Tarentula - Wahnsinn
Disposer les choses en double, c'est-à-dire en vrai et dans leur reflet, comme fera plus tard d'Annunzio : devant une faible fleur pariétale, s'imaginer un Lys-Turban... Mais tu es fou, tu vagues en ton cercueil de torpitude, c'est du Dylan Tarentula, oui je l'ai lu mais rien compris le français salit tout recouvre tout d'une couche de boue brune. Les souvenirs qui reviennent contaminer chaque histoire du temps vivant présent, métempsychose perpétuelle et mêli-mêlo censé nous affranchir du temps linéaire. À la fin Leopardi vaincu se suicide, nous laissant l'énigme à résoudre – Cioran s'y est casszé les dents. "La réalité est une hallucination due au manque d'alcool"/ Gigantesque, génial. De longs néons, éblouissants, des couloirs enrêvés d'où l'on ne revient pas, ou plus jamais le même, allonger ma grosse, grosse peine pour une pause de cinq minutes ou un multiple de quinze.
Relis mes messages. Reprenons tout de fond en comble. Je sais que mes somnolences marqueraient la frontière de la victoire; pour celle dont je me suis entiché : déjà ma respiration ralentit, une envie de mourir dormir se sent à l'arrière du cerveau. Changeons de position. Et de quoi rêverais-je ? Quand reviendras-tu ? Jamêêêê, ja mêêêê. C'est très beau. Mon devoir ne m'appelle pas. Ne m'invite pas. Je ne veux plus te revoir, du moins pas tellement.
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Dernier jour de cette rubrique. Désormais branlette du corps plus que de l'esprit. Encore faut-il y parvenir. Consulter pour cela semble excessif. Tête du médecin. Masculin. Celui qui me la tripotait pour m'expliquer les bienfaits de l'homosexualité chez les peuplades africaines. Les gosses suçaient la pine des aînés pour acquérir de la masculinité, le n'golo n'golo. Quand ta femme saingne du sexe. Passionnant. Je suis passé à côté des lamelles jumelles du sexe féminin. Ces portes qui s'entrouvrent comme des avant-bras, avec ce réalisme sur la scène et les cent spectateurs retenant leur souffle, un grand artiste en vérité lâchant sa main dans une derniè-re envolée : tout cela tellement du passé, du rejeté, sans rien devant. Que le mur vers lequel on se tourne, comme moi dans mes huit ans, comem Céline un jour de 61. Almanzor existe cncore. Danseuse centenaire, veillant sur les droits. Un jout tout Céline édité, car qu'est-ce qu'il a donc écrit ? Rohani admet l'Holocauste, qu'est-ce que ça lui coûte ? Elle vient, cette paix ? Les propos des bien ivres, de Marot, bien après Rabelais, qu'il édita ? À la suite de Villon ? J'ignore tant de choses, j'ai manqué de dire je t'aime à celle que j'aime, ajoutant : "Mais surtout, ne me demande rien".
Pas foutu de la mener à la plage comme la gouine Parrical, je déteste la plage. Cette impression que j'ai de toujours faire de la littérature, quelque banales que puissent être mes pitoyables phrases, intonations, observations, colonne vertébrale avachie. L'espoir qu'un jour, comme chez Allary de Jules Romain, des insectes chercheurs décortiqueront ce que j'écrivais, y chercheront et trouveront des intentions que je n'ai pas eues, décèleront un ordre secret comme dans les Essais, car à qui cherche bien toujours un ordre se déniche. Les autres sans doute estiment de même, et moi, de l'extérieur, de l'autre côté de la rambarde, je vois bien leurs défauts et leur amateurisme. À près de 60 ans je quêtais encore des directives auprès de l'inspectrice, dévaluant ainsi à côté de mon expérience celle de tous les autres, alors qu'une stagiaire au physique ingrat de Tahitienne couverte de boutons s'était exclamée "Ce que c'est vivant !" - et je suis sûr qu'elle a pris modèle sur cet unique exemple, qui a nourri toute sa carrière. Si Dieu existait il me guérirait de ma connerie. Françoise me disait d'arrêter de chercher derrière elle sur l'estrade l'inspecteur qui me jugerait, car alors, me plaçant en examiné, je plaçais aussi l'autre en examiné.
Ma vie fut un examen, perpétuel "L'ai-je bien descendu ?" ce qui voulait dire en ce temps (1870 ?) "N'est-ce pas que je l'ai bien descendu ? Tu as vua ça, cette élégance, cette classe ?" et non pas l'expression d'un doute. Je ne suis ni le premier ni le dernier, mais je suis l'unique. Ici dans ce maillot de corps aux épaules à nu. J'ai manqué tant de professions, tant de femmes et tant de contrées, la Nouvelle-Zélande et ses désertes prairies d'altitude, seul pays qu'épargnera la Guerre atomique, 15 secondes 25. Si je ne pense pas je rêve. Si les digues sautent le fleuve se répand, c'est le Pô en hautes eaux. J'étais perdu de nuit dans le brouillard, au milieu du delta. L'eau coulait à deux mètres de part et d'autre de ma voiture. J'ai rencontré deux touristes perdus non lin de leur camping. Sind sie deutsch ? - Ja, répondit le couple avec soulagement. Non, il n'existait pas d'autre camping avant Chioggia, et je m'enfonçais vers l'intérieur des terres, et je me dépêchais, car je devais rentrer avant la rentrée, mon proviseur était un fou. Aucun souvenir de mon coucher ce soir-là. Ce que j'ai raté, mais aussi ce que j'ai vécu, ces plages successives en remontant de Rimini hors saison, jusqu'à Padoue, jusqu'à Venise sous la neige, qui a vu Venise sous la neige ?
Beaucop lèvent le doigt, mais je n'accepte pas que l'on dénigre, à Trieste j'ai vu ce jeune homme allongé sur un banc sous les cyprès, Anne l'a pris en caméra sans qu'il se réveille, et nous montions le long des falaises de plus en plus verticales, et nous étions recrus de fatigue, et je ne savais pas que c'étaient les plus beaux paysages, les plus belles fatigues de ma vie. Partout à Ljubljana les soldats serbes alors qui déambulaient, jour de permission et centre culturel français, plus tard bien plus tard la guerre où je n'ai rien fait, tandis que l'on se massacrait lâchement. C'est un tourbillon de bonheurs et d'insignifiances, un rôdage qui marche, des années en marche autour de leur collier, que je porte à présent pesamment comme un gail de trait. Il me serait resté tant de choses à vivre tant le monde est infini, même cette pelote de terre. Toujours ce dédoublement, perpétuel regard inutile, car si tout est comédie, alors, tout est vrai, et qu'est-ce que la peur ? Hölderlin je pense à toi. Je lisais tes paragraphes incompréhensibles. Il me semblait voir le prince de la cooptation, mais je respectais, infiniment. Finit dans un moulin, visité, consulté comme un oracle.
Monde qu'il va falloir quitter, après l'avoir bien défendu contre la folie, der Wahnsinn, la vanité, la frivolité.