Château de Baugé
Le château de Baugé (Maine-et-Loire) porte un bien humble nom, la bauge étant ce lieu où le sanglier se vautre à l'abri des buissons. Il dégage aussi un puissant parfum de vieille et fauve féodalité. La carte postale qui le représente offre peu de place à la correspondance au verso. Il s'agit plutôt d'une fiche explicative, destinée au classeur d'un très ancien élève. La Collection de la Solution Pautauberge proposait aux médecins des séries (ici la 6e) que les enfants desdits docteurs s'empressaient (ou non) de compléter. Autant dire que la photographie est ancienne, austère, fanée. Que le château d'ailleurs se présente comme une construction massive, un corps de logis gris coiffé d'ardoise aux deux mansardes bien de face, deux autres se nichant dans la gorge de deux tourelles symétriques.
La tourelle de gauche, engagée dans la ligne de front, est surmontée d'une flèche à girouette, elle même entamée d'un pignon. Celle de droite n'est plus qu'un mur percé de quatre fenêtres superposées, la plus haute séparée des autres par un espace nu plus large. Elle est déjà sous le toit, en vaste pignon, reposant sur deux contreforts de façade. Le château n'est pas accueillant, toutes ses ouvertures sont closes, ce qui en fait des fermetures. Quatre portes en bas au ras du gravier, surmontées d'autant de fenêtres, étroites, volets fermés. Entre la deuxième et la troisième, un fenestron carré près du sol, une ouverture à grain tâchant de ressembler à une meurtrière avec son lineau, plus un ultime fenestron sous la gouttière.
Partout règne une symétrie chaque fois rompue par une délicate différence, rompant la monotonie : le pan coupé de la tour de gauche recèle une tourelle engagée, toiturée d'ardoise avec sa girouette personnelle. Le pan de mur sous le pignon très large, à droite, montre une porte fourragère à voûte, en hauteur, soigneusement fermée elle aussi. Nous accédons à ce château par ce pan de mur, comme coupé, au momyen d'une large allée bordée de bornes que relient des feston de grosses chaînes, dans l'herbe d'une pelouse. A droite un caniveau médiocrement entretenu, un trottoir, un buisson vert qui empiète. Un mur de gros bloc, au deuxième plan, voudrait accentuer une profondeur que l'aplatissement général ne permet pas.
Derrière lui l'allée se poursuit sur la droite, et sur la gauche aussi, devant tout le corps de bâtiment. Il n'y a pas de soleil. Les châtelains doivent bien s'ennuyer, s'ils occupent toutefois le bâtiment, qui semble bien plutôt abandonné aux équipes d'entretien. La pierre est grise et fanée, les toitures d'ardoise délavées, le ciel crayonné de nuages blanchâtres et plat, au-dessus desquels règne un ciel bleu pâle ennuyé. Nous avons compté cinq grandes cheminées, toutes à droite, la première soulignant l'exacte moitié du cliché. En arrière et de part et d'autre du corps principal se tiennent d'autres masses pierreuses, laissant présager une longue visite guidée.