Proullaud296

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

E pericoloso Fumaroli

 

La lecture d'un autre passage nous aura inspirté les réflexions suivantes : d'une part, cette permanence ironie à l'égard des Etats-Unis, jointe à une parfaite, voire érudite, connaissance de la culture du pays depuis sa fondation. Fumaroli de Pétarochiottes démonte ainsi les mécanismes de l'utilitarisme appuyé sur le bon sens, l'annulation de tout ornement dans la force d'argumentation, réduite ainsi à quelques lieux communs amplement développés, sans rechercher, comme en Europe, le secours de l'éloquence, des analogies, du climat général, qui permet aussi bien de persuader ; il oppose à cela les éloquences fleuries, bourrées de métaphores, destinées à l'auditoire féminin des pasteurs prêcheurs américains, mais dévalorisées par un culte forcené de la virilité pionnière. Seulement, ce fourmillement d'érudition, cette multiplication des carrefours et des synapses, à quoi se reconnaît le véritable connaisseur, empêche de discerner à la fin sur quoi précisément se fonde cette ironie latente, sous-jacente.

 

A force d'explorer les diverticules jusqu'aux extrémités de leurs tentacules, l'esprit général se dilue et se perd, et le lecteur se demande finalement à qui se destine ce fin poison de ricanement partout répandu. Notre époque a le goût du gros, du coup de cymbales, de la vaste charge de cavalerie qui détruit tout sous les arguments massues. Privilégiant comme il le dit si bien le coup barnumnique efficace dans l'immédiat et le superficiel, qu'on oublie aussitôt, à ce long poison des venins florentins, bien plus rongeurs sur le long terme, qu'il applique lui-même en ses écrits. De cette tendance américaine acclimatée en Europe découlent ces scandales d'art contemporain, qui se chassent l'un l'autre (le Christ en croix dans la pisse, la croix gammée sur l'étoile israélienne et autres joyeusetés de bon goût), et ne parviennent pas à s'enraciner dans la conscience profonde du spectateur ou de l'amateur d'art, puisque les exposition sont devenues des spectacles, comme les messes des mouvements pentecôtistes et autres.

 

Bref, Marc Fumaroli, de l'Académie française, attaque la superficialité violente contemporaine et américaine des arts et de tous les moyens de communication, y compris la télévision, mais avec des armes à l'ancienne, dont l'efficacité se trouve émoussée, un peu comme ces cavaliers polonais qui chargeaient les chars nazis à grands coups de lances. Toutes proportions gardées. C'est passionnant, mais trop subtil, pas assez combatif, pas assez primaire, pas assez crétin. Question : faut-il jurer comme un charretier pour démolir les assises de l'Empire ? La violence est-elle efficace contre la violence ? et autres billevesées. Nous évoquons à présent le point particulier de New York en 1913, dont nous dépendons encore actuellement (il s'agit de l'importation de l'art européen contemporain, afin de l'incorporer, comme un butin, à l'escarcelle dévoratrice du modernisme américain) :

 

 

Des trucs bizarres.JPG

"En 1905, le grand romancier Henry James, issu d'une ancienne famille de Boston, frère cadet du célèbre psychologue William James et installé en Europe depuis 1875, avait publié The American Scene, journal de son récent voyage du nord au sud des Etats-Unis. Ses romans et ses nouvelles ont souvent comme sujet le dialogue difficile, mais en définitive fécond, entre la jeune "innocence" américaine traversant l'Atlantique et l'attrayant mélange de corruption morale et de raffinement esthétique qui caractérise l'ancienne Europe. Dans son journal de voyage aux Etats-Unis, le romancier ne cache pas ses réserves devant l'Amérique nouvelle qu'il vient de découvrir après trente ans d'absence. Nouveau Rip van Winkle, il est stupéfait par le changement de taille des villes et par la puissante musculature de la nation inconnue qui se dresse devant lui. Mais c'est dans le Sud, heureusement débarrassée de ses planteurs esclavagistes, en Floride, qu'il observe avec le plus d'effroi la nombreuse catégorie d'hommes, celle du voyageur de commerce, qui occupe avec empire le premier plan du paysage social et se comporte azvec la truculence cynique de barbares maîtres du terrain :

 

"Quelles réciprocités pouvaient-ils bien appliquer, dit-il, quelles attentes pouvaient-ils bien susciter ? Que pouvait-il se passer, inconcevablement, quand de tels Grecs rencontraient des Grecs du même genre, quand de telles faces rencontraient des faces du même genre, et que de tels grognements, en particulier, s'échangeaient avec d'autres grognements de même sonorité ? Avec quelles femmes pouvaient-ils vivre, et quelles femmes, vivant avec eux, avaient pu les laisser tels qu'ils étaient ? Quelles épouses, quelles filles, quelles sœurs, rendaient-ils, au bout du compte, crédibles ? (conformes aux préjugés d'époque sur les femmes, Sir Henry ?) Et quels étaient le langage, les manières, la diète ordinaire (entendez le régime alimentaire), quel pouvait être le monstrueux déjeuner du matin de dames recevant, de telles mains, la loi ou la licence de vivre ?" Amusant, n'est-ce pas ? Note 1 : "Henry James, The American Scene, New York, Scribner's, 1946, ch. XIV, p. 426".

 

Commentaires

  • "Pas de liberté pour les ennemis de la liberté !" Ce mot d'ordre, d'actualité, plus que jamais.

Les commentaires sont fermés.