Proullaud296

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 2

  • Tarentula - Wahnsinn

     

    Disposer les choses en double, c'est-à-dire en vrai et dans leur reflet, comme fera plus tard d'Annunzio : devant une faible fleur pariétale, s'imaginer un Lys-Turban... Mais tu es fou, tu vagues en ton cercueil de torpitude, c'est du Dylan Tarentula, oui je l'ai lu mais rien compris le français salit tout recouvre tout d'une couche de boue brune. Les souvenirs qui reviennent contaminer chaque histoire du temps vivant présent, métempsychose perpétuelle et mêli-mêlo censé nous affranchir du temps linéaire. À la fin Leopardi vaincu se suicide, nous laissant l'énigme à résoudre – Cioran s'y est casszé les dents. "La réalité est une hallucination due au manque d'alcool"/ Gigantesque, génial. De longs néons, éblouissants, des couloirs enrêvés d'où l'on ne revient pas, ou plus jamais le même, allonger ma grosse, grosse peine pour une pause de cinq minutes ou un multiple de quinze.

     

    Relis mes messages. Reprenons tout de fond en comble. Je sais que mes somnolences marqueraient la frontière de la victoire; pour celle dont je me suis entiché : déjà ma respiration ralentit, une envie de mourir dormir se sent à l'arrière du cerveau. Changeons de position. Et de quoi rêverais-je ? Quand reviendras-tu ? Jamêêêê, ja mêêêê. C'est très beau. Mon devoir ne m'appelle pas. Ne m'invite pas. Je ne veux plus te revoir, du moins pas tellement.

     

    60 09 27

     

    De biais.JPG

    Dernier jour de cette rubrique. Désormais branlette du corps plus que de l'esprit. Encore faut-il y parvenir. Consulter pour cela semble excessif. Tête du médecin. Masculin. Celui qui me la tripotait pour m'expliquer les bienfaits de l'homosexualité chez les peuplades africaines. Les gosses suçaient la pine des aînés pour acquérir de la masculinité, le n'golo n'golo. Quand ta femme saingne du sexe. Passionnant. Je suis passé à côté des lamelles jumelles du sexe féminin. Ces portes qui s'entrouvrent comme des avant-bras, avec ce réalisme sur la scène et les cent spectateurs retenant leur souffle, un grand artiste en vérité lâchant sa main dans une derniè-re envolée : tout cela tellement du passé, du rejeté, sans rien devant. Que le mur vers lequel on se tourne, comme moi dans mes huit ans, comem Céline un jour de 61. Almanzor existe cncore. Danseuse centenaire, veillant sur les droits. Un jout tout Céline édité, car qu'est-ce qu'il a donc écrit ? Rohani admet l'Holocauste, qu'est-ce que ça lui coûte ? Elle vient, cette paix ? Les propos des bien ivres, de Marot, bien après Rabelais, qu'il édita ? À la suite de Villon ? J'ignore tant de choses, j'ai manqué de dire je t'aime à celle que j'aime, ajoutant : "Mais surtout, ne me demande rien".

     

    Pas foutu de la mener à la plage comme la gouine Parrical, je déteste la plage. Cette impression que j'ai de toujours faire de la littérature, quelque banales que puissent être mes pitoyables phrases, intonations, observations, colonne vertébrale avachie. L'espoir qu'un jour, comme chez Allary de Jules Romain, des insectes chercheurs décortiqueront ce que j'écrivais, y chercheront et trouveront des intentions que je n'ai pas eues, décèleront un ordre secret comme dans les Essais, car à qui cherche bien toujours un ordre se déniche. Les autres sans doute estiment de même, et moi, de l'extérieur, de l'autre côté de la rambarde, je vois bien leurs défauts et leur amateurisme. À près de 60 ans je quêtais encore des directives auprès de l'inspectrice, dévaluant ainsi à côté de mon expérience celle de tous les autres, alors qu'une stagiaire au physique ingrat de Tahitienne couverte de boutons s'était exclamée "Ce que c'est vivant !" - et je suis sûr qu'elle a pris modèle sur cet unique exemple, qui a nourri toute sa carrière. Si Dieu existait il me guérirait de ma connerie. Françoise me disait d'arrêter de chercher derrière elle sur l'estrade l'inspecteur qui me jugerait, car alors, me plaçant en examiné, je plaçais aussi l'autre en examiné.

     

    Ma vie fut un examen, perpétuel "L'ai-je bien descendu ?" ce qui voulait dire en ce temps (1870 ?) "N'est-ce pas que je l'ai bien descendu ? Tu as vua ça, cette élégance, cette classe ?" et non pas l'expression d'un doute. Je ne suis ni le premier ni le dernier, mais je suis l'unique. Ici dans ce maillot de corps aux épaules à nu. J'ai manqué tant de professions, tant de femmes et tant de contrées, la Nouvelle-Zélande et ses désertes prairies d'altitude, seul pays qu'épargnera la Guerre atomique, 15 secondes 25. Si je ne pense pas je rêve. Si les digues sautent le fleuve se répand, c'est le Pô en hautes eaux. J'étais perdu de nuit dans le brouillard, au milieu du delta. L'eau coulait à deux mètres de part et d'autre de ma voiture. J'ai rencontré deux touristes perdus non lin de leur camping. Sind sie deutsch ? - Ja, répondit le couple avec soulagement. Non, il n'existait pas d'autre camping avant Chioggia, et je m'enfonçais vers l'intérieur des terres, et je me dépêchais, car je devais rentrer avant la rentrée, mon proviseur était un fou. Aucun souvenir de mon coucher ce soir-là. Ce que j'ai raté, mais aussi ce que j'ai vécu, ces plages successives en remontant de Rimini hors saison, jusqu'à Padoue, jusqu'à Venise sous la neige, qui a vu Venise sous la neige ?

     

    Beaucop lèvent le doigt, mais je n'accepte pas que l'on dénigre, à Trieste j'ai vu ce jeune homme allongé sur un banc sous les cyprès, Anne l'a pris en caméra sans qu'il se réveille, et nous montions le long des falaises de plus en plus verticales, et nous étions recrus de fatigue, et je ne savais pas que c'étaient les plus beaux paysages, les plus belles fatigues de ma vie. Partout à Ljubljana les soldats serbes alors qui déambulaient, jour de permission et centre culturel français, plus tard bien plus tard la guerre où je n'ai rien fait, tandis que l'on se massacrait lâchement. C'est un tourbillon de bonheurs et d'insignifiances, un rôdage qui marche, des années en marche autour de leur collier, que je porte à présent pesamment comme un gail de trait. Il me serait resté tant de choses à vivre tant le monde est infini, même cette pelote de terre. Toujours ce dédoublement, perpétuel regard inutile, car si tout est comédie, alors, tout est vrai, et qu'est-ce que la peur ? Hölderlin je pense à toi. Je lisais tes paragraphes incompréhensibles. Il me semblait voir le prince de la cooptation, mais je respectais, infiniment. Finit dans un moulin, visité, consulté comme un oracle.

     

    Monde qu'il va falloir quitter, après l'avoir bien défendu contre la folie, der Wahnsinn, la vanité, la frivolité.

     

  • Vers l'Assomption

     

    A S S O M P T I O N

     

    Elle suit la Dormition de la sainte Vierge, maman de Jésus, qui s'endormit entre les bras des anges et fut emportée vers les cieux ce jour-là, miraculeusement soustraite aux maltraitances de la décomposition corporelle. Les protestants n'y ajoutent pas foi, car elle ne figure pas dans les Saintes Ecritures.

     

    Sous l'Empire, le clergé, auteur par ailleurs d'un « Catéchisme Impérial », ne manquait pas de souligner que cette date, le 15 août, coïncidait avec la naissance de Napoléon, en 1769 ! c'était aussi comme il se doit la fête nationale. Quelle qu'en soit en tout cas la raison, les congés « de l'Ascension » et « du 15 août », agrémentés de ponts souvent transformés en aqueducs, ne sont pas près d'être universellement respectés...

    Perspective.JPG

  • La règle dujeu, suite

     

    Nous crevons de trouille : klakklakklak. MAIS la femme, réchauffée par l'Hâmour, n'aura pas peur : il est là près d'elle, le gorille dominateur ! (Belle du Seigneur, 6). « Elle fait non de la tête, un sourire sur les lèvres » : nos larmes coulent, notre cœur s'étreint de marchandises. Oui, la facilité, parfaitement. « Mais pourquoi êtes-vous contre ? Nous aimerions des textes comiques de tendance « pour » - vieilles connes, le « pour » n'est pas comique, il est militaire ou ecclésiastique. Est-ce que je fais exprès, moi, d'être contre ? Est-ce que nous le faisons exprès, tous ? Allez donc enterrer vos rides de gouines. En effet, c'est le moment d'apprendre que le plan 261 égale le 258, mais le couple cadré genou. Tout cela signifie quelque chose.

     

    Nous ne sommes pas dans un superhuit de souvenirs de vacances. « ANDRÉ , comme pour lui-même : Il faut que j'aille prévenir La Chesnaye ! » - Robert, sans doute ? Le mari ? La rage d'aller prévenir, d'aller au-devant des ennuis, du cassage de gueule, du drame, « tu quittes le château pour t'installer dans ma soupente, où je te ferai tâter de ma poutre ? » Ce qui expliquerait la réplique de Christine, « (se raidissant) Pour quoi faire ? » Toujours l'un des deux, l'homme ou lafemme, qui veut rester tranquille, cumuler le château et l'amour interdit, tandis que l'autre veut tout vivre au grand jour, tout casser sans se cacher. Alors ? Fermer la porte pour chier, ou laisser tout ouvert ? « ANDRÉ (surpris, mais souriant) : Mais, Christine, parce que ça se fait ! » - chapeau : l'aviateur, le casse-cou, tel un navigateur sur un plateau télévisé, retrouve instantanément son automate bourgeois, respectueux jusqu'en amour des conventions « sociales », « bourgeoises », à votre gré : on aime, on rompt d'avec l'autre, et en avant marche !

    Le marché.JPG

     

     

    C'est tout naturel ! C'est un réflexe ! La politesse, l'honnêteté, l'Hamûr, exigent de la cruauté ! Dégage, que je fourre ma queue ! « Elle se détourne vivement, hésite à parler, puis sort par la droite » : la droite de l'écran, évidemment ; parce qu'en plus, ils tournent, les personnages, ils se tournent. André la rejoint : BREF PANO(RAMIQUE) GAUCHE-DROITE). Le cinéaste au sommet de sa compétence parvient à se dégager de sa technique pour suggérer de l'émotion, comme un écrivain de sa syntaxe. Nous profitons tous de notre expérience. « Fin du fox-trott off commencé au plan 250. » Il est inutile. Fin d'une ponctuation. La scène suivante se glisse peut-être dans l'intime : « ANDRÉ : Christine ! » Ne sois pas triste !

     

    Notre amour triomphera de tout ! D'abord, être honnêtes ! Jouer franc-jeu ! Bien tout foutre en l'air ! Ne vois-tu pas l'avenir radieux, etc. « Elle s'est assise sur le bras du canapé à côté de la porte-fenêtre, les poings serrés. » Confort et bite (le bras du canapé), ou évasion (porte-fenêtre) ? Résolution virile ou crispation ? Cet homme vient de recevoir sa déclaration d'amour, absolument inespérée, mais le voilà qui veut plus : rupture, insécurité ? « ANDRÉ (s'asseyant à ses pieds sur le canapé, tous deux en plan moyen) : Christine, écoutez-moi. » Parce qu'en plus, ils se vouvoient. Ce pluriel peut être un stimulant sentimental, un frémissement de respect amoureux. Soit. Une banale coutume sociale.

     

    1. Soit. Nous n'en sommes pas moins sur le point d'ouïr une pesante démonstration de logique aussi bien mâle que femelle, odieuse à tous les amoureux de la tranquillité, de l'amour en douce et sans risque. « 262. Raccord en contreplongée sur le couple : Christine trois quarts face (coupée ceinture), André trois quarts dos (coupé épaules).  Christine, tendue en arrière, le regard détourné, impassible. » Ce dialogue est éternel. Il dérive en droite ligne du roman courtois. De la lutte des cerfs à l'époque du brame. « ANDRÉ, ferme : Christine ! » Pause.

     

  • Les passionnantes découvertes de Donald Benovsky

     

    Cher et adorable public privé de ma présence durant deux semaines, bonjour et bonne fête aux Claude, bien oubliés le lendemain de la Saint-Valentin. Quant à Jiři, ce serait la forme tchèque de « Georges », et le prénom de Benovsky, philosophe, auteur du « Puzzle philosophique », dont nous prononcerons le titre à la française. La philosophie est universelle. Pas pour tous. Une astuce des éditeurs qui veulent vous refuser est de confier votre manuscrit à un lecteur qui n'y connaisse rien : tel poète jugera d'un roman policier, tel mathématicien se verra confier un roman de trois volumes, et le verdict sera négatif. Votre serviteur n'est jamais parvenu à trouver de l'intérêt à quelque ouvrage philosophique que ce soit, même à supposer qu'il le comprenne.

    Un Monsignore.JPG

     

     

    Le présent ouvrage est annoncé par un avant-propos de Engel, philosophe genevois. Puis par une préface de l'auteur. Il s'agit d'un ouvrage d'introduction à la philosophie, « matière étudiée dans la classe de terminales appelée « Philosophie » comme certains l'ont écrit sans humour au bac, ce qui est encore plus drôle. Et ce n'est pourtant pas si bête : la définition même de la philosophie est l'un des chapitres les plus ardus, de même que la réponse à la si exaspérante et populaire question « A quoi ça sert ? » - le peuple est exaspérant. Ça sert à penser. Dès que l'on pense, c'est de la philosophie. Peut-on enseigner à penser ? Non, mais à exercer sa pensée. Avez-vous la prétention de penser mieux que moi ? non, mais nous pouvons nous exercer à mouvoir les muscles de notre esprit, de même que le sportif exerce les muscles de son corps, qui ne peuvent être efficaces d'ailleurs que si son esprit s'applique à ses muscles.

     

    Et sans corps, essayez voir de penser. Ceux qui ne veulent exercer ni leur corps ni leur esprit ni l'ensemble des deux qui est indubitable ne sont pas des hommes libres, mais des flemmards, tout simplement. Des adeptes du fauteuil-bière devant les matches, ou des perroquets plus ou moins bornés. Rassurez-vous, les stades intermédiaires permettent d'établir une typologie humaine quasiment inépuisable. Quant au puzzle philosophique, vous l'avez deviné, il est impossible à monter. A la fin du meuble, il vous reste toujours entre les mains une pièce qui ne va nulle part, comme dans le sketch de Gad El Maleh. La philosophie n'est pas faite en effet pour accoucher d'un système, d'une idéologie, d'une application politique ou religieuse, mais pour lever l'une après l'autre les questions comme des lièvres dans une battue.

     

    Ce livre (obtenu en ôtant le « è » de lièvre) traite avec humour et proximité de cinq prises de tête que l'on peut comprendre jusqu'à un certain point. Le langage en est simple, donc suspect aux jargonneurs et aux snobs, qui sont moqués dans la préface : il ne faut pas en effet systématiquement

     

    soupçonner un ouvrage de simplisme sous prétexte qu'il emploie un vocabulaire et des tournures de phrases accessibles. Il ne faut pas non plus comme Cons-Sponville aligner des phrases toutes faites et pas trop choquantes comme un éditorial de Sud Ouest. Et la philosophie ne saurait non plus se contenter de l'étude du présent, sous formes de solutions toutes trouvées pour le Pakistan, la Chine et le Japon, lesquels ont déjà leur philosophie, que nous ignorons pour la plupart : un peu de modestie. La philosophie, nous y revenons, n'est donc pas uniquement réflexion sur le temps présent, dans une perspective utilitariste : c'est ainsi que bon nombre de philosophes autoproclamés viennent débiter leurs opinions sur la prétendue crise financière ou la meilleure façon de traiter les criminels récidivistes : la philosophie ne consiste pas à donner son avis sur tout et sur n'importe quoi comme votre voisin de palier, dont vous êtes le voisin de palier.

     

    C'est ainsi que les plateaux de télévision recrutent des têtes télégéniques, tenant plus d'Alcibiade que de Socrate, et du soufflé au fromage que du menu cinq étoiles. Entre ces deux écueils, le spécialiste incompréhensible et le Monsieur Tout-le-Monde auteur d'âneries, le philosophe doit se frayer son chemin, modeste, ardu, sans fin, mais pourvu de beaux panoramas. Voici quelques petites choses que j'ai comprises au début, puis que j'ai laissé tomber par faiblesse de tête. « Le monde extérieur existe-t-il, ou bien n'est-il qu'une représentation de mon cerveau ? Le fait que les autres voient le même monde est-il alors le fait d'une hallucination collective ? et si le monde est unique pour tous, comment se fait-il que chacun possède sa solution pour Israël ou l'enseignement ?

     

    Autre chose : « soros » veut dire « le tas » ; à partir de combien de grains de sable peut-on parler d'un « tas » de sable ? Vous n'en avez rien à faire ? Mais si vous avez 100 000 cheveux, vous n'êtes pas chauve ; à 100 000 moins un, non plus ; ni à 100 000 moins 10. Si A est B, que B est C, ainsi de suite jusqu'à Y = Z, alors A est Y. Partant de là, à partir de combien de cheveux est-on chauve, à partir de quelle teinte peut-on vous qualifier de blond, à partir de quel signe êtes-vous mort ou vivant ? La décomposition, certes, mais certaines parties de nous sont déjà mortes, regardez les jolies taches brunes sur le dessus de vos mains... Vous voyez qu'un problème idiot du Journal de Mickey peut dégénérer en question grave : est-ce que sucer, c'est tromper ? - vous n'entendrez pas parler de ça dans le Journal de Mickey...

  • Pépites excrémentielles

     

     

    Mais non, mais non, à chaque fois que tu lis "étranger" il faut lire "musulman fanatique". Alors on fait semblant de dire "étrangers" parce qu'on n'ose pas. Et tout le monde est au courant, et tout le monde se lance sur les fausses pistes, avec candeur... Je m'en fous des étrangers, qu'ils viennent tous tant qu'ils veulent, mais je ne veux pas de mosquées ni de femmes voilées, ni de mariages forcés à neuf ans. C'est tout. Mais comme tout le monde gueulerait au "racisme", on dit "étrangers", comme ça tout le monde s'embrouille. Virez les fanatiques, et le reste, on s'en fout. Mais nous sommes tous atteints de diarrhée.

     



     

    50 11 30

     

    ...Comme s'il ne suffisait pas de la prison du temps, ces connards y ajoutent la prison de l'espace, et vivent, toute leur vie durant, dans les mêmes 10 km² de leurs petits aller-retours chez soi – boulot. Plus tous les ans quinze jours à Palavas-les-Flots. Et ça leur suffit ? Et ils ne hurlent pas ? Et ils gardent leur calme ? Et ils ne se parlent pas dans la rue ? Ils ne s'abordent pas les uns les autres, comme on le fait spontanément les jours de catastrophe ou de grande liesse nationale ? Car nous sommes en état de perpétuelle catastrophe mondiale : nous allons mourir et il ne se passe rien...

     

    Hurler à la face du monde, première musique, premier poème.

     



     

    61 02

     

    Nous ne savons pas si l'on vivait plus mal, ou mieux : "Qui n'a pas vécu avant la Révolution ignore ce qu'est la douceur de vivre" : nous ignorons de quoi parle Talleyrand ; mais nos structures mentales auraient alors été si différentes, que nous n'aurions pas souffert autant que nous le pensons. De même nos descendants, libérés de maux que nous ne sentons pas, se demanderont-ils avec effroi comment nous aurons pu survivre en des temps aussi barbares...

     

     

     

    61 05 16

     

    Trentenaires et quadragénaires s'imaginent désormais ue les femmes n'ont plus besoin d'eux ; se sont-elles assez vantées de leur  libération ! aux hommes donc les traiter comme ils se croient traités : à la cavalière, assez fortes n'est-ce pas pour se ressaisir ; quand on a ça entre les jambes, on retombe toujours sur ses pieds. Disent-ils. Femmes souffrant de la protection perdue, si pesante. Ce que Simone et d'autres imaginaient pour libérer la femme : travailler comme l'homme, s'avilir comme eux.

     

     

     

    id.

    Ombre escaladante.JPG

     

     

    On sait tout de la mort, très vite.

     

    61 04 17

     

    [Sujet : “Les derniers peintres”.

     

    Ils exposent des merdes et sous-merdes dans de petites académies de sous-province. Nulle technique n'étant plus enseignée, les praticiens deviennent de plus en plus maladroits. “N'oubliez pas, Monsieur P., que vous n'êtes pas ici pour transmettre un savoir, mais pour laisser les étudiants s'exprimer.” Il se le tint pour dit, pleura et ferma sa gueule. Puis il mourut.

     

     

     

    61 05 23

     

    Il serait judicieux de persuader le Tiers-Monde contemporain de s'abstenir d'enfanter ; faire sept enfants à une femme, est-ce que ce n'est pas très exactement de l'assassinat à petit feu ?

     

    C'est l'élévation du niveau de vie qui mène il est vrai à la décroissance de la natalité, et non l'inverse...

     

     

     

    Mais pourquoi vous imaginer que la quête de Bouvard et Pécuchet doive absolument "servir" à quelque chose, "apporter" quoi que ce soit ? Il s'agit d'un réflexe de l'activité humaine. Cessons de diviser l'humanité en deux camps, ceux "qui ont quelque chose à dire" et "les cons". Car figurez-vous que nous sommes tous en train d'osciller de l'un à l'autre, d'un bout à l'autre de notre vie. Nous sommes tous le con de quelqu'un, et "un sot trouve toujours un plus sot qui l'admire". Alors, un peu de modestie pour ceux qui ont su trouver les bons canaux pour progresser et faire progresser (souvent du copinage d'ailleurs, ou simplement de la force de caractère acquise dès la naissance mettons l'adolescence), et les clampins qui n'ont pas eu de pot parce qu'ils ne connaissaient personne, et qui n'ont pas su progresser parce que, n'est-ce pas, c'est leur faute. On arrête avec ça tout de suite, OK ?

     

  • Ammien Marcellin, historien oublié

     

    Mais les turlupinades de Sérénianus, encombré de sa Tarnkappe, ne nous touchent plus : il avait « envoyé un de ses amis, ainsi coiffé, à ce temple où l'on prédisait l'avenir ». Carrément le Journal de Mickey, ou Tintin au Congo : les Noirs placent un chapeau sur l'œil de verre que le Blanc a laissé là pour les surveiller - « afin d'y obtenir un oracle ».

     

    60 07 30

     

    Je mentionne toujours l'anniversaire de la mort maternelle, car j'ai manqué de piété pour ma mère, crainte de l'aimer. Les voies obscures me ramènent vers Ammianus Marcellinus, et le manteau de pourpre tissé en vue d'usurper l'empire. Le « colobium », « du grec kolobos = mutilé, raccourci, à manches courtes ou sans manches » serait la tunique en question. La note me renvoie à Servius, commentateur fantôme, dont presque rien ne figure sur internet, donc inexistant selon nos critères. Cassian la décrit comme le vêtement monastique d'Egypte. Isidore de Séville décrit aussi ce vêtement comem dépourvu de manches (sine manicis). « De toute manière », disent les Sorbonnagres, « la commande de cette tunique de pourpre par un diacre demeure mystérieuse, le port de la pourpre étant effectivement un privilège impérial ».

     

    Dans ce monde attaché aux signes, une telle commande valait crime de lèse-majesté. En 1917, un soldat fut exécuté pour avoir brûlé son uniforme dans sa cellule. L'homme supplicie l'homme pour une image. « On produisit de lui une lettre en grec au chef de l'atelier du tissage de Tyr », actuellement Sour, au Liban, « qui le précisait de hâter un ouvrage, qu'il ne précisait d'ailleurs pas. » Ce n'était pas une preuve, mais une présomption. « Le message », précise le commentateur, était en effet elliptique : species désigne chez Ammien, et plus généralement en latin tardif, toute « espèce » de marchandise, de denrée, d'objet. » Bref, une «affaire », une « chose ». « D'autre part, la construction celerari speciem est une brachylogie » - ah ! Cher maître ! Souffrez que l'on vous embrasse, pour l'amour de la brachylogie : « on attendrait speciei facturam ou speciei missionem celerari. » Nous n'attendions en effet que cela, et sommes fort désappointés, en vérité, de ne l'y point trouver. Loin de nous cependant l'idée de blâmer de tels scrupules d'érudition.

     

    Ces érudits si vétilleux ressuscitent pour nous tant de siècles morts, que nous retrouvons volontiers dans nos films et nos livres, et il n'est pas jusqu'aux reconstitutions sur écran qui ne nous restituent, pour notre plus grand bonheur, les vastes salles des palais et les dalmatiques de ceux qui les parcourent. Et c'est pour de tels symboles, devenus depuis peu si vides à nos yeux, que des innocents se font torturer « jusqu'à la mort, sans qu'on pût lui arracher aucun aveu, nil fateri compulsus est. « Après que la torture se fut étendue à des hommes de toute condition, comme certaine affaires demeuraient douteuses et qu'il était évident que bien des accusations avaient été portées avec trop de légèreté, après le meurtre de beaucoup de gens, les deux Apollinaris, père et fils, furent exilés. » Nous porterons au crédit de la si discutable évolution de l'humanité la disparition des supplices dans notre petit espace européen.

     

    Nous encenserons les Droits de l'homme, pour lesquels nous répandîmes le massacre. Nous disserterons sur le bien-fondé ou non de l'enfermement des femmes sous leurs grillages de tissus. Nous justifierons l'interdiction de certaines chansons stigmatisant les peuples martyrs, et de l'autorisation de certaines autres, qui jettent l'opprobre sur nous mêmes, Français, car nous serions plus forts que nos anciennes victimes, et notre grand pays plus capable de résister à la stigmatisation. Nous entasserions des conneries, et trouverions encore le moyen d'en référer à Montesquieu, qui ne fut pas loin de là un auteur maudit, et n'eut jamais de chagrin qu'une heure de lecture n'ait apaisé.

     

     

    Coup de soleil.JPG

    Nous serions sur la voie d'on ne sait quelle sagesse, reconnaissants au monde d'exister, prêts à le recopier debout à nos pupitres, tels Bouvard et Pécuchet, évoqués à tout propos. We are self-conscious. Parmi les hommes torturés, il en fut un qui réclamait les sollemnia, qui sont les procédures habituelles ; en l'occurrence, elles n'étaient absolument pas respectées. Sous les tenailles, il exigeait le respect des formes. De même, le Zénon d'Elée connu par Valéry cracha-t-il sa langue à la gueule du tyran qui lui demandait une dénonciation de ses complices. Notre Constance II, fils de Constantin, « ordonna de (...) faire périr dans les supplices » l'homme qu'il avait un instant soupçonné. Il y aurait une thèse audacieuse à faire sur le sentiment du corps dans l'Antiquité, à la lumière de l'abondance des supplices que l'on y pratiqua. Sur l'évolution des représentations du corps, dans la législation et dans son privé. Il semble difficile (et pourtant si tentant) de réduire l'histoire de la torture en fonction de l'importance conférée aux corps, simples guenilles, et aux âmes, sans doute surévaluées.

     

    Nous pourrions croire en effet que le corps et l'âme étant désormais totalement mêlés dans nos représentations contemporaines, les supplices du corps ont disparu, car nous n'aurions plus ou beaucoup moins de transcendance ; mais qui peut dire que les supplices à présent sont moins présents ? N'y aurait-il pas au contraire une recrudescence de la cruauté, puisque ce corps, désormais tout ce que nous avons, subit encore d'abondants traitements inhumains ? Cependant ne brûlait-on pas la chair même des hérétiques, dont on empêchait ainsi radicalement la résurrection corporelle à la fin des temps ? L'Eglise appliquait donc ce principe sulfureux selon lequel sans corps il n'y aurait pas d'âme susceptible de salut ?

     

    L'étroitesse du raisonnement nous ramène alors à l'épouvantable rationalisation suivante : la somme des cruautés reste la même, différemment réparties, géographiquement, sociologiquement. Nous ne torturerions plus des citoyens de notre Patrie. « Quand ils arrivèrent à un endroit nommé Cratères, où ils avaient une maison de campagne, à la distance de vingt-quatre milles d'Antioche, suivant les ordres de César ils eurent les jambes rompues et furent mis à mort. » Nul ne sait ce qu'ils se sont dits durant ce trajet où ils se crurent libres. Mais Constance César frappe où il veut. De ces cruautés ne reste nulle trace, Ammien Marcellin, moi-même et une poignée de lecteurs en demeurant seuls dépositaires...