Proullaud296

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  • Château de Baugé

     

     Le château de Baugé (Maine-et-Loire) porte un bien humble nom, la bauge étant ce lieu où le sanglier se vautre à l'abri des buissons. Il dégage aussi un puissant parfum de vieille et fauve féodalité. La carte postale qui le représente offre peu de place à la correspondance au verso. Il s'agit plutôt d'une fiche explicative, destinée au classeur d'un très ancien élève. La Collection de la Solution Pautauberge proposait aux médecins des séries (ici la 6e) que les enfants desdits docteurs s'empressaient (ou non) de compléter. Autant dire que la photographie est ancienne, austère, fanée. Que le château d'ailleurs se présente comme une construction massive, un corps de logis gris coiffé d'ardoise aux deux mansardes bien de face, deux autres se nichant dans la gorge de deux tourelles symétriques.

     

    La tourelle de gauche, engagée dans la ligne de front, est surmontée d'une flèche à girouette, elle même entamée d'un pignon. Celle de droite n'est plus qu'un mur percé de quatre fenêtres superposées, la plus haute séparée des autres par un espace nu plus large. Elle est déjà sous le toit, en vaste pignon, reposant sur deux contreforts de façade. Le château n'est pas accueillant, toutes ses ouvertures sont closes, ce qui en fait des fermetures. Quatre portes en bas au ras du gravier, surmontées d'autant de fenêtres, étroites, volets fermés. Entre la deuxième et la troisième, un fenestron carré près du sol, une ouverture à grain tâchant de ressembler à une meurtrière avec son lineau, plus un ultime fenestron sous la gouttière. Ampoule.JPG

     

    Partout règne une symétrie chaque fois rompue par une délicate différence, rompant la monotonie : le pan coupé de la tour de gauche recèle une tourelle engagée, toiturée d'ardoise avec sa girouette personnelle. Le pan de mur sous le pignon très large, à droite, montre une porte fourragère à voûte, en hauteur, soigneusement fermée elle aussi. Nous accédons à ce château par ce pan de mur, comme coupé, au momyen d'une large allée bordée de bornes que relient des feston de grosses chaînes, dans l'herbe d'une pelouse. A droite un caniveau médiocrement entretenu, un trottoir, un buisson vert qui empiète. Un mur de gros bloc, au deuxième plan, voudrait accentuer une profondeur que l'aplatissement général ne permet pas.

     

    Derrière lui l'allée se poursuit sur la droite, et sur la gauche aussi, devant tout le corps de bâtiment. Il n'y a pas de soleil. Les châtelains doivent bien s'ennuyer, s'ils occupent toutefois le bâtiment, qui semble bien plutôt abandonné aux équipes d'entretien. La pierre est grise et fanée, les toitures d'ardoise délavées, le ciel crayonné de nuages blanchâtres et plat, au-dessus desquels règne un ciel bleu pâle ennuyé. Nous avons compté cinq grandes cheminées, toutes à droite, la première soulignant l'exacte moitié du cliché. En arrière et de part et d'autre du corps principal se tiennent d'autres masses pierreuses, laissant présager une longue visite guidée. 

     

  • Vous n'avez rien à transmettre

    J'ai lu ça, sur le blog "Veilleurs de Blois". L'auteur peut se contacter à veilleurs.blois@orange.fr. FAITES PASSER;

    Il s’est produit, dans nos sociétés occidentales, un phénomène unique, une rupture inédite : une génération s’est refusée à transmettre à la suivante ce qu’elle avait à lui donner, l’ensemble du savoir, des repères, de l’expérience humaine immémoriale qui constituait son héritage. Il y a là une ligne de conduite délibérée, jusqu’à l’explicite : j’étais loin d’imaginer, en commençant à enseigner, l’impératif essentiel qui allait structurer ma formation de jeune professeur. « Vous n’avez rien à transmettre » : ces mots, prononcés à plusieurs reprises par un inspecteur général qui nous accueillait dans le métier le jour de notre première rentrée, avaient quelque chose de si étonnant, qu’ils ont marqué ma mémoire. (…)


    Nous voulons toujours éduquer mais nous ne voulons plus transmettre. La faillite de ce projet éclaire la crise contemporaine d’une lumière neuve : les enseignants ne sont pas subitement devenus médiocres, les parents n’ont pas massivement oublié leur responsabilité. On leur a simplement confié une mission impossible, impensable. La société leur a demandé d’éduquer mais en laissant l’enfant libre, vierge de toute trace d’autorité, délivré de tout le poids d’une culture antérieure à son individualité. Nous voulons absolument éduquer les jeunes, au respect, à la tolérance, à la citoyenneté… Mais cela ne suppose pas de transmettre, croit-on. Il suffit de créer, pour se rassurer, le cadre flottant d’un ensemble de valeurs qu’on répète consensuelles en espérant qu’elles le deviennent ; puis l’enfant devra se lancer tout seul à la recherche de son savoir, de ses décisions morales et de son destin. (…)

    La jeunesse est pauvre aujourd’hui de tout ce qu’on ne lui a pas transmis, de toute la richesse de cette culture que, pour une très large part, elle ne comprend plus. Désemparée, déséquilibrée, elle revient bien souvent au dernier mode d’expression qui reste toujours disponible  pour celui qui n’a plus de mots pour parler : la violence. Inarticulée, incompréhensible, dépourvue de sens, cette violence marque ceux qui n’ont pas la chance de fréquenter la culture par un autre moyen que par l’école. Dans les familles les plus fragiles, les quartiers les plus défavorisés, la violence devient un moyen d’expression, quand la langue est un lieu hostile. Voilà le résultat de notre propre projet. Nous voulions dénoncer les héritages ; nous avons fait des déshérités.

     

    Commentaires

    Magnifique. Je copie en vous mentionnant.

  • Ecriture à deux balles

     

    Ce que je vois devant moi est très simple : rien. Des étagères contre un mur, structure instable, un rabattant, donc, sur lequel il est dangereux de s'appuyer. Sur la tablette, une montre dorée très toc, qu'il m'a plus d'acheter. Plus loin une brosse à chaussures, poils en haut, dissimulant à demi une pellicule photo enroulée sur elle-même. Faut-il que Nous Autres Ecrivains n'ayons plus rien à dire pour nous contenter de ces pauvretés. De ces ressassages. Et plus personne ne lit rien. Les hommes, particulièrement. Devant moi un volume jaune de la collection Budé : du Platon. Gorgias suivi de Ménon. Je m'en contrefous. Platon m'inspire la plus profonde aversion. Je n'aime pas Socrate non plus, cela va sans dire.

     

    Pourtant les quelques pages que je viens de lire concernent au plus haut point le souci de culture : la vertu peut-elle s'enseigner ? Peut-on apprendre à quelqu'un à désirer lire, à aimer ce qu'il n'aime pas ? Car la vertu, chers Socrate et Platon, chers curés constipés, je m'en contretape. Tous les beaux textes, tous les grands maîtres, quelque talent qu'ils aient déployé pour me convaincre, ne sont jamais parvenus qu'à me la rendre rébarbative, la vertu. La vertu, c'est ce qui m'empêche de faire ce que je veux, alors que les autres se permettent tout. La seule morale et l'unique vertu que je vois à l'œuvre, c'est la loi du plus fort, ou du plus rusé, ce qui revient au même. Celui qui me passe devant dans les files d'attente a repéré mon air couillon, distrait, coupable, et en profite, c'est tout.

     

    Le plus vertueux, le plus crétin, c'est moi. Cela chacun peut le vérifier. Non, la vertu ne se peut enseigner. Non, la culture ne peut se transmettre. Tout est joué, dès la naissance, ou « avant six ans ». Innombrables exemples d'enfants massacrés sous nos yeux. Futurs hésitants, quoi que l'on fasse par la suite. Rabroué par le père ? ...soumis à la mère. A trente-six ans comme à dix, malgré les excroissances bénéfiques de ses compensations. Socrate dit pourtant à Ménon que l'homme vaut mieux quand il cherche la vérité, même s'il la sait à tout jamais inaccessible, plutôt que de renoncer, en se comportant à vau-l'eau. Il ne faut donc ni prétendre avoir trouvé, ni prétendre à l'ignorance. Ni se replier sur le raisonnement bâtard consistant à évoquer la « vérité relative », tributaire de «mon » expérience, et valable pour « moi » seul.J'avais pris pour vérités comptantes ce qui désormais s'effondre. Disons mieux : des cloisons qui s'abattent me livrent accès aux vérités des autres, celles qu'ils partagent les uns avec les autres.

     

     

     

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    Quand mon raisonnement se tarir, revenir à la description. Sous le Platon jaune se trouve mon carnet bordeaux 2052. Je note là tout ce que j'ai fait, et les choses à faire : agenda, et mémorandum. Il en dépasse une feuille confuse. La paresse me saisit de disserter sur le caractère dérisoire du mémorandum, et celui, contraignant, des choses à faire : « agenda », « choses devant être faites ». Je devais bien noter ce mot de Léon Bloy, vers 1907, où il constate le faible poids de la poussière des jours, le déroulé du quotidien à la balance de l'efficacité ; ce qui a constitué ma vie – mes heures de cours, ou de composition – ne laisse nulle trace jusqu'ici dans ma mémoire, qui mérite du moins de s'y inscrire.

    Le perron extérieur.JPG

     

    Alors que tant d'anecdotes garnissant ma mémoire, petits faits, incidents, n'auront été de rien dans la construction de ma vie. Ma vie, ce sont tous ces volumes mal reliés par ordre plus ou moins alphabétique, dans mon armoire ; et tout le vécu, tout ce que les autres et moi aurons eu finalement de commun, parties de badmington dans le jardin avec Annie à St-Germain, voyages de représentant de commerce, tout cela ne sera rien, n'aura jamais été.

     

  • Prémisses d'un chef-d'oeuvre posthuime (je le jure)

     

    Tant de bourgades nostalgiques à crever –voir le guide touristique. Plus personne. Je me souviens à Saint-Léon, rue Niel, de la mère Auxitain, de mon refus du gaz butane (« Pas de ça chez moi » - toute l'année toilette à l'eau froide, et shampoing...). De la chambre de N. , bien intimidante, juste à côté, rudoyée par son mec, à mon grand scandale ; ce mec avait raison - est-ce qu'on prend des airs hautains comme ça, aussi... En son absence, les gosses de la proprio venaient se planquer là pour se regarder le sexe et se sont interrompus en m'entendant, à travers la cloison, déclamer la méthode Assimil de grec démotique. Souviens-toi du bistrot le K, dont le patron m'appelait « Mendelssohn” parce que j'avais fait mon entrée en battant la mesure avec pompe... tout ce que je me serai descendu comme alcool là-dedans.

     

    Adieu aussi bistrot de Beauvoisy, avec son patron surnommé « Piéplu » par cejeune collègue ivrogne, hugolâtre, flamboyant : Rillon. À St-Blase, je revois la descente « Lapin » vers l'arrêt de bus ; la môme Rieussec, toute blonde, toute vierge, que j'ai suivie à pied tout un kilomètre sur l'asphalte tac, tac, ses talons sur l'asphalte, sans ralentir - nous aussi on rigole biendisait-elle – qui était ce « nous » ? filles entre elles ? - et je ne cachais pas, à l'époque, cette morgueodieuse que je reprochais à toutes.

     

     

     

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    Tous les ans à Noël c'était le même cirque : ils s'invitaient tous entre eux pour les réveillons. Il me fallait vraiment beaucoup de surdité pour ne pas entendre ce qui se tramait : pas un seul pour m'inviter moi. Trop grossier. Je suis allé une fois chez les U. Mon voisin de table, correspondant du torchon local, rigolo, progressiste et de goche, à qui je sors une vanne peu ragoûtante il est vrai : Encore deux comme ça, et je fous le camp - total j'ai dû fermer ma gueule et je me suis fait chier tout le repas - c'est bien toi, collègue, qui draguais toutes les nouvelles - « qu'est-ce qu'il pue, l'ovaire », ou plus élégamment « Trois coups dans le saignant, deux coups dans le merdeux » ? quelle classe !

     

    Parmi elles la petite Céline, pendant la grande manif antifas d'après Carpentras ; la Barbounya, magnifique, se demandant sans cesse d'où provenait son nom  («  le turbot », en turc). A peine chez moi j'avais droit aux scènes les plus sordides : “On ne voit jamais personne !” Je me suis même abaissé jusqu'à placarder en salle des profs que j'invitais qui voulait chez moi, promettant de ne pas entasser les plaisanteries de cul.... Faut-il vraiment que je sois descendu si bas, au point de supplier les autres de m'aimer ? Un jour Léontine, prof de danse de ma fille, descendit chez nous avec un petit groupe d'amis, avant de passer chez quelqu'un d'autre, d'où nous étions exclus, bien sûr ; au bout d'un quart d'heure, tout les blaireaux voulaient plier bagages.

     

    Pas un n'avait adressé la parole à ma femme, qui s'était mise sur son trente-et-un ; je surpris de Léontine un petit geste : “Encore un effort, 5mn de plus !” Ce qui fut fait. Pas un mot, ni à mon épouse, ni à moi. Le seul à m'avoir invité, Choret, ce fut pour me présenter un tortionnaire d'Algérie, qui se plaignait : « Elles gueulaient pour pas grand chose, les fatmas : tu parles, du 110V ! fallait bien qu'on se distraie, nous autres, sur le Plateau ; c'était pas drôle tous les jours ! j'ai serré la main à ça... plus remis les pieds... Il est prouvé que notre cerveau enregistre jusqu'au moindre détail toutes les scènes d'humiliation ou d'injustice de nos existences – je récapitule tous ces coups d'épingle ; nous avions invité un commpagnon d'infortune, le collègue de travail manuel : une vulgarité à couper, justement, au couteau. Le lecteur.JPG

    Le genre à se planter bien ostensiblement jambes écartées dans les pissotières d'élèves pour interpeller de côté tout ce qui passe sans lâcher son bout de zob : « Tu vois la frite, là, dans le plat : même dimension, même forme ». Il avait dragué une par une toutes les femmes de l'établissement. Toutes se foutaient de sa gueule – comment fait-on pour changer ? Alors, j'ai invité un collègue noir ; quand il est reparti, mais pas avant, je me suis aperçu que je m'étais trompé de Noir. Voilà, c'était ça, mes contacts sociaux avec les conlègues. Ça donne vachement envie de persévérer. J'en reviens toujours au vieil adage : moins je vois de gens mieux je me porte. Ce qui est faux d'ailleurs.

     

    Nous avons fréquenté des années le couple Commisset - plus maintenant, vu leurs connards de neveux qu'ils se trimballaient partout ; mais avant leur naissance, combien de fois ne sommes-nous pas allés dîner chez eux, après 7h bien sonnées de cours ? – dentiste, ta gueule, viens les faire - bien entendu pas question pour mon épouse de tenir le moindre compte de mon total épuisement il fallait faire bonne figure, blaguer, briller, prouver une haute intelligence, sous peine de scènes de ménage dès le trajet du retour. J'appréhendais ces soirées, pendant lesquelles, alcool aidant, je faisais feu de tout bois – le lendemain, premier cours à 8h., la classe pétait la forme.

     

  • Clovis actuel ?

     

    Nous l'entrevoyons plus que nous ne le voyons, et sa présence en est accrue, diluée, comme au sein d'un halo. Et tout autour de lui gravite une civilisation entière, dont les rites et coutumes juridiques et guerrières nous sont développées avec art, ainsi que toute uen galerie de figures elles aussi légendaires : Clotilde, qui participa de façon plus qu'occulte aux décisions capitales, Geneviève, qui détourna les Huns de la capitale de la France, selon le même schéma que St-Aignant les détournant d'Orléans, du pape Léon les détournant de Rome, ce qui fit penser que ma foi, ces légendes un peu trop parallèles et répétitives pouvaient bien n'être justement que des légendes, mais il se trouve que Michel Rouche y ajoute foi, se fondant sur des documents qu'il nous expose in extenso à la fin de son essai.

     

    Ces documents sont rédigés dans nu latin absolument flamboyant, où le classique ne retrouve ni ses constructions ni son vocabulaire : les mots y sont systématiquement rares, sa grammaire systématiquement tarabiscotée, la chose n'était véritablement compréhensible que par des clercs d'uen extrême érudition, alors que les souverains souvent ne savaient pas lire (sauf Clovis). Cela fait exactement penser à ce charabia chiadé dont usaient naguère encore nos littérateurs, alors que les soi-disant lecteurs s'expriment dans un français en pleine décopopsition. Heureusement, nous avons le français moderne en colonne parallèle au texte.

     

    J'avais bien aimé ce Clovis de Michel Rouche. On y traitait d'un empire en proie aux invasions, les anciennes populations gémissaient sous lejoug de peuples autoritaires qui faisaient fermer les églises ne correspondant pas à l'hérésie de leurs rois, et la solution qu'imaginait Clovis et son entourage était de se soumettre au pape, indirectement il est vrai, seul héritier finalement de l'universalité, de la catholicité (ce qui veut dire la même chose) romaine. Les curés sont els héritiers de l'Empire romain : amusant, et insondable ! Et Clovis résolut les contradictions en instrumentalisant la religion à son profit.

     

    Et si Sarkozy était notre nouveau Clovis ? S'il fallait en passer par une mise au net de tant de problèmes politico-spirituels ? Mais je commence à sentir le bûcher. Les choses ne se présentent pas de la même manière. Quoique. Vous allez entendre un rappel biographique de notre grand St Rémi, attaché au renom de Clovis comme plus tard Eloi le fut à celui de Dagobert. Ce saint fut fêté le 1er octobren qui coïncidait avec la rentrée des classes. Il vécut un nombre incalculable d'années. Il fut l'ami de Clotilde. A la Noël 499 selon de nouveaux calculs, il baptisa Clovis, qui embrassa le cul-te de Clotilde, tout ses soldats en firent autant, et Clovis épuisa – euh... épousa – Clotilde.

     

    La porte d'entrée.JPG

    Toute plaisanterie mise à part, cet évêque prestigieux influença fortement lui aussi la conduite de Clovis, allant jusqu'à l'admonester afin qu'il se conformât aux commandements de Dieu, qui prescrivait sans doute de décimer ses descendants, mais nous ne sommes pas au XXIe siècle. Il continua ses sermons auprès des successeurs de Clovis et mourut à près de cent ans et en odeur de sainteté. Voyez ce qu'en dit Michel Rouche, l'historien, dans ses abondants et passionnants commentaire ssuivant chaque document latin, et suivons le détective temporel dans ses investigations :

     

    “L'auteur de cette lettre est incontestablement Remi évêque de Reims, puisque Sidoine Apollinaire, évêque de Clermont, alors aux prises avec les Wisigoths, lui écrit uen lettre datée de 481, pour le féliciter de ses déclamations, dont un ami venu de Reims lui a parlé. Il est donc déjà évêque depuis quelque temps à ce moment-là. Par ailleurs, dans la lettre 3 que nous verrons plus loin (cf. Document XI, p. 454), ses adversaires lui reprochent d'être évêque depuis cinquante-trois ans, à une date postérieure à la mort de Clovis (511). Grégoire de Tours dit que son épiscopat dura “soixante-dix ans et plus, à ce qu'on rapporte” (G.C., 78). La Vie Brève de Remi déclare qu'il fut ordonné évêque à vingt-deux ans. Hincmar, dans sa Vie de saint Remi (c. 60), en conclut qu'il mourut après soixante-quatorze ans d'épiscopat, à l'âge de quatre-vingt seize ans. Comme, après un épiscopat forcément très court de Romanus, son deuxième successeur Flavius était présent au concile de Clermont le 8 novembre 535, Remi est donc mort le 13 janvier 532 ou 533. La date du 13 janvier est celle qui a toujours été observée dans l'Eglise de Reims. Les martyrologes disent le 15 janvier. Mais la fête anniversaire de Remi est en réalité le 1er octobre, à la suite d'une translation de ses reliques faite avant que Grégoire de Tours n'écrive (H. F. , VIII, 21). Donc le culte de saint Remi existait déjà à tout le moins avant 573. Une telle longévité était alors rarissime. Que l'on y ajoute les événements qu'il vécut et l'on comprend à quel point il fuit un personnage hors du commun.

     

    En effet, il naquit en 437 ou 436. Il a donc connu l'Empire romain d'Occident sous le règne de Valentinien III, dernier empereur de la dynastie théodosienne, l'invasion des Huns en 451, le pillage de Rome par Genséric, roi des Vandales, en 455, avant d'être ordonné évêque en 459, au moment où les royaumes wisigoths d'Aquitaine et burgonde prennent leur indépendance tandis que les derniers empereurs romains se succèdent de plus en plus vite – le dernier, Romulus Augustule, étant déposé en 476. Il a donc connu les rois francs du Ve siècleet en particulier Childéric (464-481). Mais il a reçu aussi toute l'éducation romaine classique, probablement à Reims : ainsi s'explique qu'il ait des qualités d'écrivain et d'orateur. Ses déclamations, louées par sidoine Apollinaire, ont disparu ; n'ont survécu que ses quatre lettres, des vers qu'il a gravés sur un calice et que nosu a recopiés Hincmar, et son testament (cf. p. 498). Une messe fut composée en son honneur au début du IXe siècle. Elle servit aussi de source à Hincmar. Quant à sa famille, elle est d'origine sénatoriale, comme nous le montrera son testament. Il est donc le représentant typique d'une élite galllo-romaine cultivée et riche, d'un système politique qui vient de s'écrouler et d'un groupe social dirigeant qui raisonnait au niveau d'un empire mondial. Si, comme il est maintenant accepté par tous les spécialistes de la prosopographie, le nom de famille est une propriété personnelle que l'on se lègue de génération en génération, il faudrait voir parmi ses ancêtres Remigius, le magister officiorum de l'empereur Valentinien Ier, mort étranglé, que signale Ammien Marcellin (XV, 5.36). Si Remigius, qui a donné Remi en français, peut être expliqué par son étymologie, il signifierait, ce que je ne garantis pas, originaire du pays des Rèmes, c'est-à-dire de Reims. Nous aurions donc affaire à une aristocratie d'origine locale récente, comme beaucoup de sénateurs gallo-romains de l'Empire tardif. Mais, pour Remi, la grande différence avec ses collègues vient de ce qu'il n'a exercé aucune charge civile. Alors que Sidoine Apollinaire a été préfet de la Ville (de Rome) avant de devenir évêque de Clermont, pour mourir en 489, battu, exilé et réintégré dans sa chaire épiscopale moyennant obédience au roi des Wisigoths ariens vainqueurs, Remi, lui, s'est trouvé projeté dans l'épiscopat sans aucune expérience politique. Il se trouve donc, face à l'échec de l'ultime résistant que fut Sidoine Apollinaire, à même de méditer entre 471 et 481 sur le véritable universalisme : celui de l'empire de Rome ou celui de l'Eglise de Rome. Par cette précoce jeunesse religieuse, il est donc plus apte à faire prévaloir un universalisme catholique.”

     

    Et c'est ainsi que l'Eglise a sauvé le monde, en prenant les manettes, amen, “Clovis”, de Michel Rouche, chez Fayard.

     

  • Fred Vargas

     

    Fred Vargas, grande dame du roman policier très noir, publie sous pseudo masculin. Ceux qui vont mourir te saluent, titre célèbre, fait allusion au salut des gladiateur : Ave, Cæsar, etc. Des jeunes gens, peut-être frères, ou amants, portent les noms de Tibère, Claude, Néron. Tibère est le fils de Laura, le frère de Gabriella. Les scènes se déroulent à Rome, dans les années 80. Laura est accusée du meurtre de son mari venu à Rome. L'enquêteur, c'est Richard Valence, hommage peut-être au bandit de John Ford, Liberty. Cet enquêteur fut le grand amour de Laura, qui s'acharne à présent sur son ancienne maîtresse, soupçonnée d'avoir tué son mari Valhubert. St Hubert est le patron des chasseurs, son emblème est un cerf, avec de grandes cornes appelées “bois”, mais des cornes quand même.

     

    Pourquoi l'assassina-t-elle ? Si toutefois c'est bien elle. Cette brune Laura se payait-elle un amant ? Mais elle avait une fille cachée, Gabriella, à Rome. Elle l'entretenait somptueusement, pour que la fille ne manque de rien. Or Valhubert, mari mort, serrait bien les cordons de la bourse. Je parle d'argent. Où se procurait-elle cet argent, puisque son époux transpirait de radinerie ? En utilisant sa valise diplomatique, laquelle “vit sa vie de valise” comme elle dit, et transporte des biens ou de l'argent, pour le compte d'un malfrat romain surnommé le Doryphore. Pourquoi Laura aurait-elle tué son Valhubert de mari ? Parce que ce dernier s'intriguait d'incessants aller-retours en train à Rome : il soupçonnait un amant, le saint Hubert, au lieu de soupçonner une fille cachée.

     

    Et cette fois-ci, on allait voir ce qu'on allait voir : ce n'était plus un détective qui prenait la fausse adultère en filature, mais le mari lui-même qui venait tirer les choses au clair. Ah mais. Puis il était mort. Avec une bonne décoction de ciguë. On n'a jamais su ce que c'était que cette ciguë, fatale au philosophe Socrate. La véritable ombellifère en question ne saurait empoisonner quiconque en fait, mais ne vous y fiez pas. Richard Valence, le flic, emmerde tout le monde, débrouille cet écheveau, remonte jusqu'à la fille cachée nommé Gabriella, jusqu'à un évêque : celui-ci ne quitte pas la jeune Gabriella : est-ce son amant ? Ou son père scandaleux ? Richard Valence démolit tout : Tibère, Laura, maman de Tibère et de Gabriella.

     

    Il note tout ligne après ligne dans un vaste rapport qu'il va remettre à qui de droit, ancienne maîtresse ou pas, pour que justice, n'est-ce pas, soit faite. Laura vient tout reconnaître, de nuit, dans son hôtel. Or dans cette même nuit, une femme est assassinée dans l'avenue della Conciliazione, et ce n'est pas Laura : c'est une secrétaire du Vatican, proprement égorgée. Alors ? Alors ! Alors... je ne suis pas allé plus loin, enfin si, une fois. Et je ne m'en suis pas souvenu. J'ignore le ou la coupable. Les polars, même de Fred Vargas, retiennent rarement mon attention. Cette Laura, qui prend paraît-il un avion pour Rome un soir, tue son mari à Rome, et repart le lendemain matin de Rome pour se reglisser dans son lit, afin d'avoir un alibi parce que tout le monde la croyait couchée en France, ne me touche pas : c'est du Tintin et Milou, c'est du Journal de Mickey, en un mot, c'est du polar, ça ne tient pas debout ; ce sont des robots qui tiennent la fatigue à ce point-là, ou Johnny Hallyday jadis en tournée. Laura Valhubert, riche bourgeoise qui s'envoie en l'air, m'indiffère. Sa fille, amante ou fille d'archevêque romain, je m'en fous.

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    Le flic sentimental qui s'acharne sur son ancienne amante au nom de la Jjjjustice et de la Vvvvérité, je m'en tape. Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse : rarissimes sont les héros de romans policiers qui possèdent une épaisseur, une personnalité véritables. Il me semble toujours qu'ils ont l'individualité d'un ressort d'automate, ou de pistolet automatique. Les comparses peuvent bien porter des noms d'empereurs, il se trouve que pour moi ces empereurs sont de vraies personnes, que je connais un par un, avec leurs règnes, leurs débauches et leurs crimes. L'intrigue est bien menée ; enfin, à seconde lecture, le style obtient la mention bien, ce qui est appréciable, mais ce milieu de richards interlopes et alcoolisés ne m'interpelle pas, car j'y suis fermé, indifférent, papalement bouché.

     

    Nous allons donc immédiatement passer au fameux extrait, agrémenté ou non de commentaires oiseux : “Au fait Richard, dit-elle depuis la porte sans se retourner, je ne suis pas passée par la Conciliazione cette nuit. Démerde-toit avec ça. Essaie de savoir si je mens ou non.” C'est Laura qui parle à son ancien amant, le flic. “Ça t'occupera. 25. Valence repassa à son hôtel pour se changer complètement. Il sortit le rapport Valhubert de sa veste et le jeta sur sa table. Il fallait qu'il reprenne tout ça, avec ce nouveau meurtre” Pour mémoire, celui cette fois de la Quelque-Chose-des-Anges, bibliothécaire-archiviste au Vatican, égorgée en pleine rue et en pleine nuit.”Les choses s'étaient beaucoup embrouillées en quelques heures et le pire était qu'il se sentait en cet instant incapable de comprendre quoi que ce soit. Depuis qu'il s'était levé, les évènements l'avaient poussé d'un endroit à un autre, sans qu'il puisse contrôler son corps. Le train pour Milan partait dans deux heures, avec son salut à portée de main.” Il lui suffit en effet de repartir à Paris avec son petit rapport et de le confier tel quel au chef, après ça que les autres se débrouillent. “Il avait encore le temps de tout abandonner, mais ce choix même lui semblait trop complexe à débattre. Il fut presque heureux de découvrir Tibère à nouveau à son poste, devant la porte de son hôtel. Ça lui éviterait d'être seul jusqu'au bureau de Ruggieri”. Ne me demandez pas qui est Ruggieri.

     

     

    Le jeune Tibère va sans doute insister pour accompagner Valence chez ce Ruggieri, pour ne pas le lâcher d'une semelle. C'est qu'il lui en veut, le jeune Tibère, à Valence de poudreuse, qui poursuit sa maman Laura. “Cela lui sembla d'ailleurs presque naturel de le trouver sur sa route, avec cette fidélité tenace.

     

    “ - Tu n 'as pas l'air d'aller, lui dit Valence.

     

    “ - Toi non plus, dit Tibère.” Pour moi, Tibère, le vrai, c'était un vieux dégoûtant qui fut étouffé sous des coussins, dans l'antiquité, par un nommé Macron ; ça ne s'invente pas, vérifiez sur votre moteur de recherches...

     

    Valence reçut ce tutoiement soudain avec un peu de raideur. Mais il se sentait trop mal en point pour avoir l'énergie de remettre Tibère à sa place.

     

    “ - Qu'est-ce qui te prend de me tutoyer ? dit-il seulement.” Ce sont les policiers qui tutoient les impliqués dans une affaire, pas le contraire.

     

    “ - Honneur dû aux mourants par les princes, commena Tibère.

     

    “ - C'est gai.

     

    “ - Ce n'est pas si triste” - il n'y avait pas de vouvoiement en latin. “J'ai bien été mort, moi, hier soir.

     

    “ - Ah oui ?