Décidément, ça ne vous inspire pas beaucoup, mon Fumaroli...
Reprenons le texte de Fumaroli, Paris-New York et retour, puisqu'aussi bien, à parler clair avec et sans majuscule, les Américains se sont emparés des merdes modernistes parisiennes pour les réexporter vers nous autres : "Questions de mœurs et de manières allant au cœur du problème posé par l'ascension de la puissance commerciale et industrielle des Etats-Unis. Henry James renonça à la citoyenneté américaine en 1915, protestant prématurément contre la neutralité de son pays dans la guerre que la France et l'Angleterre livraient à l'Allemagne et à l'Autriche.
Un autre Bostonien de ses amis, Henry Adams, dans les mêmes années, aura été le témoin encore plus anxieux de la métamorphose des Etats-Unis en un géant industriel et militaire dont l'exception appelle l'expansion, et dont l'énergie formidable n'est plus contrôlée par la prudence des derniers héritiers directs des Pères fondateurs d'une république fédérale de philosophes et de fermiers."
Signaler tout de même aux américanophobes primaires que nos pays se sont livrés avec les Etats-Unis à une partie d'influences réciproques assez ping-pongique, et que nous nous sommes largement corrompus mutuellement ; c'est pourquoi nous ne dirons pas, pour notre part, "l'Amérique", mais "l'Occident", dont nous sommes largement, nous autres petits Français innocents comme le crocodile qui vient de naître, partie plus que prenante. Et revenons à Fumaroli
:
"4. Henry Adams, la Vierge et la Dynamo
La guerre de Sécession gagnée par le Nord, suivie d'une montée en puissance presque sauvage de la démographie, de l'économie, de la richesse et de l'ambition nationale américaines, ne fit pas dévier les Etats-Unis de leur tradition officielle, classique-protestante, sauf que maintenant les architectes américains, formés à l'historicisme de l'Ecole parisienne des Beaux-Arts, apprirent à adapter le néo-gothique de Viollet-le-Duc, le néo-baroque de Charles-Garnier et encore, entre 1918 et 1940, l'Art Déco néo-classique, aux besoins des skyscrapers ("gratte-ciel") entassés dans l'île étroite de Manhattan, mais aussi des bâtiments industriels et bancaires et des demeures fabuleuses érigées ailleurs à la mesure d'un mammouth économique en pleine croissance. C'est dans la foulée de cet "Âge doré" de 1870-1880 que, contemporains des grands amuseurs publics P.T. Barnum et Willliam Cody (alias Buffalo Bill), les tycoons (alias hommes d'affaires) Pierpont Morgan et autres Henry C. Frick, prenant pour modèles les banquiers florentins de la Renaissance et les Fermiers généraux du XVIIIesiècle français, donnèrent l'exemple à leurs pairs, dans tous les Etats-Unis, d'un collectionnisme avisé et éclectique des trésors d'art et de livres achetés par leurs experts dans toute l'Europe.
"Cet "Âge doré" et non d'or (gilded, et non golden), culmina pendant les mandats présidentiels de William McKinley et de son successeur Theodore Roosevelt, au cours desquels la puissance militaire et l'autorité politique des Etats-Unis, après avoir rompu l'isolement du Japon en 1853, s'imposèrent victorieusement à l'Espagne et même, en 1900, à l'Europe par ses rivalités, lors du siège par les Boxers du quartier des légations étrangères à Pékin. Le président McKinley, natif de l'Ohio, justifia sa décision d'annexion des colonies espagnoles de Porto-Rico et des Philippines par un entretien qu'il avait eu, à la Maison-Blanche, avec Dieu, lequel l'exhorta à prendre cette mesure "afin de civiliser les sauvages" (un Dieu sur mesures, on le voit) "et de christianiser les païens". Il s'était hautement défendu de tels desseins, lorsqu'il avait déclaré la guerre à l'Espagne." La note 1, documentaire, nous dit : "Voir Richard Hamilton, President McKinley and America's New Empire, Rutger's, 2008." La génération des anciens de Harvard, contemporains de cette ascension imprévue de l'Etat fédéral à un rôle providentiel mondial, eut, faute du Pascal ("Blaise...") que Tocqueville avait jugé impossible aux Etats-Unis, son Hamlet : Henry Adams (1838-1918).
"Ce nom ne nous dit rien. Pour nous, les Etats-Unis, entre Jefferson et Franklin Roosevelt, entre Truman et George W.Bush, n'ont pas, ou peu, d'histoire. Ils doivent se contenter d'avoir eu un "problème" noir, des romanciers, un ou deux poètes, des prix Nobel scientifiques à foison, un cinéma, une musique, de la télévision, des chanteurs et des danseurs, du Coca-Cola, des McDo et des Disneyland, ce qui fait déjà beaucoup pour occuper l'imagination. Depuis 1840, on s'en remet à Tocqueville pour "penser" dans l'absolu" (ça s'appelle "concevoir", monsieur Fumaroli) "l'exceptionnalisme de la démocratie américaine.
"Notre américanophobie comme notre américanophilie s'étanchent surtout au Café du commerce." (Bravo, monsieur Fumaroli).