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der grüne Affe - Page 77

  • Les écrivants benêts

    je ne sais pas DE QUI EST LE TABLEAU CI-DESSUS. QU'IL AIT L'ELEMENTAIRE CORRECTION DE ME CONTACTER AVANT DE PORTER PLAINTE, MERCI.

     

    16 – 10 – 2020

    J'aime surtout rêver. Une douce lumière d'après-midi joue sur mes pages. Douce également la musique. Éviter l'élégie.

    Tantôt d'une méthode, tantôt d'une autre. Ils s'obstinent longtemps, même et surtout si c'est inadapté, si c'est inefficace. La pipe s'ils en ont se fume, l'inspiration traîne, parfois jusqu'au talent. Et de reprendre sans cesse, de récrire en mieux. A d'autres, qu'ils ignorent, d'assiéger les maisons de passe à livres, de nouer d'appréciables connaissances, ce que les miens ne savent pas faire. De se faire publier. Mais ceux que j'aime ne sont pas de ceux-là. Ils n'osent habiter nulle capitale, ils n'oseraient paraître. Et c'est à longueur d'heures qu'ils écrivent, glanées parmi leurs emplois du temps besogneux, nourris de ce qu'ils ne peuvent, ne savent écrire.

    Je songe à Marcel Proust qui raconte en trois tomes comment il s'est enfin décidé à composer ; à Joachim Du Bellay, qui explique tout au long sa manière d'être inspiré. Mais Joachim fut seigneur, et Marcel riche. Ceux dont je parle se consolent en se penchant sur eux, sur leurs liasses provinciales d'impuissants sympathiques dont les rêves alimenteront quelques jeunes suiveurs. D'autres pipes, la lumière s'intensifie, l'esprit s'émousse, l'auteur s'arrête, retourne à ses briques, à ses copies, touche à ses limites, dans une époque aussi noire qu'une autre. Il sait qu'aux temps constants de décadence chacun perd. Il admet difficilement qu'une seule page suffise. S'il savait qu'il la referait, il songerait à l'humanité. Voici pour finir le moment crucial. Fini de baguenauder de la quéquette. Il faut s'attaquer à un sujet, sortir de soi. Un courant d'air qu'ils supportent mal.

     

     

    X

     

    Il était une fois un schizophrène (bis). Il exerçait le doux métier de professeur et lassait tout un chacun de ses nombrileries. Il voulait ne jamais quitter l'œuf. Écrire sans effort, au fil de la plume. Et s'indignait qu'on vînt le lui reprocher. Comment écrire sans souffrir ? Comment oser dresser son flûtiau parmi les grands arrachés des puissants trombones ? Cependant ne va pas succomber au piège de la méthode. Noter successivement n'est pas l'unique salut. Libre à toi de penser qu'un peu de publicité, qu'un peu d'admiration habituelle, transformerait tes manuscrits en belles pages au programme. Souviens-toi de la page sur Céline, parce qu'il faut bien décemment, parler de lui ; mais trois pages pour les « poèmes unanimistes » de Jules Romains, normalien, de l'Académie Française ; ainsi se retrouve-t-on étiqueté dans la vaste armoire à confitures de l'Histoire.

    Survient soudain le Révolutionnaire, ignorant tout de Proust et de Gide, et qui te fusille pour tiédeur.

  • Charlemagne effleuré

    Finalement, cette bonhomie trouillarde et bourgeoise recèle une bonne résolution, le ferme désir de régner sans partage. Et ce qui donne au souverain cet air rondouillard, c'est la barbe. Cette fameuse barbe fleurie, aérodrome de toutes les taches de bouffe, ici soigneusement peignée, cotonneuse, vieille de Vieille : quelle idée d'avoir ainsi suivi la légende à la lettre ! même dès Roncevaux (Chanson de Roland remontant au XIIe siècle), "l'Empereur" n'était pas qualifié autrement que par sa "barbe fleurie", alors que d'authentiques témoignages, statufiés qui plus est, attestent qu'il ne portait que les moustaches en croc des vigoureux Francs. Viaduc de Glénic RMN.JPG

    La couronne est posée comme un couvercle de soupière, bouffant tout le haut du front. Les yeux sont vifs pour un vieillard de 90 ans (il n'atteignit pas les septante). Les favoris masquent les oreilles, grandes ouvertes n'en doutons pas. Nez droit, bouche gourmande et dégagée sous la lèvre du bas, pour que les ordres s'en échappent sans confusion. Cette horrible barbe en ouate est celle de Dieu après tout, dont il est le représentant : la croix règne sur le haut du globe, fermement assis dans sa main gauche - "ich garantiere die Stabilität" auraient dit les germains bâtards du XVIIIe siècle. Tout est ici traditionnel, couronne et globe également sommés d'une croix grecque, le sceptre lui aussi portant une croix, ce qui rappelle la Trinité, car l'Empereur fut on ne peut plus pieux et généreux envers le clergé.

    Charlemagne incarne ainsi l'autorité, bienveillante mais défiante, incarnation de la stabilité divine. Mais ce n'est pas de Dürer, assurément... Toujours est-il que l'histoire de Charlemagne, actuellement déroulée sur la chaîne 5, c'est l'histoire de ses conquêtes, de ses guerres, de ses massacres, de ses campagnes annuelles. Trois années seulement, et non successives, on ne se battit point. La chose fut extraordinaire sur un règne de 35 ans, au point que les historiens le mentionnèrent. L'armée partait en guerre au printemps, à partir de mai de préférence pour que les chevaux eussent à bouffer.

    L'armée franque se déplaçait vite, avec Charlemagne en personne à sa tête, toujours en excellente santé, mais ne disposait pas d'équipements de siège.

    Et tous les ans, on remarchait contre les mêmes, Bavarois, puis Saxons avec leur chef Wideking, qui ne cessait de trahir aussitôt les traités signés. La guerre, c'était le championnat d'Europe de foot, et les mors, les victimes de la route d'aujourd'hui. Nous n'avons plus les mêmes valeurs, comme le triomphe du christianisme à la pointe de l'épée, mais c'est curieux, des tas de personnes meurent quand même. L'oeuvre humaine est toujours à refaire, il faut toujours réformer la justice, donner du pain aux affamés, abolir la corruption, et tous ces grands hommes n'ont pu faire qu'une petite partie vraiment efficace de ce qu'ils auraient souhaité, mais assez rabâché que les héros sont inefficaces et regorgent de petitesses, donc stop.

  • Les vieux bourrés

    Eugène et Alphonsine restent bouches bées sous leurs vapeurs d'alcool. Le barbu articule «insultez-moi et je porterai ma croix. - Vous l'entendez, l'ivrogne ? Trente ans que ce chef de gare se prend pour un pasteur... » Ils en viennent aux mains. Vieux-Barthek et Émilienne, agents provocateurs, ont atteint leur objectif : les faire interner sur-le-champ grâce à la camionnette de Valhubert où deux infirmiers en tenue maîtrisent les pugilistes. Même à travers la porte arrière, on entend Alphonsine hurler :

    « Où y a Eugène, y a pas de plaisir. »

    Émilienne cligne de l'œil, le logement est tout trouvé. Barthek éprouve de légers remords, c'étaient des gens bien, détrompez-vous enchaîne Émilienne, ils battaient leur troisième fils, nous avons des dossiers sur eux, ils ne laissaient pas de trace sur le corps, faisaient porter à ce dernier tous les haillons des frères aînés, placent son âme en internat dans la ville même, s'opposent tant qu'ils peuvent à son mariage. S'ils ont mieux traité leurs autres fils ?

    « Je crains que oui » répond Émilienne, mais ils ne devaient pas s'acharner sur le dernier, qui voulait plus d'amour que les autres. Ils ne devaient pas s'acharner sur la bouteille. » Devant le mutisme soudain du pensionnaire, elle pense proposer de vendre la bicoque si vite vidée, afin de couvrir les frais d'hébergement et l'improbable désintoxication d'Eugène et Alphonsine. À ce moment Barthek Prastinnthiovitch sort enfin ce qu'il a sur le cœur : une déclaration d'amour, mentionnant les yeux de Émilienne, la peau de son visage « si exactement tendue par le muscle » le masséter ? - ...les buccinateurs aussi, Émilienne, tous les autres… - ...je vais vous confisquer vos brochures médicales, Barthek ; le buccinateur ne se voit pas de l'extérieur.

    Barthek conteste. Dévie sur l'expression de vertu, de justice, d'équité, rendue par son visage - « ...de vertu, Barthek ? » Quand elle rit, les boucles tremblent sur sa joue. Il reste une Cinquième Porte. Toute proche, celle-là, de l'ancien domicile de Barthek et Myriam, avant leur arrivée au Vieillards'Home : « ...avant la mort, deux personnes très, très âgées, en fond de jardin, une arrière-maison ! » - Qui occupe le bâtiment sur la rue ? - Des quadragénaires.

    Toit, verdure et pierre rmn.JPG

    - C'est jeune dit Barthek.

    Les jeunes ont engagé une procédure d'expulsion.

    - On n'expulse pas des vieux dit Barthek.

    Les locataires ont vécu là vingt ans, jetant les ordures entre les deux maisons, des gazinières, des batteries mortes, nos deux fils disaient-ils dégageront tout ça par camionnette – les quadragénaires n'en croient rien. Ils évacuent les amoncellements. Ils s'appellent les Mazeyrolles. Ce sont des cousins de Émilienne, mariés ensemble. Ils n'ont pas supporté leur expulsion. Ils ont senti venir le vent, trop tard. D'abord, la famille leur a doublé le loyer. Elle les avait perdus de vue, sauf pour faire pression sur eux. « Je n'y suis pour rien directement. » Pour gagner l'extérieur sur la rue, les Mazeyrolles devaient traverser le jardin ; c'est ce qu'on appelle une « servitude », conventionnelle, puisque les vieux ne sont pas enclavés. La maison de devant est occupée par des quadragénaires alertes, aimant le soleil qu'ils prennent aux autres, ils mangent dehors l'été sur une table blanche. Ils s'appellent les Acquatinta.

  • Romnestour est de retras

    Le Grand Maigre, l'hôte, ouvre et ferme silencieusement ses longues mâchoires de crocodile, non si bien endentées cependant. Il mange salement, avec des claquements. Je guette involontairement les oiseaux nilotiques destinés à venir lui picorer les interstices dentaires. Je hais ces gens et leur suis attaché au point de ne plus savoir ce que je dois penser :de la femme ou de l'homme qui partage ma couche. La boulette de graisse qui lui tient lieu de femme peut bien tourbillonner dans la pièce avec des chuintements de chouette, nettement différents du doux ululement du hibou, mais obscènes, rapaces, nocturnes (depuis, à mon actuel compagnon comme à moi, jusqu'au croissant chaud prend le goût du mulot mort). Parfois le Grand Maigre, fusil cassé en main, et moi-même, partons dans les bois, quand la nuit tombe : tout ici est loin de la loi.

    Nous poussons des cris de hiboux, il nous est répondu par nichées entières sous le long ciel arctique. Et en vérité combien nous sommes désappointés, voire coléreux,de ne point voir sur les branches à peine distinctes ne fût-ce qu’une ombre géante et tutélaire. Nous revenons seuls, une petite mort délicieuse au corps, et en vue de notre tour hantée, par une sorte de réflexe, nous refermons d’un seul déclic nos deux Remingtons. Le lazaret RMN.JPG

    Décidément, l’homme avec qui je dors est un homme. Mais nous ne nous touchons pas de la nuit. Il est des obscénités qu’on ne commet pas entre hommes. Nous couchons casqués et bottés. Ce lit de fer, c’est une tranchée. Il y a eu beaucoup de viols entre hommes et de tentatives de viols dans les tranchées devant Verdun. Ici, nos fusils devant nous sur le râtelier en bois, contemplant nos virilités au clou, nous sentons qu’il est temps d’appesantir nos paupières, et nous sombrons dans le plomb jusqu’aux petits matins. J’ouvre le volet qui bat lourdement sur les parois, déjà je sens d’en bas monter les effluves d’une chicorée amère, déjà la chouette féminine nous informe que le petit-déjeuner est près, ajoutant quelques crouacs qu’elle croit de très bon augure. Alors éclatent entre les deux hommes que nous sommes, renfilant sans nous laver nos habits pour descendre décents, des scènes de ménage entre nos dents rentrées.

     

    2)nous leur devons de l'argent et des services, voilà pourquoi nous sommes là, tous les ans depuis des années,

     

    (une page)

    Nous venons d’une ville du sud : Edmonton. C’est sans originalité. Nous ne devrions pas appeler réellement cette ville « Edmonton », car « Edmonton » existe réellement. Disons que c’est une ville perdue au milieu d’un désert glacé, formée de hauts gratte-ciel où il ne viendrait à personne l’idée de précipiter un avion, avec des silos à grains d’une hauteur elle aussi démesurée, où tout cela fermente sous le regard obtus des thermostats lumineux. Mais tous les étés, tous les automnes, tous les hivers aussi (car les scooters des neiges déblaient merveilleusement les routes de toutes ces contrées, nous ne pouvons y échapper ; il n’y a qu’au printemps que la boue (du moins le décidons-nous ainsi) empêche décidément toute communication) - nous ramènent chez Jywes et Holly, sa femme. Nous nous y sentons obligés. Nous sommes leurs obligés. Ils ont acheté pour nous cette haute maison, qu’ils appellent entre eux « la Masure », alors que rien, strictement rien ne les y obligeait.

    Mais comme ils ont bien vu que rien ni personne nen ous ferait mettre « la main à la pâte », que décidément nous n’étions pas dignes de ce somptueux cadeau isolé, ne sachant ni bricoler quoi que ce fût ni passer une couche de lasure tant soit peu régulière ni quelque fongicide que ce fût, ils se sont sentis obligés d’occuper notre maison, de l’entretenir, d’y passer couche de pinceau sur couche de pinceau, goudron sur goudron, bardeau sur bardeau. Ils avaient eux aussi leur petite maison bien cernée de pelouse, en banlieue, ils partaient à la pêche vers le Lac des Esclaves, la température descendait à des degrés inimaginables - mais ici, c’étaient eux qui entretenaient une maison qu’ils nous avaient offerte.

    Est-ce qu’il ne s’était pas agi à un moment donné de Dieu savait quel billet de loto gagnant que nous aurions partagé, est-ce que nous ne nous serions pas bien mieux entendus jadis qu’à présent, est-ce que nous n’avions pas échangé nos femmes ou nos maris, n’y avait-il pas entre nous de ces secrets qui traînent depuis des décennies à l’intérieur des sectes et des communautés qui se sont faites, toutes, ne vous y trompez pas, à l’époque des Guerres du Viet-Nam ? canadiens ou pas... Ceux qui sont passés par ces épisodes confus peuvent seuls savoir - et nous sommes loin d’être justement les seuls - le caractère irréfragable que peuvent prendre alors les liens qui se tissent entre les gens, le fait d’avoir senti subrepticement se glisser en vous une queue qui ne vous était pas destinée, qu’on soit mâle ou femelle - ceux-là seuls peuvent comprendre l’impossibilité archi-absolue de toute rupture, le silence qui s’abat sur vous pendant des années, les folies aux visages variés qui vous font ou pousser des cris de chouettes ou des bubulements de hiboux, les culpabilités molles, les traînassements d’habitudes, et les jouissances de désespoir, de dérisions, lorsque le vent qui se faufile entre les cimes vient se heurter à nos volets.

    Ici les nuits comptent plus que les jours, elles ont une épaisseur révélatrice, elles vous révèlent incomparablement plus que les jours ce que c’est que le Pays de Moose Jaw, de Poughkeepsie, de tous ces lieux imaginaires auxquels il est formellement interdit de donner des noms vrais : une épaisseur qui vous plombe aussitôt dans un sommeil où l’on ne sait pas ce qui rampe entre vos jambes si c’est une femme (une lourde cuisse grasse) ou ce qui reste obstinément raidi sous le tissu sale et roide d’un pantalon insensible et désastreusement immobile, lorsqu’il s’agit d’un homme.

  • Second degré, pour les débiles...

    Dommage en vérité d'arriver en fin de journée, à 21h. Tant de choses se seront passées, tellement plus significatives. Mais acceptons le sort. Fatum accipiamus . Il n'y a rien de plus à se mettre sous la dent à ces instants de la journée que de longues et obstinées émissions télévisées. En effet, la télévision n'a pas encore touché le fond de son déclin. En l'occurrence, nous avons regardé une émission consacrée au chanteur Balavoine. Il me plaît, il m' plul, mais un faiseur de chansons, quelle que soit son originalité, n'a pas droit à ma considération de morveux. Sa destinée fut différente de la mienne, et n'a aucun point commun avec moi. L'homme du commun rapporte tout à soi-même.

    Toits en contrebas ROMN.JPG

    Il a pris des leçons. Il a connu Patrick Juvet, pédé notoire, et je n'aime pas les homosexuels, parce que j'en suis un, mais refoulé. La voix de Balavoine porte très haut, jusqu'à Polnareff, au moins. Plus haut même que certaine filles, comme en témoignent des chanteuses, toutes suspectes de lesbianisme, car leur panoplie écussonnée d'entre-jambes m'impressionne toujours autant, et j'admire avec aigreur tout ce qu'elles peuvent faire avec tout ça. Heureusement, Balavoine est un dragueur macho particulièrement jaloux, comme en témoigne une de ses maîtresses, soixante ans. Car il aurait 60 ans et plus.

    L'émission glisse sur son fils, Mon fils ma bataille, dont il a dû perdre la garde (et Michard). Sa fille est merveilleuse, solaire et lunaire à la fois. Elle a souffert d'entendre parler d'un père mort avant sa naissance. Elle interprète une de ses œuvres, C'est très sobre, très émouvant. Elle doit désormais s'occuper de sa propre vie, pour laquelle des projets immenses se profilent . Balavoine se considérait comme chanteur de rock, mais fut un phénomène de variété, sans que jamais cela ne sente la « variétoche ». J'ai adoré, avec des millions d'autres, Le chanteur. Moins L'Aziza, car je suis non pas raciste mais ultrasensible à tout ce que l'on a pu faire de moche et de funeste avec la notion d'antiracisme, à présent presque totalement dévoyée.

    Retrouver des airs de cette époque-là, 1976-1986, m'a rappelé de quels enthousiasmes et de quelle joie de vivre ces rythmes et ces gueulantes perçantes nous ont emplis. Mais nous ne dirons pas, avec les commentateurs, dont c'est le rôle, que « la société en fut bouleversée » . Nous ne dirons pas non plus, par incompétence et racisme sous-jacent, que Balavoine fut le précurseur du rap : en effet, il se souciait, lui, de la mélodie ? Orelsan n'est qu'un macho homophobe, comme moi. L'émission suivante portait sur Michel Berger né Hamburger (tu imagines « Et voici Hamburger ! » et tous les spectateurs de s'exclamer la bouche pleine Miam Miam ! Là aussi, gros apitoiement sur la mort prématurée. Tête de pédé bouclé, car celui qui n'est pas ultramoche, pour nous autres connards, relève forcément de la pédérastie. J'espère que ce texte vous indiffère, car vous voyez bien que je m'efforce de faire l'intéressant scandaleux. Avec France Gall (vaut deux), il fabrique deux petites filles, dont l'aînée souffre de mucoviscidose. Il faut faire attention, la nuit, que le masque à oxygène ne glisse pas, sinon, tu meurs, comme un de mes élèves intermittents. Je ne pense pas que ce soit bien fait pour leurs gueules, car la célébrité se paye. Ce sont des gens comme les autres, qui doivent dissimuler leurs chagrins pour ne pas effaroucher ceux qui les achètent et les aiment.

    Ils étaient très liés avec Balavoine et Coluche, tous deux morts très jeunes en 2033. Ils ont vécu à cent à l'heure, prenant maintes décisions. Paix à leurs âmes et aux nôtres. MA FEMME EST CHIMIQUEMENT LOBOTOMISÉE

  • Pensées de Montesquieu

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    Montesquieu est mort. Vive Montesquieu. Du modèle de vie qu'il propose, certaines choses sont à retenir. Il existe tant de façons de vivre ! j'aurai du moins maintenu ma fidélité. Qu'elle soit inertie, ou plus, qu'importe : les motivations profondes restent toujours cachées, souvent banales ou peu reluisante. Cependant point besoin de les tourner au noir ; pourquoi ne pas les interpréter dans le sens de leur noblesse ? Montesquieu écrit Essai sur le goût – cela se présente comme une suite de paragraphes apophtegmatiques : « La noblesse faisait profession de poète » : un Néron composait des vers, chantait et déclamait (fort mal), et convainquait un certain nombre de grands personnages de partager avee lui l'honneur ou le déshonneur des apparitions sur scène ;

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    Citons aussi Guillaume de Champagne, Guillaume de Mahaut. Mais de quelle époque Charles-Louis parle-t-il donc ? « On faisait fortune par la poésie auprès des dames et auprès des Princes » : ma foi, où a-t-il vu cela ? ...Toujours cette passion d'on ne sait quel « bon vieux temps ». « L'Europe n'a pas pu manquer de génies » : à notre connaissance cependant, nul artiste, fût-il Corneille ou La Fontaine, n'a pu se départir d'une certaine modestie de ressources. Plus heureux les plasticiens, peintres ou sculpteurs. Car ils pouvaient reproduire, exposer les portraits du Prince, partout où celui-ci l'estimait souhaitable. « Il y avait, d'ailleurs, de l'émulation » - en vérité ?

    Et comment faisait-on pour décider du « plus » ou du « moins » en matière de qualité ? n'est-ce pas que l'on avait des critères bien fixes et bien fermes ? « Cependant, on ne voit que des misérables ouvrages, faits par des gens qui n'avoient que des idées prises de l'Ecriture sainte ». Lesquelles, lorsqu'elles sont crues véritablement saintes, ne peuvent manquer d'abaisser, d'obscurcir les esprits. Ce qui est mauvais, vraiment mauvais, se décèle. Mais « l'émulation » me choque : décider qui de Marguerite Duras ou de Yourcenar écrit le mieux me semble dépourvu de la moindre pertinence. Reste à trouver de nos jours l'équivalent des obscures niaiseries théologiques d'antan : chacun se sent tellement investi, tellement excellent !

    « Mais, dès que l'on commença à lire les Anciens, que l'on eut perdu un siècle à les commenter et à les traduire, on vit paraître des auteurs, et (ce qui me semble faire la Gloire des Anciens), on peut leur comparer les modernes ». Plus haut, dans cette controverse bien vivante, Montesquieu déclare trouver autant de bon et de mauvais dans les deux camps, non sans une certaine révérence pour l'Antique : major e longisque reverentia. Il nous souvient d'un ancien Tillinac ou d'un vénérable Sollers, disant ou laissant entendre que la Renaissance du beau, du vrai, du non frénétique, pourrait bien être à l'avenir le fait d'obscurs scribes transmettant le passé mort àfins de résurrection. Par des gens modestes et fermes, sans esprit de paillettes ni de gloire. « Il ne faut point entrer avec les Anciens dans un détail qu'ils ne peuvent plus soutenir, et cela est encore plus vrai à l'égard des poètes qui décrivent les mœurs et les coutumes » - arrêtons-nous : rien de plus odieux en effet ou absurde que de tenir grief à Baudelaire ou Flaubert qu'ils n'aient pas protesté contre la condition ouvrière de cette époque. Traiter Ronsard de misogyne est bien plus révélateur de la connerie de celui qui le dit - « ...et dont les beautés, même les moins fines, dépendent, la plupart, de circonstances oubliées : les Anciens après tout furent aussi Modernes, et les Modernes seront à leur tour oubliés » - quant à nous, écrivons - « ...ou qui ne touchent plus ».

    Ainsi s'est fanée une grande partie du comique d'Aristophane ou de Plaute. « Ils sont comme des palais antiques dont les membres sont sous l'herbe, mais qui laissent encore voir toute leur grandeur et toute la magnificence du dessin. » C'est en effet au XVIIIe siècle que l'archéologie put naître et s'affirmer. Penser, donc, écrire quelque chose, quoi que ce soit inutile. Nous avons été mis sur terre. Notre devoir est de ne pas nous défiler. Or les pensées défilent, tout défile. Et nous n'avons pas le dixième de ce qui fut écrit pour les bibliothèques grécoromaines. Statu quo définitif. Faisons notre métier. « Nous reprochons aux Anciens d'avoir toujours relevé la force du corps des héros. » Le corps en effet permet aux homme de survivre et de produire. « Mais, parmi nous, chez qui de nouvelles façons de combattre ont rendue vaine la force du corps... » - canons, armures – nous représentons encore, dans nos ouvrages, faits pour exciter l'imagination, des héros qui tuent tout, qui renversent tout ce qui s'oppose à leur passage.

    Évoquons ici le Roland furieux, le kung-fu et autres Terminators primates, puisque le cinéma surpasse en popularité l'écrit. « Tantôt ce sont des géants ; tantôt, des lions ; tantôt, des torrents ».