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Le Clédzzzzio fatigue vraiment

Le Clézio vieillit. Vieillit bien ou mal, je ne sais. Toujours est-il qu'il y a bien du chemin entre son ancien Procès-Verbal, où il sacrifia aux prestiges de la mode (le récit déconstruit) tout en étant sincère, et son Histoire du pied ou Tempête, deux "novellas" ("longues nouvelles"), où se produisent à nouveau les histoires tropicales, bien exotiques et bien lisses, dont il nous avait déjà rassasié avec son enfance à l'île Maurice et ses oiseaux "paille-en-cul". La qualité de style est au rendez-vous, c'est un Prix Nobel tout de même, qui ne récompense pas je pense les auteurs particulièrement originaux, mais prise très fort les oeuvres amples et humanistes.

Le petit seuil coquet.JPGLa première "novella" raconte l'histoire d'une de ces femmes pêcheuses, et pécheresses aussi parfois, qui plongent dans les êaux nippones pour amener en surface des coquillages comestibles, des perles, et tout ce qui brille. Sa fille la suit, fait l'amour avec une femme ou un homme car les pronoms personnels se font bien hésitants, et repart loin de son île toute noire en rêvant de belle Océanie tout encocotée. Parfois au fond de l'eau elle apercevait une fille géante, formée d'algues et de roches moussues, mais évidemment personne n'y aurait crut. Elle frayait aussi avec le grand dauphin gris, qui l'aidait à ses trouvailles avec le bout de son museau.

Légende, mais qui vivrait sans légende ? Et lorsque ces femmes ou cette héroïne remonte de l'eau, la prise d'air dans les poumons ressemble à un gigantesque cri, eeeaaayaaah! : elles se sont à leur tour transformées en animaux marins. Comme de bien entendu, un tel moyen de gagner sa subsistance est en pleine décadence, parce que c'est contraire à l'hygiène pulmonaire et aux Droits de l'homme (et de la femme, croient bon de préciser les crétines). Résumé : on s'en fout. La seconde "novella" parle aussi d'un couple de très jeunes filles, Abigaïl surnommée Bibi (bien la peine de lui avoir choisi un prénom si classieux), et Je-ne-sais-plus-qui, fille adoptée, ou fille d'un viol, ce qui n'est pas sa faute, mais la fait détester plus ou moins de sa mère-qui-ne-veut-pas-être-sa-mère.

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Cette adulte instable et vipérine vit avec un homme nécessairement lâche, ils se battent parfois à coups de couteaux ou de ciseaux ("on tombe beaucoup dans cette maison", observe la jeune narratrice à propos des visites du médecin de famille qui fait semblant d'y croire). Rivalité entre peut-être soeurs, mais peu importe l'histoire : depuis Barrage contre le Pacifique (pas lu, alors que Marguerite D. se commence par-là), après N'Diaye (Trois femmes puissantes, que je croyais moyen mais qui revient dans mes souvenirs, ce qui est bon signe), il est difficile de faire dans l'exotisme, fût-il bien écrit et suprêmemement sincère. Alors, soyons méchants : chaque habitat possède son folklore, Londres de Dickens, Paris de Balzac, paillettes et cruautés du milieu de la mode, et plaidoyers anticolonialistes.

C'est bien. C'est trèèèès bien, comme disait l'éditeur dans Daninos. Mais cela commence à nous courir. Ne tournons plus autour du pot : les dernières productions de Le Clézio nous évoquent de plus en plus irrésistiblement (je viens de le trouver) "Thalassa, la magazine de la mer", la mer d'alors ou la mer de là-bas. Rien ne dérange dans cet exotisme-là: beau temps, blues, hamac, amour dans les arrière-boutique, Noirs ou Japs pittoresques, typhon, étreintes furtives et femmes abandonnées (puissantes, puissantes !), empreinte partout du gros homme blanc dégoûtant, marée haute marée basse, poiscaille, pieuvres et cancrelats, parfois un bon typhon, les pieds dans l'eau, le mal de vivre et le bonheur de vivre qui gonflent les poumons gauche et droit à la fois, coquillages et crustacés, et puis "le bruit de la mer - pour seule réponse"...

Bref, on visite la boutique au souvenir d'Arcachon-Plage, Côte-d'Ivoire on the beach, voiliers, gondoles et canapés cherchez l'erreur. C'est beau, c'est bien, c'est lisse, c'est gris comme un ciel bleu voilé, ça détend mémé entre deux whiskies. Et j'entends d'ici mon auditrice et demie qui se plaint de la brièveté de la chose : le commentaire, le coït, la chose, quoi. Nous n'allons pas reprocher à Le Clézio son âge et ses siestes émaillées de subtilités psychologico-sensorielles. Nous sommes allés sous les tropiques et nous n'y avons pas trouvé d'épices. Heureusement, pour varier tout ça, nous avons la très relative nouveauté du contact Direct avec la Métropole ou "Merdopole"

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