Proullaud296

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  • Ivresse et transmission

    BELA CHANTEUSE IVRE

    Il la mène à la baguette. La rabroue, la gourmande : "Ne vois-tu pas que tu déranges?" Nous étions lui et moi en plein échange, Jean-Benoît en interprète, moi en auditeur, sur mon petit fauteuil d'osier plastique véritable. Que de fois j'aurai somnolé sur ce siège. La couperose d'Isabelle, dans un relent de vin rouge. Piaf, La vie en rose et autres brames infects de récitals pour vieux. Jean-Benoît m'interrompt : "Cohnliliom, ne marche pas sur mes brisées". Mais quel plaisir peut-on avoir avec les femmes ? Trouver le trou, puis les laisser s'agiter sur vous, sans rien comprendre de ce qui les passionne. Qu'il est confortable mon Dieu de compter les poutres au plafond.

    Jamais je ne l'ai vue ivre. Mais c'est un besoin que j'ai. Elle tituberait, sa voix s'éraillerait. Jean-Benoît boirait à son tour, ce qui est hautement inconcevable. Il en mourrait, ou repartirait à Chaource. J'aurais parlé d'haleines fleuries, de titubations et de canards sauvages. Elle aurait la voix de Néron, grave et tremblotante. Il n'y a pas de sexe ici, juste des arrondis de chair sans bosses ni fissures. Il ne me tarde pas de la revoir. « Peut-on vivre sans sexe ? » demandait Jean-Benoît. Une femme répondait peut-être, et leurs deux fumées de Benson s'enroulaient dans l'espace. « Ce mercredi, je reçois Belinda. - Je préfère alors vous laisser travailler. » Délicate requête accordée pianissimo.

     

    Mon chien Pataud.JPGINTERPRETATIONS D'AUTRUI

    Remarquables. Interminables dégoulinades et débagoulades, clausules fades et pétrifiées, abus jadis de la pédale effaçant les imprécisions par brouillages d'harmoniques. Abus du rubato, masquant mal des hésitations bien réelles. Prestidigitateurs et voleurs à la tire sentent leurs doigts peu à peu grossir et perdre de leur infaillibilité. Comment se fait-il que tant de pianistes s'affinent avec l'âge et se renforcent, au point de ne plus savoir s'arrêter ? Jean-Benoît recommence autant de fois que nécessaire sitôt qu'il estime s'être fourvoyé. Voire du début, sans rien omettre. Depuis que nous nous connaissons, il ne le fait plus. Et qu'y a-t-il de plus noble, de plus pressant que de transmettre la totalité de sa vie ?

  • Retrouvailles

    Elle n'a pas internet. Dans quel état vais-je la retrouver. Une voix voilée. Je la préférerais voilée mais en bonne santé. Nous parlerons plus calmement. Nous trouverons toujours de quoi parler. C'est impressionnant, le contact humain. Ce n'est pas une simple déconnade pour passer le temps. Et pourtant. Jamais question de cul entre nous, ni même d'amour. "Copine", au sens ancien du terme. Nouveau sens : avec un copain, on partage le pain ; avec une copine... Lui offrir une peluche ? Pour l'annive ! demain, grand-messe, autre malade, et moi et moi et moi. Bonjour à droite et à gauche, "La Paix du Christ", mais je n'y crois pas, moi ! imposture, détachement. Cynisme ? Ah non, pas du tout, juste de moins en moins à dire, il semble que mes oeuvres ne soient pas indispensables à la marche du monde, mais je vous l'ai déjà dit. "J'ai peur que la race humaine ne soit pas le chef-d'oeuvre de Dieu", Dumas fils. Hier, nous avons mangé de la biche dans le Nivernais.

    Même bustee du Dr Parrical de Chammard.JPG

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  • On est tous des dingues

    Nos logeurs, prudemment retranchés côté paillasses, multiplient les bruits de vaisselle; assurément, ils ne recevront plus jamais, juré ! de locataires si mal embouchés, qui engloutissent leurs chocolats fumants sans le moindre compliment ni la moindre curiosité pour les curiosités du coin - moi je voulais sauver l'enfant – Lydie ? j'en aurais fait une petite fille bien forte, bien éduquée, européenne, adulée. Sans massacreuses. Les deux Gorgones à présent font chorus, soudées dans la même sottise. Plus tard cependant, Léna supprimera d'un coup la Custaline ou "calmant pour enfants", qui provoque parfois chez eux - carrément - des AVC - accidents vasculaires cérébraux...

    “Les éducateurs” (autre conversation) “cèdent tout aux jeunes cons de banlieue ; s'ils se font insulter, c'est le dirlo qui leur remonte les bretelles : « Vous ne savez pas vous y prendre » - le grand patron il s'en fout, il vit là-haut dans la Sarthe au milieu des paperasses « Moi ce qu'il me faut c'est du résultat. Du chiffre. "Et s'ils me disent merde ? - Vous n'aurez qu'à réviser vos méthodes d'approche. C'est votre faute à vous.” Les instructrices, humiliées, rabrouées, retrouvent après l'algarade leurs tortionnaires goguenards, victimes du racisme ressassent les journaux. Envie de virer tous les bronzés - en haine du laxisme. Qui parle en dernier a toujours raison.

    Lit défait.JPG

    Tous les arguments se valent. Je ne crois qu'en la foi. L'Occident s'effondre dans la Logique Absurde. La retraite, moi j'aime ; toute une carrière juste après la chute de l'Empire : premier poste, année scolaire 67-68... Fédora revient sur sa suppléance à Pontoise : « M'dame, on aime bien ce que vous dites, parce que vous balancez pas de conneries - celle d'avant, elle arrêtait pas de nous répéter qu'on avait de la chance d'être ici, qu'on s'occupait de nous, excursions, formations, ateliers, tout le bordel, mais c'est vous qui dites la vérité' («  non, vous n'avez pas de pot d'être ici ; parce que vous avez fait les cons, et vous restez en semi-liberté ; à la première gaffe c'est le juge et la taule ferme. Alors on se tient à carreau et on se fait oublier »)

    - M'dame, nous on aime bien ce que vous dites. » Je tends à Fédora une revue d'extrême droite (« il faut connaître ses ennemis ) elle refuse : “J'ai trop peur de me laisser convaincre” - à quoi ça tient tout de même. Les opinions de gauche(«pas de clandestin chez moi, ça va pas, non ? tu verrais comme c'est petit ! ») - si c'était plus grand, Fédora, que ferais-tu ? « Il n'y a plus de chorégraphie », dit-elle (ancien Premier Sujet), “juste une juxtaposition de numéros. “Toi, Mohammed, tu sais faire telle chose” (et uniquement telle chose) – oh ce que c'est bien ! tu fais ton petit truc dans le coin ; et toi Latifa, ton petit machin dans l'autre” - pourquoi pas, Fédora, pourquoi pas - que font-ils donc en Russie, les danseurs de trépak ? ...les uns plient les genoux, les autres sautent en extension, ils ne savent faire, eux aussi, qu'une seule et même chose....

  • Jacob

    Jacob est un prénom biblique. Tous ceux qui le portent ne sont pas nécessairement juifs. Il y avait un élève appelé Jacob, à Meulan. Le professeur d'allemand lui demandait sans cesse d'aller chercher l'échelle, afin de déployer l'écran des diapositives ou des petits films. Ce garçon au nez droit s'exécutait toujours avec docilité, s'amusant que ce fût toujours lui que l'on chargeait de cette corvée. Pas une fois il ne se douta de l'allusion pourtant claire aux familiers de la Bible, ou même simplement du catéchisme. Peut-être depuis a-t-il étudié la Torah. Notre collègue d'allemand se montrait méprisant pour ses élèves. Une fois, il se vanta de leur avoir fait goûter diverses marques de pâtés pour chiens, afin de leur apprendre les comparatifs : besser, schlechter.

    "Et ils l'ont fait, ces cons", disait-il. D'autres anecdotes à son sujet se trouvent dispersées dans mes Œuvres Complètes, que je pourvois de majuscules. Je n'ai pas connu le poète Max Jacob. Il est mort dans les camps. Il répétait volontiers : "Le pain azyme, boum boum". Les juifs m'attirent, mais je ne pourrai jamais le devenir, pas plus que breton : je suis lorrain, ce qui n'est pas incompatible avec la judéité. Il me semble que Metz comprend une importante communaut juive. La place d'armes est belle, mais le reste ne m'a pas semblé digne d'intérêt. Cependant mon grand-père Eugène parlait de sa cathédrale avec respect. Toute ma famille, de père et de mère, se rapporte à cet intervalle entre Metz et Verdun, ou Bar-le-Duc.

    Ma mère est née à Vavincourt, que son père à elle surnommait "vagin court". Ma mère n'apprit qu'à 50 ans, de ma bouche, l'existence du mot "vulve", qu'elle avait sans cesse appelé "vagin", selon une confusion faussement pudique généralement répandue dans le peuple. Il y avit une drôle d'odeur dans la salle de bain lorsque j'y succédais à ma mère. J'ai retrouvé cette odeur auprès de certaines chattes. Faut-il conclure que ma mère s'onanisait dans la salle de bain ? "Je me débrouille toute seule", disait-elle. Il m'a fallu du temps pour comprendre, là aussi. Elle demanda un jour à Mme Gautier, qu'elle voyait pour la première fois, si elle "avalait". "Non", répondit cette brave mère de famille.

    L'hippopotame vert.JPG

    Elles ne s'étaient jamais vues. Curieux premier contact. De même n'eut-elle aucune difficulté à recueillir de la bouche encore d'une jeune fille assez grosse, ma voisine, que mieux valait se satisfaire toute seule que de baiser avec n'importe quel braquemart de passage qui salope le boulot. Ainsi se confirmait ma crainte et ma connaissance de l'universalité des branlettes chez les filles, les femmes... Il m'a fallu du temps, toute la vie, pour considérer cela comme normal et naturel, et non pas spécialement destiné à me frustrer, à m'agresser, moi et tous les hommes qui pleurnichent et se trouvent bien à plaindre. En effet, nous tuons, nous violons, arguant de notre abandon. En réalité, nous violons parce que nous avons peur. Nous craindrions les effets de l'inépuisable appétit des femmes, appétit d'amour, de perte en l'autre et de mort à deux. Nous naviguons ainsi sans scrupule entre les clichés les plus éculés de la planète, pour ne pas dire les plus enculés. Enculer : encore un mystère, mais à bon marché. Que ressent-on, homme, à se faire enculer ? D'abord un sentiment d'utilité. On donne quelque chose, et on comprend ce que l'on donne, et, moi du moins, je ne bandais pas.

    Mais ensuite, je voulais que le partenaire me témoignât de la reconnaissance. Je modulais des gémissements interrogatifs, que l'autre traduisait : "Gilbert, tu m'aimes ?" Non, il se déchargeait en moi, après m'avoir caressé le périnée à la façon d'une vulve. En effet il existe chez l'homme un grand espace entre l'anus et les bourses. Il reprenait mes modulations, mais sans me répondre. Je ne sais pas si j'aurais pu devenir amoureux de lui, sans doute pas. Mais il m'aurait plu qu'il le soit, lui, en m'enculant. Que cette mémoire me retombe sur la tête. Toute écriture libre se replie nécessairement sur elle-même.

  • Déceptions chez Edgar POe

    « Tout cela fleure, encore une fois, et pour moi seul, l'insipide à plein nez. La poussière, le vêtement sale, le XIXe siècle cette fois-ci, en un mot. Où j'eusse étouffé. ...sur leur organisme, particulier, leur laideur, leur privation d'oreilles, appendices superflus dans une atmosphère si étrangement modifiée; - nous touchons là des abîmes d'hypothèses. Tout cela excitait les esprits à l' époque. De nos jours tout cela est si rebattu. De plus, Edgar Poe ne fait-il pas parler son personnage par prétérition ? « J'aurais pu ». Les auteurs sérieux, tels Michel Leiris, énumèrent toutes les raisons, puis en reviennent, en bons Bouvard et Pécuchet, à leur taillage de plumes : l'homme est seul devant la mort et devant sa glace, et c'est à lui de se démerder. Notre pensée ressemble à Hans Pfaall : elle bricole avec nacelle, panier, attaches serrées par des nœuds marins, découvre sur la Lune la même chose qu'ici-bas en moins bien, ne parvient pas à se déprendre de ses préjugés, conclut à l'inanité de toute chose, et va se recoucher avec ma femme sous sa couverture. ...conséquemment, sur leur ignorance de l'usage et des propriétés du langage, sur la singulière méthode de communication qui remplace la parole ; une langue de sourds-muets sans doute - sur l'incompréhensible rapport qui unit chaque citoyen de la lune à un citoyen du globe terrestre - voici du nouveau pour le coup Mister Poe, qui prouve le tort que j'avais d'avoir douté de votre perspicacité »

    Ce n'est pas plus crétin que le projet fou de Sarkozy de lier la mémoire d'un enfant juif massacré à la conscience d'un enfant contemporain. Nettement moins crétin, même : à qui en vérité serions-nous reliés, dans l'univers ? Où est notre moitié platonicienne, que nous recherchons toute notre vie ? Voici de quoi piquer notre curiosité, notre sensibilité, quelque chose de renouvelant. Qui suis-je dans l'azur ? par exemple. Tel est ce qui nous est venu à l 'esprit, ou à la bouche, après que nous eûmes relu ces Histoires extraordinaires d'Edgar Allan Poe (Allan était le nom de son père adoptif). Il a certainement touché de sombres thèmes ésotériques, éternels, depuis le crime commis en chambre close, jusqu'à l'errance interplanétaire, en passant par la traditionnelle chasse au trésor.

    L'escalier au plastique.JPG

    Nous allons à présent vous interpréter (tendez vos rouges tabliers) un petit extrait du Scarabée d'or, issu de la présentation : la mise en place d'un décor et de certains personnages, qui vont très vite se pencher sur un mystérieux grimoire, indiquant sous forme d'énigme et de jeu de piste l'existence d'un trésor de pirate. Voici Edgar Poe, sous la plume traductrice de Charles Baudelaire : « Cette île est des plus singulières. Elle n'est guère composée que de sable de mer et a environ trois milles de long. En largeur, elle n'a jamais plus d'un quart de mille. Elle est séparée du continent par une crique à peine visible, qui filtre à travers une masse de roseaux et de vase, rendez-vous habituel des poules d'eau. La végétation, comme on peut le supposer, est pauvre, ou, pour ainsi dire, naine. On n'y trouve pas d'arbres d'une certaine dimension. Vers l'extrémité occidentale, à l'endroit où s'élèvent le fort Moultrie et quelques misérables bâtisses de bois habitées pendant l'été par les gens qui fuient les poussières et les fièvres de Charleston, on rencontre, il est vrai, le palmier sétigère » (dont l'écorce pelucheuse présente une espèce de soie, je suppose)« ; mais toute l'île, à l'exception de ce point occidental et d'un espace triste et blanchâtre qui borde la mer, est couverte d'épaisses broussailles de myrte odoriférant, si estimé par les horticulteurs anglais. L'arbuste y monte souvent à une hauteur de quinze ou vingt pieds ; il y forme un taillis presque impénétrable et charge l'atmosphère de ses parfums."

    Soyez assurés que ces précisions botaniques sauront prendre plus tard toute leur importance.

    "Au plus profond de ce taillis, non loin de l'extrémité orientale de l'île, c'est-à-dire de la plus éloignée, Legrand s'était bâti lui-même une petite hutte, qu'il occupait quand, pour la première fois et par hasard, je fis sa connaissance. Cette connaissance mûrit bien vite en amitié, - car il y avait, certes, dans le cher reclus de quoi exciter l'intérêt et l'estime. Je vis qu'il avait reçu une forte éducation, heureusement servie par des facultés spirituelles peu communes, mais qu'il était infecté de misanthropie et sujet à de malheureuses alternatives d'enthousiasme et de mélancolie. Bien qu'il eût chez lui beaucoup de livres, il s'en servait rarement. Ses principaux amusements consistaient à chasser et à pêcher, ou à flâner sur la plage et à travers les myrtes, en quête de coquillages et d'échantillons entomologiques ; sa collection aurait pu faire envie à un Swam" trait d'union à la ligne – "merdam". - bravo le typographe.

  • Le Clédzzzzio fatigue vraiment

    Le Clézio vieillit. Vieillit bien ou mal, je ne sais. Toujours est-il qu'il y a bien du chemin entre son ancien Procès-Verbal, où il sacrifia aux prestiges de la mode (le récit déconstruit) tout en étant sincère, et son Histoire du pied ou Tempête, deux "novellas" ("longues nouvelles"), où se produisent à nouveau les histoires tropicales, bien exotiques et bien lisses, dont il nous avait déjà rassasié avec son enfance à l'île Maurice et ses oiseaux "paille-en-cul". La qualité de style est au rendez-vous, c'est un Prix Nobel tout de même, qui ne récompense pas je pense les auteurs particulièrement originaux, mais prise très fort les oeuvres amples et humanistes.

    Le petit seuil coquet.JPGLa première "novella" raconte l'histoire d'une de ces femmes pêcheuses, et pécheresses aussi parfois, qui plongent dans les êaux nippones pour amener en surface des coquillages comestibles, des perles, et tout ce qui brille. Sa fille la suit, fait l'amour avec une femme ou un homme car les pronoms personnels se font bien hésitants, et repart loin de son île toute noire en rêvant de belle Océanie tout encocotée. Parfois au fond de l'eau elle apercevait une fille géante, formée d'algues et de roches moussues, mais évidemment personne n'y aurait crut. Elle frayait aussi avec le grand dauphin gris, qui l'aidait à ses trouvailles avec le bout de son museau.

    Légende, mais qui vivrait sans légende ? Et lorsque ces femmes ou cette héroïne remonte de l'eau, la prise d'air dans les poumons ressemble à un gigantesque cri, eeeaaayaaah! : elles se sont à leur tour transformées en animaux marins. Comme de bien entendu, un tel moyen de gagner sa subsistance est en pleine décadence, parce que c'est contraire à l'hygiène pulmonaire et aux Droits de l'homme (et de la femme, croient bon de préciser les crétines). Résumé : on s'en fout. La seconde "novella" parle aussi d'un couple de très jeunes filles, Abigaïl surnommée Bibi (bien la peine de lui avoir choisi un prénom si classieux), et Je-ne-sais-plus-qui, fille adoptée, ou fille d'un viol, ce qui n'est pas sa faute, mais la fait détester plus ou moins de sa mère-qui-ne-veut-pas-être-sa-mère.

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    Cette adulte instable et vipérine vit avec un homme nécessairement lâche, ils se battent parfois à coups de couteaux ou de ciseaux ("on tombe beaucoup dans cette maison", observe la jeune narratrice à propos des visites du médecin de famille qui fait semblant d'y croire). Rivalité entre peut-être soeurs, mais peu importe l'histoire : depuis Barrage contre le Pacifique (pas lu, alors que Marguerite D. se commence par-là), après N'Diaye (Trois femmes puissantes, que je croyais moyen mais qui revient dans mes souvenirs, ce qui est bon signe), il est difficile de faire dans l'exotisme, fût-il bien écrit et suprêmemement sincère. Alors, soyons méchants : chaque habitat possède son folklore, Londres de Dickens, Paris de Balzac, paillettes et cruautés du milieu de la mode, et plaidoyers anticolonialistes.

    C'est bien. C'est trèèèès bien, comme disait l'éditeur dans Daninos. Mais cela commence à nous courir. Ne tournons plus autour du pot : les dernières productions de Le Clézio nous évoquent de plus en plus irrésistiblement (je viens de le trouver) "Thalassa, la magazine de la mer", la mer d'alors ou la mer de là-bas. Rien ne dérange dans cet exotisme-là: beau temps, blues, hamac, amour dans les arrière-boutique, Noirs ou Japs pittoresques, typhon, étreintes furtives et femmes abandonnées (puissantes, puissantes !), empreinte partout du gros homme blanc dégoûtant, marée haute marée basse, poiscaille, pieuvres et cancrelats, parfois un bon typhon, les pieds dans l'eau, le mal de vivre et le bonheur de vivre qui gonflent les poumons gauche et droit à la fois, coquillages et crustacés, et puis "le bruit de la mer - pour seule réponse"...

    Bref, on visite la boutique au souvenir d'Arcachon-Plage, Côte-d'Ivoire on the beach, voiliers, gondoles et canapés cherchez l'erreur. C'est beau, c'est bien, c'est lisse, c'est gris comme un ciel bleu voilé, ça détend mémé entre deux whiskies. Et j'entends d'ici mon auditrice et demie qui se plaint de la brièveté de la chose : le commentaire, le coït, la chose, quoi. Nous n'allons pas reprocher à Le Clézio son âge et ses siestes émaillées de subtilités psychologico-sensorielles. Nous sommes allés sous les tropiques et nous n'y avons pas trouvé d'épices. Heureusement, pour varier tout ça, nous avons la très relative nouveauté du contact Direct avec la Métropole ou "Merdopole"