Proullaud296

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 3

  • Malentendu et liberté

     

    Démarrage: hier midi. Je relis ma production précédente. Je la mets en parallèle avec celle des auteurs maladroits : même ton pleurnichard sous-jacent. Les gens pleins d'échec ont tous cette petite musique aigrelette et mineure qui décèle le manque de talent, qui induit et provoque le manque de talent. Je hais ceux qui déboulent au boulot toute personnalité dehors, le postillon et l'assurance à la bouche. Mais eux au moins présentent quelque chose d'intéressant. L'habit fait le moine. Vous le dirai-je : il n'y a que l'habit. Hier midi, que sais-je ? La pleine activité de mon ordinateur, passées les corvées avalanchiennes du matin ?

     

    Un trou noir. Aider au déballage des courses, voilà. Une petite rallonge au Mutant, parce que la veille nous avait pressés tant et plus. Ce petit ton quotidien et navré, ce ton de perdant. Caractéristique des textes refusés. Ma Vie qui n'intéresse personne. Série si bien nommée. Ce qui me fait détester Walser, ce petit martyr pétri de bonne conscience. L'après-midi, j'ai rédigé mon émission. Il fallait que j'esquintasse Les Frères Grimm. Je m'y suis mis avec enthousiasme : on nous a roulés, au cinéma. Et quelques commentaires sur Le dernier Héritier de Castle Connor. De Le Fanu, peut-être bien le nom de jeune fille de la mère d'Oscar Wilde.

     

    Je me suis cette fois répandu en éloges. Ce n'est pas fini, mais tout sera prêt pour mon petit vendredi qui vient. Cela fait vingt ans que je déblatère devant un micro, et quatre auditeurs. Puis j'ai mené Anne à la place Capeyron, où elle s'est engouffrée dans un autobus, avant d'en avoir le dernier horaire. Je suis allé au café, prendre deux exemplaires du bus 16, gratuits.Une des deux serveuses a dit « 16 et 16 32 », ce qui est on ne peut plus juste. Et je suis revenu chez moi pour travailler encore, à mon « Histoire d'Amour » sans doute, où se cache ma vie conjugale depuis le 13 juillet 1966.

     

    J'étais libre. La chose se fait rare.J 'aime quand ma femme dîne « entre femmes », au restaurant. Adèle a payé pour toutes, car elle vient de toucher son héritage. Et apparemment ce n'était pas de la tarte, son père avait de la thune, même si des frères et sœurs riches étaient à l'affût. Je me trouvais seul dans l'appartement. Des vacances ! Et j'ai eu un petit bonheur : avisant mon chat qui passait devant la porte-fenêtre du salon, je l'ai acculé dans l'étroit couloir menant à la lucarne des chiottes.Il était inquiet :peur des coups ? Je ne l'ai jamais battu. Je lui ai parlé doucement, l'ai saisi par la peau du cou, mis sur mon épaule tout frémissant.

     

    Il n'aime pas être porté. Il se raidit des pattes avant, gronde. Je l'ai ait pénétré dans l'appartement, ils'est encore réfugié sous le lit en grondant, là où c'est le plus bas, le plus sale, le plus infesté de toiles d'araignées, d'acariens. Je l'ai chassé de là-dessous en tapant du pied, il s'est alors rencogné près de l'orgue, mais parfaitement saisissable. Et puis (je ne me souviens plus de l'ordre de ces opérations) je l'ai mené à sa gamelle, dehors, seul endroit où il accepte de venir manger, de nuit ou clandestinement. Je l'ai crocheté par une laisse. Au début il tirait, j'ai laissé filer trop de laisse, il est retombé pile sur la porte de bois de séparation avec Mme M. Il a dû avoir mal. Je l'ai repris dans mes bras, l'ai caressé, je lui ai prodigué les mots doux, je l'ai détaché, il est allé se percher sur le mur de M. Gras, s'est léché un peu. Pour moi c'est une grande joie. C'est lui, Krakouf (en polonais Kraków, « Cracovie ») que j'ai attendu comme le sauveur, orphelin de chat que j'étais. C'est lui que j'ai cru perdu toute une journée, crispé sur mon lieu de travail à en pleurer parce que je l'imaginais écartelé sur un travois à peau de lapin chez un gitan. C'est lui que j'ai été si content de voir revenir le matin. Puis il n'est plus revenu du tout, parce qu'il nous réveillait tous les matins à 5h pour sortir, et je l'enfermais dans mon bureau où il se réfugiait, bien entendu, sous le petit lit, un autre, aux dessous aussi peu ragoûtants. Un matin je lui avais déposé sur le sol un bol de croquettes, il avait tourné les talons et s'était enfui.

     

    Dessous.JPG

    Je l'avais violemment coincé à mi-corps avec la porte et l'avais saisi bien trop bas sur le dos ; il s'est retourné et m'a mordu, je l'ai alors jeté à la volée vers l'intérieur, il s'est cogné au dossier de la chaise en retombant. Depuis, rancune totale et fuites, mais hier, j'étais heureux de le caresser même récalcitrant. L'autre petit chat n'est venu qu'ensuite...

     

  • L'amour avec Elizabeth Talor

     

    51 02 22

     

            1. Je commence à faire l'amour avec Elizabeth Taylor, très jeune, mince, souple et ferme.

            2. Faire l'amour avec Elizabeth Taylor, morte en 2011 d'une tumeur cérébrale. Son crâne était chauve et bosselé, elle avait revendu tous ses bijoux, distribuait fleurs et caresses aux enfants malades, car même les Etats-Unis ont des enfants malades. Et je l'avais là au-dessus de moi, faisant comme les femmes aiment faire, mais n'a-t-elle pas dit aussi que les plus beaux bijoux pour une femme était d'avoir les deux genoux derrière les oreilles ? Elle se tient au-dessus de moi et fait avec ses bras les mouvements serpentaires des danses égyptiennes. Je n'aurais rien à faire qu'à me laisser bouffer, aurais-je peur, est-ce que je pourrais tenir ? L'homme est inquiet quand il baise.

              1. Il est rare de baiser sans souci, dans la plus parfaite détente. Subsiste toujours l'inquiétude du désir : comment le maintenir ? que peut-on bien inventer pour qu'il subsiste ? Certaines femmes sans doute aussi doivent éprouver cela. Ne serait-il pas mieux, plus expéditif pour l'homme, de se faire trouer en attendant que l'autre se soit assouvi ? Nul effort à faire alors, et le sentiment d'être utile, et la gratitude qu'on éprouve d'avoir donné au lieu de prendre, de ne rien devoir à personne. On n'a pas besoin de bander du trou du cul. Si tu cesses de bander, ou que tu envoies la sauce avant la fin de la femme, ce sont des désolations internes, sans fin. Rencontrer le Mormon dans la cage d'escalier, une de ces grandes envolées de marches terminées par un coude haut-perchée. Partout comme des acrobates inhabiles des lycéens des deux sexes parcourent de haut en bas cet accessoire de studio ; mais la rampe, et les marches, témoignent d'une grande saleté. Le Mormon manque de gaîté : « Comment ! murmure-t-il ; me faudra-t-il abandonner toute cette jeunesse qui court sur les marches ; à ceux-ci j'étais habitué. Je commençais à tisser des liens. Le nouveau poste où je suis appelé me réservera-t-il d'aussi puissantes et abstraites étreintes ? » Nous avons compati tous les deux en éphémère communion.

     

     

     

    X

     

     

     

                1. « Messieurs, Voyant le nombre assez considérable de sottises et d'insignifiances qui se publient, je ne me sens pas inférieurs à leurs minces mérites. C'est pourquoi j'aimerais que vous reconsidériez votre position. Je ne demande pas de jugement ni d'appréciations, conscient plus que quiconque de mes faibles mérites et de mes grandes faiblesses. Mais il me suffirait de prendre place à votre table, de participer si peu que ce fût à ce grand festin des vanités, même s'il ne restait pour moi qu'une écuelle en bout de table. Je vous en serais infiniment reconnaissant. » TABLEAU D'ANNE JALEVSKIFaux Terzieff, vrai Auteuil.JPG

                2. Amen dit le Mormon. Nous rejoignîmes alors un chantier, à l'extérieur, où s'agitaient des êtres d'une tout autre espèce : des éboueurs, à en juger par leur tenue, et leur involontaire saleté (disons plus dégueulasses les uns que les autres) triaient artisanalement sur une longue table en plein air les chiffons et les morceaux de bois visiblement récupérés dans une décharge voisine. Nous nous sommes approchés avec curiosité. L'un d'eux alors manifesta le plus grand intérêt : il avait repéré ce que les autres cherchaient tous ; c'étaient des débris humains, qu'il examinait avec la curiosité la plus professionnelle : non pas des mains, ni même des yeux, mais des traces que ces gens-là, et eux seuls, pouvaient identifier, isoler : dépôts de sérums, traces de pus et de sanies.

                3. Cet homme entreposait les restes ainsi repérés dans une espèce de poche, de marsipos, ménagée dans le tissu d'une hanche à l'autresur son giron. Mais indépendamment de ces petites trouvailles, toute l'équipe s'amusait en chœur d'une bourde : « La France a six millions d'habitants, l'Algérie trois » - qui pouvait bien avoir proféré une telle imbécilité ? ils s'en rejetaient tous la responsabilité – d'abord, c'était plutôt le contraire : trois pour la France - « mais non, c'est aussi con dans un sens que dans l'autre ! » Ils ne se cherchaient pas noise, c'était une équipe soudée, hilare et bon enfant. Le Mormon et moi, discrets, nous tenions un peu à l'écart, tâchant de ne pas faire voir nos vêtements ou nos physionomies d'intellectuels ; ainsi, nous étions donc enfin parvenus à ces fameux soixante ans, précédant de si peu les sécrétions de nos corps juste bonnes à jeter ?

                4. Nous avons donc rejoint à pas lents le lycée où l'administration nous avait toléré un logement, aménagé dans une vaste salle de classe inutile, au sein des préfabriqués : il faut avoir connu ces bâtiments recouverts de panneaux sandwiches, branlant sous les galoches des gamins – notre fille nous attendait tous deux. Elle avait étalé sur le seuil, elle aussi, divers déchets animaux : l'idée venait de moi. « Pourquoi n'essaierais-tu pas de trier les diverses crottes de chat laissées par notre animal favori ? par formes, par couleurs, que sais-je ! » Elle avait pris cela au sérieux, avec la gravité qu'elle mettait toujours en toute chose. Alors je sentis dans ma paume que je laissais pendre la patte du chat, qui miaulait avec désolation : toutes ces merdes lui avaient été dérobées, au sortir même de son corps, avant qu'il ait pu même procéder à leur enfouissement rituel en litière, avec de grands ramassements circulaires, comme ils font tous, afin de dissimuler leurs traces, et de rester propres.

     

  • Passé, présent, avenir

     

    Poser le problème n'est pas le résoudre : il est en effet non moins possible d'affirmer que le présent n'existe pas plus que les deux autre, car nous sommes toujours au sommet d'une mouvante pyramide de sable qui s'écoule sous le sable. Mais ceci, en théorie. En expérience, nous savons bien que « le moment où je parle », même s'il « est déjà loin de moi », s'inscrit dans un certain présent relatif, où nous nous situons, pour conserver du moins la cohérence de nos pensées, de nos actions. Si nous n'avions conscience que de notre granulité temporelle, nous ne pourrions avoir aucune conscience globale. Il faut à la conscience une certaine assise, dans l'espace (nous ne sommes que du vide...) et dans le temps. «Ou bien serait-ce qu'elles existent aussi » (ces trois parties du temps), mais que le présent sort de quelque endroit secret, lorsque de futur il devient présent, et que le passé se retire aussi dans un lieu secret, lorsque de présent il devient passé ? » « Endroit secret » parle d'un mystère : ce serait l'irruption, quoique secrète, d'une « nature divine du temps », l'intervention de l'invivable dimension éternelle, infiniment ponctuelle d'instant en instant , mais éternelle par la coexistence éternelle de cet émiettement ? lequel serait alors cohérent, comme un cliché fixe de l'explosion d'un crâne.

     

    Dieu crée donc la conscience des trois états du temps, pour mettre ce dernier à la portée de la résistance humaine, car nous deviendrions fous d'incohérence, voire inconscients. La perception des trois étapes du temps est donc nécessaire à l'établissement de notre conscience. Ces trois étapes que nous sentons coexistent avec le pressentiment que nous ressentons de l'éternité dite divine. Mais il faut donc aussi, en toute équité rationnelle, que Dieu lui-même soit pourvu de cette faculté de distinguer les trois modalités du temps humain. Autrement, il ne pourrait nus juger ni nous récompenser. Revenons au texte, nous aussi : « Car où ont-ils vu l'avenir, ceux qui l'ont prédit, s'il n'existe pas encore ? » Il faut donc que tout repose dans le sein de Dieu, qui contient en lui l'immobilité du temps, et ne nous en distribue que l'écoulement, pour le plus grand bien et le développement de notre conscience à la fois existentielle et morale.

     

    Si nous remplaçons « Dieu » par « Mystère », nous n'en serons pas plus avancés. Les incroyants ne sauraient pourvoir le Mystère d'une quelconque affectivité. « Il est impossible de voir ce qui n'existe pas ». Ainsi donc Augustin ne saurait-il mettre en doute la véracité du phénomène prophétique : cela contradirait à la fois le sentiment commun de son temps et la raison d'être des Ecritures, Ancien et Nouveau Testament. Certains éléments de l'avenir, peut-être pas tous, nous seraient donc accessibles non pas seulement par le raisonnement (« demain, il fera jour ») mais par l'intuition du voyant. De toute façon, Dieu connaît l'avenir, et le Mystère en est gros. «Et ceux qui racontent le passé feraient des récits sans vérité, s'ils ne voyaient les évènements par l'esprit ».

     

    Notre mémoire est donc aussi créature de Dieu, qui possède aussi cette faculté, qui inscrit tous les évènements sur un grand rouleau, d'où il ne peut plus d'ailleurs les effacer, limitation à son pouvoir. Même si le passé, à échelle humaine, se dissout dans l'éloignement des temps, il ne peut pas se faire qu'il n'ait pas été. Le passé se fond dans l'éternité de Dieu. « Si ce passé n'avait aucune existence, il serait tout à fait impossible de le voir » - par les yeux de l'esprit. Nous avons donc la faculté de recoller toutes ces particules qui sans fin tourbillonnent de microseconde en microseconde. Dieu est totalité, l'homme classification. Dieu est aussi classification. Il nous a donné une partie des clés du mystère, suffisamment pour que nous prenions conscience, et ne nous a donné que le pressentiment de ce que nos facultés ne nous permettent pas de comprendre concrètement, expérimentalement. « Par conséquent, le futur et le passé existent également ». Ils ne sont pas dissous, ni hors de notre portée, ni hors de notre conception. Disons que le verre du passé reste transparent, celui de l'avenir se bornant au translucide, dans le meilleur des cas.

     

    Le coutelas.JPGAugustin avance lentement, ne manque aucune marche du raisonnement : le chapitre XVIII propose que « Le passé et l'avenir nous sont présents dans les représentations de notre esprit », ce qui est déjà une miette de l'être divin : nous aussi, nous possédons, à échelle humaine, la faculté d'une petite éternité à nous, d'une certaine abolition du temps, d'un mélange rudimentaire des époques. Mais cela ne va pas sans une petite prière propitiatoire : « Permettez-moi, Seigneur, d'étendre davantage mes reherches, ô vous qui êtes mon espérance, faites que mon effort ne soit point troublé. (Psaume LXX, 5). Car si nous espérons, il faut bien que ce soit un avenir...

     

  • Le fond du ciel, daube-fiction

     

    Le "mot de l'éditeur" transforme évidemment le livre en "fulgurance", en visite au World Trade Center deux jours avant la catastrophe, ce dont je ne me suis absolument pas souvenu, mais dans quel article ai-je donc lu l'adjectif "soporifique" ? Cherchons sadiquement : "Fresan soporifique", et, bingo : J’ai trouvé ce roman inutilement bavard car parlant beaucoup pour ne rien dire au final, si ce n’est pour nous sortir un ramassis de platitutes éculées. Il ne fait que se répéter sans emporter, et l’histoire de fond qui se dessine péniblement dans cet assemblage de la même constatation tournée à toutes les sauces ne sauve pas ce roman." Noter toutefois que l'auteur avoue préférer "le moment à l'argument". "Je n’ai pas su m’immerger dans ce monde qu’il nous offrait, simplement parce qu’il me semblait inexistant, artificiel, trop référencé pour pouvoir exister en dehors de ces références, trop référencé aussi pour ne pas faire poindre en nous l’envie de le comparer à ces références. Or, il ne tient absolument pas la comparaison… Alors vous pensez, avec un lecteur qui ne connaît même pas lesdites références...

     

    Ce qu'il y a de bien, avec ce jugement des "Lectures de Cachou" (titre du blog) c'est que mon opinion, mon opinion à moi, mon opinion à moi personnelle, n'est donc pas seulement due à mon ignorance, mais comportait tout de même des éléments justifiants. Alors, passons à ma traduction : il s'agit d'une radio- ou échographie. "Elle me demande si je porte une greffe (injerto) de type métallique quelconque. Je lui réponds "pas que je me souvienne", mais que peut-être je me suis occupé d'oublier ma participation à une certaine guerre ou un accident de la circulation". En effet, le héros a tâté un peu de guerre irakienne, sans que je m'en rende compte. Et il existerait dans le roman, à titre expérimental, une pilule destinée à effacer les souvenirs désagréables.

     

    Bonne idée, de l'auteur aussi. "L'assistante me regarde curieusement et continue à réciter ses règlements et instructions.

     

    "Elle me dit que j'ai de la chance, que ce modèle de scanner est de la toute dernière génération et qu'on lui a incorporé, à l'intérieur" (du tube) ", un petit écran vidéo qui me permet de contempler, en temps réel, l'horizon immédiat de Manhattan." On n'arrête pas le progrès, surtout inutile. Verrons-nous les avions se précipiter dans les tours ?

     

     

    La menace.JPG

    "Elle me dit que les constructeurs ont décidé de cette innovation vu la quantité de patients claustrophobes qui affirment ne pas l'être avant d'entrer et qui découvrent l'avoir toujours été, que la claustrophobie, c'était autre chose, que ça n'avait rien à voir avec un ascenseur bloqué entre deux étages ou un wagon de métro plein à ras bords." En effet, c'est bavard. Mais c'est de l'humour.

     

    "Elle me dit que je vais l'étrenner, que je suis le premier à entrer voir.

     

    "Elle me le dit comme si c'était un rare privilège, comme si elle me remettait les clés d'une ville ou les ciseaux pour couper le ruban d'inauguration d'un stade." Oui, c'est bavard, malgré l'emploi ingénieux du style indirect et de l'anaphore "elle me dit".

     

    "Elle me le dit comme si la possibilité d'une tumeur nichée dans mon cerveau (un tumor anidando en mi cerebro) était une question secondaire et un peu ennuyeuse, comme un de ces invités qui boivent trop et gâchent la fête en balançant les verres et les injures vers le ciel.

     

    "Elle me le dit, et je soupçonne, je désire presque être atteint de quelque chose de rare et de terrible, pour que cet engin flambant neuf ait l'occasion de me conférer le privilège de le déceler et pour ainsi dire de toucher avec l'empreinte digitale et digitalisée d'un laser ma sentence de mort. La confirmation du commencement de ma fin, sans possibilité de seconde option, puisque, m'explique l'assistante, la précision et la fiabilité du diagnostic sera voisine de 99,9 pour cent." Maintenant, c'est vous qui voyez : Rodrigo Fresán, El fondo des cielo, Le fond du ciel, en espagnol ou en français aux Editions du Seuil.