Prémisses d'un chef-d'oeuvre posthuime (je le jure)
Tant de bourgades nostalgiques à crever –voir le guide touristique. Plus personne. Je me souviens à Saint-Léon, rue Niel, de la mère Auxitain, de mon refus du gaz butane (« Pas de ça chez moi » - toute l'année toilette à l'eau froide, et shampoing...). De la chambre de N. , bien intimidante, juste à côté, rudoyée par son mec, à mon grand scandale ; ce mec avait raison - est-ce qu'on prend des airs hautains comme ça, aussi... En son absence, les gosses de la proprio venaient se planquer là pour se regarder le sexe et se sont interrompus en m'entendant, à travers la cloison, déclamer la méthode Assimil de grec démotique. Souviens-toi du bistrot le K, dont le patron m'appelait « Mendelssohn” parce que j'avais fait mon entrée en battant la mesure avec pompe... tout ce que je me serai descendu comme alcool là-dedans.
Adieu aussi bistrot de Beauvoisy, avec son patron surnommé « Piéplu » par cejeune collègue ivrogne, hugolâtre, flamboyant : Rillon. À St-Blase, je revois la descente « Lapin » vers l'arrêt de bus ; la môme Rieussec, toute blonde, toute vierge, que j'ai suivie à pied tout un kilomètre sur l'asphalte –tac, tac, ses talons sur l'asphalte, sans ralentir - nous aussi on rigole biendisait-elle – qui était ce « nous » ? filles entre elles ? - et je ne cachais pas, à l'époque, cette morgueodieuse que je reprochais à toutes.
X
Tous les ans à Noël c'était le même cirque : ils s'invitaient tous entre eux pour les réveillons. Il me fallait vraiment beaucoup de surdité pour ne pas entendre ce qui se tramait : pas un seul pour m'inviter moi. Trop grossier. Je suis allé une fois chez les U. Mon voisin de table, correspondant du torchon local, rigolo, progressiste et de goche, à qui je sors une vanne peu ragoûtante il est vrai : Encore deux comme ça, et je fous le camp - total j'ai dû fermer ma gueule et je me suis fait chier tout le repas - c'est bien toi, collègue, qui draguais toutes les nouvelles - « qu'est-ce qu'il pue, l'ovaire », ou plus élégamment « Trois coups dans le saignant, deux coups dans le merdeux » ? quelle classe !
Parmi elles la petite Céline, pendant la grande manif antifas d'après Carpentras ; la Barbounya, magnifique, se demandant sans cesse d'où provenait son nom (« le turbot », en turc). A peine chez moi j'avais droit aux scènes les plus sordides : “On ne voit jamais personne !” Je me suis même abaissé jusqu'à placarder en salle des profs que j'invitais qui voulait chez moi, promettant de ne pas entasser les plaisanteries de cul.... Faut-il vraiment que je sois descendu si bas, au point de supplier les autres de m'aimer ? Un jour Léontine, prof de danse de ma fille, descendit chez nous avec un petit groupe d'amis, avant de passer chez quelqu'un d'autre, d'où nous étions exclus, bien sûr ; au bout d'un quart d'heure, tout les blaireaux voulaient plier bagages.
Pas un n'avait adressé la parole à ma femme, qui s'était mise sur son trente-et-un ; je surpris de Léontine un petit geste : “Encore un effort, 5mn de plus !” Ce qui fut fait. Pas un mot, ni à mon épouse, ni à moi. Le seul à m'avoir invité, Choret, ce fut pour me présenter un tortionnaire d'Algérie, qui se plaignait : « Elles gueulaient pour pas grand chose, les fatmas : tu parles, du 110V ! fallait bien qu'on se distraie, nous autres, sur le Plateau ; c'était pas drôle tous les jours ! j'ai serré la main à ça... plus remis les pieds... Il est prouvé que notre cerveau enregistre jusqu'au moindre détail toutes les scènes d'humiliation ou d'injustice de nos existences – je récapitule tous ces coups d'épingle ; nous avions invité un commpagnon d'infortune, le collègue de travail manuel : une vulgarité à couper, justement, au couteau.
Le genre à se planter bien ostensiblement jambes écartées dans les pissotières d'élèves pour interpeller de côté tout ce qui passe sans lâcher son bout de zob : « Tu vois la frite, là, dans le plat : même dimension, même forme ». Il avait dragué une par une toutes les femmes de l'établissement. Toutes se foutaient de sa gueule – comment fait-on pour changer ? Alors, j'ai invité un collègue noir ; quand il est reparti, mais pas avant, je me suis aperçu que je m'étais trompé de Noir. Voilà, c'était ça, mes contacts sociaux avec les conlègues. Ça donne vachement envie de persévérer. J'en reviens toujours au vieil adage : moins je vois de gens mieux je me porte. Ce qui est faux d'ailleurs.
Nous avons fréquenté des années le couple Commisset - plus maintenant, vu leurs connards de neveux qu'ils se trimballaient partout ; mais avant leur naissance, combien de fois ne sommes-nous pas allés dîner chez eux, après 7h bien sonnées de cours ? – dentiste, ta gueule, viens les faire - bien entendu pas question pour mon épouse de tenir le moindre compte de mon total épuisement il fallait faire bonne figure, blaguer, briller, prouver une haute intelligence, sous peine de scènes de ménage dès le trajet du retour. J'appréhendais ces soirées, pendant lesquelles, alcool aidant, je faisais feu de tout bois – le lendemain, premier cours à 8h., la classe pétait la forme.