BHL, cherchez les coquilles
Si tu nous faisais lire le texte ? En voici en voilà, pour que tu juges, indocile auditeur, de la valeur d'un style, car tout ceci est aussi de la littérature. Nous commençons par la page 47 de chez Grasset, puis nous poursuivrons par les multiples de 47, car toutes les méthodes se valent. P. 47 :
"Impossible, bien entendu, d'avoir un mot d'explication."
Court extrait d'un "Journal de Mathilde", mère du héros. Le livre navigue ainsi d'un point de vue à l'autre de la mère au fils au beau-père au manipulateur. C'est du grand art. Mathilde est une petite cruche mariée à un collabo. Ça fait mal de le découvrir. P. 94 :
"On devine l'effet sur la salle... La température qui remonte d'un seul coup. Les jurés qui "sortent de leur torpeur. "
Eh oui ! Le collabo se fait juger, un témoin juif rescapé vient dire que c'est lui, là, dans le box, qui l'a fait déporter ! P. 141 :
"Ça peut vous paraître bizarre et c'est peut-être bien, après tout, une autre de nos erreurs. "Mais le fait est, c'est vrai, qu'on n'y est plus du tout revenu et que s'est noué entre lui et nous une "sorte de contrat tacite aux termes duquel le sujet était comme forclos. Pourquoi ?"
Chez moi non plus, braves gens, je ne savais jamais pourquoi mes parents se disputaient. Ma mère parlait de "tes conneries pendant la guerre", mais lesquelles ? P. 188 :
"Yvonne enfin, une très vieille amie de Mathilde, celle-là, qu'il était allé chercher, "traquer, circonvenir comme un furieux et dont il n'a réussi qu'à briser le cœur et le ménage."
Car il faut que vous sachiez, Mesdames, que tout héros de roman se doit de tomber les femmes, surtout ici les vieilles rombières, complexe d'Œdipe oblige. Y aurait-iil imitation de Sollers? Perfidie... P. 235 :
"Que te disais-je, ma chère Constance ? Je n'ai emménagé que depuis trois jours – et tu ne peux pas savoir combien je me sens bien déjà, à mon aise, à ma place. Pense donc !"
Il s'agit ici du journal – encore un – de la petite Alsacienne provinciale donc sur laquelle notre héros va se jeter dans sa soif de pureté... meurtrière. Elle parle comme une lectrice de Bonnes Soirées. C'est exprès, rassurez-vous bonnes gens. "Le 14 mars" dit-elle p. 282. On ne sait de quelle année. Les roaring sixties, wahrscheinlich. "Le 27 juin", p. 329. P. 376 :
"Autant les deux premières étaient stylées, cossues, presque bourgeoises, et tout àç ait "inattendues en tout cas, dans un camp de réfugiés, autant celle-ci est vieille et lépreuse à souhait. Elle a quatre étages, en principe. Mais l'un a été pulvérisé par les bombes."
Car notre héros se retrouve chef de faction à Beyrouth. Il faut qu'il passe partout, partout où se joue le sort de la liberté, pour être véritablement exemplaire. C'est un peu long. Mais ce siècle a trouvé long aussi, et continue de trouver long, ces actualités sanglantes qui ne changent pas de puis des décennies. Cette Liberté pour tous qui n'en finit pas d'accoucher, et d'accoucher des monstres. "Est-ce que ça va durer longtemps comme ça, me dis-je ?" - ainsi s'exprime celui qui veille sur notre héros, et qui peut-être le manipule au nom d'intérêts supérieurs et obscurs. Alors l'auteur termine par un grand dégoût de soi-même, un beau mouvement de résipiscence, de retour à soi-même dans le repentir, juste avant suicide, suicide d'un temps tout entier.
Le héros n'a plus pour se raccrocher que des pans d'enfance et d'adolescence. C'est du Camus, moins Camus. C'est vache ce que je dis là. Mais lisez quand même Le Diable en tête, de Bernard-Henri Lévy. P. 473:
"C'était le temps où les mannequins s'appelaient toutes Bettina, cherchaient des maris "américains, avaient le même indéfinissable accent aux sonorités vaguement anglo-saxonnes et "commençaient d'inventer cette singulière démarche, mi-vive mi-paresseuse, pleine de morgue en "même temps que de sensualité, dont elles ne se sont, depuis, plus départies."
Quelque part entre Cartano et Aragon. Vache...