Proullaud296

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  • Le soir la porte ouverte

    Pour avoir un compte de suivi, c'est vachement simple : vous suivez les indications, vous tombez sur de l'anglais, vous répondez tant bien que mal, et Xiti vous informe qu'il faut vous abonner à Machin avant de s'abonner à Truc, et qu'avant de vous abonner à Machin, il vous faudra vraisemblablement abonner à Chosemuche. Cela rappelle "Le château" de Kafka, et il n'y a pas de raison pour que ça s'arrête. Alors, nous verrons bien. Si nous ne connaissons pas le nombre de robots ou d'amateurs qui évoquent sur leurs écrans notre grandiose site, eh bien nous nous en passerons. Petit patapon.

    L'oreiller froissé.JPG

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  • Citations 780 et quelques



        781.  La plus grande mort, c'est de renoncer à s'accomplir. Et c'est pourtant ce qu'on exige constamment de la femme, ce qu'on considère comme son devoir naturel.

    HAN Suyin
    "Destination Tchoungking"
    ch. XII "Un été à Tchoungking"

        782.  Au moment de la crise qui culmine vers Pâques 1848, Kierkegaard se rend compte que, loin d'être l'exception, il est au fond dans l'état universel : tout le monde vit dan sle désespoir, même ceux qui ne se savent y être, ayant suspendu leur viie au hasard, ayant fui leur moi pour ce que Pascal nomme le divertissement.

    Jean-Jacques GATEAU
    "Introduction" au "Traité du désespoir" de
    Soeren Kierkegaard.

        783.  Il n'y a au fond de lui qu'un ricanement général contre lui-même et contre la vie.

    id. ibid.

        784.  Quiconque veut sauver sa vie la perdra.

    Evangile
    cité par HAN Suyin "Destination Tchoungking"
    ch. XIII "Maturation en Chine"

        785.  "Certains croient aux codes, à la discipline, à l'organisation. Certains aspirent à la violence de la lutte des classes, afin de redresser le monde. D'autres croient que l'esprit seul pourra sauver l'homme. Mais, tous, vous voulez la même chose : refaire le monde à l'image de votre vérité, trouver votre "moi", vous retrouver dans les autres."
    Il fit une pause avant de parler à nouveau avec une certaine solennité :
    "Nous voulons tous la même chose, nos mots seuls sont en contradiction. Les mots, les slogans, on nous les a enseignés. On nous dresse avec les mots. Ils deviennent le substitut de la pensée. Leur haine se propage par leur truchement. Mais allez au-delà des mots pour atteindre la réalité qui les dépasse et assurez-vous si elle est bonne ou mauvaise. La seule chose qui vaille la peine qu'on combatte pour elle, c'est la vie, une plénitude de vie partagée entre tous les peuples.

    HAN Suyin
    "Destination Tchoungking"
    ch. XIII "Maturation en Chine"

        786. D'abord on pèche peut-être par faiblesse (hélas ! car tafaiblesse c'était la force même du désir, du penchant, de la passion et du péché) ; mais alors on en est si désespéré qu'on pèche une seconde fois peut-être, et cette fois c'et de désespoir.

    Soeren KIERKEGAARD


        787.  Il faut retenir le nom d'Andrei Mikhalkov-Kontchalovsky.
    Claude-Marie TREMOIS
    "Il n'est pas très intelligent mais..." ("Le premier maître") Rubrique "Les films nouveaux", TELERAMA n° 929 du 5 au 11 - 11 - 1967

        788.  Avec quelques transformations, on arrive à tout transformer.

    Anne-Marie COLLIGNON-NOGARET
    "Paroles historiques" 11-12-1967, 22 h. 26 mn.

        789.  Non omnis moriar.

    HORACE

        790.  J'avais oublié que la vie sans l'amour n'a pas de sens et que toutes les philosophies du monde, et toutes les douleurs, peuvent disparaître dans un baiser.

    Vintila HORIA
    "Dieu est né en exil"
    Troisième année.

        791.  La liberté se paye cher, mais cela vaut toujours le prix. Etait-ce donc si difficile de comprendre ? Il vous suffit de savoir choisir : une existence nouvelle, n'importe où, au-delà des limites de l'empire, un Dieu nouveau, "le vrai", pour renaître ici même, sur la terre, et non pas après la mort, comme l'enseigne la religion d'Isis. Tout est possible. Il faut avoir, à temps, le courage de "déserter", de couper brusquement avec le passé.
    id. ibid.

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  • Judaïsme

        Le Dictionnaire encyclopédique du judaïsme dont nous allons ici exposer misérablement certains menus aspects suffirait à peine, s'il devait être exégésé, à cent vies de rabbins et amorim, autrement dit d'interprètes. Il existe chez les juifs tant de textes, de gloses, de commentaires, d'explications de commentaires sur des gloses, que cela constitue toute une innombrable bibliothèque et l'essence même de toute une existence, juive ou de non juive. L'ordre alphabétique français a semblé le plus judicieux, et le plus arbitraire aussi : mais c'est un livre à consulter, non à lire dans l'ordre. Cependant nous le fîmes, pas à pas, près de douze années, picorant ici, glanant là, passant des subtilités minuscules aux principes les plus sacrés, des cérémonies les plus universelles aux coutumes les plus localisées, avec tout ce que cela comporte, par articles, de renvois aux pages précédentes ou suivantes.
        Tout s'y trouve, traduit de l'anglais, car l'anglais est la langue la plus pratiquée dans le monde par les juifs. Toutes les questions sont abordées, la définition du juif, avec une majuscule quand il s'agit du peuple antique, avec une minuscule s'il s'agit d'un contemporain. Est-ce que l'on naît juif, comment on le devient, comment on se marie, comment on mange juif, comment on meurt juif, comment il faut considérer les persécutions, comment Dieu a survécu ou non à la Shoah. Théologie, perspective historique (s'arrêtant à la fin des années 80, car il faut bien éditer l'ouvrage, et jusqu'ici nulle nouvelle impression n'a été signalée) ; répartition des juifs dans le monde, situation d'Israël dans l'Histoire et le cœur des juifs.
      

    Pan de mur.JPG

      Fondements de la métaphysique, principes accessibles de la kabbale, analyse des commentaires à la Torah, qui correspond souvent avec notre Bible, définition du Talmud regroupant les commentaires, définition de la Michnah ou tradition orale, tradition rabbinique et vie des plus illustres d'entre eux, de Rachi de Troyes dans l'Aube à Baal Shem Tov créateur du hassidisme,  des maîtres Gamaliel et Hillel qui vivaient sous les Romains jusqu'à l'Espagnol Aboulafia du XIIIe siècle,. Ce que c'est que le Temple et sa splendeur, le matériel liturgique, les fêtes et les massacres, en tout une avalanche de connaissances vérifiées avec minutie. Le texte des prières et des bénédictions, l'énumération des mitsvoth ou commandements, les rites les plus bizarres justifiés par des raisonnements imparables aussi bien qu'absurdes, des recherches sur la langue hébraïques, l'araméen qui en est une version populaire, le yiddish que l'on essaie de ressusciter, la littérature en toutes langues : ouvrage inépuisable.
        Le texte se présente sur deux colonnes, il ne comporte pas d'illustrations mais des tableaux et des cartes, des généalogies spirituelles de rabbins qui transmettent leur personnalité à tels disciples qui à leur tour, etc. Outre la vastitude des connaissances ici exposées, que pouvons-nous dire sur ce qui seraient des caractéristiques de la judéité ? Un extrême respect dans l'exercice du culte, dans les prières, dans les commandements. Mais aussi une extrême adaptabilité, en fonction des pays, des circonstances (un malade sera dispensé du jeûne le jour de Kippour), et l'affirmation maintes fois répété que l'observation d'un rite est nulle aux yeux de Dieu si le cœur du célébrant n'est pas sincère.
        Des préceptes de justice et de charité communs à toutes les religions. Mais un souci de se préserver à travers les siècles, d'établir la juste balance entre l'assimilation nécessaire à l'entente entre les peuples, sans pour autant abandonner toute trace de juif en soi, ni se raidir dans un communautarisme sectaire. Ces questions agitent les populations juives depuis des siècles et des millénaires, jusqu'en cette année 5775, et la Shoah fut préparée par des siècles de persécutions, ce n'est pas apparu d'un coup, loin de là ; de même, la fondation d'Israël ne fut pas la conséquence de la Shoah, mais déjà envisagée par Herzl dès la fin du XIXe siècle, conséquence il est vrai des pogroms de Russie encouragés par les tsars.
        Mais le retour des exilés en terre d'Israël accompagne toute l'histoire culturelle des juifs depuis la dispersion ou « diaspora ». Cette notion est remise en cause par la conversion des Khazars au Xe siècle, peuple d'origine turque au sud de la Russie dont les descendants formeraient une grande partie des actuels ashkénazes ou juifs européens. Ne nous attendons pas à trouver dans cette encyclopédie des notions dubitatives ou critiques à l'égard du peuple étudié, non plus d'ailleurs qu'une louange excessive : les faits sont exposés avec  autant d'objectivité que possible, et d'aucuns pourront trouver que certaines omissions sont éloquentes. Mais il n'y a ici ni encens, ni huile sur le feu.
        Ni prosélytisme, ce dont les juifs se défient par-dessus tout, ni malédictions, autres que tirées des textes bibliques bien anciens. Oui, la Bible, la Torah contiennent des passages d'une grande violence. Mais la plus grande catastrophe qui soit arrivée au judaïsme, si nous en croyons certains rabbins (car il n'y a pas non plus de chef suprême religieux dans la communauté juive, étant donné la dispersion de leur habitat), c'est la captation d'héritage des chrétiens sur la Torah : saint Paul de Tarse a supprimé la circoncision des sexes en la remplaçant par la circoncision des cœurs, Jésus s'est vu investi du rôle de Messie ou Machiah, et la Torah réinterprétée unilatéralement comme une  vaste préface aux croyances chrétiennes : le Christ  et ses apôtres ont annexé les rouleaux de la Loi, les exégètes chrétiens se sont évertués à relever tout ce qui dans un livre sacré semblait préfigurer les Evangiles, et comme de juste les zizanies se sont muées en affrontements et en persécutions. Nous tenons à rappeler inlassablement que les exactions commises par certains ne se sont jamais élevées aux crimes commis par d'autres, et que jamais par exemple nul ne peut citer le moindre exemple de juif s'étant fait sauter dans un restaurant allemand ou dans un bus berlinois bondé de collégiens.
        Nous affirmons que les têtes de porc odieusement déposées devant les mosquées n'ont cependant aucune commune mesure avec Auschwitz, n'en déplaise aux politiciens ramasseurs de suffrages. Que le repli en Israël n'est pas forcément la solution, car le meilleur moyen de devenir millionnaire à Tel-Aviv, c'est d'y arriver milliardaire, tant l'immigré de fraîche date est une proie tentante pour les arnaqueurs, de quelque religion qu'ils soient. Le judaïsme ne saurait enfin se résumer à une religion, car il existe une bonne quantité de juifs athées, avec toutes les nuances qui peuvent les séparer des stricts observants du rituel. Nous proposons deux définitions, dont nous avons oublié les auteurs : « Etre juif, c'est faire partie par la naissance d'un club d'où malheureusement il est impossible de démissionner ».

  • Voyage autour de ma chambre

    Bonjour auditeurs nouveaux, et auditrices de tous âges. Nous faisons une émission consacrée à la littérature. Mais non pas à la littérature contemporaine, du moins pas obligatoirement. Nous procédons plutôt par coups de coeur, vous faisant part de nos engouements par voie de lecture. C'est ainsi qu'aujourd'hui nous déterrons pour votre plaisir le "Voyage autour de ma chambre" par Xavier de Maistre, frère du contre-révolutionnaire et polémiste Joseph de Maistre, lesquels étaient aussi différents que les frères Léotard actuels, c'est dire...
    Fleurs et photographe.JPGCette oeuvre, publiée à nouveau par les Editions Comp'Act à Chambéry, date de 1795, où, "à la suite d'une malencontreuse histoire de duel", l'auteur écopa de quarante-deux jours d'arrêt, pendant lesquels il rédigea donc ce "Voyage autour de ma chambre", qui était bien le seul qu'il pût faire.
    L' "Encyclopedia Universalis" me rappelle qu'il s'agit d'un "essai philosophique et littéraire se prrésentant sous la forme d'un aimable vagabondage plein de parenthèses et de digressions".
    En ressort cet ingénieux traitement de la description d'une cellule relativement confortable de détention pour officier sous la forme d'un paysage et d'un itinéraire. En ressort aussi la figure de Joanetti, parfois évoquée dans les extraits de vieux manuels scolaires : ce brave domestique n'a pas reçu ses gages et n'ose les réclamer. D'où les commentateurs ont conclu à de certaines préoccupations sociales de la part du turbulent Xavier de Maistre.
    Il ne nous parle pas de Révolution, mais de femmes, d'imagination, de goûts littéraire, et d'humour léger. C'est un humour qui l'apparente d'un côté à Diderot, pour l'esprit, c'est-à-dire pour l'intelligence pétillante, et d'un autre côté, hélas, à Sterne : l'art de faire un sort au moindre incident de pensée (bien forcé quand on est prisonnier) se transforme un peu trop souvent en délayage, qui ne provoque plus guère que des rengorgements ricaneurs polis. 
    On se passerait volontiers par exemple d'un dialogue fade et abstrait de l'âme et du corps de l'auteur, bien dans le goût de l'abstraction archaïsante du temps ; disons qu'une page eût suffi là où nous en sont proposé six. Heureusement, le tout s'accompagne de considérations préproustiennes, ton sinistre ne moins ( Proust sait être sinistre) sur les sensations bizarres et délicieusement prolongées du réveil, où les sensations extérieures (l'ordonnance prépare le petit-déjeuner) se mêlent aux dernières imaginations vagues de la nuit qui s'effiloche.
    Bref un ouvrage charmant, à propos duquel je me battrais en vain les flancs pour extraire quelque autre commentaire que ce fût, tant il me marqua peu.
    La page 47 présente la fin du chapitre XXVII : l'auteur parle d'un miroir ornant sa cellule, et où il se contemple. Il en profite pour disserter sur l'objet du miroir :
    "Peu de monde y jetterait les yeux (à supposer qu'il reflétât un portrait moral précisè-je) - et personne ne s'y reconnaîtrait, - excepté les philosophes. - J'en doute même un peu.
    "En prenant le miroir pour ce qu'il est, j'espère que personne ne me blâmera de l'avoir placé au-dessus de tous les tableaux de l'Ecole d'Italie."

    Vous voyez donc par cet extrait l'attachement à une morale traditionnelle, issue des Antiques par La Fontaine ; le doute sur l'élévation réelle de l'âme des philosophes ( il faut y inclure tous les glorieux morts du siècle qui s'achève : Rousseau en particulier, qui ne futpas exempt de complaisance); et la pointe paradoxale, bien que l'Ecole d'Italie n'ait peut-être pas effectivement produit au XVIIIe s. ce qu'elle a de meilleur.
    Cette légèreté m'enchante, me rase doucement, m'exaspère, je l'oublie aussitôt. C'est le champagne champenois, ou le petit blanc de Savoie : sitôt bu, sitôt évaporé. Ill eût fallu sans doute le consulter, cet auteur, dans une édition érudite et couverte de notes, qui m'eût convaincu de son poids, que ne revendique pas l'auteur. Voyez-vous, voilà que moi aussi je fais du Xavier de Maistre.
    Le lecteur éprouvera cependant un grand plaisir à lire un fin styliste, un homme de goût comme on disait, si typiquement et creusement français (mais ne suis-je pas superficiel), quelque chose qui ne fatigue pas mais cependant tombe des mains, réservé à ceux qui éprouvent d'emblée une affinité. Je le rapprocherais, aigreur cachée en moins, des promenades de Walser, auteur suisse.
    A noter que le "Voyage autour de ma chambre" possède une certaine tradition théâtrale, il peut donc se représenter, donc, le volume de cent pages s'achève sur de petits textes extraits des correspondances de l'auteur, et sur des notes concernant certains détails contemporains inconnus du public, ainsi la mention d'une "fameuse marchande de modes à l'époque du "Voyage autour de ma chambre".
    Dieu merci de tels éclaircissements sont rarement nécessaires, et nous suivons très bien encore les méandres de cette pensée légère et érudite.
    Laissons donc s'éloigner de nous cet auteur aimable, épris de sensibilité (il appuie son bras sur celui de son domestique en s'apitoyant sur son sort au nom d'une égalité humanitaire), de belle peinture (il commente les gravures qui ornent son cabinet de détention), d'humour (il tombe de son observatoire, qui se révèle être son fauteuil, car nous avions oublié avec lui que nous nous mouvions dans le cadre d'une chambre et parmi le mobilier d'icelle).
    Peut-être un jour rééditera-t-on "l'Expédition nocturne autour de ma chambre", où l'auteur, de bonne guerre, exploite le filon, ou "Les Lépreux de la cité d'Aoste", à moins que ce ne soient "Les Prisonniers du Caucase".
    Xavier de Maistre, né en 1763, coula des jours pasibles et voyageurs jusqu'en 1752. Longue survie à ses oeuvres, aisément compréhensibles, aisément traduisibles pour les barbares qui nous suivront.

  • Le porno "petit pied"


        Remettons-nous dans ces années 70 précédant immédiatement l'explosion du cinéma pornographique ; souvenons-nous de ces salles combles à nette prédominance masculine retenant son souffle et soufflant tour à tour à la moindre annonce de poils pubiens en gros plans, alors que le dialogue s'amorçait juste entre les acteurs et les actrices. Il en fallait peu en ce temps, des silhouettes entrevues au creux d'une bagnole nocturne, quelques pistons inlassables, et pas question de montrer les femmes autrement que romantiques. Mais juste avant cela, souvenez-vous, vieillards, ç'avait été toute une préparation de plusieurs années, avec les dessins de Pichon, la revue Plexus, les questions indiscrètes de José Artur vers une heure du matin (« Est-ce que ça vous chatouille ou est-ce que ça vous gratouille », et  la femme interviewée de glousser longuement avant de lâcher quelques syllabes bredouillantes) – bref : c'était dans l'air, mais la culotte restait bien fixée du moins par devant.  La photo ci-dessous n'a rien à voir avec l'article et vient là comme une perruque sur la soupière.  Les deux Anne.jpg
        Et puis il y avait Polnareff, Moi je veux faire l'amour avec toi, le sida n'existait pas encore, les curés refluaient en déroute toutes  soutanes  retroussées, les films regorgeaient de baises soigneusement mimées à travers les vêtements (ce qui laissait supposer des bites en zigzags particulièrement perforantes) ; dans cette ambiance pré-orgastique, les romans de Sagan faisant florès, le marquis de Sade commençant à se répandre si j'ose dire, et les femmes enfin consentant en un seul mot à nous confier que oui, ma foi, elles avaient aussi leurs désirs et leurs plaisirs ah  mon Dieu que viens-je de dire, survint parmi tant d'autres (Histoire d'O sortant de son trou, Bernard Noël et son Château de Cène) un ouvrage scandaleux et que l'on s'arracha dans la même hypocrisie qu'à présent les élucubrations de Monoprix mal appris d'une Trierweiler.
        Cela s'appelait L'homme facile, de Catherine Breillat, 19 ans, l'an de grâce 1968, interdit aux moins de 16 ans. Rendez-vous compte ! Les jeunes filles elles aussi considéraient les hommes comme des objets sexuels ! Ces demoiselles (le mot n'était pas encore grossier) rencontraient des hommes difficiles, qui résistaient à leurs avances, et des « hommes faciles », comme disait aussi Muriel Cerf, autre adepte de la sexualité féminine libérée ! Nous autres hommes en tombions des nues poil au cul, étant donné que le comportement de la femme moyenne, ou de l'homme moyen, ne nous avait pas semblé se modifier sensiblement : en effet, nous habitions en Dordogne ou dans la Haute-Loire, et non pas à St-Germain-des-Près ni à Kathmandou ; souvenez-vous, braves gens du Montenegro ou d'Albi : la femme fait l'amour, l'homme éjacule.



        Le livre de Catherine, en attendant ses films, dont elle assura parfois le casting jusqu'aux travaux pratiques inclus dans les deux sens du terme poil au sperme, provoqua donc une avalanche de réactions indignées, car notre civilisation courait un grand danger. On en est même à marier des homosexuels, vous vous rendez compte... Replacé dans ce contexte, L'homme facile avait de quoi révulser les bien-pensants et choquer l'homme moyen. À présent, nous savons faire la différence entre défoulement verbal et littéraire et véritable modification de comportement concret. Les aveugles dont je suis continuent à trouver les rapports intersexuels (ou homosexuels) étrangement difficiles voire inaccessibles, sur le point de se faire interdire par les femmes de combat en un seul mot, car les hommes, n'est-ce pas, sont encore et toujours des violeurs et des tripoteurs de fillettes. 
        Bref on 'arrête pas le progrès surtout celui de la connerie, à égalité de sexe bien entendu. Mais le livre lui-même ? Il est chiant. Tout simplement chiant. Disons que ça va deux pages, ça va huit pages, allez on vous le fait jusqu'à 20, mais 120, même en 10/18, c'est proprement intenable. Tout y passe, c'est-à-dire pas grand-chose : je te baise, tu me baises, nous nous baisons. Par-devant, par-derrière, en levrette, en brouette, avec la bouche, avec les doigts, le coude, l'œil, les narines et les orteils. Ça coule ça dégouline ça se fige ça torrentielle c'est la marée le gluon la crème fouettée le ketchup la béchamel et le pudding. Le vocabulaire s'encanaille, on dit des mots en « ite », des mots en « ouilles », des mots en « gin » comme engin vagin Pérugin  (1446-1523) qu'est-ce qu'il vient faire là ce con, toute l'anatomie l'ânesse à Marceline, et comme dit Congiú qui en est un autre « on passe à d'autres orifices » - à noter, sans gode, sans pédé, sans chien sans tinelle.
        Il y a des libites tout de même. Tantôt ça grandiloque, ça raffine, dans la soie la dentelle des stratotrouducumulus Hamilton La vie d'Hélène e tutti quanti, tantôt les deux amants jouent à se priver à se vexer à se bouder à se reprendre, à s'essouffler à s'adorer les parties génitales pourvues de toutes les images et métaphores imaginables, tringles à rideau tabatière à ressort moulinette à pinces coupantes gros pieu bleu blanc rouge et clochettes de Pâques. Quelle liberté, quelle provocation, quel admirable courant d'air je dirais ouragan sur des siècles de libido renfermée opprimée oppressée piétinée ravagée cisaillée suffoquée faut que ça pète, ô que ma quille éclate ô que j'aille à la mer, non pas de merde non plus, pas de meurtre, pas d'urolagnie rien que du sexe normal, pas d'enfants pas de chats pas de ventres éclatés avec le fétus qui remue, parce que de nos jours on a tout vu, même des danseurs qui boivent leur pisse sur scène en attendant de bouffer des
    étrons (la liberté gui-i-de nos pas) faisons sauter tous les tabous comme à Pau (nous entrerons dans Labarriè-è-reu). Oui mais on s'emmerde, on attend la fin, comme disait Boileau fasciste classique français ouh ouh l'oppression ouh ouh l'oppression « Qui ne sut se borner ne sut jamais écrire » mais trêve de culture comme disait Filipetti (vous n'aurez pas ma Fleur – celle qui pousse à l'intérieur) ah que raciste et xénophobe poil au zob fallait la trouver celle-là. Alors puisque vous insistez (plus moyen de conduire avec la queue prise dans le volant) voici quelques pages de la fin, où nos deux athlètes se livrent à leurs ultimes soubresauts :     « Et pourtant il sait que s'il était une femme L... » (la lettre n'est-ce pas, donc le contraire de « lui », astucieux non ? et tellement nouveau...) lui permettrait de la caresser de la happer, sucer, violenter » - j'ai toujours proclamé que si Strauss-Kahn avait été une femme jamais Nafissatou n'aurait porté plainte ET TOC.
        « d'écarter les lèvres carmin puis leurs sœurs plus petites et plus tendres » (leçon d'anatomie)  « et d'y mettre sa langue si longtemps qu'il en deviendrait muet jusqu'à sa mort où il se ferait incinérer entre ses cuisses à moins qu'il ne se fasse momifier seulement le sexe qu'il enterrerait pour une mort sereine et douce embaumée de musc et entourée de bandelettes en haut de la pyramide écartée des jambes,
    du haut de cette pyramide, quarante siècles d'orgie et d'érotisme les regardent et n'en ont pas honte non qu'il n'en rougisse pas ni L... de plaisir la pointe de ses seins et la chair intime de leurs sexes car cette sérénité est très pure et seuls peuvent la connaître ceux qui sont purs et ont gémi quarante jours quarante nuits dans le désert de ses jambes et son cou froid la nuit tellement qu'il tremble en même temps qu'une inextinguible soif lui rend le gosier sec.

  • Jean-Jacques et la musique neuneu

        Au Kilomètre, il faut réagir au quart de tour. Je me suis demandé si j'allais retrouver les vieux compagnons d'Anne au petit restaurant. Eh bien j'ai eu raison d'y aller. Ce sont des spécimens d'humanité qui pourraient me réconcilier avec celle-ci, voire avec les hommes. Il sont entre 40 et 70 ans, ce sont des vieux cons, mais anti-Le Pen, anticléricaux, la vieille goche sans accent circonflexe.
        Nous avons parlé de tout à bâtons rompus, l'un d'eux, André, est maigre avec des plis dans le cou, il était secrétaire à la fac de lettres cours Pasteur, à présent, très très vaguement, il me semble bien que je me souviens de lui. Un autre à côté de lui est appelé Sancho Pança par Annie, c'est un gros mais pas tant que ça, avec une belle barbe poivre et sel. Il extirpe de sa bagnole de vieux bouquins de 1923, des catalogues en charpie, il prête un album su rles "Nabis" pour les vacances.
        Il habite un petit village dans l'Aveyron, non loin de Séverac-le-Château. Peut-être irons-nous le voir, mais je n'y tiens pas. Avec Annie, dan s les Cévennes, ce sera dur, car elle ne supporte pas la chaleur, et sur les plateaux là-bas ça canonne. Mais ce sera elle qui aura voulu y aller - j'ai hésité avant d'écrire cette phrase de mauvais coucheur. Le maire de La D. est un gros porc du Front National.
        Je dis à mes élèves (ça, c'est ma scie ; un peu comme "A l'EPS de Mézières" de mon père) : "Apprenez par coeur ces vers, vous vous les réciterez quand vous serez emprisonnés pour délit d'opinion." Je leur dis aussi : "Je vous donne à tous vingt ans pour vous foutre sur la gueule." Je crois malheureusement qu'après moi, ou quand je serai bien vieux, trop vieux pour réagir - mais je ne crois pas que je pourrai fermer ma gueule - ce sera la guerre civile, et qu'un Franco quelconque règnera sur la France.
        Bref, on n'a pas fini de rigoler, encore que j'espère me tromper. La France jusqu'ici a résisté aux assauts des boulangismes, mais elle n'a jamais encore subi sa période de fascisme. L'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, ont vu ce qu leur en a coûté, elles ne sont pas prête de recommencer. Mais la France n'y a jamais tâté, et on ne croit que la merde où on a le nez.
        Le Bassin er l'index.jpgEn fait mon rêve, ce qui représenterait le mieux le phénomène que j'ai été - dans le sens de manifestation de l'humain - seraient les écrits éventuels d'un élève, qui rassemblerait tous ceux qui m'ont connu, et en ferait un livre, pourquoi pas une encyclopédie n'ayons pas peur de nous gonfler les chevilles, et je serais aussi connu que Jésus ou Socrate, que ça.
        F.P. Domi me dit d'un ton amusé : "Mais dans le fond tu aimerais être prophète !" Eh bien oui, man, je crois en des tas de choses, et ce sont mes idées que j'aimerais voir répandues, sous un autre nom toutefois que "Champognon", ce nom de cocher de fiacre ou de garçon boucher, comme disait Philippe- encore un disparu sous la poussière de la vie. Bien la peine de faire la grande folle.
        Les gens que j'ai vus à ce café m'ont tous semblé parfaitement sympathiques, excepté le timide en face de moi, mais j'ai horreur des timides, en fait j'ai horreur des moindres différences avec moi-même, et après cela je viens parler de fascisme... Jean-Paul T. lit mon "Omma", et gueule contre les cléricaux, bien que sa femme dirige un établissement professionnel plus ou moins catholique, et contre les racistes.
        Il avait une maison à louer près d'Aiguillon. Réflexions dans le coin : "Ne laissez pas cette maison occupée par des Arabes, au moins." Il a répondu "Je m'en fous, vous y mettez des Martiens si vous voulez, je veux simplement que ce soient des locataires qui paient régulièrement et qui ne me salopent pas la baraque." A présent il a une maison impeccable, et c'est un organisme qui lui paie le loyer, parce qu'ils sont trop fauchés pour toujours pouvoir payer régulièrement.
        Il est fils d'Italiens, et dans le temps les Ritals n'étaient pas bien vus ; l'argument des gens du coin c'était que ces étrangers-là arrivaient sans le sou, et qu'ensuite ils se payaient cinq maisons ; et le sindigènes de dire : "Vous voyez, quand ils sont arrivés ils n'avaient rien, et maintenant ils ont de l'argent. Il ne faut pas demander s'ils ont été malhonnêtes." Au lieu de les en complimenter, ils leur en faisaient grief.    
        Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage ; j'ai ajouté que mes parents ne pouvaient pas blairer non plus les Polaks, mais au moins je crois qu'il sne me l'ont pas trop montré. Nous avons aussi commenté les quinze ans pris par l'asssassin du Comorien, ce qui est jugé trop peu. Moi je connais quelqu'un, ai-je dit, au bout de la rue pas loin ("Tu veux qu eje dise les initiales ? qui prétend que c'est le Comorien qui n'avait qu'à ne pas venir en France.
        Ou ne pas y naître, peut-être ?
        A l'instant je suis interrompu par Annie qui tient à ce que je vienne admirer des croquis qu'elle a faits elle-même. Il m'est difficile d'en juger, tellement tout le monde dans ce groupe est susceptible de réaliser quelque chose de fort et de personnel. Nous sommes allés chercher un album à Villenave-d'Ornon, comprenant les noms de tous ceux qui ont quelque renom en Aquitaine. Mais si l'on pense qu'il doit y avoir le même genre d'album dans la région de Lyon et un autre près d'Orleans, on se rend compte que les artistes qui y figurent ne représentent pas grand-chose.
        Annie a carillonné comme une malade, du coup -c'est plausible - la tenancière est venue devant nous les yeux baissés en train de s'adresser muflement à son portable, et n'a daigné lever les yeux vers nous qu'après avoir pris congé en bonne et due forme de son interlocuteur. On reste dans sa hutte, Madame, pour achever sa communication. Nous avons bien tout examiné, malgré les piaffements internes de la gonzesse qui était venue exprès et visiblement soucieuse de rejoindre au plus vite une plage du Bassin.
        Nous avons vu un chat aussi, que j'ai saisi une seconce par son bassin à lui, mais qui se retournait hargneusement, aussi je l'ai lâché. Je me serais bien promené, mais il faisait trop chaud, et me revoilà à parler de chat, quand che n'est pas cha ch'est diffichile bref, la feuille où figure le nom d'Annie comporte une faute d'impression, "bienvaillant" pour "bienveillant", il faut que ça tombe sur elle.
        En tout cas, à voir comment on la néglige, comme les autres d'ailleurs car ce ne doit pas être la seule coquille de l'album, on voit que l'artiste n'est pas grand-chose. Cependant s'il faut absolument être optimiste, je dirai qu'un jour, quelqu'un vient vous chercher dans votre cul-de-bass-fosse et vous fait un peu de publicité. Puissè-je être un jour connu ne fût-ce que comme Desforêts ! ce dernier d'ailleurs insupportable d'illisibilité, sans ponctuation forte, ne sachant de quoi il parle, aussi exaspérant qu'Henry James ("Le dessin dans le tapis"), dont on se demande toujours de quoi il peut bien traiter à force d'incises et de litotes. Je disais donc à Michel en face de moi, ancien instituteur, que si l'on ne fait pas partie d'un groupe, d'une mafia (on lui dit qu'il a l'air italien...), il est inutile de vouloir percer.
        Il en était de même pour Jean-Jacques Rousseau, qui a dû subir des avanies pour faire connaître sa musique à Paris, à cause d'une femme qui tout simplement n'aimait pas les Genevois... Bon, je resterai obscur, mais jusqu'au bout je continuerai à croire à ma chance. A présent je dois me préparer à corriger quelques copies de bac, le sujet porte sur Calderon "La vie est un songe", je lis de ces conneries, visiblement les élèves ne s'attendaient pas au sujet, avaient peut-être fait l'impasse, et ce qui est amusant ou navrant, en tout cas méprisable, ce sont les circonvolutions par lesquelles tous essaient de ne pas trop faire voir qu'ils n'ont strictement, mais alors strictement rien à dire sur le sujet.
        On m'annonce que tel personnage "est important", que "le titre n'a pas été mis là par hasard", et que "certainement l'auteur a voulu dire quelque chose en le choisissant", cela à la fin d'un paragraphe où les idées creuses tournent en rond. J'ai parlé aussi bac avec ce Michel, en précisant que les candidats étaient "cultivés comme des pieds de chaise", ce qui est une expression que j'aime bien.
        Quant à ma fille, elle se cultive en ce moment grâce à la musique classique, la voilà qui se met à écouter des émissions d'Arte sur la musique classique, les soirs à dix-neuf heures trente, "Maestro". Et Georges est bien obligé de suivre,David se met lui aussi à déplorer que la fête de la musique ne mette presque pas en relief la musique classique, au profit exclusif de "la musique de neuneu", suprême insulte.
        Culture vaincra