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Le porno "petit pied"


    Remettons-nous dans ces années 70 précédant immédiatement l'explosion du cinéma pornographique ; souvenons-nous de ces salles combles à nette prédominance masculine retenant son souffle et soufflant tour à tour à la moindre annonce de poils pubiens en gros plans, alors que le dialogue s'amorçait juste entre les acteurs et les actrices. Il en fallait peu en ce temps, des silhouettes entrevues au creux d'une bagnole nocturne, quelques pistons inlassables, et pas question de montrer les femmes autrement que romantiques. Mais juste avant cela, souvenez-vous, vieillards, ç'avait été toute une préparation de plusieurs années, avec les dessins de Pichon, la revue Plexus, les questions indiscrètes de José Artur vers une heure du matin (« Est-ce que ça vous chatouille ou est-ce que ça vous gratouille », et  la femme interviewée de glousser longuement avant de lâcher quelques syllabes bredouillantes) – bref : c'était dans l'air, mais la culotte restait bien fixée du moins par devant.  La photo ci-dessous n'a rien à voir avec l'article et vient là comme une perruque sur la soupière.  Les deux Anne.jpg
    Et puis il y avait Polnareff, Moi je veux faire l'amour avec toi, le sida n'existait pas encore, les curés refluaient en déroute toutes  soutanes  retroussées, les films regorgeaient de baises soigneusement mimées à travers les vêtements (ce qui laissait supposer des bites en zigzags particulièrement perforantes) ; dans cette ambiance pré-orgastique, les romans de Sagan faisant florès, le marquis de Sade commençant à se répandre si j'ose dire, et les femmes enfin consentant en un seul mot à nous confier que oui, ma foi, elles avaient aussi leurs désirs et leurs plaisirs ah  mon Dieu que viens-je de dire, survint parmi tant d'autres (Histoire d'O sortant de son trou, Bernard Noël et son Château de Cène) un ouvrage scandaleux et que l'on s'arracha dans la même hypocrisie qu'à présent les élucubrations de Monoprix mal appris d'une Trierweiler.
    Cela s'appelait L'homme facile, de Catherine Breillat, 19 ans, l'an de grâce 1968, interdit aux moins de 16 ans. Rendez-vous compte ! Les jeunes filles elles aussi considéraient les hommes comme des objets sexuels ! Ces demoiselles (le mot n'était pas encore grossier) rencontraient des hommes difficiles, qui résistaient à leurs avances, et des « hommes faciles », comme disait aussi Muriel Cerf, autre adepte de la sexualité féminine libérée ! Nous autres hommes en tombions des nues poil au cul, étant donné que le comportement de la femme moyenne, ou de l'homme moyen, ne nous avait pas semblé se modifier sensiblement : en effet, nous habitions en Dordogne ou dans la Haute-Loire, et non pas à St-Germain-des-Près ni à Kathmandou ; souvenez-vous, braves gens du Montenegro ou d'Albi : la femme fait l'amour, l'homme éjacule.



    Le livre de Catherine, en attendant ses films, dont elle assura parfois le casting jusqu'aux travaux pratiques inclus dans les deux sens du terme poil au sperme, provoqua donc une avalanche de réactions indignées, car notre civilisation courait un grand danger. On en est même à marier des homosexuels, vous vous rendez compte... Replacé dans ce contexte, L'homme facile avait de quoi révulser les bien-pensants et choquer l'homme moyen. À présent, nous savons faire la différence entre défoulement verbal et littéraire et véritable modification de comportement concret. Les aveugles dont je suis continuent à trouver les rapports intersexuels (ou homosexuels) étrangement difficiles voire inaccessibles, sur le point de se faire interdire par les femmes de combat en un seul mot, car les hommes, n'est-ce pas, sont encore et toujours des violeurs et des tripoteurs de fillettes. 
    Bref on 'arrête pas le progrès surtout celui de la connerie, à égalité de sexe bien entendu. Mais le livre lui-même ? Il est chiant. Tout simplement chiant. Disons que ça va deux pages, ça va huit pages, allez on vous le fait jusqu'à 20, mais 120, même en 10/18, c'est proprement intenable. Tout y passe, c'est-à-dire pas grand-chose : je te baise, tu me baises, nous nous baisons. Par-devant, par-derrière, en levrette, en brouette, avec la bouche, avec les doigts, le coude, l'œil, les narines et les orteils. Ça coule ça dégouline ça se fige ça torrentielle c'est la marée le gluon la crème fouettée le ketchup la béchamel et le pudding. Le vocabulaire s'encanaille, on dit des mots en « ite », des mots en « ouilles », des mots en « gin » comme engin vagin Pérugin  (1446-1523) qu'est-ce qu'il vient faire là ce con, toute l'anatomie l'ânesse à Marceline, et comme dit Congiú qui en est un autre « on passe à d'autres orifices » - à noter, sans gode, sans pédé, sans chien sans tinelle.
    Il y a des libites tout de même. Tantôt ça grandiloque, ça raffine, dans la soie la dentelle des stratotrouducumulus Hamilton La vie d'Hélène e tutti quanti, tantôt les deux amants jouent à se priver à se vexer à se bouder à se reprendre, à s'essouffler à s'adorer les parties génitales pourvues de toutes les images et métaphores imaginables, tringles à rideau tabatière à ressort moulinette à pinces coupantes gros pieu bleu blanc rouge et clochettes de Pâques. Quelle liberté, quelle provocation, quel admirable courant d'air je dirais ouragan sur des siècles de libido renfermée opprimée oppressée piétinée ravagée cisaillée suffoquée faut que ça pète, ô que ma quille éclate ô que j'aille à la mer, non pas de merde non plus, pas de meurtre, pas d'urolagnie rien que du sexe normal, pas d'enfants pas de chats pas de ventres éclatés avec le fétus qui remue, parce que de nos jours on a tout vu, même des danseurs qui boivent leur pisse sur scène en attendant de bouffer des
étrons (la liberté gui-i-de nos pas) faisons sauter tous les tabous comme à Pau (nous entrerons dans Labarriè-è-reu). Oui mais on s'emmerde, on attend la fin, comme disait Boileau fasciste classique français ouh ouh l'oppression ouh ouh l'oppression « Qui ne sut se borner ne sut jamais écrire » mais trêve de culture comme disait Filipetti (vous n'aurez pas ma Fleur – celle qui pousse à l'intérieur) ah que raciste et xénophobe poil au zob fallait la trouver celle-là. Alors puisque vous insistez (plus moyen de conduire avec la queue prise dans le volant) voici quelques pages de la fin, où nos deux athlètes se livrent à leurs ultimes soubresauts :     « Et pourtant il sait que s'il était une femme L... » (la lettre n'est-ce pas, donc le contraire de « lui », astucieux non ? et tellement nouveau...) lui permettrait de la caresser de la happer, sucer, violenter » - j'ai toujours proclamé que si Strauss-Kahn avait été une femme jamais Nafissatou n'aurait porté plainte ET TOC.
    « d'écarter les lèvres carmin puis leurs sœurs plus petites et plus tendres » (leçon d'anatomie)  « et d'y mettre sa langue si longtemps qu'il en deviendrait muet jusqu'à sa mort où il se ferait incinérer entre ses cuisses à moins qu'il ne se fasse momifier seulement le sexe qu'il enterrerait pour une mort sereine et douce embaumée de musc et entourée de bandelettes en haut de la pyramide écartée des jambes,
du haut de cette pyramide, quarante siècles d'orgie et d'érotisme les regardent et n'en ont pas honte non qu'il n'en rougisse pas ni L... de plaisir la pointe de ses seins et la chair intime de leurs sexes car cette sérénité est très pure et seuls peuvent la connaître ceux qui sont purs et ont gémi quarante jours quarante nuits dans le désert de ses jambes et son cou froid la nuit tellement qu'il tremble en même temps qu'une inextinguible soif lui rend le gosier sec.

Commentaires

  • Je ne connaissais pas ce titre de Breillat... et je ne pense pas que je le lirai.

    L'érotisme le plus puissant c'est le fascisme.

    Lisez plutôt Evola... Connaissez-vous Weininger ?

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