Proullaud296

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  • Lycée, vacances et Mobylette

    52 09 20
        J'entre dans un lycée, entouré de jeunes filles : "J'ai vécu entouré de jeunes filles, à quatre amoureuses par classe." On me revoit avec plaisir. Des escaliers descendent. Un élève se voit dire qu'il doit aller aux premières toilettes disponibles sans errer dans un bâtiment désert. Je rêve de couloirs combles. A l'aise partout. Un moniteur lance une plaisanterie de cul, je la reprends, une monitrice rit.

    52 09 24
        Annie et moi faisons du camping en Turquie orientale. Nous apprenons par la télévision que les talibans bombardent une ville proche : les images montre que leur aviation sacharne sur des ruines. Affolés, une partie des campeurs plie bagages ; nous sommes effrayés, mais décidons de poursuivre notre route vers l'est, vers l'Irak, en campant.

    52 09 25
        Nous sommes deux à Mobylette sur la route, je viens d'apprendre la mort de mon père et j'en souffre plus en rêve que je n'en ai souffert en réalité. En pédalant nous nous prenons le pied dans la chaîne et les deux  Mobylettes tombent, à proximité du cimetière. J'ai déjà rêvé de celui-là auparavant. De même, ce Meulan de rêve revient : plus escarpé, avec une île fluviale plus large. Je remonte une rue en suivant un jeune homme sympathique aux petites lunettes de soleil très noires. Il m'invite à voir des curiosités dans son château, et tandis qu'il farfouille, au sommet d'un escalier de métal, et déà engagé à l'intérieur, je ne sais quelle serrure, je me rends compte qu'il va me sadiser à COLLIGNON
    NOX PERPETUA             TOME 1                        51



    l'intérieur, ou du moins me montrer quelque salle obscure et tirrifiante, dans l'obscurité verte et bleue.
        Je redescends l'escalier alors qu'il se replie sur lui-même et saute dans les caillasses, mes gestes sont ralentis, il est derrière moi, encore aimable mais bientôt menaçant...

    52 09 27
        Avec des soldats en Afrique, et Sonia. Il y a un combat à l'extrémité d'un long hangar. Les troupes reviennent, laissent passer les noirs, les attaquent par-derrière.
        Même scène entre des rangées bien alignées de grands arbres européens.

    52 11 18
        Avec Annie en bas de la côte de Meulan dans une profonde obscurité. Retrouvons chez Truffaut (garagiste) les clés de chez nous et de la voiture sur une terrasse basse de transformateur. Un vélo me heurte alors par derrière sans que j'en soie effrayé. En réalité c'est Annie qui se retourne dans le lit en me flanquant son genou sur la cuisse.XXX 62 05 29- XXX
    52 09 20
        J'entre dans un lycée, entouré de jeunes filles : "J'ai vécu entouré de jeunes filles, à quatre amoureuses par classe." On me revoit avec plaisir. Des escaliers descendent. Un élève se voit dire qu'il doit aller aux premières toilettes disponibles sans errer dans un bâtiment désert. Je rêve de couloirs combles. A l'aise partout. Un moniteur lance une plaisanterie de cul, je la reprends, une monitrice rit.

    52 09 24
        Annie et moi faisons du camping en Turquie orientale. Nous apprenons par la télévision que les talibans bombardent une ville proche : les images montre que leur aviation sacharne sur des ruines. Affolés, une partie des campeurs plie bagages ; nous sommes effrayés, mais décidons de poursuivre notre route vers l'est, vers l'Irak, en campant.

    52 09 25
        Nous sommes deux à Mobylette sur la route, je viens d'apprendre la mort de mon père et j'en souffre plus en rêve que je n'en ai souffert en réalité. En pédalant nous nous prenons le pied dans la chaîne et les deux  Mobylettes tombent, à proximité du cimetière. J'ai déjà rêvé de celui-là auparavant. De même, ce Meulan de rêve revient : plus escarpé, avec une île fluviale plus large. Je remonte une rue en suivant un jeune homme sympathique aux petites lunettes de soleil très noires. Il m'invite à voir des curiosités dans son château, et tandis qu'il farfouille, au sommet d'un escalier de métal, et déà engagé à l'intérieur, je ne sais quelle serrure, je me rends compte qu'il va me sadiser à COLLIGNON
    NOX PERPETUA             TOME 1                        51



    l'intérieur, ou du moins me montrer quelque salle obscure et tirrifiante, dans l'obscurité verte et bleue.
        Je redescends l'escalier alors qu'il se replie sur lui-même et saute dans les caillasses, mes gestes sont ralentis, il est derrière moi, encore aimable mais bientôt menaçant...

    52 09 27
        Avec des soldats en Afrique, et Sonia. Il y a un combat à l'extrémité d'un long hangar. Les troupes reviennent, laissent passer les noirs, les attaquent par-derrière.
        Même scène entre des rangées bien alignées de grands arbres européens.

    52 11 18
        Avec Annie en bas de la côte de Meulan dans une profonde obscurité. Retrouvons chez Truffaut (garagiste) les clés de chez nous et de la voiture sur une terrasse basse de transformateur. Un vélo me heurte alors par derrière sans que j'en soie effrayé. En réalité c'est Annie qui se retourne dans le lit en me flanquant son genou sur la cuisse.XXX 62 05 29- XXX

  • Dimanche encore

        Dimanche encore... Des enfants aboient Mozart, et le stylo, ziegelhaft, joue les gigognes et renâcle comme un gland sous le prépuce. Des volets se déroulent, des crémones tournent, le soir est tombé, bientôt les vulves prolétaires bâilleront sous les coups de boutoir des O.S. , je viens de relire Hérodote.
        Les paragraphes de la traduction française sont fort longs : je lis à haute voix la première phrase du premier, la deuxième du deuxième, une chaise racle, une femme rappelle son enfant du balcon. S'il neigeait, nous serions malheureux, transis de froid et non d'amour, car l'extraordinaire cartilage s'est désirrigué : toutes les belles queues ne pourrissent que faute d'avoir été tranchées, décharnées, bourrées de paille et d'aromates ; ainsi le sexe de Tout -Ankh - Amon reposait-il tout embaumé sur son bas ventre.
        Mon ami m'exhibe les photos des plus belles filles du monde en se prétendant leur amant. Le goulot de champagne se vide, sabré ; pour un éclat de verre le buveur se tord, le kyste se forme, le chirurgien découvre dans le pli inguinal un jumeau porté là vingt à trente ans. Je sais ce dont je parle et je connais la cuisse qui porta, j'entends le clair ronflement de la plume sur le bois. Ce calme est de trop. Si lourd était le drap sachant que je dormais. Ma mère avait les mains croisées. Il lui manquait un bout d'oreille gauche, le dessous de son cou portait des escarres comparrables aux vagues parallèles d'un rasoir électrique.
        Je lèguerai tout. Puis on lira, puis on oubliera. Ma langue sera maternelle, à six pieds sous terre. Ce sont de petits mots que j'ai déposés çà et là. Science sacrée, science hiéroglyphique ! Extase de Renan ! Seul survivant, point de mire, bras tordus. Qui mourra verra

  • Yang Céline

    Fatiguée.JPG

    J'ai détesté ce Paris, toujours Paris de Céline Yang, Chinoise occidentalisée, qui fit ses études en notre capitale en 89 et y vit aujourd'hui. Pis encore, je me suis empressé d'oublier cet ouvrage, le reléguant parmi mes faux souvenirs comme une sombre histoire de baises successives, point barre : pour un Chinois, une Chinoise, Paris sera toujours Paris, une ville où la femme s'habille, babille et se déshabille. Une succession de clichés fades, que se transmetttent des générations de touristes asiatiques. Or, même si l'on couche (il faut bien que les étudiantes de Chine se mettent à la page), c'est « parce que ça se fait en France », dit la quatrième de couverture, il se trouve que l'on aime aussi, avec les délicatesses et les fines déchirures qui conviennent, susceptibles de s'imprimer à tout jamais dans la nostalgie des âmes et du cœur.
        Car ces souffrances et ces éveils de jeunes gens demeurent en nous à jamais. D'une part, afin de répondre au rejet initial de cette œuvre, « une personne ne peut pas comprendre tous les livres », c'est l'autrice qui le dit, avec évidence, et simplicité, et sobriété, mot qui rime d'ailleurs avec ébriété. Ce livre-ci ne m'était pas destiné. Il fut d'abord écrit en chinois, pour un public chinois, traduit en français par Noël et Liliane Dutrait. Bien se dire que les exotiques, ici, ce sont les Parisiens. Tout ce que nous estimons banal, convenu, serait un grand objet de perplexité, de blâme, du côté de Nankin. Pour les Pékinois ou les Cantonais, c'est un livre non pas surfait ni rebattu, mais une découverte exotique sur les paysages amoureux de la bagatelle française : du flirt, des amitiés amoureuses ou cordiales, des échanges de partenaires, à deux ou bien à quatre, mais aussi des pincements au cœur, des balafres indélébiles, même si l'on sait que, l'année universitaire suivante, on aura changé de fille ou de garçon.   
        Même si on doit faire semblant de s'en foutre. En dissimulant sa douleur, en pleurant toute seule ou tout seul : il y a là un fils de paysans qui ont cassé la tirelire pour lui payer des études en France, une fille riche qui s'habille dernier chic mais mange peu, tandis que sa meilleure amie française se fait de l'argent dans une boutique de hot-dogs. On se fréquente entre Chinois, mais on tâte aussi de l'Européen, on finit par se retrouver entre deux continents dans sa vie, Paris léger, Paris cruel. Si le lecteur français perd de vue que la narratrice et ceux dont elle parle sont en grande partie des Chinois, il juge tout de façon banale et inadaptée. Mais chaque figure de ce petit ballet amoureux et socioculturel doit être confrontée avec ce qui se ferait en Chine, les préjugés chinois face aux préjugés français ; les parents parfois ne répondent pas aux lettres de leurs enfants, en un  silence éloquent. Et puis, après deux ou trois années à étudier ou à « traîner », comme le dit une héroïne, la vie, les petites trahisons, les amours ratées, vous séparent, nos héros des deux continents et des deux sexes s'aperçoivent que pour une fois, ils ont tous des projets de vacances différents et séparés, qu'on ne sait plus très bien quoi se dire. Puis on se présente, en fin d'année universitaire, au pied de l'immeuble, dont le gardien fait savoir que Mlle X. est partie en vacances – mais rien qu'à le regarder, on se rend compte qu'il a reçu des consignes, et que la meilleure amie, chez elle, n'a plus envie de vous revoir, n'aura plus jamais envie de vous revoir ; bien plus tard, on apprend qu'elle s'est mariée avec un tel, tiens, je ne l'aurais jamais cru  - c'est un simple faire-part, pas une invitation.
        Et la leçon interethnique, si commune et poignante, si atrocement exacte, est que l'on se sépare, que plus jamais le groupe ne se retrouvera. Mais que chacun à tout jamais restera gravé en nos cœurs à tous tel qu'il ou elle était en ce temps-là, évaporé, éternel, statufié. Nos amis ne nous appartiendront plus, ils suivront leurs destinées si incompatibles, mais en même temps, ils nous appartiendront pour toujours, précieusement, douloureusement, à l'intérieur, tels quels, intacts, figés, vivants, nostalgiques. Nous nous souviendrons de tel garçon, qui avait fait venir sa femme à Paris, et trouve un mois plus tard sur la table au réveil un petit mot de trois lignes équivalent à « je te quitte » (oui, même entre Chinois) ; tel autre a laissé sa femme à Pékin, mais comprend qu'elle ne l'a épousé que pour se faire obtenir une autorisation de sortie depuis l'ambassade à Paris ; un autre encore se trouve en face de la belle fille riche de tout-à-l'heure, mais cette fois-ci il ose se déclarer, sur quoi il se cogne à une muraille chinoise d'indifférence, ouille, aïe.
        Et rassurez-vous, les garçons ne sont pas en reste pour la parité question vacheries. Ce livre renferme deux nouvelles, la seconde s'appelle Histoires, au pluriel, d'un voyage à l'Ouest, qui pourrait être la suite de Paris, toujours Paris. Il est édité aux Editions de l'aube. Il fait l'objet d'une lecture à présent, de la seconde nouvelle : Wang Yu, femme aux tout petits yeux, reçoit la visite de son mari dont elle vit séparée, Chen Yun. Ce mari lui annonce son intention de divorcer : c'est lui qui fut plaqué, avec le petit mot sur la table. Mais le divorce, c'est comme un avortement : il n'y en a pas « de confort », comme ils disent. Ce qui donne : « Wang-Yu l'arrêta, les larmes troublaient son regard, elle voulut dire quelque chose, mais murmura seulement :
        « - Chen Yun.

  • Rêves de septembre 2042

    52 09 01
        Dans une salle d'examen (concours ?) avec Annie, nous devons potasser sur le sujet d'un empereur quiu se défend contre son entourage (concitoyens et étrangers). J'ai trouvé un empereur, au règne court, où il ne s'est malheureusement pas passé grand-chose. A un moment donné, un appariteur convie tous les candidats à manger, il y a de la viande. Tous se lèvent sauf Annie et moi. Un voisin va chiper une petite part de viande rès rouge qui se trouvait déjà dans une assiette, à la place d'un candidat parti manger. Il est hilare et dit qu'il en profite (grand blond, front haut, bien découplé).

    52 09 05
        Passant près d'un jardin en pleine ville, j'y vais pisser, piétinant les plates-bandes de mâche. Je me pisse sur les pieds, sur les doigts. Une jeune femme que je connais est entrée par le haut du jardin et remplis des vases d'arrosage à deux gros robinets de marbre. Elle me fait observer que les récipients sont laissés sales par les utilisateurs précédents. Je l'aide à les nettoyer mais elle me dit qu'elle n'a pas dit cela pour moi. Son portable sonne. Elle s'allonge sur l'herbe détrempée pour répondre, il s'agit de son service de pompière vacataire. Je profite de cela pour me défiler, car mon but était de couper court à travers la ville en longeant ce jardin par l'extérieur, afin de rencontrer le moins de monde possible.
        (sans rapport : j'aurai donc toujours vécu spectateur, trop assommé par les spectacles pour faire autre chose, de fatigue. Pourquoi cette voie ? Et quand j'avais fini de voir, je donnais à voir : c'étaient mes cours, et je me donnais le spectacle de ma vie, de mes scènes de ménage : pourquoi la scène, plutôt que l'action ?)

    52 09 06
        En vacances dans une ville étrangère et partageant une chambre dans une sorte d'auberge de jeunesse. Au retour d'une visite une camarade allemande me dit avoir nettoyé mes vêtements pendant mon absence. Je découvre deux slips lavés non séchés près de mon lit, la fille montre son dos nu puis me fait une fellation en pleurant – elle a ôté ses lunettes. Une autre fille devra se passer de moi. Un garçon est mon ami, nous allons en ville avec un moniteur style Poelvoorde. A un arrêt du bus ce dernier fait une réflexion, le garçon lui flanque une grosse tranche de fromage sur la gueule et la lui enfonce profondément dans le gosier, sous le regard réprobateur d'un quinquagénaire à lunettes et chapeau.  
        Le moniteur râle parce que le garçon est habillé de rouge et va attirer de nouveau l'attention des flics sur le trottoir – ils sont déjà venus emmerder le moniteur une fois.

    Abandon.JPG52 09 10
        Avec Annie nous suivons en bagnole un efoule qui se rend à un carnaval quelconque, sans être elle-même déguisée. Presque impossible de circuler. Heureusement je trouve une place de parking. Annie veut que nous retournions chercher sa voiture pour la mettre sur une autre place à
    côté de la mienne.

    52 09 13    1)
        Je suis au lit avec Vanessa. Elle se gratte le cul avec frénésie pour empêcher que je la sodomise.
        2)
        Je parviens au sommet d'une longue montée en plein Paris alors qu'il s'agit d'un château vinicole. Des touristes font de même (allemands, japonais). Pour redescendre del'autree côté (je suis déjà venu, mais dans l'autre sens), la route n'est plus qu'un tunnel sous plaques de ciment surbaissées, ili faut ramper dans la fiente d'oiseau ou de chauve-souris. Des femmes laissent leurs vélos VTT et s'engagent là-dedans. Je ne le fais pas.
        Assez maussade ce matin. Je repense à la Nouvelle-Orléans et aux prédictions sinistres de Nostradamus.

  • Tryphéra et ces dames

    « Tryphéra ! Tryphéra ! »
        Et une jeune courtisane d'aspect joyeux bouscula quelques passants pour rejoindre une amie entevue.
        « Tryphéra ! es-tu invitée ?
    - Où cela, Séso ?
    - Chez Bacchis.
    - Pas encore. Elle donne un dîner ?
    - Un dîner ? Un banquet, ma chère. Elle affranchit sa plus belle esclave, Aphrodisia, le second jour de la fête.
    - Enfin ! elle a fini par s'apercevoir qu'on ne venait plus chez elle que pour sa servante.
    - Je crois qu'elle n'a rien vu. C'est une fantaisie du vieux Chérès, l'armateur du quai. Il a voulu acheter la fille dix mines ; Bacchis a refusé. Vingt mines, elle a refusé encore.
    - Elle est folle.
    - Que veux-tu ? c'était son ambition d'avoir une esclave libérée. D'ailleurs, elle a eu raison de marchander. Chérès donnera trente-cinq mines, et, pour ce prix-là, la fille s'affranchit.
    - Trente-cinq mines ? Trois mille cinq cents drachmes ? Trois mille cinq cents drachmes pour une négresse ?
    - Elle est fille de blanc.
    - Mais sa mère est noire.
    - Bacchis a déclaré qu'elle ne la donnerait pas à meilleur marché, et le vieux Chérès est si amoureux qu'il a consenti.
    - Est-il invité, lui, au moins ?
    - Non ! Aphrodisia sera servie au banquet comme dernier plat, après les fruits. Chacun y goûtera selon son gré, et c'est le lendemain seulement qu'on doit la livrer à Chérès ; mais j'ai peur qu'elle ne soit fatiguée...
    - Ne la plains pas ! Avec lui elle aura le temps de se remettre. Je le connais, Séso. Je l'ai regardé dormir. »
        « Elles rirent ensemble de Chérès. Puis elles se complimentèrent.

        « Tu as une jolie robe, dit Séso. C'est chez toi que tu l'as fait broder ? »
    Conversation frivole et très proutt ma chère, rappelant ce prétendu bon mot : « La femme est une créature charmante qui s'habille, qui babille et qui se déshabille ». Les putes à l'époque étaient toutes volontaire, et trouvaient cela rigolo comme un jeu, où les deux sexes avaient leurs armes. L'amour, le cul et le fric formaient un vigoureux cocktail détonnant. Vrai, ou faux comme du Pierre Louÿs ? 
           
         "La robe de Tryphéra était une mince étoffe glauque entièrement brochée d'iris à larges fleurs. Une escarboucle montée d'or la plissait en fuseau sur l'épaule gauche ; la robe retombait en écharpe, entre les deux seins, en laissant nu le côté droit du corps jusqu'à la ceinture de métal ; une fente étroite qui s'entrouvrait et se refermait à chaque pas révélait seule la blancheur de la jambe.*
        "Séso !" dit une autre voix, Séso et Tryphéra, venez, si vous ne savez que faire. Je vais au mur Céramique pour y chercher mon nom écrit.
    - Mousarion ! d'où viens-tu, ma petite ?
    - Du phare. Il n'y a personne là-bas.- Qu'est-ce que tu dis ? Il n'y a qu'à pêcher, tellement c'est plein.
    - Pas de turbots pour moi. Aussi je vais au mur. Venez."
        Les jeunes filles de ce temps-là comptaient les victoires par paquets de weps, mais pas n'importe lesquelles. Nous vérifierons avec elles si elles sont bien cotées en bourses, sur ce fameux mur.

        "En chemin, Séso raconta de nouveau le projet de banquet chez Bacchis.
        "Ah ! chez Bacchis ! sécria Mousarion. Tu te rappelles le dernier dîner, Tryphéra : tout ce qu'on a dit de Chrysis ?
    - Il ne faut pas le répéter. Séso est son amie."
        Mousarion se mordit les lèvres ; mais déjà Séso s'inquiétait :
        "Quoi ? du'est-ce qu'on a dit ?  
    - Oh ! des méchancetés.
    - On peut parler, déclara Séso. Nous ne la valons pas, à nous trois. Le jour où elle voudra quitter son quartier pour se montrer à Brouchion, je connais de nos amants qui ne nous verront plus.
    - Oh ! Oh !
    - Certainement. Je ferais des folies pour cette femme-là. Il n'y en a pas de plus belle ici, croyez-le. "

        "Les trois jeunes filles étaient arrivées devant le mur Céramique. D'un bout à l'autre de l'immense paroi blanche, des inscriptions se succédaient, écrites en noir. Quant un amant désirait se présenter à une courtisane, il lui suffisait d'écrire leurs deux noms avec le prix qu'il proposait ; si l'homme et l'argent étaient reconnus dignes, la femme restait debout sous  l'affiche en attendant que l'amateur revînt."
        Vous voyez ! Tout était simple, pur, propre, friqué ! On se tirait dans l'allégresse comme à la foire ! Et sur ce terreau de frivolités papotantes va se lever la belle Chrysis, 20 ans tout juste, qui vient de décider qu'elle devait enfin connaître une magnifique, une majuscule histoire d'amour divin, avec exaltation sans fin et bouquet final... Cette Aphrodite, de Pierre Louÿs, est encore lisible, exploitant tous les clichés possibles de la relation homme-femme et de ses tourments reproductibles à l'infini, jusqu'à la chute, putain de société.

  • LOUYS PIERRE


        Aphrodite, de Pierre Louys, est exactement le genre de roman qui exaspère les calvinistes, les vieux et les bloqués, ce qui fait du monde. Il part d'un principe, exposé par l'auteur dans sa préface : inspiré entre autres d'Arthur Rimbaud qui n'est pas nommé, il se figure que l'amour physique dans l'Antiquité ne suscitait ni honte ni mépris, mais n'était qu'une activité du corps comme les autres, sans la moindre culpabilité ; on pouvait s'unir dans la rue comme des chiens sans que quiconque s'en émût, et les prostituées sacrées conféraient à l'union des deux sexes une valeur surnaturelle. De nos jours, nous courons tous dans des rues étroites et vêtus de noir, et les textes antiques ne peuvent plus se tratuire intégralement sans attirer les foudres de la censure.
        En un mot, c'était mieux avant, et nous sortons de 17 siècles de laideur et de barbarie : les amants sont persécutés, on ne baise plus qu'en cachette, et les juges sont partout, derrière tous les trous de serrure. Mais Pierre Louÿs va nous dévoiler tout cela, il fera ce que Lecomte de Lisle n'a pas osé faire, ce que la civilisation judéo-chrétienne a couvert d'opprobre, et nous exaltera les charmes profonds d'une courtisane et de son amant, unis dans la transgression : or ce ne sont pas leurs actes d'amour qui seront condamnés, mais leurs sacrilèges, car les dieux sont jaloux. Chacun s'est reconstruit sa propre antiquité, c'est un grand leitmotiv de l'Occident 1900 : nous ne savons rien, et il n'est plus possible de nous glisser dans les corps ni dans les âmes d'avant le christianisme.
        C'est nous qui voyons de l'enthousiasme, de la splendeur et de la pureté dans le soleil, où les Grecs ressentaient d'innombrables rites et interdictions, aussi pesantes assurément que nos contraintes psychiques d'aujourd'hui. Les amours violentes de Chrysis, « la Dorée », courtisane de haut rang, et de son amant, sont présentées en quatrième de couverture comme l'élan passionné, désespéré, d'un couple de jeunes gens qui se fracasse contre son désir inaccessible d'absolu : l'amour physique exalte vers les cieux, mais les obstacles et la malédiction réservés paraît-il aux civilisations sombres judéo-chrétiennes n'épargnent pas les créatures lumineuses et convenues de l'antiquité hellène.
        Il s'agit d'une reconstitution, par un esprit contemporain, d'une illusion, propre à tout roman historique. Pierre Louÿs déjà s'était illustré en 1894 par de faux poèmes attribués à Bilitis, poétesse grecque imaginaire, en langue grecque et en français ; les meilleurs spécialistes s'y étaient trompés. Aphrodite n'est pas un roman plus véridique ni documentaire que les ruines de Cnossos passées au Ripolin par le fameux Evans dans les années trente.   Ce roman-ci date de 1896 (mort de Verlaine), et projette bien plus l'atmosphère décadente du temps et les clichés fin de siècle sur la femme, COLLIGNON        LECTURES    « LUMIERES, LUMIERES »
    PIERRE LOUYS    « APHRODITE »                    61 07 08  77



    l'homme, l'amour, et les fantasmes grecs de pureté ensoleillée. Notre prostituée Chrysis ne croit pas à Vénus-Aphrodite, mais se pare avec la volupté narcissique et tête à claque d'une statue mouvante. Elle est adorée par son esclave indienne, qui lui fait toutes sortes de choses comme la baigner, la parfumer, la coiffer et la détendre d'une façon que je n'oserais rapporter, signalée à l'attention du lecteur par une ligne de points de suspension. Et la voici qui déambule sur la jetée d'Alexandrie, prête à coucher avec n'importe qui, homme ou femme, voire gratuitement. Elle rencontrera un jeune homme beau comme un Dieu, et ne s'offrira au bel éphèbe que s'il lui rapporte une couronne sacrée posée sur la statue géante de la déesse de l'amour.
        Le  jeune homme splendide subtilisera cet ornement, que Chrysis exhibera triomphalement : elle sera punie pour son sacrilège, et tout finira dans le sang et l'exécution. Tout le monde meurt à la fin, dans la simplicité grandiloquente, aussi bien que dans un roman bourgeois moral de la fin du XIXe siècle.  On n'échappe pas à son temps. Ni à ses préjugés. L'adoration de cette pouffe en son miroir et l'amour qu'elle porte à toutes les parties de son corps décemment évoquables nous a exaspérés. Tous les clichés de l'amour fou, de l'adoration, de l'idolâtrie, nous sont passés dessus, magnifiquement décrits, dans un style à la fois précieux et pur comme l'albatre, avec une vérité et une sincérité « premier degré » que l'on ne saurait plus concevoir aujourd'hui, où tout est devenu si usé que l'ironie surgit à chaque détour de phrase.
        En bref, Aphrodite est un magnifique trompe-l'œil, une prestigieuse et virtuose illusion d'optique, un emballant exercice, même si nous tremblons pour les héros, qui se dirigent vers leur destin de tragédie grecque, de façon inéluctable – mais nous espérons toujours une fin heureuse, en vain. Car sous cette pureté reconstituée, le XIXe siècle faisandé apercevait les charmes vénéneux de la destinée, du gouffre humain que rien ne peut combler, même et surtout l'amour le plus fou, afin que les deux créatures fatales qui surent nous charmer retombent de plus haut, de la face même des dieux jusqu'au plus profond du supplice. Jamais de mesquineries ; de grandioses caprices assurément (« Tu vas oser le porter, dis, cette couronne que je me suis risqué à chourer dans le temple ? »), des jeux de refus, de rappels, d'extases savamment différées, mais rien de petit ni de bourgeois dirions-nous : le demi-dieu et la demi-déesse ne sauraient déchoir, mais juste sauter dans l'abîme.
        Et maintenant, assez bandé, place au texte, documenté en diable :
        « Peu à peu, la foule s'écoulait, innombrable, curieuse d'elle-même et se regardant passer. Le  COLLIGNON        LECTURES    « LUMIERES, LUMIERES »
    PIERRE LOUYS    « APHRODITE »                    61 07 08    78



    bruit des pas et des voix couvrait même le bruit de la mer. Des matelots tiraient, l'épaule courbée, des embarcations sur le quai. Des vendeuses de fruits passaient, leurs corbeilles pleines dans les bras. Des mendiants quêtaient, d'une main tremblante. Des ânes chargés d'outres emplies trottaient devant le bâton des âniers. Mais c'était l'heure du coucher du soleil ; et plus nombreuse que la foule active, la foule désœuvrée couvrait la jetée. Des groupes se formaient de place en place, entre lesquels erraient les femmes. On entendait nommer les silhouettes connues. Les jeunes gens regardaient les philosophes, qui contemplaient les courtisanes. » - et aussi les jeunes gens.
        « Celles-ci étaient de tout ordre et de toute condition, depuis les plus célèbres, vêtues de soies légères et chaussés de cuir d'or, jusqu'aux plus misérables qui marchaient les pieds nus. Les pauvres n'étaient pas moins belles que les autres, mais moins heureuses seulement, et l'attention des sages se fixait de préférénce sur celles dont la grâce n'étaient pas altérée par l'artifice des ceintures et l'encombrement des bijoux », car il est bien connu que les sages tournaient autour des putes comme des mouches. « Comme on était à la veille des Aphrodisies, ces femmes avaient toute licence de choisir le vêtement qui leur seyait le mieux, et quelques-unes des plus jeunes s'étaient même risquées à n'en point porter du tout. Mais leur nudité ne choquait personne, car elles n'en eussent pas ainsi exposé tous les détails au soleil, si l'un d'eux se fût signalé par le moindre défaut qui prêtât aux railleries des femmes mariées », qui, plus prudentes, restaient habillées – nous sommes en plein délire babylonien. XXX62 05 13 XXX