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  • Mystères de la Bêtise

     Nous atteignons là aux mystères du plus et du moins, de l'être et du néant – si nous faisons abstraction du caractère comique et ridicule de nos deux bourgeois badigeonnés, voire gorgés d'instruction. La bêtise aurait ainsi à voir avec le mal, ou pour mieux dire le non-être : et qui ne voit pas sa propre bêtise est plus bête encore que ceux qu'il dénonce. N'oublions pas toutefois que selon Nietzsche Quiconque se méprise se sait toujours un peu gré de ce mépris. Que « je sais que je ne sais rien, mais cela je le sais » ce qui est faux, car nous ne savons pas si nous savons ou si nous ne savons pas. Gardons-nous de l'orgueil, gardons-nous du mépris, gardons-nous du désespoir. Ça fait un sacré numéro de funambule.

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     STATUE DU DOCTEUR CHAMMARD, MAIRE A TULLE JUSQU'A 1919, BIENFAITEUR DE TOUS

     

    C'est cela aussi, être philosophe, être un homme, et pour faire plaisir aux connes « être une femme », ce qui est rigoureusement la même chose. Lisons ce texte, de Mme Herschberg-Pierrot en collaboration avec Jacques Neefs : «

     

    « La prolifération, l'encombrement et la pesanteur, ainsi que sa persistance qui est comme une provocation (« ils ont si bonne santé ! ») sont bien les traits de la bêtise qui accable, et que Flaubert donne à Bouvard et Pécuchet, en ce moment du roma, la « faculté » de percevoir. Ce sont également ces traits que le roman Bouvard et Pécuchet tout entier attaque, avec une subtile violence : » car ces hommes instruits et qui souffrent au lieu de se résigner, c'est Flaubert lui-même et dédoublé. « C'est que, ajoute encore la lettre : « Ce n'est pas comme dans la vie ordinaire, où ils finissent par vous rendre féroce » (de Flaubert à son oncle Parain du 6 octobre 1850 », retenu qu'il était en quarantaine au large de Rhodes). « Nous sommes très exactement en ce lieu, » poursuivent les auteurs de ce chapitre, « de la « faculté pitoyable », celle de « voir la bêtise et de ne plus la tolérer », » coincés sur un bateau pendant 40 jours par une administration qui craint Dieu sait quelle épidémie, « et où semble s'alimenter la férocité du livre » à venir « de Flaubert, livre de vengeance et de colère, on l'a dit. Voir la participation de Jacques Neefs, « Colères de Flaubert », dans Colères d'écrivains, sous la direction de Martine Boyer-Weinmann de Bout de Mainmatin de Bonheure de Corvée de Chiottes, et Jean-Pierre Martin, Nantes, Editions » (comme cet ouvrage d'ailleurs) Cécile Defaut, 2009 », mais attention, pages 141-164 seulement, je vous entends d'ici renverser tous vos meubles pour vous y précipiter dans l'urgence la plus diarrhéique. Bref ! « La réponse à George Sand citée plus haut » qui aime bien la bêtise parce qu'elle serait un reflet de l'innocence enfantine « est de ce point de vue tout à fait caractéristique : la bêtise ne s'apprivoise pas, ce n'est pas un petit animal qu'on aime ans un coin : elle est massive, pétrifiée et pétrifiante, » (essayez de discuter avec un raciste, juste pour voir : il admettra qu'il a tort, mais il ne pourra pas s'empêcher de reprendre son discours exactement au même point qu'avant, comme un perroquet qui aurait avalé une moulinette) – elle est « insupportable, et nécessite un traitement spécifique « Pour situer celle-ci, le roman décline différentes sortes de bêtises, et dessine une sorte d'échelle qui va des bêtises à la bêtise.

     

    « Il y a « les bêtises », celles que l'on dit, celles que l'on fait.

     

    On se souvient du projet pour ainsi dire originaire de Flauberrt, à l'âge de 10 ans, dans sa lettre programme à Ernest Chevalier :

     

    Si tu veux nous associers pour écrire moi, j'écrirai des comédie et toi tu édriras tes rêves, et comme il y a une dame qui vient chez papa et qui nous contes toujours des bêtises je les écrirai » - ce qui date d'avant le 1er janvier 1931, Flaubert n'a en fait que 8 ans...

     

    « Les bêtises dites sont des sources inépuisables de récit. Dites ou écrites, entendues, relevées ou imprimées, elles composent la foule des textes en attente dans les dossiers préparatoires des deux derniers chapitres de Bouvard et Pécuchet, - c'est-à dire les dossiers de « documents divers » appelés « de la Copie » (...), dont le Dictionnaire des idées reçues est un arrangement ironique. »

     

    « Les « bêtises » proférées sont également une manière de façonner la réalité, de réunir dans le discours séduction et irréel, dans la légèreté des conduites langagières, paroles qui « ne sont aps sérieuses », affirmations flottantes auxquelles on ne peut pas croire vraiment, comme dans cet échange entre Gorgu et Mélie :

     

    - « Elle est gentille, hein ? » dit le menuisier, pendant qu'elle apportait des verres. « Si on ne jurerait pas une demoiselle, costumée en paysanne ! et rude à l'ouvrage, pourtant ! - Pauvre petit cœur, va ! quand je serai riche, je t'épouserai ! »

     

    - « Vous dites toujours des bêtises, monsieur Gorgu » répondit-elle d'une voix douce, sur un accent traînard. »

     

    « On est là encore dans une relation relativement inoffensive de la bêtise et de l'ironie, celle des échanges sociaux verbalisés.

     

    « Les bêtises comme actes désordonnés sont d'une autre importance. Ce sont les « bêtises » qu'ils font que reproche Germaine à ses deux maîtres, lors de l'expérimentation que ceux-ci tentent sur un chien :

     

    Germaine poussa des cris en le voyant tout ensanglanté, avec des ficelles autour des pattes.

     

    Ses maîtres qui le poursuivaient entrèrent au même moment. Il fit un bond et disparut.

     

    La vieille servante les apostropha.

     

    - « C'est encore une de vos bêtises, j'en suis sûre ! - Et ma cuisine, elle est propre ! Ça le rendra peut-être enragé ! On en fourre en prison qui ne vous valent pas ! » (chapitre III encore une fois).

     

    Nous sommes dans un registre qui a un aspect enfantin. Il est remarquable que Germaine, socle du bon sens, relève les activités des deux bonshommes comme des « lubies », ou des actions insensées, et réprimande ceux-ci pour une conduite d'enfants terribles, qui risquent de devenir des sortes de délinquants : « On en fourre en prison qui ne vous valent pas ! » A cet épisode fera écho, avec une cruauté terrible mais presque naïve, l'épisode du chapitre X où l'enfant Victor, « mauvais sujet », jette le chat dans de l'eau bouillante.

     

    « La bêtise, celle qui se concrétise dans les paroles, dans les actions et même dans les choses, est celle qui peut être singulièrement désignée par un jugement, par une brève mention qui rabat la chose jugée sur son incohérence ou sa grotesque prétention. L'exemple du mot de Madame Bordin lors de la visite du « jardin pittoresque », pris dans un geste, dans le mouvement d'un accroc, murmuré mais audible, est particulièrement percutant en ce sens. C'est l'une des beautés comiques de ce roman, que de faire naître comme au passage, en de très brèves séquences, la teneur des jugements, de leur dimension psychologique et de leurs effets que l'on pourrait appeler « affectifs », en tournant toujours autour de ce qui peut être « bêtise ». Ici il s'agit du goût esthétique :

     

    Mme Bordin recommença le détail de ses cornichons, promit une seconde recette pour les prunes à l'eau-de-vie – et fit encore trois tours dans la grande allée. En passant près du tilleul le bas de sa robe s'accrocha ; et ils l'entendirent qui murmurait : - « Mon Dieu ! quelle bêtise que cet arbre ! » (ch. II)

     

    Cette « bêtise »-là est particulièrement intéressante, celle du goût stupide, et Flaubert sait la déployer dans chacune de ses œuvres, dès Madame Bovary avec, par exemple, l'irrépressible pulsion des symétries qui semble répandue partout, dans la vitrine de Homais comme sur la cheminée de la chambre d'Emma.

     

    Mais le tourbillon de la bêtise affecte aussi bien le jugement de goût lui-même, sans point d'arrêt :

     

    Quel aplomb ! Quel entêtement ! Quelle improbité ! Des outrages à des chefs-d'œuvres, des révérences faites à des platitudes – et les âneries de ceux qui passent pour savants et la bêtise des autres que l'on proclame spirituels !

     

    C'est peut-être au public qu'il faut s'en rapporter ?

     

    Mais des œuvres applaudies parfois leur déplaisaient, et dans les sifflées quelque chose leur agréait. (ch. V)

     

    « Bêtise du jugement contre bêtise des choses jugées, le livre de Flaubert crée le battement comique de leur oscillation commune, de leur reflet à l'infini.

     

    « Il en est de même dans toute l'échelle des connaissances, des savoirs, des propositions, jusqu'aux niveaux plus amples de conceptualisation :

     

    Bouvard l'épia – et l'ayant arrêté, dit qu'il voulait lui soumettre un point curieux d'anthropologie.

     

    - « Croyez-vous que le genre humain descende des poissons ?

     

    - « Quelle bêtise ! »

     

    - « Plutôt des singes, n'est-ce pas ? »

     

    - « Directement, c'est impossible ! » (III)

     

    La bêtise singulière, « une bêtise », est d'abord une conception erronée, reposant sur une absurdité de raisonnement, et contredite par une impossibilité. On est assurément à un niveau épistémique plus élaboré, » - je me renseigne : « relevant de la connaissance » - « qui passe très vite dans la vivacité comique du dialogue, mais qui est pourtant soigneusement « logique » : logique de l'assurance et logique de l'erreur, de l'idée « scientifique » reçue et de l'autorité savante, ensemble entrelacés dans la prose.

     

    Les bêtises savantes sont assurément les plus complexes et sont celles que le travail du roman encyclopédique traite avec le plus grand soin. Ce sont celles, par exemple, d'une science périmée, ou fausse science, dont on a prouvé la fausseté :

     

     

     

    Le docteur, un après-midi, vint s'y faire couper les cheveux. En s'asseyant dans le fauteuil, il aperçut, reflétés par la glace, les deux phrénologues, qui promenaient leurs doigts sur des caboches d'enfants.

     

    - « Vous en êtes à ces bêtises-là ? » dit-il.

     

    «  - Pourquoi, bêtises ? »

     

     

     

    Quittons-là ces exemples inoffensifs et pédamment universitaire, et gardons-nous de conclure, car Flaubert disait « la bêtise consiste à vouloir conclure ». Et n'oubliez pas que celui qui prend les autres pour des imbéciles et qui de plus veut les réformer est encore plus bête que les autres. Mais citons cette conclusion de Herschberg-Pierrot et Jacques Neefs, sans savoir duquel des deux : « A partir du moment où je ne trouve plus assez de mots pour dissimuler ma propre bêtise et ma propre ignorance, je vous présente mon renoncement, en espérant malgré tout qu'il vous a mis en appétit. »

     

     

     

     

     

     

  • Gassama, sur Kourouma

        Ouvrage très particulier que nous vous présentons aujourd'hui, à double titre : d'une part il s'agit d'une terra incognita, la littérature noire africaine. C'est quelque chose que nous dédaignons par chez nous... D'autre part, c'est un livre de critique : un universitaire africain, actuellement fonctionnaire à l'UNESCO, se livre à une étude sur La langue d'Ahmadou Kourouma. Il sous-titre son ouvrage, non sans humour, « le français sous le soleil d'Afrique ». Il va donc falloir que je commente un commentaire, assorti il est vrai d'un nombre important et convaincant d'exemples. C'est paru aux éditions ACCT, 13 quai Citroën, 75013 Paris. L'ouvrage de Kourouma dont il est parlé s'appelle Les soleils des indépendances.
        Il a été écrit en 1968, dans le désenchamtement des indépendances africaines. Le cadeau de la liberté accordée par de Gaulle (qui ne voulait pas de guerres coloniales sur les bras en plus de l'algérienne) fut un cadeau empoisonné. Loin de moi, loin de Kourouma l'idée de chanter avec Sardou le temps béni des colonies. Mais force est de constater que la démocratie n'est pas une tradition africaine, et l'eût-elle été que les indépendances ont renforcé les nationalismes, donc les partis uniques et obligatoires. Celui qui ne s'inscrit pas au parti unique, ou qui n'en pense pas de bien, est considéré  comme un traitre, puisqu'il ne peut y avoir d'autre parti que celui de la libération nationale !
        A cet égard, les Kurdes, si j'ai bien compris, accouchent de la démocratie dans la douleur : pluripartisme, certes, mais aussi appel aux peuples étrangers. Revenons à notre Mali, puisque Kourouma est malien, malinké pour être plus précis : vous n'êtes pas sans savoir en effet que les frontières administratives de notre bel empire colonial faisaient fi des séparations ancestrales des peuples, et que les Etats actuels sont le fruit de ces découpages malins. L'indépendance a donc engendré une multitude de soleils desséchants, « les soleils des indépendances », c'est-à-dire les grands dictateurs sanguinaires, Amin Dada, Eyadéma, Bokassa, pour ne parler que des plus reluisants, ne pensant qu'à s'enrichir la panse et à faire dominer leur tribu sur toutes les autres, dans le sang et la concussion.
        Certains disent qu'à présent tout est en voie de règlement, et que la situation s'est améliorée : n'est-ce pas Mobutu ? Donc le livre de Kourouma est encore d'actualité et pour longtemps. Nous n'irons pas dire que l'Afrique est un modèle de gestion économique et sociale. Pas un seul personnage sympathique, les héros étant régulièrement comparés à des hyènes, à des chacals, et à tout ce que le bestiaire africain peut avoir de répugnant. On parlera même des trous du cul de ces dites hyènes. Les mâles sont impuissants, et quand ils bandent, ils filent des maladies purulentes plus volontiers que de beaux enfants. Les dirigeants sont des bâtards. Les femmes se font exciser, violer. Kourouma crie de douleur et de dégoût. Il se vautre dans la caricature la plus grasse, et les universités francophones africaines ont si bien accepté le message que le roman Les soleils de l'indépendance est au programme de toutes. Or Ahmadou Kourouma se paie le luxe, utilisant la langue française – pour des raisons d'abord de plus grande diffusion – de la transformer en annexe de la langue malinké, de laquelle je sais aussi peu que vous.
        D'où d'appréciables ruptures de syntaxe, des mélanges de sens réels et de sens métaphoriques – on disait naguère « figurés » - sans compter d'innombrables glissements de significations, que seuls un locuteur malinké peut goûter pleinement. Il existe même des passages où l'auteur, simplement, calque une expression malinké. Notez qu'il n'a pas cru devoir recourir non plus à un quelconque petit-nègre, mais qu'il a traité les deux langues sur un pied d'apparente égalité, je dis apparente car la langue littéraire véhiculaire imposée, le français, se voit artistement torturée sur le chevalet du malinké. Cette langue, comme celles d'Afrique en général, a très volontiers recours à l'image, et les littératures noires ne craignent pas d'en abuser.
        Pour nous autres, c'est trop. Jamais trop pour un Malinké ou un Bambara. Et ces images ont conservé dans les langues des Noirs toute leur saveur de sens originel. Nous avons été aussi gavés, nous autres Blancs, de toute une littérature regorgeant d'images ; mais les Noirs étaient si l'on peut dire surréalistes avant la lettre ; encore faut-il rectifier : telle association qui nous semblera à nous fort incongrue sera  très fréquente en malinké, voire proche du cliché. Le critique, Makhily Gassama, s'en donne à cœur joie. Visiblement en état de jubilation permanente devant son sujet, qu'il traite avec le sérieux un peu pédant d'un universitaire, mais sans se départir d'une extrême accessibilité, et d'un humour allégeant les passages les plus ardus.
        Nous aurions aimé qu'il parlât par exemple de « verbes » au lieu de « procès » ; qu'il s'extasiât un peu moins sur de certains phénomènes de langue devenus ccourants ; à déplorer, à propos de l'expression « les assis », abondamment commentée sous l'angle du changement audacieux de catégorie grammaticale, le manque de référence pourtant criant au poème du même nom, Les assis, chez Rimbaud. Parfois, souvent même en effet, Makhily Gassama s'exclame juvénilement sur des audaces qui n'en sont plus dans notre vieille littérature qui en a vu d'autres. Mais il nous renvoie dos à dos : il y a certainement beaucoup plus de nuances encore qui nous échappent dans le texte de Kourouma, à nous autres ignares en malinké. De toute façon, comme le dit l'avant-dernier chapitre, «qui n'est pas malinké peut l'ignorer » ; ce qui signifie que cet ouvrage est essentiellement destiné non seulement aux malinkés mais à tous les locuteurs de langues africaines, unis par l'amour de l'image expressive. Le dernier chapitre s'appelle « La langue française : langue cocufiée ». Entreprise redoutable d'enrichissement grâce à l'apport étranger, bien plus profitable n'en doutons pas qu'une invasion (hypothétique) par le franglais. C'est en violant la langue (variante) que Kourouma, prénommé Ahmadou, lui a fait ce bel enfant subversif intitulé Les soleils des indépendances, que j'aurais du coup bien envie de lire après en avoir apprécié la critique.

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        Lui-même d'ailleurs, Makhily Gassama, se laisse aller au cours de sa jubilation à des emplois d'images, à des digressions passionnées sur le sort de son pays du nord au sud ; il nous interpelle, rien ne ressemble totalement là-dedans à une de ces études sérieuses qui tombent de vos mains poussiéreuses. Et mieux vaut un peu trop d'enthousiasme que des péroraisons pédantes. Il n'est jamais pédant. Voici un exemple de ces rapprochements entre l'Occidental et l'Africain : pour le premier, jeux de mots ; pour le second, expression d'une vérité vécue.
        Lorsque l'Occidental, en parlant, « touche du bois », il y a, dans ce geste anodin, la réminiscence d'une croyance antique en l'interconnexion des éléments des deux mondes, comme si ces éléments obéissaient à des énergies qui échapperaient au contrôle de l'homme. Qu'est-ce qui singularise, dans ce cas, l'attitude de l'homme africain ? Celui-ci semble se comporter quotidiennement comme atteint d'une sorte de synesthésie : une sensation cache ou appelle une autre sensation de cattégorie différente ; on comprend l'importance du signe dans la culture et la littérature négro-africaine ; les signes foisonnent dans « Les soleils des indépendances » ; un être abstrait peut donner naissance à un être concret. Ainsi, nommer, c'est appeler à l'existence, c'est créer à la manière du démiurge. La frontière entre les deux mondes est artificielle : on glisse aisément de l'un à l'autre. La logique exige qu'une telle croyance accable la conscience de l'homme; celui-ci doit se sentir responsable de tous les grands détours de l'Histoire ; ce n'est encore le cas ni chez nos dirigeants politiques ni chez nos cadres administratifs ; pourtant, les bouleversements sociaux, politiques , culturels, même ceux qui paraissent les plus imprévisibles, les phénomènes qui ont engendré la Pérestroïka, relèvent toujours directement ou indirectement de la responsabilité de l'homme et même les cataclysmes naturels auraient pu être conjurés ou tout au moins leurs conséquences auraient pu être sans effets néfastes sur la vie de l'homme si celui-ci avait su être attentif aux signes. »  Passage essentiel, montrant bien le fossé qui sépare l'Occident, où les mots n'existent que sur le papier sans que cela tire à conséquence, de l'Afrique, où les phrases et les livres s'insèrent dans tout un contexte social et matériel : pas de rupture, en Afrique, entre la Littérature et la Vie, et la Réalité, car pour l'Africain, comme pour Adam, nommer, c'est créer. Plus encore par écrit. Procurez-vous donc l'ouvrage La langue d'Ahmadou Kourouma, ACCT 13 quai A. Citroën Paris XVe ou KARTHALA, 22-24 bd Arago, Paris XIIIe. Et lisez, ensuite ou dès l'abord, Les soleils des indépendances, dudit Ahmadou Kourouma.

  • Dans le cadre...

    Dans le cadre de la communication universelle et fraternelle, je vous informe, vous tous qui êtes suspendus à mes lèvres, que j'ai une envie de pisser à couper au couteau, sur quoi je vous embrasse chaleureusement. Peace and love...

  • Je cafte

    Bonjour les primates ! Je cafte : le site blogs.sudouest.fr a décidé de me changer sans cesse le mot de passe. Je ne comprends pas ce qui se... passe, et quand je pourrai éliminer ces rigolos, qui ne répondent même pas, je le ferai. Et faites passer.

  • Cabanis et Saint-Simon

       

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    Pourquoi Saint-Simon est-il admirable ? Parce qu'il est digne d'être remarqué les yeux grands ouverts. Tel est le sens étymologique de cet adjectif. Saint-Simon a observé à distance la cour de Louis XIV. A la distance du temps : il relate les évènements avec plusieurs années de distance. A distance de préjugés : ce noble récent (ce n'est que de son père que date l'anoblissement de sa famille) n'admettait pas que d'autres usurpassent ce haut rang. A distance d'impuissance enfin: en dépit de ses efforts dans ses Mémoires, le duc ne parvient pas à  nous persuader de l'importance de son rôle à la cour de Versailles. Louis XIV l'aimait peu, l'estimant plus intrigant et plus turbulent qu'un moustique, et pour tout dire, plus royaliste que le roi.
        En effet, alors que le souverain s'était parfaitement rendu compte que l'on ne pouvait continuer de tenir à l'écart du gouvernement la classe de plus en plus possédante du royaume, c'est-à-dire les bourgeois, appelant par exemple un Colbert aux plus hautes fonctions, Saint-Simon persiste à voir là un trait d'infamie de la part du pouvoir royal. Selon notre sourcilleux duc de Saint-Simon,  les fonctions principales du pouvoir devraient redevenir l'apanage des plus hauts de la noblesse française, et un retour aux principes du XVe  s. ne lui aurait pas déplu. Le regard que porte M. José Cabanis sur le duc de Saint-Simon est nécessairement admiratif. Il procède par truffage, c'est-à-dire qu'au lieu de gloser sur le texte des Mémoires, il préfère dans un premier temps, qui dure plusieurs chapitres, inclure dans ses phrases une quantité impressionnante et caractéristiques d'expressions tirées de l'œuvre de Saint-Simon.
        Il loue ainsi la connaissance que celui-ci avait des appartements exigus et sans air, le château de Versailles ayant été émietté en une multitude d'appartements mal aérés, mal chauffés, mal éclairés. Il le loue d'avoir su mentir avec un à-propos qui déclasse toutes les vérités objectives. Il n'y a rien de tel en effet qu'une calomnie bien placée pour transmettre à travers les époques les images que l'on gardera d'un personnage. En effet, si ce n'est pas vrai, c'eût pu l'être, et le faux devient plus convaincant, plus vrai que le vrai. Saint-Simon qui se donne pour un observateur
    impartial et un rapporteur fidèle n'a pas pu se trouver à tous les endroits ni en toutes les occasions qu'il décrit ou commente avec tant d'aplomb dans la conviction.
        Il faut nécessairement qu'il se soit alimenté aux rapports des autres, aux ragots même, souvent de deuxième ou de troisième main. La grande distraction des nobles entassés et oisifs à  l'intérieur de cette prison dorée de Versailles est la médisance, fondée sur l'observation minutieuse des faits et gestes de ses voisins, alors qu'ils sont eux-mêmes copieusement espionnés par les affidés du parti adverse. Saint-Simon admet ainsi volontiers qu'il possède lui aussi des guetteurs, serviteurs zélés chargés d'observer tout ce qui peut se voir et s'entendre partout où ils se glissent. Il faut savoir qui est en faveur, qui en défaveur, qui monte et qui descend, qui a reçu un regard du roi et de qui le roi s'est détourné, le tout agrémenté de cent nuances sur lesquelles vont bon train les supputations. Dans ces conditions il ne faut pas s'étonner que les mariages ne soient considérés qu'en fonction de l'appui qu'ils peuvent apporter à l'ascension sociale des époux et par ricochet de leurs familles.
        En revanche un mariage peut aussi bien, par l'intrusion d'un amour intempestif, jeter le discrédit sur tout un groupe d'individus et précipiter les disgrâces. Pourtant Saint-Simon se porta bien de son mariage et n'en démordit pas, dans une cour où les liaisons scandaleuses n'étaient pas que le fait du roi, qui montrait l'exemple il est vrai. Ce ne sont pas tant les manquements à la morale conjugale et bourgeoise il faut bien le  dire qui suscitent l'ire de notre aristocrate auteur que les prétentions à la noblesse de certains bâtard sortis de rien. Ayez des liaisons, mais ne faites pas d'enfants, fussiez-vous le souverain lui-même. Toute sa vie Saint-Simon poursuivra de sa haine étroite le duc du Maine, fils illégitime de Louis XIV et de Mme de Montespan.
        Ce qui le choque, c'est le moindre affaiblissement de l'étiquette à la cour. Il dissertera savamment sur la différence qui existe entre les duchesses qui ont le droit de s'asseoir sur des chaises et celles qui n'ont que le droit au tabouret en présence du roi. Il se battra par la plume et par le propos sur le droit ou non qu'a tel prince ou seigneur laïc ou d'Eglise de se placer à droite ou à gauche de tel Monseigneur

  • Tout fout le camp

    Pas moyen de copier les documents spécialement pour vous ! l'imprimante est en panne ! et tout et tout...

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