Proullaud296

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  • N'importe qui fait n'importe quoi

     

    Les personnages masculins communiqueront par téléphone et non pas par la Toile,

    car je ne sais pas me servir de cette dernière ; je prétexterai quelque préférence

    à entendre une voix humaine au bout du fil, alors que certains écrans permettent

    d'entendre la voix de celui qui vous parle. Les féminins se déplaceront plus volontiers

    corporellement, car il faut, dans les romans contemporains, que les femmes

    représentent le mouvement, après avoir symbolisé durant des millénaires l'immobilité

    ("L'homme est le voyageur, la femme est le clocher", disait à peu près le mauvais Musset).

     

    L'apparition sombre.JPG

    Nous évoquerons également "la bonne du curé", 
    ainsi que la "BCBG",

     qui "essuie les verres au fond du café"
     à La Teste (voir plus haut).

    Ces deux femmes sembleront jouer dans
     un premier temps les "choeurs antiques",

    mais prendront un rôle capital par la suite.
     CHAPITRE QUATRE
     Voici la présentation d'un gros homme.
    Une tête rouge,

     une bouche constamment ouverte,
     comme un poisson hors de l'eau.

    Combien de temps à vivre ? Perpétuellement
     essoufflé, perpétuellement vif.

     Pascal Matz le docteur fit sa connaissance
     à l'occasion d'une exposition de peintures :

    le gros homme tient galerie, et le Docteur
     veut persuader sa maîtresse,

    Hélène Dubost de la rue Huguerie,
     à présenter ses compositions au public.
    Naîtra entre ces deux hommes une brève
     mais intense complicité,

     un de ces dévouements entre deux êtres
    dissemblables, le temps de réaliser

     quelque improbable circonstance.
     Matz lui parle donc ainsi : "Je veux

    que tu trouves belles, incomparables,
     les sculptures de mon "habitude"

     (il le tutoie d'emblée, lui explique brièvement
    ce qu'il entend par "habitude").

     "Elle s'appelle Hélène Dubost."
     Le gros patron, qui tient ce bar, où l'on expose,

     commande à travers la salle un
     "Bourbon Quatre Roses" pour lui et son client.

    Sa vitalité est proprement increvable :
     toujours haletant, toujours soufflant.
     Il gère donc "un café sur le Bassin", d'Arcachon.
    Il boit peu vu son poids.

    Offre des orangeades. Est présente
    Hélène Dubost, pour son deuxième entretien.

    Il s'agit d'exposer ses sculptures. Elles sont laides.
     Pyramides, cubes et sphères

    plus ou moins emboîtés, plus ou moins lissés.
    Le gros Arabe est enthousiaste !

    Je ne connais ni le racisme ni l'enthousiasme.
     Il existe aussi des Arabes maigres,

     et des petits gros parfaitement muets.
     Finies les orangeades au bourbon,
     tout est bon, consommé, signé.

    Hélène Dubost a signé. C'est peut-être
    un nom basque ("bost" = cinq).

    Ou peut-être de l'Ile-de-france.
    Elle a échoué rue Huguerie à Bordeaux.

    2-72-03-05-61-081. Elle sculpte entre deux passes
    , du moins elle installe –

     depuis les sculpteurs ont gueulé : ils manient
     le burin, les autres seulement

    des masses et des cailloux. Les installateurs
    ne sont guère que des étalagistes. Hélène
     achète les cubes, les taille, les enfonce et adapte.

    Les soude. Les critiques sont assassines :
     "L'esthétique du panier à salade"

    (Les Aventuriers). Parfois les critiques
    écrivent réellement ce qu'ils pensent.

     Rien à dire en fait sur les sculptures
    d'Hélène Bost. Pas de quoi se déchaîner.

    Alors l'enthousiasme. Ca tient n'importe où,
     ça va avec tout, c'est noir

    ou blanc ou gris. Le médecin Matz
    l'encourage à ne pas déprimer.

     La médecine après tout n'est-elle pas compromise
     entre un laisser-faire

     naturaliste et l'interventionnisme minimum.
     Pascal Matz est contre

     l'acharnement thérapeutique.
     Il porte sur lui un papier dans ce sens,

     dans son portefeuille : "Mourir dignement".
    Mais il veut bien donner son foie,

    sa rate et tout le matériel de la science.
     Jamais il n'a pu faire sculpter à sa maîtresse
    une Maternité,

    ni même une Pietà, quoique maints sculpteurs
     ou installateurs jouent

    d'une boule étirée portant dans le creux
     ainsi formé quelque crâne bien ras

    de nourrisson : "La Vierge", déclament-ils,
    "avecque son Enfant" - Matz ne dit rien

     de trop franc sur les sphères ou les pyramides ;
     le style Saint-Sulpicien,

    du moins, peut se targuer de son antériorité.
     Il prie devant sa Vierge bleue. Pas devant des cubes.

    Il est bon enfant, il paie bien.
    L'homme aussi trouve son compte

     aux relations qu'on appelle "machistes" :
     avez-vous réfléchi que la femme protège
     l'homme ? De l'autre côté de la table
    grouillent le gros et son bourbon :

     "Je m'appelle Ben Zaf, autant dire
    "Fils du Vent". Je prends 20%,

    vous exposerez ici dans mon bar,
    quels espaces désirez-vous occuper ?

     lits de gravier, rigoles de galets ?"
    Le bar est immense. Décrivons-le
     brièvement.

    Une structure en bois sur pilotis,
     face au port de La Teste envasé

    14 heures sur 24, pinasses ?
    quai plus ou moins sur le flanc.

     La salle du bar en contient une,
    merveilleusement conservée,

    suspendue au plafond, briquée, entourée
    à distance par une

    mezzanine en bois clair. Juste en dessous,
     le bar, en forme de spina :

    c'est une étroite muraille au centre
    des pistes romaines où se perchent

     les spectateurs téméraires - ici, des serveurs.
    Et de partout, Gironde, Rhône, Saône-et-Loire,
     viennent des peintres

     et des sculpteurs pour profiter de l'air
     et du parfum de calfatage.

    Ben Zaf halète, boit un peu, tend
    des contrats que chacun signe et signe.

    Les exposants occupent de grands
    pans de murs près du bar,

     ou de hautes surfaces boisées tenant
     les deux étages, quoi qu'il soit

    interdit d'admirer à bord même de la
     pinasse suspendue, qui tomberait

     et tuerait tout. Ben Zaf se vante d'une
     excellente idée : ajouter du jazz,

     autour d'un grand piano à queue
    tenant le fond de la grand-salle,

    avec son grand orchestre de cinquante ans
     d'âge moyen.

     Du swing, à fendre les oreilles.
     Un orchestre hilare,

    dont on voit la grande photo,
    "se produira pour le vernissage".

     Pour l'instant, les oreilles de Matz et de sa compagne
     se font déchirer par

    la sono d'une salsa sauvage et dégueulasse,
     mais 20 % de réduction poussent

     à l'indulgence. Crier pour s'entendre
    rend jovial, et les buts du Docteur Pascal

     sont encore obscurs.

     

  • Conclusion, sur les règles

     

     

    Le chat Teaudun.JPG

    « Les romans bien construits sont souvent admirables à la première lecture : on applaudit le tour de force. A la deuxième, on se dit qu'on préfère la danse à l'horlogerie. » Oui mais, c'est à la troisième lecture que je me suis aperçu de l'architecture du Père Goriot. Quant à la danse, si tu enlèves l'horlogerie, eh bien tu te casses la gueule. Même Patrick Jambon sait ça.

     

    Pardon, Patrick Dupont. « Les règles, c'est la mode. Pendant cent ans, elle veut que les tragédies aient trois acte (avec toutes les solutions pour) ; ensuite, qu'elles en aient cinq (avec autant de raisons) ; depuis, qu'il n'y en ait plus (idem).

     

    « Les formes et les mots qui conviennent avec la poésie », dit Valéry dans les « Fragments des mémoires d'un poème » (Variété V) : mais il n'y a rien qui convienne préalablement à la poésie. »

     

    Vous le voyez, chers zauditeurs, le Dictionnaire égoïste de la littérature française n'est pas parfait, ne prétend pas l'être, mais il est documenté, voire érudit, sincère, et, l'auteur l'espère, éminemment discutable. Beaucoup l'ont acheté, dit le léopard, et d'autres le feront. Soyez du nombre, c'est de Dantzig, comme la ville, Charles, en livre de poche, sépacher. Ave !

     

  • Le lit conjugal

     

    Nousavons usépeudelits:...trois,quatre...douzepeut-être?sans compter leshôtels.Nous avonstoujoursvécu l'unsurl'autre.Lachose

    étaitfréquenteausiècledernier(toujours

    ,pourmoi,leXIXe).Certainesannéesnous

    chevillaienttroiscentsoixante-cinqjournées,

    millequatre-vingtquinzemêmeunefoistroisanstoutentiers

    fauted'argent(quatre-vngtcinq,six,sept)d'uneffrayantcorpsàcorps.fauted'argent.

    SylvieNervalcontestanttoutcelan'ysaurarienchangersachantpertinemmentenmonâmeetconsciencequele

    150885,ayanteulefrontd'accomplirunmodestepélerinage

    surunetombedeBigorre,jefustaxéàmonretour

    d'ignoblecruautépourabandondegrandemalade.

     

    Troisannées,dis-je,l'éventualitédumoindrevoyage,visant

    tantsoitpeuàdénouernefût-cequethérapeutiquementlelien

    fusionnel,s'estvuâprementettriomphalement

    contestée.Mêmeàprésentgagnel'arthrose,jesaisqu'il

    meseraitimpossibledemelivreràquelqueescapadequecefûtau-delàd'unnombredejourstoujourstropcourts:lefilàlapatte.

    C'estainsiquesisouvents'achève(j'yreviens)l'histoire

    d'unamour:enrèglementdecomptes.Combiend'écrivains

    dontjesoupèseàl'éditionlespesantsmanuscritsnesesont-ilspasainsiconsacrésàtant

    d'inepties?

     

    Tantdesincérité,tantdepoignance,

    tantdeticsaussi,tantd'impardonnableamateurisme

    postésàl'éditeur! lalittératureestparfaiteoun'estrien.Nos

    exhaustitivités constituentleplusgrosbataillondel'ennui.Onsefaitchier

    àvouslire,mespauvreschoux.Vousvousimaginez

    sansdoutequelemoindreméandre,leplusinfime

    diverticule intestinal devostourmentsimporte

    aulecteurvictime.Orilsetrouvequechacundenouspossède,

    justement,etàfoison, à volonté, audétailprèsjusqu'àlanausée,desemblables

    révélationsetrebutsd'hôpitaux.Ainsicette

    effrayantecontinuitédesnuitsdecoupleévoquéedansCetteNuit-là,milleobservationsmerveilleuses,etcette

    certitudelentequedanslenoir,rejoignantlecorpsténébreux

    del'épouse,jegagnelacoucheetlanuit

    infiniesenveloppantlaviedupremier

    àmonderniersouffle (musique).

     

    Celanem'effraiepas.D'aucuns prétendentquelesdrapsconjugaux

    sontdéjà ceux dutombeau;

    etqu'iln'est siparfaiteépousequienpréserve.Juliette,nous

    serionsseulsdansnoscercueils,séparésparlesplanches,sur la mêmeétagère.Imaginonsseulementladélicatesseàbien

    placer,judicieusement,sanslamoindresuperposition,sansleplus

    minimeempiétementsusceptibled'engendrercourbatures,

    écrasements,nifriction,ankylose,fourmisni

    obstructiondesang-lesabattisdechacundansuneseule

    etmêmecouche,jamaisleslitsmatrimoniauxnedoublant

    exactementlesmesures humaines :ilesttoujourseneffettenucomptedeschevauchements;

    commentfaisaient-ilsdoncàMontaillou,villageoccitan,touscesbergersdegrande

    transhumance,pours'empileràcinqousixparcouchedans

    leursboriespyrénéennes,sansmêmeimaginerqu'onpût

    sesodomiseràcouillesrabattues?

     

    L'innocencedecestemps-là...Assurémentl'onétaitloindenosfétidesimaginations;

    c'estmêmeunedesplusinsolublesénigmes:commentfaisaient-ilsdonctouspournepointsongeràmal,pourquerien,

    fût-celeplusmincesoupçon,lamoindrevelléitéd'érection

    ,nepûtseglisser?quellespouvaientbienêtreleurs

    associationsd'idées?D'autrepart,c'est-à-diredefaçondiamétralementopposée,commentdoncleursmembres,dépourvusdetoutattrait,detoutechargeérotiquefût-elleinfinitésimale,neserévélaient-ilspasenfinnonpluspourcequ'ilsétaient,desappendicescruraux

    velusouglabres,osseuxouadipeux,crasseuxjusqu'auxcroûtes,

    écrasantetbroyantjusqu'àlafolietoutespacevital,

    toutetentativedesommeil?

     

     

    Le jeune automobiliste et sa mère.JPG

    ...Leslitsjumeaux? pure abomination,pourlaquelleoneûtdûtréclamer

    lesplusrigoureuses sanctionspénales.

    Nepouvantdoncnonplus,si épineuxqu'onsesentel'unetl'autre

    aumomentdesemettre aulit,nousfuirsanscesse,

    saufànousretrouver enéquilibredeprofilsurles

    rebordsdumatelas,

    forceestdenousrésoudre àlapromiscuitédelachair,lard

    ettibiasmêlés.

    Nosbergersariégeoisdetreizecentdouze étaient

    sansdouteplus

    prochesdelachaircollective, delaviandeanimale

    indistincte;

    maisnous,couple occidental finvingtième,sommes

    bienforcés

    denous encastrer,danslesaffres,puisdanslesdélices

    (toutdemême)

    de l'emmêle-pattes.

     

  • Le diable en tête, en miettes

     

    Si tu nous faisais lire le texte ? En voici en voilà, pour que tu juges, indocile auditeur, de la valeur d'un style, car tout ceci est aussi de la littérature. Nous commençons par la page 47 de chez Grasset, puis nous poursuivrons par les multiples de 47, car toutes les méthodes se valent. P. 47 :

     

    "Impossible, bien entendu, d'avoir un mot d'explication."

     

    Court extrait d'un "Journal de Mathilde", mère du héros. Le livre nabigue ainsi d'un point de vue à l'autre de la mère au fils au beau-père au manipulateur. C'est du grand art. Mathilde est une petite cruche mariée à un collabo. Ça fait mal de le découvrir. P. 94 :

     

    La roue, la colonne, les chevaux.JPG"On devine l'effet sur la salle... La température qui remonte d'un seul coup. Les jurés qui "sortent de leur torpeur. "

     

    Eh oui ! Le collabo se fait juger, un témoin juif rescapé vient dire que c'est lui, là, dans le box, qui l'a fait déporter ! P. 141 :

     

    "Ça peut vous paraître bizarre et c'est peut-être bien, après tout, une autre de nos erreurs. "Mais le fait est, c'est vrai, qu'on n'y est plus du tout revenu et que s'est noué entre lui et nous une "sorte de contrat tacite aux termes duquel le sujet était comme forclos. Pourquoi ?"

     

    Chez moi non plus, braves gens, je ne savais jamais pourquoi mes parents se disputaient. Ma mère parlait de "tes conneries pendant la guerre", mais lesquelles ? P. 188 :

     

    "Yvonne enfin, une très vieille amie de Mathilde, celle-là, qu'il était allé chercher, "traquer, circonvenir comme un furieux et dont il n'a réussi qu'à briser le cœur et le ménage."

     

    Car il faut que vous sachiez, Mesdames, que tout héros de roman se doit de tomber les femmes, surtout ici les vieilles rombières, complexe d'Œdipe oblige. Y aurait-iil imitation de Sollers? Perfidie... P. 235 :

     

    "Que te disais-je, ma chère Constance ? Je n'ai emménagé que depuis trois jours – et tu ne peux pas savoir combien je me sens bien déjà, à mon aise, à ma place. Pense donc !"

     

    Il s'agit ici du journal – encore un – de la petite Alsacienne provinciale donc sur laquelle notre héros va se jeter dans sa soif de pureté... meurtrière. Elle parle comme une lectrice de Bonnes Soirées. C'est exprès, rassurez-vous bonnes gens. "Le 14 mars" dit-elle p. 282. On ne sait de quelle année. Les roaring sixties, wahrscheinlich. "Le 27 juin", p. 329. P. 376 :

     

    "Autant les deux premières étaient stylées, cossues, presque bourgeoises, et tout àç ait "inattendues en tout cas, dans un camp de réfugiés, autant celle-ci est vieille et lépreuse à souhait. Elle a quatre étages, en principe. Mais l'un a été pulvérisé par les bombes."

     

    Car notre héros se retrouve chef de faction à Beyrouth. Il faut qu'il passe partout, partout où se joue le sort de la liberté, pour être véritablement exemplaire. C'est un peu long. Mais ce siècle a trouvé long aussi, et continue de trouver long, ces actualités sanglantes qui ne changent pas de puis des décennies. Cette Liberté pour tous qui n'en finit pas d'accoucher, et d'accoucher des monstres. "Est-ce que ça va durer longtemps comme ça, me dis-je ?" - ainsi s'exprime celui qui veille sur notre héros, et qui peut-être le manipule au nom d'intérêts supérieurs et obscurs. Alors l'auteur termine par un grand dégoût de soi-même, un beau mouvement de résipiscence, de retour à soi-même dans le repentir, juste avant suicide, suicide d'un temps tout entier.

     

    Le héros n'a plus pour se raccrocher que des pans d'enfance et d'adolescence. C'est du Camus, moins Camus. C'est vache ce que je dis là. Mais lisez quand même Le Diable en tête, de Bernard-Henri Lévy. P. 473:

     

    "C'était le temps où les mannequins s'appelaient toutes Bettina, cherchaient des maris "américains, avaient le même indéfinissable accent aux sonorités vaguement anglo-saxonnes et "commençaient d'inventer cette singulière démarche, mi-vive mi-paresseuse, pleine de morgue en "même temps que de sensualité, dont elles ne se sont, depuis, plus départies."

     

    Quelque part entre Cartano et Aragon. Vache...

     

  • Du Dantzig, du Drieu

     

    On n'a trop souvent pour guide, malheureusement, que son intime conviction. « Par le même « raisonnement » que les corrompus qui ont renoncé à la littérature pour le pouvoir » (Malraux ?) « il meurt avec la certitude qu'« il n'y aura plus de littérature française après cette guerre » (18 mai 1940) et que la France est morte. La France est là, et ses écrivains. » Arrête, Dantzig, je bande. « Ses écrivains dont moi », Dantzig ? Hé hé, ça n'est pas passé » loin. Citons Drieu à l'intérieur de la citation, le symbole imprimé du livre ouvert nous y invite : « Suprême notion sociale qui semble le bien propre des femmes, car au fond, la société n'existe que par elles, ce sont leurs travaux qui la renouent sans fin, elles en sont les ouvrières et les reines, les gardiennes acharnées ; sans elles, les hommes, qui sont des anges pris au piège, seraient depuis longtemps montés au ciel » - heureusement que Maman fait le ménage. Dès que j'ai lu « femmes » au pluriel, je me suis dit « gare la connerie », nous sommes comblés... Suit la mention « Posth.(ume), 1951. » (pour la remarquable citation ?) - et une liste d'œuvres où ne figurent ni Gilles, ni Le Feu Follet : quelle mouche de non-conformisme a encore piqué Dantzig ? « Pierre Drieu La Rochelle (1893-1945): Etat civil : 1921 ; Mesure de la France : 1922 ; L'Homme couvert de femmes : 1925 ; Genève ou Moscou : 1928 ; Une femme à sa fenêtre : 1930 ; » Dantzig l'estime bâclé, ce livre-là ; il est vrai que les opinions de Drieu sur « les femmes » valent bien les miennes, passons : « Socialisme fasciste : 1934 ; » - eh oui, on voit bien « national-socialisme» !

     

    Ça pue, hein, Drieu, parfois ; prenez vos pincettes et vos masques à gaz... « Histoires déplaisantes : post.(hume, 1963 ; Journal (1935-1945) : post.(hume) 1992. » Bien ! Sans aller jusqu'aux accès couillus du haineux Bégaudeau, je n'irai pas jusqu'à proclamer l'urgence de lire Drieu. Pour Dantzig, vous pouvez vous y risquer, j'y ai pris beaucoup de plaisir, pour l'irrévérence générale de l'ouvrage. Il n'est pas fait bien entendu pour l'assentiment universel. Comme disait l'autre inculte : « On ne peut pas plaire à tout le monde », mais l'auteur du Dictionnaire égoïste de la littérature française, lui, est érudit. Parfois con, mais érudit. Son article suivant est un coup de griffe contre les « REDECOUVERTES » - en effet, comme disait l'autre, « à force de découvrir Dieu, ils vont finir par lui faire prendre froid ».

     

     

    Tronche de cake.JPG

    Lisons : « Le mot redécouverte est généralement employé » (qui est-ce qui écrit mal déjà, Monsieur Dantzig ?) « à l'occasion de la réédition d'un écrivain que tout le monde connaissait très bien. Il existe des écrivains redécouverts tous les quinze ans, comme Paul-Jean Toulet » - toujours pas lu. « On le réimprime, ou en parle comme d'une redécouverte, on l'empêche d'accéder à la grande notoriété » - pas du tout, pas du tout ; c'est un excellent écrivain de second rang, et rrrrran... « Si on le redécouvre, c'est qu'on l'avait découvert, si on l'avait oublié, c'est qu'il y avait de l'oubliable ? » - ah pas mal... Je dis « pas mal » parce que ça me ressemble, évidemment. Mais 'Tout homme qui se méprise se sait quelque gré de ce mépris » (Nietzsche). Autre cible : « REEL : Le réel ! Le réel ! Le réel est ce que les grincheux opposent à toute fiction qui leur déplaît politiquement. » - et encore un coup de patte à la gauche mon pote, ben voyons. « Ils vous reprochent de ne pas voir le réel quand ce n'est pas leur côté que vous regardez » - aussi bien à la droite, finalement. « Leur raisonnement : « Vous avez esthétiquement tort parce que vous êtes quantitativement minoritaires . » C'est curieux, d'ailleurs, parce que, de droite ou de gauche, ils n'ont jamais réussi à se faire élire. » - ma foi si, même qu'ils ferment les hôpitaux, et ce, au nom du réalisme.

     

    Notre auteur est un rigolo. Mais il a du brio. Du brio La Rochelle. Haha. 

     

  • Le chef-d'oeuvre inconnu

     

    31

     

     

     

    L'ENFANT ET LE SING-KIANG (119)

    CI-DESSOUS : L'ARTISTE (ET LA MANCHE)

    CREATION DU SITE WWW.ANNE-JALEVSKI.COM

    L'artiste (et la manche).JPG

     

     

    Reçu ce jour de Pékin l'autorisation formelle. Ou mieux l'injonction. De me rendre au Sing-Kiang (Xin-Jian) « région désertique ; élevage ovin ; extraction du pétrole » - sous réserve, sous restriction expresse de ne jamais franchir le Kunlun Shan (7724 m) limite administrative du Tibet (Xi-Zang. Je revis en rêve (120), du verbe « revivre », ces hôtels miteux d'oasis dont le gérant me poursuit d'étage en étage (Toi payer ! Toi payer !), ces toilettes pour femmes où je me réfugie, géantes, inondées, labyrinthiques, ces combles pourris couverts de gravats (Ecole de Pub du XXe) et ce cimetière - avec ma propre tombe au fond, mal tenue, sable passant sous les quatre planches en haut de la pente – le porche entre ses deux piliers doriques, devant l'aiguillage du tram, le bordel juste en face et son juke-box bariolé comme un cul de mandrill.

     

    Le Sing-Kiang offre à l'exploration une matière inépuisable. Sur les plateaux brumeux qui le dominent j'évoque les jumelles Eurysthées que j'ai vues enterrées côte à côte se pelotant de leur vivant sur le lit de leur mort avec leurs blonds cheveux de nymphes. Ma mère Alcmène s'indigne : "N'avez-vous point de honte, entre sœurs? » En riant elles répondent « Non vraiment, dans six mois on est là-dessous ». Ce qui advint. La seule vérité je vous le dis consiste en ce sommeil qui se poursuit sans trêve au fond de nous de la naissance à notre mort.

     

     

     

    Notes

     

    (119) Et nous voici repartis pour des métaphores plus ou moins géographiques ; fastidieuses ou non, je ne saurais le dire... Mais quoi que vous disiez, je serai toujours d'avis contraire.

     

    (120) Ne pas oublier que l'auteur, d'après les sous-sartriens de sous-préfecture, a « choisi » la paralysie, a « choisi » de ne vivre qu'en rêve.

     

     

     

    32

     

     

     

    MISE EN PRESENCE (121)

     

    Gaston-Dragon s'étant glissé un jour sous la bête, le dos contre le ventre, sous les quatre jambes d'un cheval souffrant

     

    (Pris de tranchées. ("On purge bébé").

     

    "Sentant sa fin prochaine"

     

    et le massant risqua ainsi sa propre vie :"Si le cheval se couche, la bête écrase l'homme » affirma l'assistance, admirative, ajoutant quand ce fut fini : "Ces bestiaux-là, ça sent quand même si on leur fait du bien."

     

     

     

    Notes

     

    (121) Le lecteur se voit désormais plus régulèrement mis en présence de Gaston-Dragon, dans sa vie quotidienne, telle qu'elle a été transmise par Alcmène à son fils, auteur de ces lignes.

     

     

     

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    ORACLES DE GASTON (122)

     

     

     

    1) pétant : "Si y pleut de ce vent-là, y tombera de la merde" (« y » prononcé correctement (fusil, sourcil) ; amuissement du "l" en finale ; nul n'a jamais dit "s'il"). Gaston-Dragon mange bien, boit bien – "On m'appelle : Bouffe-Tout-Boit-le-Reste" : ainsi se complimentent en Lotharingie les gros appétits ; des « Bouffe-Tout Boit-le-Reste » ; le comique provient de ce qu'après le « tout », il n'y a rien – puis brusque passage du quantitatif au qualitatif : il reste donc encore à boire ! Sa fille ma Mère m'a dit: « Je ne ne l'ai jamais vu soûl. ». Il disait aussi : « Un Pou(r)la Gueule » (ne pas prononcerle « r »). Ou bien : « De c'plat-là, j'en mangerais sur la tête d'un pouilleux ! » Pas une mauviette le Gaston-Dragon, mais un bon gros paysan lorrain Nam'donc, ("Notre-Dame donc" ?) qui récitait au lit "Notre Père qui êtes aux cieux" et s'endormait tout sec sans avoir fini sa prière. (« ...si fatigué qu'il commençait juste « Notre Père... » « ...et plouf ! il s'endormait.") La Veuve me mimait son élocution ensommeillée. Il n'y avait pas que la fatigue ; le père Dragon n'était pas le dernier à caresser l'amphore. Et c'est peut-être à ces beuveries campagnardes qu'il faut rattacher

     

    2) le deuxième oracle "Dégueule, cochon, t'auras de la rave", car tout cochon malade, atteint de vomissements - et celui-là ne buvait pas - se soignait par d'abondantes pâtées de raves. Un jour la Fernande, à la ferme, Seconde Epouse à venir, avait dû enjamber un cochon en plein passage. "Voilà-t-il pas que le cochon se relève et me trimballe à travers toute la cour de la ferme ; y avait pas moyen de l'arrêter."

     

    3) ayant mangé : "Débarrassez, sez !" Note préalable : sitôt que tel ou tel a dit ou fait telle ou telle chose, une seule fois - le voilà immanquablement affublé de l'imparfait de l'épopée. « Il fit » devient « fesait ». Cela prolonge, fige, répète ; fonde en coutume un évènement apogée.

     

    (exemple inverse : ayant schématisé sur une table d'écolier un coït, je fus sévèrement puni : "Passe son temps à dessiner des obscénités" – C'est une seule fois ! - Oui, mais c'est la tienne. ») Explication (« débarrassez, sez ! ») : à la fin du repas le café tardant, Gaston-Dragon tira d'un coup la nappe à soi, tout fut précipité au sol ; la répétition de la dernière syllabe se réfère explicitement au commandement militaire, qui se conçoit exécuté à la fraction de seconde.

     

     

     

    Note

     

    (122) Nous allons nous apercevoir que les expressions ainsi rapportées et transmises àson fils par Alcmène, avec toute sa piété filiale, ne consistent qu'en des expressions toutes faites appartenant, selon toute vraisemblance, au fond commun du discours populaire des campagnes de ce temps-là et de ce pays-là.

     

     

     

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    PASSIVITE DE SECONDE EPOUSE (suite du précédent)

     

     

     

    • ...et elle ne disait rien ?

    • Oh non, tu penses ! (123)

     

     

     

    Note

     

    (123) Astucieux, non ? Présenter la suite comme une rupture, très brève... A rapprocher de la « rime en écho ».