Proullaud296

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der grüne Affe - Page 90

  • Ca commence très fort

    KOHN-LILIOM dit COLLIGNON
    oeuvres dans "In Libro Veritas"
    courriel colber1@laposte.net
     
    Citation 1224
    Aspect de Tulle.JPG
     
    Je n'appartiens à aucun parti : je n'ai pas de drapeau,
    je hais tous les drapeaux, y compris le drapeau rouge.
    Je suis un bourgeois, et ne mets pas un faux nez
    de prolétaire
     DARIEN (1861- 1921 )
    CCCCCCCCCCCCCCCCCCCCCCCCCCCCCCC


    LA FEMME, LE PRETRE ET LE PSYCHIATRE
    incipit (prononcez "inssipitt" bande de sauvages 
    on ne dit pas "l'alboum" ni "le calcioum" ;
    je t'en foutrais moi de la prononciation "latine".
    Quand on ne sait plus le latin on ferme sa gueule)
    Le jour de mes cinquante-six ans je me suis pris une grosse claque dans la gueule. 
     Je reviens du travail et qu'est-ce que je trouve chez moi, deux arnaqueurs du genre
    à m'emprunter sept briques remboursables au compte-gouttes en criant misère
    tous-les-mois-quand-j'y-pense, total c'est encore moi le blaireau qui râle, ma meuf
    me dit
    j'avais pensé tu penses ma conne ? que ça te ferait plaisir d'avoir des invités
    putain c'est tes amis pas les miens, ton idée pas la mienne, ce prêt à la con dans
    le dos pendant que je bosse et que t'as rien à foutre
    at home
    à part glander, ni
    talon de chèque ni reconnaissance de dette merci bobonne t'es l'amour de ma vie,
    bon anniversaire et bonne soirée jusqu'à deux heures du mat' à 7h je repartais bosser
    ma femme toujours au lit et d'un seul coup d'un seul j'ai plus voulu voir personne
    plus parler ni boulot ni famille, ma carte bleue le train jusqu'à St-Flour et me v'là.

  • Encore un chef-d'oeuvre

     
    - Va te faire enculer.
    - Qui dit ça ?
    - C'est pas moi !
    Mes chiottes en gloire.JPG
    - Vos noms !
    - On le dira pas !
    - Livret scolaire !
    - J'en ai pas !
    - Donne ton sac !
    - Lâche ça connard !
    Terence fonce chez le Principal.
    - A cette heure-ci le Principal mange, monsieur Elliott.
    Un mois de congé. Bout du rouleau.
    Vous avez la sécurité de l'emploi.
    Prenez-le donc mon “emploi”. Je vous donne quinze jours, pas un de plus, pour supplier à genoux de retourner au chômage. Votre langâge, monsieur Elliott, votre comportement. Les parents ne sont pas contents du tout, du tout. Vous dites bite et couilles vous ne vous habillez pas comme il faut, trois fois la braguette ouverte monsieur Elliott trois fois il y a des choses qu'on ne fait pas qu'on ne dit pas devant les jeunes filles même si elles se branlent trois fois par jour – à cet âge fragile (“où l'on s'interroge sur son corps”, il connaît par coeur) – mais alors pourquoi donc se mettent-elles à rire ? - Vous connaissez mon sentiment à ce sujet - par cœur, par cœur...
    Quand Terence était petit Tonton lui faisait répéter TROUDUCUL répète après moi TROUDUCUL à dix ans Terence tait le plus mal embouché du village. Elliott est un clown à présent. C'est lui qui descend un étage sur la rampe, lui qui brandit dans la cour un Kleiderbaum (porte-manteau sur pied) - gourou-gourou ! gourou-gourou ! - les élèves effarés tassés dans les coins de la cour ça fait tièp j'étais fou Monsieur l'Inspecteur j'étais fou.

  • Cabanis et St-Simon

     

    (Quoi de plus absurde) ...que ces usages codifiés jusqu'à la minutie ? Il faut donc que l'absurde devienne une loi intouchable et redoutable, faute de quoi, l'absurdité saute aux yeux, et c'est l'édifice qui s'écroule. Le roi recevait sur sa chaise percée ceux à qui il réservait le plus grand honneur. Du jour où l'on s'aperçut qu'il ne s'agissait que d'une simple chaise percée, la Révolution n'était plus loin. C'est ce que dit après bien d'autres l'auteur de Saint-Simon l'admirable. Et je pourrais ainsi achever ma rubrique, après avoir comme il se doit plus parlé du prétexte, Saint-Simon, que du texte. Mais il est une chose que je ne puis admettre sans réserve : la façon fort habile et parfaitement justifiable dont l'auteur nous tire notre échotier du côté de Dieu. En effet Saint-Simon aima beaucoup, dès sa jeunesse et jusqu'à la mort du saint homme, se retirer auprès de Rancé, moine terrible et réformateur de la Trappe. Il avait découvert le néant de toute chose, et plus spécialement de la vie de cour. Saint-Simon estimait par-dessus tout les gens qui se retiraient du monde et renonçaient à tout. Il faisait une différence entre ceux qui feignaient de s'en être retirés, et ne brûlaient en fait que de revenir en faveur auprès du roi, tels Fénelon, qu'il ne portait pas dans son cœur et dont il suspecta toujours la sincérité, et ceux qui, fût-ce au milieu de la cour et des honneurs, ne le recevaient qu'avec mépris au fond de leur âme et avec amour profond de Dieu : ainsi Chamillart, gendre de Colbert.

    Nous avons d'autres sources, qui nous montrent Fénelon sous un autre jour, bien plus favorable, car ce noble prélat sut secourir les pauvres de son diocèse de Cambrai, et Chamillart sous des dehors moins favorables, car il sut bien faire sa pelote pour lui et sa famille avant de se déclarer ennemi de l'ambition... Mais il n'en demeure pas moins véritable que Saint-Simon, dans sa retraite de vieux, renonça lui aussi au monde et à ses pompes, tout en rageant d'avoir dû le faire. Nous ne saurions, dit en substance José Cabanis, reprocher au duc de Saint-Simon d'avoir fait le contraire de ce qu'il disait, et d'avoir dit le contraire de ce qu'il avait fait : n'en sommes-nous pas tous là ? Je ne saurais donc trop recommander la lecture de ce livre, en collection Folio : Saint-Simon l'admirable par José Cabanis, qui vous permettra de survoler la totalité de l'œuvre sans l'avoir lue, et de pénétrer dans ce monde magique et immensément exotique : la cour du Roi Soleil.

    Et n'oubliez pas, lecteurs de la Clef des Ondes : afin de ne pas verser dans le travers de l'indignation a posteriori, je ne vous ai pas révélé que pendant que les duchesses se disputaient à savoir qui pourrait demeurer assise en présence du roi, le peuple de France bouffait l'herbe des chemins et les écorces d'arbres. Les gens de cour, tels les personnages de La Fontaine, sont des bêtes féroces. Ainsi, page 47 (le texte est de Cabanis, truffé de citatins guillemetées, que je ne relèverai pas nécessairement de la voix : « A ce même Conseil de régence, c'est Saint-Simon lui-même, lorsqu'il poursuit de sa hargne le duc de Noailles, qui lui vole dessus comme un oiseau de proie, alors que Desmarets, à l'époque où ce même duc l'attaquait, était à son tour une mouche chassée par l'araignée, et prête à tomber dans ses toiles. Mais ce duc de Noailles n'en était pas à une métamorphose près, puisqu'il s'identifiait, ni plus ni moins, au serpent d'Adam et Eve, « dont il conservait le venin parmi toutes les bassesses les plus abjectes. Si Nyert, nous l'avons vu, était un vieux singe, plus malfaisant qu'aucun des plus malins et des plus méchants de ces animaux, c'est seulement le visage d'un vieux singe qu'avait le comte de Gramont, mais c'était un même temps un chien enragé. Succèdent à ce bestiaire, page 94, des considérations presque autant raciales sur la légitimité des petits d'hommes : L'hérédité bafouée, chacun se donnant les héritiers qu'il voulait, c'était la licence et le bon plaisir introduits dans... - etc. vous trouverez tout cela facilement : « Folio » n° 2578. La tortue arrêtée.JPG

  • d'Ormesson, comme un chant d'espérance

    Comme un chant d'espérance est dû à la plume désormais nonagénaire de Jean d'Ormesson de l'Académie Française où l'on sucre les fraises. Toujours alerte, fringant et tiré à quatre épingles, on l'a déjà dit. Peu lu et ne méritant pas d'entrer dans la Pléiade, ce fut dit aussi, mais plus méchamment. Rabâchant des histoires sur Dieu, les anges, le monde et tout ce mystère qui nous entoure, assurément, mais le sujet, impalpable, indéfinissable, est inépuisable. Nous comprenons bien que les non-croyants militants de gauche puissent s'agacer, s'exaspérer de cette perpétuelle quête de l'inimaginable, alors qu'il faut augmenter les salaires et secourir les clochards qui crèvent.

    Mais il est aussi aisé de démontrer que ces militants-là, d'une certaine manière, croient en la justice et détestent l'injustice, ce qui est une manière de croire en Dieu, car être croyant ne signifie pas se croiser les bras en attendant que ça passe. Aborder l'idée de Dieu commence par un balayage, toujours à refaire : évacuer le vieillard barbu qui jongle avec son triangle, et toutes les représentations à huit bras, quatre jambes, deux douzaines de seins en rangées de médailles et autres éléphants acrobates en position du lotus. A évacuer aussi la notion de « bon » Dieu, en alignant les anciennes antiennes de « tout le mal qui existe sur la terre » et blablabla et gnagnagna.

    Dieu se définit donc d'abord par ce qu'il n'est pas. Pour définir ce qu'il est, il ne reste que des notions vastes, vagues, immensément globales, qui dépassent notre entendement et notre imagination. Il y en a même qui prétendent, entourloupette verbale, que Dieu n'existe pas, mais qu'il est. D'Ormesso n succombe à cette tentation, en parlant de «roman sur rien », c'est-à-dire « roman sur tout », d'un tout qui n'est rien et d'un rien qui est tout. Il est facile de rigoler sur tout. Dieu est peut-être un rire, après tout, après - ...tout. Et d'Ormessson serait son aimable prophète, car il voit Dieu dans tout ce qui est beau, grand, magnifique, éternel. Il semble que le croyant en Dieu le voie partout, tandis que l'incroyant ne le voit nulle part. Sans oublier ceux qui le voient de temps en temps, par les meurtrières.

    Autriche dorée.JPGIl est facile de démontrer Dieu, il est facile de démontrer son inexistence, mais le contraire est tout aussi difficile. Notre monde avec Dieu serait une absurdité, sans Dieu, c'en serait une autre. Avons-nous bien tout dit ? Oui, et non. Et alors ? Et alors ? La Science est arrivé-euh. Des mathématiciens, des astronomes (j'allais dire -logues), des physiciens, parmi lesquels Hubble, démontrant que nos galaxies s'éloignaient sans cesse les unes des autres à vitesse croissante, et Plancke, lequel prouva, ne me demandez pas comment, qu'il existait un instant zéro. On appelle cela « le mur de Plancke », pas « de planches », celui-là c'est à Calais. Cela correspond à 0 seconde, une virgule, et 43 zéros à la file, au moins. Et avant ce mur-là, mur chronologique et métaphysique, les lois de la chimie, de la géologie, de la mécanique, ne peuvent pas s'appliquer, les mathématiques elles-mêmes nous dit l'auteur balbutient, se contredisent, se taisent. Le point zéro du big bang, à partir duquel etc. Cela daterait de 14/15 milliards d'années, à la louche. Nous voici donc, nous autres humains, créatures insignifiantes et géantes à la fois, coincés entre cet en deçà, le mur de Plancke, et cet au-delà, notre trop certaine disparition, terrestre. Et rien ne nous dit que l'après-mort et l'avant-univers soient la même chose. Rien ne nous dit rien. Ca ne nous dit rien non plus.

    Pourtant nous ne nous tairons pas. Car entre notre naissance et notre mort, nous pensons, nous créons l'univers, par la conscience de nos yeux, de nos oreilles et de notre nez, par nos sentiments, nos actes. Et ne voilà-t-il pas qu'une pensée folle nous est venue : nous sommes les seuls, mieux que les diplodocus, mieux que les chats, à concevoir l'univers, ce rien qui est notre tout, et les seuls à pouvoir à notre mesure le transformer pour le bien de l'espèce, et pour le bien en général, en tant que concept. Même si nous affirmons pour cela n'avoir pas besoin de Dieu, il se trouve que cette pensée provient d'une étincelle du cerveau, dont nous ne pouvons expliquer l'apparition : nos neurones étincellent, même chez les blondes.

    Nous savons comment, et encore, mais nous ne savons pourquoi. Ce qui n'est pas une raison (nous avons dépassé le domaine de la raison) pour nous imaginer illuminés par la parole de Dieu, qui nous a parlé personnellement à nous mêmes assis nonchalamment jambes pendantes sur le rebord de sa soucoupe volante (en Alsace, choucroute violente). Nous ne parlons pas d'un Dieu prescripteur, ceci est bien, cela est défendu. Voir le balayage dont nous parlions plus haut. Eh bien, sur ce rien qui est tout, sur ce tout qui n'est rien (à l'échelle de l'infini), d'Ormesson brode ses merveilleuses phrases, puisqu'il ne nous reste plus que cela, que tout cela : la posture, le style et l'imagination.

  • Troyat "fatigue"

    Ne vous attendez à rien de bien profond : Troyat reste un conteur, sans gaz. Prout. "Regarde-moi. Ai-je jamais porté la barbe ? Voulais-tu que je me la laisse pousser ?

    "J'étais ébranlé. L'idée d'offrir ma barbe en holocauste à Alix m'excitait et m'effrayait à la fois. Je voulais, certes, l'épater, mais je me demandais si le changement d'aspect suggéré par mon père ne la choquerait pas au lieu de la séduire. Comme toujours, j'avais peur d'aller trop loin dans l'audace, ou, du moins, dans la fantaisie". N'aie pas peur fils de bourge, tu ne risques rien. De toute façon, en rentrant chez moi la veille du mariage, j'ai trouvé moi-même le coiffeur rigolard et tout son attirail que mes parents avaient fait venir à domicile, pour que je n'aie pas l'air moche sur la photo, plus tard, à cause de la mode. Total j'ai l'air d'un con, et ma femme s'était fait teindre en rouge carotte sur les conseils de sa mère, comme ça je me sentais moins seul.

    Parents, vos gueules. "Ce fut une remarque de mon père qui balaya mes réticences :

    " - De quoi vas-tu t'inquiéter ? Il ne s'agira pas pour toi d'une transformation définitive, mais d'un essai rigolo, d'une expérience bon enfant ! Décrispe-toi, bouge, montre que tu as le goût de l'imprévu ! Si Alix déclare ensuite qu'elle te préférait avec la barbe, rien ne t'empêchera de la laisser repousser...

    "Avant même qu'il eût fini de parler, j'étais conquis. Cette idée, que j'avais d'abord jugée folle, me paraissait subitement attrayante et même nécessaire à l'épanouissement de ma personnalité". Il a encore eu de la veine que papa ne lui aie pas demandé de couper autre chose. "Mon père fut si heureux de m'avoir convaincu qu'il voulut procéder lui-même à la métamorphose. La veille du mariage, il vint chez moi, rue de Varenne, et m'ayant installé devant la glace de la salle de bains, me passa un peignoir et s'improvisa coiffeur. Manié par lui avec dextérité, le rasoir eut vite raison de mon avantage pileux. Quand je vis dans le miroir mon visage aux joues et aux mâchoires dégarnies, j'hésitai avant de m'en réjouir. Mais l'enthousiasme de mon père était communicatif. Soutien.JPG

    " - Tu as rajeuni de dix ans ! s'exclama-t-il." Nous atteignons des sommets d'insignifiance. Et ça ne donne envie ni de lire le bouquin d'Emmanuel Carrère, ni de voir le film La moustache. "Alix sera époustouflée !

     

    PHOTO DE VINCENT PEREZ. QUANT AUX DANSEURS, IL LES A ME SEMBLE-T-IL COMPLETEMENT LAISSES ANONYMES : DES RUSSES, ON S'EN FOUT.

    "Et, pour parfaire son oeuvre, il tailla encore, artistement, de menus poils qui pointaient hors de mes narunes.

    "Malgré son assurance, je dormis mal, cette nuit-là. J'appréhendais tout ensemble la réaction d'Alix à ma vue et les obligations protocolaires, civile puis religieuse, qui nous attendait. Nous avions prévu que notre mariage se déroulerait dans la plus stricte intimité : quatre témoins, nos parents, de rares amis... Le père d'Alix, prévenu à Santiago-du-Chili, ne s'était même pas fendu d'un télégramme de félicitations." Je n'en vois pas non plus la nécessité. "Mais ni Alix ni moi ne regrettions sa défection. "Moins il y aura de gens autour de nous, plus je serai heureuse", avait dit Alix lors de notre dernière entrevue avant le grand jour. Je me répétais ces paroles pour me réconforter, en attendant que mon père vînt me chercher en voiture pour me conduire à la mairie. Comment Alix m'accueillerait-elle lorsque je surgirais, imberbe, devant elle ? Cette question me tortura jusqu'à mon arrivée dans le salon réservé aux réjouissances municipales.

    "Alix était déjà là, avec sa mère. En l'apercevant, elle porta ses dix doigts devant sa bouche comme pour retenir un cri d'épouvante : un inconnu venait de faire irruption dans la mairie pour l'enlever de force. Les yeux écarquillés, elle murmura dans un souffle :

    " - Qu'est-ce qui t'as pris, Jérôme ?" ." Tiens, il s'appelle Jérôme. Que c'est original. Plus tard, elle lui fera respirer du poil de chien collant à n'en plus pouvoir, c'est mieux que des cornes sur la tête, mais ça se discute. Alors si vous avez un petit trajet Bordeaux-Montauban à faire en train vous pouvez toujours acheter Namouna ou la chaleur animale de Troyat, et n'oubliez pas de l'oublier sur le siège en descendant.

  • Lithium, fiançailles et parents; surlignez, ça fera du bleu.

    Nous aimerions savoir, cantalou, pourquoi s'impose à nous cette nécessité de mal considérer d'emblée tous ceux que nous croisons, que nous aimons, dont nous partageons la vie. Cela nous condamne au mutisme le plus total, à l'enfouissement de nos pages les plus cruelles et significatives. Quel étrange filtre, ou cache, se déploie ainsi aussitôt que nous transfusons notre vie dans les veines mortes de nos écrits. Nous en agissons de même avec nous-mêmes. Il faut que ce soit mauvais. Nous répandons sur tous les éclaboussures de notre purin. Pureté d'un côté, purin de l'autre. Jean-Benoît par conséquent m'attire et me rebute, le contraire et le double.

     

    PSYCHIATRIE

    Tous les mois, Zen subit ce qu'il appelle « son injection ». Le docteur Lamont la lui administre. J'ignore si Zen sait compter son argent. J'ignore s'il jouit de ses droits civiques. Mon autre ami Kolba reçoit la même. Il n'a jamais voté : conviction ? Déficience commune ? ils se supporteraient pas l'un l'autre. Zen vit sous curatelle et ne dispose que de 90 € par semaine. J'ignore s'il a le droit de vote. Pour payer, tendraient-ils tous les deux leur main couverte de monnaie : "Servez-vous". Manières de seigneur. Quels mystérieux mécanismes oblitèrent-ils la faculté de compter l'argent ? Cela entraîne-t-il un manque de discernement civique ? Juste après l'injection, tous deux se sentent mieux. Il y a cinquante ans, mes deux amis auraient hurlé dans leur camisole. Mon père aussi, à 75 ans passés, tendait sa bourse aux caissières, qui se servaient avec une exactitude scrupuleuse.

    Le lithium est le seul progrès neurologique authentique depuis les neuroleptiques de première génération.

     

    SES DEUX PARENTS

    Le père de Zen, confident et cuisinier, m'établit jadis (voici plus de cinq ans) un devis professionnel de haute qualité, soigneusement coté, sur un bâtiment à rénover. Il fut désappointé sans doute que je ne lui offre pas le traditionnel et somptueux repas qu'il escomptait en remerciement. A la place, et pour me dispenser d'un contact social trop prolongé, je lui offris un traité de cuisine polonaise moderne de 45€, qu'il n'a jamais consulté - comme si j'avais voulu, en somme, lui réapprendre son métier.

    La Maman de Jean-Benoît ("la mère" suivi d'un génitif m'ayant toujours semble de la plus abjecte scatologie) s'illustre par une distinction innée : c'est une Amsel de Beaumont). A ma grande confusion, l'odeur de pisse que j'ai cru venir d'elle un soir à table provenait en réalité d'infectes poiscailles au court-bouillon dans la cuisine de Pascale, qui nous réunissait souvent pour le repas. Un jour que la mère Amsel racontait la façon dont mourut son fils aîné, Albrecht Breuschenegg, le petit ashkénaze noiraud, l'a interrompu pour lui demander grossièrement de quel magasin provenait ce délicieux bracelet qu'elle portait. Une telle abjection manqua me faire sortir de mes gonds. Ce jeune homme est parti au Mexique avec sa fiancée, pour être présenté à toute sa famille, de l'autre côté des terres...