Proullaud296

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Cabanis et St-Simon

 

(Quoi de plus absurde) ...que ces usages codifiés jusqu'à la minutie ? Il faut donc que l'absurde devienne une loi intouchable et redoutable, faute de quoi, l'absurdité saute aux yeux, et c'est l'édifice qui s'écroule. Le roi recevait sur sa chaise percée ceux à qui il réservait le plus grand honneur. Du jour où l'on s'aperçut qu'il ne s'agissait que d'une simple chaise percée, la Révolution n'était plus loin. C'est ce que dit après bien d'autres l'auteur de Saint-Simon l'admirable. Et je pourrais ainsi achever ma rubrique, après avoir comme il se doit plus parlé du prétexte, Saint-Simon, que du texte. Mais il est une chose que je ne puis admettre sans réserve : la façon fort habile et parfaitement justifiable dont l'auteur nous tire notre échotier du côté de Dieu. En effet Saint-Simon aima beaucoup, dès sa jeunesse et jusqu'à la mort du saint homme, se retirer auprès de Rancé, moine terrible et réformateur de la Trappe. Il avait découvert le néant de toute chose, et plus spécialement de la vie de cour. Saint-Simon estimait par-dessus tout les gens qui se retiraient du monde et renonçaient à tout. Il faisait une différence entre ceux qui feignaient de s'en être retirés, et ne brûlaient en fait que de revenir en faveur auprès du roi, tels Fénelon, qu'il ne portait pas dans son cœur et dont il suspecta toujours la sincérité, et ceux qui, fût-ce au milieu de la cour et des honneurs, ne le recevaient qu'avec mépris au fond de leur âme et avec amour profond de Dieu : ainsi Chamillart, gendre de Colbert.

Nous avons d'autres sources, qui nous montrent Fénelon sous un autre jour, bien plus favorable, car ce noble prélat sut secourir les pauvres de son diocèse de Cambrai, et Chamillart sous des dehors moins favorables, car il sut bien faire sa pelote pour lui et sa famille avant de se déclarer ennemi de l'ambition... Mais il n'en demeure pas moins véritable que Saint-Simon, dans sa retraite de vieux, renonça lui aussi au monde et à ses pompes, tout en rageant d'avoir dû le faire. Nous ne saurions, dit en substance José Cabanis, reprocher au duc de Saint-Simon d'avoir fait le contraire de ce qu'il disait, et d'avoir dit le contraire de ce qu'il avait fait : n'en sommes-nous pas tous là ? Je ne saurais donc trop recommander la lecture de ce livre, en collection Folio : Saint-Simon l'admirable par José Cabanis, qui vous permettra de survoler la totalité de l'œuvre sans l'avoir lue, et de pénétrer dans ce monde magique et immensément exotique : la cour du Roi Soleil.

Et n'oubliez pas, lecteurs de la Clef des Ondes : afin de ne pas verser dans le travers de l'indignation a posteriori, je ne vous ai pas révélé que pendant que les duchesses se disputaient à savoir qui pourrait demeurer assise en présence du roi, le peuple de France bouffait l'herbe des chemins et les écorces d'arbres. Les gens de cour, tels les personnages de La Fontaine, sont des bêtes féroces. Ainsi, page 47 (le texte est de Cabanis, truffé de citatins guillemetées, que je ne relèverai pas nécessairement de la voix : « A ce même Conseil de régence, c'est Saint-Simon lui-même, lorsqu'il poursuit de sa hargne le duc de Noailles, qui lui vole dessus comme un oiseau de proie, alors que Desmarets, à l'époque où ce même duc l'attaquait, était à son tour une mouche chassée par l'araignée, et prête à tomber dans ses toiles. Mais ce duc de Noailles n'en était pas à une métamorphose près, puisqu'il s'identifiait, ni plus ni moins, au serpent d'Adam et Eve, « dont il conservait le venin parmi toutes les bassesses les plus abjectes. Si Nyert, nous l'avons vu, était un vieux singe, plus malfaisant qu'aucun des plus malins et des plus méchants de ces animaux, c'est seulement le visage d'un vieux singe qu'avait le comte de Gramont, mais c'était un même temps un chien enragé. Succèdent à ce bestiaire, page 94, des considérations presque autant raciales sur la légitimité des petits d'hommes : L'hérédité bafouée, chacun se donnant les héritiers qu'il voulait, c'était la licence et le bon plaisir introduits dans... - etc. vous trouverez tout cela facilement : « Folio » n° 2578. La tortue arrêtée.JPG

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