien je me sens bien déjà, à mon aise, à ma place. Pense donc !"

                Il s'agit ici du journal encore un de la petite Alsacienne provinciale donc sur laquelle notre héros va se jeter dans sa soif de pureté... meurtrière. Elle parle comme une lectrice de Bonnes Soirées. C'est exprès, rassurez-vous bonnes gens. "Le 14 mars" dit-elle p. 282. On ne sait de quelle année. Les roaring sixties, wahrscheinlich. "Le 27 juin", p. 329. P. 376 :

                "Autant les deux premières étaient stylées, cossues, presque bourgeoises, et tout àç ait "inattendues en tout cas, dans un camp de réfugiés, autant celle-ci est vieille et lépreuse à souhait. Elle a quatre étages, en principe. Mais l'un a été pulvérisé par les bombes." 

     

     

                Car notre héros se retrouve chef de faction à Beyrouth. Il faut qu'il passe partout, partout où se joue le sort de la liberté, pour être véritablement exemplaire. C'est un peu long. Mais ce siècle a trouvé long aussi, et continue de trouver long, ces actualités sanglantes qui ne changent pas de puis des décennies. Cette Liberté pour tous qui n'en finit pas d'accoucher, et d'accoucher des monstres. "Est-ce que ça va durer longtemps comme ça, me dis-je ?" - ainsi s'exprime celui qui veille sur notre héros, et qui peut-être le manipule au nom d'intérêts supérieurs et obscurs. Alors l'auteur termine par un grand dégoût de soi-même, un beau mouvement de résipiscence, de retour à soi-même dans le repentir, juste avant suicide, suicide d'un temps tout entier.

                Le héros n'a plus pour se raccrocher que des pans d'enfance et d'adolescence. C'est du Camus, moins Camus. C'est vache ce que je dis là. Mais lisez quand même Le Diable en tête, de Bernard-Henri Lévy. P. 473:

                "C'était le temps où les mannequins s'appelaient toutes Bettina, cherchaient des maris "américains, avaient le même indéfinissable accent aux sonorités vaguement anglo-saxonnes et "commençaient d'inventer cette singulière démarche, mi-vive mi-paresseuse, pleine de morgue en "même temps que de sensualité, dont elles ne se sont, depuis, plus départies."

                Quelque part entre Cartano et Aragon. Vache...

  • Décidément, ça ne vous inspire pas beaucoup, mon Fumaroli...

     

    Reprenons le texte de Fumaroli, Paris-New York et retour, puisqu'aussi bien, à parler clair avec et sans majuscule, les Américains se sont emparés des merdes modernistes parisiennes pour les réexporter vers nous autres : "Questions de mœurs et de manières allant au cœur du problème posé par l'ascension de la puissance commerciale et industrielle des Etats-Unis. Henry James renonça à la citoyenneté américaine en 1915, protestant prématurément contre la neutralité de son pays dans la guerre que la France et l'Angleterre livraient à l'Allemagne et à l'Autriche.

     

    Un autre Bostonien de ses amis, Henry Adams, dans les mêmes années, aura été le témoin encore plus anxieux de la métamorphose des Etats-Unis en un géant industriel et militaire dont l'exception appelle l'expansion, et dont l'énergie formidable n'est plus contrôlée par la prudence des derniers héritiers directs des Pères fondateurs d'une république fédérale de philosophes et de fermiers."

     

    Signaler tout de même aux américanophobes primaires que nos pays se sont livrés avec les Etats-Unis à une partie d'influences réciproques assez ping-pongique, et que nous nous sommes largement corrompus mutuellement ; c'est pourquoi nous ne dirons pas, pour notre part, "l'Amérique", mais "l'Occident", dont nous sommes largement, nous autres petits Français innocents comme le crocodile qui vient de naître, partie plus que prenante. Et revenons à Fumaroli

     

    :

     

    "4. Henry Adams, la Vierge et la Dynamo

     

     

     

    La guerre de Sécession gagnée par le Nord, suivie d'une montée en puissance presque sauvage de la démographie, de l'économie, de la richesse et de l'ambition nationale américaines, ne fit pas dévier les Etats-Unis de leur tradition officielle, classique-protestante, sauf que maintenant les architectes américains, formés à l'historicisme de l'Ecole parisienne des Beaux-Arts, apprirent à adapter le néo-gothique de Viollet-le-Duc, le néo-baroque de Charles-Garnier et encore, entre 1918 et 1940, l'Art Déco néo-classique, aux besoins des skyscrapers ("gratte-ciel") entassés dans l'île étroite de Manhattan, mais aussi des bâtiments industriels et bancaires et des demeures fabuleuses érigées ailleurs à la mesure d'un mammouth économique en pleine croissance. C'est dans la foulée de cet "Âge doré" de 1870-1880 que, contemporains des grands amuseurs publics P.T. Barnum et Willliam Cody (alias Buffalo Bill), les tycoons (alias hommes d'affaires) Pierpont Morgan et autres Henry C. Frick, prenant pour modèles les banquiers florentins de la Renaissance et les Fermiers généraux du XVIIIesiècle français, donnèrent l'exemple à leurs pairs, dans tous les Etats-Unis, d'un collectionnisme avisé et éclectique des trésors d'art et de livres achetés par leurs experts dans toute l'Europe.

    Ciel d'orage et poteaux.JPG

     

     

    "Cet "Âge doré" et non d'or (gilded, et non golden), culmina pendant les mandats présidentiels de William McKinley et de son successeur Theodore Roosevelt, au cours desquels la puissance militaire et l'autorité politique des Etats-Unis, après avoir rompu l'isolement du Japon en 1853, s'imposèrent victorieusement à l'Espagne et même, en 1900, à l'Europe par ses rivalités, lors du siège par les Boxers du quartier des légations étrangères à Pékin. Le président McKinley, natif de l'Ohio, justifia sa décision d'annexion des colonies espagnoles de Porto-Rico et des Philippines par un entretien qu'il avait eu, à la Maison-Blanche, avec Dieu, lequel l'exhorta à prendre cette mesure "afin de civiliser les sauvages" (un Dieu sur mesures, on le voit) "et de christianiser les païens". Il s'était hautement défendu de tels desseins, lorsqu'il avait déclaré la guerre à l'Espagne." La note 1, documentaire, nous dit : "Voir Richard Hamilton, President McKinley and America's New Empire, Rutger's, 2008." La génération des anciens de Harvard, contemporains de cette ascension imprévue de l'Etat fédéral à un rôle providentiel mondial, eut, faute du Pascal ("Blaise...") que Tocqueville avait jugé impossible aux Etats-Unis, son Hamlet : Henry Adams (1838-1918).

     

    "Ce nom ne nous dit rien. Pour nous, les Etats-Unis, entre Jefferson et Franklin Roosevelt, entre Truman et George W.Bush, n'ont pas, ou peu, d'histoire. Ils doivent se contenter d'avoir eu un "problème" noir, des romanciers, un ou deux poètes, des prix Nobel scientifiques à foison, un cinéma, une musique, de la télévision, des chanteurs et des danseurs, du Coca-Cola, des McDo et des Disneyland, ce qui fait déjà beaucoup pour occuper l'imagination. Depuis 1840, on s'en remet à Tocqueville pour "penser" dans l'absolu" (ça s'appelle "concevoir", monsieur Fumaroli) "l'exceptionnalisme de la démocratie américaine.

     

    "Notre américanophobie comme notre américanophilie s'étanchent surtout au Café du commerce." (Bravo, monsieur Fumaroli).

     

  • La croisière délire

     

     

    A présent, "Promenade en mer". Je hécris pour la postérité. Je partis seul, nous revînmes quarante. The captain was dubitative : the sea was rough, we would'nt start. Eh bien si. Le groupe de septante papies-mamies se réduisit comme beurre en broche, et je gagnai le pont d'en haut, sûr d'y être moins nauséeux. Certes ! mais de bons paquets de mer en quittant le port. T puis, devant vous de face, ou derrière, des hommes et des femmes tous joyeux, dont un Jean-Marc fleurant bon la vinasse et qui mimait sans cesse de la main le retournement imminent du bateau ; un rigolo, à casquette SNCF, qui avait déjà "fait la croisière". Commentaires futés de fuser tout au long, si bien que je ne pus me dispenser dans émettre d'autres – assez peu, mais assez bons.

     

    Il régnait une "franche camaraderie", les vagues courtes tapaient les culs. Et défilaient à droite, à tribord, falaises et calanques, avec le commentaire du fils du patron, mêlant son discours de guide d'une multitude d' "y" superflus : c'étaient ma foi des rochers qui tombaient tout droits ans la mer, bien pittoresques et tout, dûment bouclés dans ma boîte à photos. "Le Trou du... le Trou du... Diable !" dit le guide, juste sous le Doigt de Dieu, lui aussi en photo, plus le cabanon où fut filmé Alain Delon". Au retour, vent de face ("vent debout"), remontée du col sur les oreilles, buée sur les lunettes – ouf, accostage. Et fin de rédaction. Toute la pente à poster des SMS, à Sonia qui me conseille de pisser contre une cabine transparente – "idée de Maman ! - Je l'emmerde, à pied, à cheval et en voiture !" - Homme libre, toujours tu chériras la mer. Et je n'ai pu trouver A l'est d'Eden, mais une libraire au crâne ras pourtant magnifique, me passe un prospectus des éditions Milan qui porte le slogan Lire nuit gravemen aux idées reçues. De retour chez Coste en haut de la pente, affalé devant un match télévisé.

     

    Celan ? Il est dans le buisson en train d'chier. Double enseignement : 1°, j'ai vécu en me marrant, pas toujours si malheureux que ça. 2, je dois jouer, bouffonner, scapiner : tout le monde s'en aperçoit, mais je ne sais communiquer que de cette façon – sinon gaffe sur gaffe, mise au jour d'un fascisme latent, de mon mépris total pour tous ceux qui ne sont pas mon public. J'en prends acte et mon parti. Quant au (trois) peuple, j'en suis issu, j'y ai vécu, grand-père ouvrier devenu chef de gare, maman fille d'agriculteur devenu contremaître, qui lui, au moins, a fermé sa gueule pendant l'Occupation. Si j'avais toujours vécu dans le peuple et sa fraternité, au lieu de me croire supérieur pour avoir fait des études de même, je n'aurais pas voulu me faire connaître des élites autoproclamées autant que cooptées, mais rien ne dit que j'eusse obtenu l'amour et l'intégration – problème : peut-on rester du peuple après avoir perdu les préjugés du peuple ?

     

    Les mots, cher Celan, sont donc "rassemblés" (zusammengetretene [...]) quand je les avais crus "foulés aux pieds" de treten. Le prof d'allemand m'avait bien dit que le plus difficile, en matière de vocabulaire, c'était l'arbitraire de la spécification : Durchbruch, étymologiquement, signifie bien "irruption", mais dans le sens courant, c'est la diarrhée... Voir aussi comment on dit "la lèpre" ! (der Aussatz). En ce moment j'ai hâte de m'interrompre pour me foot ; simplement, resté peuple, il eût fallu savoir ne pas s'y borner, se lasser d'entendre à toutes les fins de phrases "putain d'enculé de la mort" – mais à 40 ans, mon amie, il est trop tard : il te reste une faiblesse d'esprit qui te fait prendre les élucubrations d'un autodidacte, à mon sujet, pour parole d'Evangile...

     

     

    Du vide dans la maison de poupée.JPG

    Je te reproche d'avoir à mon compte repris les propos de ce traître : "Tu passes partout pour un con" – non, mes amis : chez les "pousse-toi de là que je m'y mette", assurément. Mais ailleurs, non.

     

  • Vers la fin

     Il était une fois un schizophrène. Il exerçait le doux métier de professeur et lassait chacun de ses nombrileries. Il voulait ne jamais quitter l'œuf. Ecrire sans effort, au fil de la plume. Et s'indignait qu'on vînt le lui reprocher. Comment écrire sans souffrir ? Comment oser dresser son flûtiau parmi les grands arrachés des puissants trombones ? Cependant ne va pas succomber au piège de la méthode. Noter successivement n'est pas l'unique salut. Libre à toi de penser qu'un peu de publicité, qu'un peu d'admiration habituelle, transformerait tes manuscrits en belles pages glacées dans quelque manuel de littérature : souviens-toi de la page sur Céline, parce qu'il faut bien décemment, parler de lui ; mais trois pages pour les « poèmes unanimistes » de Jules Romains, normalien, de l'Académie Française ; ainsi se retrouve-t-on étiqueté dans la vaste armoire à confitures de l'Histoire.

     

    Survient soudain le Révolutionnaire, ignorant tout de Proust et de Gide, et qui te fusille pour tiédeur.

     

     

     

    X

     

     

     

    Parfum d'église - Orgue de HaendelPenchée.JPG

     

    Chaque heure mûrit et se gâte. Le fiel du temps perdu. L'absence de souffrance se fait cruellement sentir. Le pain amer de la réflexion se révèle indispensable. Jamais pourtant le niveau de mon soc ne s'abaissera au-dessous de la croûte terrestre. Le soc fixe l'éphémère. L'ennui se déguise en rêve, la musique en pensée, comparaisons comme autant de doryphores, qui vont cheminant, comme, comme...

     

    Laisse couler le fleuve des automobiles où tourne une sirène, le soleil baisse et va t'atteindre derrière la vitre. Une vieille ouvre son sac, objet vague, les humains fuient, reste, isolée, la moleskine.

     

    30 10 2020

     

    Dépayse-moi. Dans le temps et dans l'espace. Laisse couler devant moi le fleuve d'acier où surnage et tourne une sirène bleue. Verse-moi les rythmes et hache mon rêve, et le soleil qui baisse baisse derrière la vitre et va m'atteindre. Une vieille solitaire à sa table sphinx banal ouvre son sac répugnant, chairs supposées molles et moleskine empestée, comment deux êtres qui s'aiment peuvent-ils se retrouverr, petites ailes errantes, tonne, juke-box, mâche ta laine de verre. Ombres passantes ouvrant la porte dont les reflets sans me trouver me cherchent, la musique de joie tout étrangère, à travers des dix et quinze ans, à travers les crachouillis d'un transistor tout contre mon oreille.

     

    Buffet de gare lieu d'avortements de rêves répugnants sitôt qu'approchés, peines d'autrui aux parfums d'asticots dans votre main, moment présent soleil verre acier musique -Suspendu aux projets d'autrui, ne suis-je pas coupable de devancer autrui, d'imposer à l'autre mes projets confus, (...)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • E pericoloso Fumaroli

     

    La lecture d'un autre passage nous aura inspirté les réflexions suivantes : d'une part, cette permanence ironie à l'égard des Etats-Unis, jointe à une parfaite, voire érudite, connaissance de la culture du pays depuis sa fondation. Fumaroli de Pétarochiottes démonte ainsi les mécanismes de l'utilitarisme appuyé sur le bon sens, l'annulation de tout ornement dans la force d'argumentation, réduite ainsi à quelques lieux communs amplement développés, sans rechercher, comme en Europe, le secours de l'éloquence, des analogies, du climat général, qui permet aussi bien de persuader ; il oppose à cela les éloquences fleuries, bourrées de métaphores, destinées à l'auditoire féminin des pasteurs prêcheurs américains, mais dévalorisées par un culte forcené de la virilité pionnière. Seulement, ce fourmillement d'érudition, cette multiplication des carrefours et des synapses, à quoi se reconnaît le véritable connaisseur, empêche de discerner à la fin sur quoi précisément se fonde cette ironie latente, sous-jacente.

     

    A force d'explorer les diverticules jusqu'aux extrémités de leurs tentacules, l'esprit général se dilue et se perd, et le lecteur se demande finalement à qui se destine ce fin poison de ricanement partout répandu. Notre époque a le goût du gros, du coup de cymbales, de la vaste charge de cavalerie qui détruit tout sous les arguments massues. Privilégiant comme il le dit si bien le coup barnumnique efficace dans l'immédiat et le superficiel, qu'on oublie aussitôt, à ce long poison des venins florentins, bien plus rongeurs sur le long terme, qu'il applique lui-même en ses écrits. De cette tendance américaine acclimatée en Europe découlent ces scandales d'art contemporain, qui se chassent l'un l'autre (le Christ en croix dans la pisse, la croix gammée sur l'étoile israélienne et autres joyeusetés de bon goût), et ne parviennent pas à s'enraciner dans la conscience profonde du spectateur ou de l'amateur d'art, puisque les exposition sont devenues des spectacles, comme les messes des mouvements pentecôtistes et autres.

     

    Bref, Marc Fumaroli, de l'Académie française, attaque la superficialité violente contemporaine et américaine des arts et de tous les moyens de communication, y compris la télévision, mais avec des armes à l'ancienne, dont l'efficacité se trouve émoussée, un peu comme ces cavaliers polonais qui chargeaient les chars nazis à grands coups de lances. Toutes proportions gardées. C'est passionnant, mais trop subtil, pas assez combatif, pas assez primaire, pas assez crétin. Question : faut-il jurer comme un charretier pour démolir les assises de l'Empire ? La violence est-elle efficace contre la violence ? et autres billevesées. Nous évoquons à présent le point particulier de New York en 1913, dont nous dépendons encore actuellement (il s'agit de l'importation de l'art européen contemporain, afin de l'incorporer, comme un butin, à l'escarcelle dévoratrice du modernisme américain) :

     

     

    Des trucs bizarres.JPG

    "En 1905, le grand romancier Henry James, issu d'une ancienne famille de Boston, frère cadet du célèbre psychologue William James et installé en Europe depuis 1875, avait publié The American Scene, journal de son récent voyage du nord au sud des Etats-Unis. Ses romans et ses nouvelles ont souvent comme sujet le dialogue difficile, mais en définitive fécond, entre la jeune "innocence" américaine traversant l'Atlantique et l'attrayant mélange de corruption morale et de raffinement esthétique qui caractérise l'ancienne Europe. Dans son journal de voyage aux Etats-Unis, le romancier ne cache pas ses réserves devant l'Amérique nouvelle qu'il vient de découvrir après trente ans d'absence. Nouveau Rip van Winkle, il est stupéfait par le changement de taille des villes et par la puissante musculature de la nation inconnue qui se dresse devant lui. Mais c'est dans le Sud, heureusement débarrassée de ses planteurs esclavagistes, en Floride, qu'il observe avec le plus d'effroi la nombreuse catégorie d'hommes, celle du voyageur de commerce, qui occupe avec empire le premier plan du paysage social et se comporte azvec la truculence cynique de barbares maîtres du terrain :

     

    "Quelles réciprocités pouvaient-ils bien appliquer, dit-il, quelles attentes pouvaient-ils bien susciter ? Que pouvait-il se passer, inconcevablement, quand de tels Grecs rencontraient des Grecs du même genre, quand de telles faces rencontraient des faces du même genre, et que de tels grognements, en particulier, s'échangeaient avec d'autres grognements de même sonorité ? Avec quelles femmes pouvaient-ils vivre, et quelles femmes, vivant avec eux, avaient pu les laisser tels qu'ils étaient ? Quelles épouses, quelles filles, quelles sœurs, rendaient-ils, au bout du compte, crédibles ? (conformes aux préjugés d'époque sur les femmes, Sir Henry ?) Et quels étaient le langage, les manières, la diète ordinaire (entendez le régime alimentaire), quel pouvait être le monstrueux déjeuner du matin de dames recevant, de telles mains, la loi ou la licence de vivre ?" Amusant, n'est-ce pas ? Note 1 : "Henry James, The American Scene, New York, Scribner's, 1946, ch. XIV, p. 426".