Noirs en tas
Un jour ne plus exister. Ces feuilles à la décharge et disparues. Mais je ne lâcherai pas. Photo couleurs en une (Midi Libre). Légende : Olé ! , chaque lettre en bleu, puis blanc, rouge. Le point d'exclamation, rouge, figure seul, à l'endroit, à la française. La photo représente une pyramide de joueurs noirs en maillots blancs, s'étreignant de joie sur la pelouse après le but de Vieira contre l'Espagne. Photo sinistre parce qu'elle montre en perspective 6 crâne noirs entassés, plus ne face de blanc, plus, par-dessus le profil aux yeux clos de Zidane, fou de joie pour l'équipe. Il ne faut pas dire de mal des noirs. Il ne faut pas dire des noirs qu'ils sont noirs. Il ne faut pas ditre que les faciès des joueurs qui viennent de subir un intense effort est « simiesque ». « Le faciès de noir est simiesque » peut bous coûter une fortune en correctionnelle, même si vous ajoutez que le seul Européen du groupe présente une vraie tête de fou crétin.
C'est le rasage de tous ces crânes qui entretient tant de laideur. Tous rasés, luisants, pétrifiés, comme des choses, des rochers, comme des déportés décapités entassés là. C'est ignoble. Trois montrent leur gueule : Vieira, contre le sol, supportant 6 de ses camarades. Sa bouche est grande ouverte, peut-il seulement respirer ? Ses yeux écarquillés, son front plissé. Le blanc, penché à gauche, le regard fou tourné à 45% vers le haut à droite, dont la main se reconnaît. Un autre noir, le front en avant, bas du visage ravalé en encorbellement par l'angle de vue. Celui-là semble joyeux, il est moins écrasé que les autres ; seul Zidane le prend à bras le corps de part et d'autre et semble le sodomiser, ce qui est absurde.
Une autre face à demi invisible dans sa noirceur. Un autre profil de même. Tout cela forme un groupe aux expressions, aux positions très diverses. Mais au premier abord, c'es tun empilement de galets noirs, énormes, oblongs, chus d'un bloc obscur. A droite, le monstre hybride polycéphale se prolonge par deux postérieurs, des caleàons blancs très érotiques évitant les frictions de cuisses, des chaussures blanches sur des chaussettes de même dissimulant d'épaisses cnémides. Ce mollet surdimensionné se retrouve à gauche, en prolongement du corps de Vieira. J'ai asssité à ce huitième de finale. Je me suis mis dans le coin droit, sur un siège de café, la vitre dans mon dos. L'écran était si haut que le spectateur qui s'assit devant moi ne me dérangeait pas. Il m'a demandé ensuite si j'étais espagnol : pas que je susse. Et de quelle région je venais : « Bordeaux ». Il ne m'a pas cru, à cause de mes cheveux blonds et longs. Comme il comprenait difficilement « Verdun », où s'est formée ma famille, j'ai chanté Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine. Quand les joueurs ont entonné La Marseillaise, un grand beau s'est mis à gueuler de son tabouret, et j'ai braillé avec les autres mais en tendant le poing. Et j'ai suivi, en réagissant moi aussi, modestement, de mon côté. Au but d'égalisation, j'ai même fait trépigner devant moi une chaise vide, et on l'a remarqué. Nos joueurs se sont de mieux en mieux débrouillés. Mais je savais qu eje n'étais pas du village. A la mi-temps, je suis allé rejoindre ma femme qui n'a pas voulu venir. Elle rêvait àplat ventre sur son lit, elle m'a dit “déjà”, suis reparti, transistor à l'oreille, diffusant Dieu sait quel classique. Je suis donc revenu m'asseoir à ma place, et je n'ai pas renouvelé mon Coca : excellent spectacle, pour deux euros !
Deux à un, puis par Zidane trois à un, but d'une extrême finesse technique, après avoir évité deux tacles, puis poussé délicatement le ballon de l'extérieur du pied droit tout en finesse sous le cul du gardien qui tombait. Ensuite, tout le monde a sauté, dansé en s'étreignant, reprenant La Marseillaise, mais seulement à partir de contre nous de la tyrannie. J'ai remarqué la prononciation en nhiatus [san(g) impur], et mon questionneur du début, petit brun volubile, m'a désigné pour signifier que je devais chanter : je le faisais, mais une octave plus bas, car tout le monde se la pétait dans les aiguës. Ce matin, je suis allé chercher le journal, j'ai croisé cet homme, et l'ai reconnu trop tard, parce que je me prenais le soleil pleine face.
Il n'est pas facile de se faire des amis dans le midi.