Lyon n'est que ruine et murailles noircies. Le chien lèche la main qui le frappe. La lance d'Achille guérit celui qu'elle a frappé. Puisque nous fûmes pour vous l'occasion d'un triomphe, notre ruine même nous plaît, ipsa ruina placet. C'est pousser loin la veulerie. Nous ne parvenons plus à descendre aussi bas sans encourir le mépris.
Nous compatissons, dans les Lettres, aux accablements du vaincu, mais nous n'admettons plus les chienneries. Romains bien étranges, si proches et lointains. A présent l'on pardonne, les transfuges s'ébattent sans états d'âme et nous préférons le cynisme, orné de nos sarcasmes. Change de camp, Sidoine, mais sans ramper. Tu ne connais pas l'impudence, qui rachèterait tout, est-ce une raison de te complimenter ? Quand vous monterez sur votre char de victoire et que, selon l'usage des ancêtres, les couronnes murales, vallaire, civique, muralis, uallaris, civica, noueront leurs lauriers sur votre chevelure sacrée – respirons. L'élan est donné, le ressort se détend, c'est le moment d'expliquer aux disciples l'énigme des trois couronnes : j'apprenais aux miens en cachette que le premier soldat à franchir le mur assiégé recevait une couronne "murale", à sauter le retranchement une couronne "vallaire".
Tout soldat sauvant la vie d'un citoyen romain recevait la "couronne civique". Les trois seraient en possession de Majorien. De même le général d'aujourd'hui arbore-t-il sur sa poitrine les décorations méritées par ses subordonnés. L'empereur rassemblait sur sa personne tous les honneurs. À se faire si souvent remplacer, pouvait-il recevoir autant de respect que ses glorieux prédécesseurs, Trajan, Marc-Aurèle ? Concentrait-il sur lui autant de rayons ? Sidoine est-il le seul à s'aveugler sur ce point, pathétique dans sa foi sans restriction ? Est-ce pour cela qu'il finit par se tourner vers Dieu, qui bien sûr ne décevra pas ? Et là, je suis bon ? quand le Capitole doré regardera les rois enchaînés, quand vous vêtirez Rome de dépouilles guerrières, quand vous ferez modeler divite cera dans une cire précieuse les gourbis captifs du nouveau Bocchus africain – quand nos banlieues déclameront Racine ou Marivaux, quand ma tête pensive dominera le monde, quand le miracle éclatera – qui es-tu, moulineur de phrases, que penses-tu, quels vœux pieux alignes-tu, crois-tu vraiment que le vieux cou de la divine Rome portera tant de colliers, que ta renommée littéraire dépassera les frontières de ta province, alors que les Barbares portent l'Histoire et le nouveau sens du monde...
Résister aux flots, ou se faire emporter, rappeler ses victoires d'avant ("Bocchus était le beau-père de Jugurtha" comme chacun sait, de qui Genséric le Vandale a-t-il épousé la fille, est-ce de Galla Placidia ?), de quoi nous sert l'Histoire ici à la rescousse de la préciosité, nous croulons sous tous ces casques, casse lui donc la gueule au Vandale Majorien Maximus, gonfle tes pectoraux, moi-même, à travers les foules massées sur votre passage et leurs acclamations enrouées, je vous précéderai et mes faibles chants, comme aujourd'hui, diront que vous avez dompté les deux Alpes et les Syrtes et la Grande Mer – tu te ferais fusiller, Sidoine, pour foutage de gueule, dans notre siècle. Nul n'accepterait tant de bassesse jointe à tant de grandiloquence. Nul n'accepte que le critique ne suive pas la voie juste, qui est de donner congé à ses préjugés, d'expliquer à l'ignorant l'âme de ces siècles d'autrefois, alors que je me contente et me gargarise de ma petite stupéfaction – le texte ou l'annotation venant à point soutenir ma faiblesse : les deux Alpes, ce sont les deux hautes montagnes, dont les Pyrénées... redescendre sur terre... se bloquer... les détroits et les hordes lybiennes, mais qu'auparavant vous avez vaincu pour moi. Le bouffon se déchaîne, le pitre étonne... V, 596, 59 11 23.
Nous ne voyons hélas les derniers vers du Panégyrique "Maioriano", s'éloignant cahotant tels ces derniers wagons de marchandises dandinés sur la voie, que pour pressentir d'autres flagorneries à venir. Je laisse éclater ma joie - boum ! - à vous voir maintenant tourner les yeux vers les malheureux et leur montrer un visage serein – cui cui !" Faisons bon visage aux tristes occupés de l'Afrique du Nord : Gros-Bras viendra cum exercitu suo, avec son armée, il vous délivera du gros, du concupiscent Genséric, et tout rentrera dans l'ombre. Il me souvient que vous aviez le même visage, quand vous consentiez à me faire grâce : il y a le reste du monde, et il y a Moi, Sidoine, ou moi-même, en parallèles constants.
Tout est personnalisé, moins dans une perspective poétique ou même politique qu'en perspective sociale. Vous m'avez fait grâce, alors que je luttais contre vous. La vie d'un homme, d'un empereur, d'un évêque, ne pesait pas lourd. Les glaives avaient du poids et tombaient sous les coups. "Cette douceur pleine de charme est d'un bon signe – mitis dat signa venustas. On flatte le tyran jusqu'en son aspect physique. Devais-je adopter ces attitudes ? Sidoine, es-tu préoccupé de toi ? Risques-tu beaucoup ? Tu as reçu des assurances, grouououpâmâ, je suis marié avec toi, les strates commentarielles se parasitent, écoutez ma prière et vos trophées rendront la vie à Byrsa, voilà, tapez sur Carthage pour la ressusciter, bien loin qu'il faille à présent la détruire, note 100 ! le Parthe s'enfuira tout de bon, bien loin de décocher "la flèche du Parthe" en se retournant sur la selle, et le Maure s'en ira blanc de crainte, tu vas blanchir les nègres là dis donc, ce bon goût ! ce bon goût !
Ah ! mariage de merde ! Union forcée ! Poétaillon ! Grande gueule et petit péteux ! Suse tremblera et Bactres, déposant à vos pieds ses carquois, car, quoi ? elle se tiendra désarmée auitour de votre tribunal. Et dans la foulée, Majorien conquerra la Chine et le Japon, et plus si affinités. Les jaunes et les bariolés se prosterneront devant cette petite butte sur laquelle le dux harangue ses troupes et reçoit les enseignes foulées aux pieds ! Ô sinistre impuissance des Hollande, Le Foll et autres petits saints, alors que Ricimer-le-Marché encule le monde à tout va, et que nul n'enraye la spirale ! Et l'on me dit que Sidoine, tout simplement imitait Claudien, le facteur de pianos, zongoran, ignorant de plus la géographie de "tous ces pays lointains" ! Il fut récompensé, le poète, il devint préfet de Rome, responsable de l'annone, id est l'approvisionnement en pain et en vin ! Une émeute le refroidit, le dégoûta de ces honneurs désormais efficaces ! Plus tard, il donnera du pain aux pauvres, sur les chemins d'Auvergne.