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der grüne Affe - Page 71

  • Citations à la louche

    sale,chateaubriand,pipicaca

     

    Juillet 1973

    1681. Arrière toutes ces vieilleries de ma vie ! J'en deviendrais fou à force de ruines: parlons du présent.

    CHATEAUBRIAND

    « Mémoires d'Outre-Tombe » XL, 5

     

    1682. May, écoutez : il ne faut pas neuf mois, il faut soixante ans pour faire un homme, soixante ans de sacrifices, de volonté, de... de tant de choses !... Et quand cet homme est fait, quand il n'y a plus en lui rien de l'enfance, ni de l'adolescence, quand vraiment, il est un homme, il n'est plus bon qu'à mourir.

    André MALRAUX

    « La Condition humaine »

    1683. Marxiste ou capitaliste, l'industrie ne pourra pas se développer infiniment. Il arrive un moment où les soldats de n'importe quelle Grande Armée commencent à avoir mal aux pieds. Les soldats de l'industrie ne feront pas exception.

    Emmanuel BERL

    1684. Si la mort n'était pas, il n'y aurait au monde rien de plus misérable que l'homme.

    LE TASSE

    cité par CHATEAUBRIAND « Mémoires d'Outre-Tombe » XLI, 2

     

    1685. Mon déjeuner solitaire en société des voyageurs repus, couchés sous ma fenêtre, aurait été selon mes goûts si une mort trop récente ne m'eût affligé: j'avais entendu crier la geline servie à mon festin. Pauvre poussin ! Il était si heureux avant mon arrivée ! Il se promenait parmi les herbes, les légumes et les fleurs ; il courait au milieu des troupeaux de chèvres descendues de la montagne ; ce soir il se serait couché avec le soleil, et il était encore assez petit pour dormir sous l'aile de sa mère.

    CHATEAUBRIAND

    « Mémoires d'Outre-Tombe » XLII, 1

     

    1686. Carrel n'était pas aussi irréligieux qu'on l'a supposé : il avait des doutes ; quand de la ferme incrédulité on passe à l'indécision, on est bien près d'arriver à la certitude.

    id. ibid. XLIII, 4

     

     

    1687. Prêt à terminer mes recueils et faisant la revue autour de moi, j'aperçois des femmes que j'ai involontairement oubliées ; anges groupés au bas de mon tableau, elles sont appuyées sur la bordure pour regarder la fin de ma vie..........................................................................

    CHATEAUBRIAND

    « Mémoires d'Outre-Tombe » XLIII, 5

     

    1688. L'homme n'a pas besoin de voyager pour s'agrandir ; il porte avec lui l'immensité. Tel accent échappé de votre sein ne se mesure pas et trouve un écho dans des milliers d'âme : qui n'a point en soi cette mélodie la demandera en vain à l'univers. Asseyez-vous sur le tronc de l'arbre abattu au fond des bois : si dans l'oubli profond de vous-même, dans votre immobilité, dasn votre silence, vous ne trouvez pas l'infini, il est inutile de vous égarer aux rivages du Gange.

    id. ibid. XLIV, 5

     

    1689. L'homme est aujourd'hui broyé, nivelé par la société : il n'est plus qu'un rouage, un numéro dans la masse de ses semblables. Mais pour son chien, il est unique. Il y a au moins un être au monde pour qui il existe, avec son odeur, sa voix, sa présence irremplaçables. Voilà pourquoi tant d'hommes ont besoin d'un chien : pour être quelqu'un.

    Isabelle RIVIERE

    « Un monde sans tendresse » - Article de « l'Echo de chez nous » - n° 184 -

    juillet-août 1973 – Journal interparoissial de 15 Champs-sur-Tarentaise

     

    1690. Ne prenez jamais la vie trop au sérieux : de toute façon, vous n'en sortirez pas vivant.

    Elbert HUBBARD

     

    1691. Je me suis détesté, je me suis adoré ; - puis nous avons vieilli ensemble.

    Paul VALERY

     

    1692. Mme Peloux n'avait pas déménagé depuis vingt-cinq ans et maintenait en leur place toutes les erreurs successives de son goût saugrenu et thésaurisateur.

    COLETTE

    « Chéri »

     

     

     

    1693. A tout moment il faut choisir entre la santé, la sagesse d'une part, et de l'autre les plaisir spirituels. J'ai toujours eu la lâcheté de choisir la première part.

    Marcel PROUST

    « la Prisonnière » p. 125

     

    1694. Pisser, c'est la jouissance du chaste.

    Louis JOUVET

     

    1695. Au fur et à mesure qu'elle croyait moins à la réalité du monde extérieur, elle mettait plus d'acharnement à chercher à s'y faire, avant de mourir, une belle position.

    Marcel PROUST

    « A la Recherche du temps perdu » - « Sodome et Gomorrhe » p. 624

     

    1696. Personne ne peut savoir ce dont il est capable avant d'être (var. « d'avoir été ») mis devant les faits.

    Lettre sans signature révélée parue dans « Tribune libre » sous le titre

    « Et finalement j'ai choisi de laisser vivre » in « La Vie catholique » n° 1459

    du 25 au 31 juillet 1973

     

    1697. Il n'est pas, en effet, d'exil au Pôle Sud, ou au sommet du Mont-Blanc, qui nous éloigne autant des autres qu'un séjour prolongé au sein d'un vice intérieur, c'est-à-dire d'une pensée différente de la leur.

    Marcel PROUST

    « A la Recherche du temps perdu » - « La Prisonnière » p. 211

     

    1698. La puissance d'un écrivain réside dans sa vérité.

    Jean ROUSSELOT

    « Edgar Allan Poe » - « Parmi les féroces Calibans »

    1699. [le] philosophe qui, Lautréamont nous le rappelle après Montaigne, ne fait jamais qu'expliquer et exploiter ce que le poète a découvert sans le chercher.

    Jean ROUSSELOT

    « Edgar Allan Poe » - « Des histoires extraordinaires »

     

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 33

    1700. Prends pour maître n'importe qui, mais pas l'amour.

    Dialogue français de « Cléopâtre »

    film de MANCKEWICZ

    Réplique de Marc-Antoine

     

    1701. Faire l'amour c'est se caresser jusqu'à la jouissance (et même au-delà). La pénétration du pénis dans le vagin est une caresse comme une autre.

    Michel MEIGNANT Ou Danièle DEZARD

    « Union vous donne ses conseils » - « Plusieurs mains »

    « Union » n° 14 d'août 1973

     

    1702. La rue, c'est pratiquement le seul endroit, à part l'usine parfois, où il peut se passer quelque chose, où d'ailleurs il se passe toujours un événement qui concerne tout le monde. C'est le seul endroit où les gens se rencontrent et sont à la fois anonymes, emprisonnés dans des tas de sustèmes et d'interdits mais, en même temps, où ils ont les possibilitésde toutes les libertés. Partout ailleurs, c'est-à-dire dans les maisons, les immeubles, les appartements, c'est la parcellisation totale, la famille, les règles strictes, les secrets. Tout cela ne m'intéresse pas. Ne m'intéresse que tout ce qui vient au grand jour.

    Il n'y a que dans la rue qu'il y a une situation constamment sur le qui-vive. IL n'y a que dans la rue qu'à chaque seconde le monde peut, pourrait, et parfois cela arrive, se transformer. Si tu fermes une rue, n'importe quelle rue au monde, sur dix mètres, tout un pays s'arrête. On l'a vu. On l'a expérimenté. On le sait. Si trente mecs décident de tout stopper (cette espèce de vis sans fin, de fluidité assez incompréhensible, assez magique) tout un mécanisme est stoppé net. Une société, toute une collectivité s'arrêtent parce que, en dix minutes, la rue d'à côté est bloquée : en un quart d'heure l'Etat envoie quinze cars de CRS, en deux heures on n'a pas encore pris de décision, en trois heures des barricades sont construites, en cinq heures les taxis se mobilisent pour aller sauver les blessés s'il y a des bagarres, les radios sont toutes sur place, les reporters et les auditeurs s'en emparent, l'ordre qui règne dans le pays et dans les têtes est tout à coup fêlé. Pour dix mètres de rue, tout un pays se pose la question de son existence, de sa vie, de ses illusions, de sa démarche, de son travail, de la domination qu'il subit ou qu'au contraire il fait subir, et pour moi, en moi, constamment, toute l'année, la rue provoque toutes ces questions et même toutes les questions.

     

    Gérard FROMANGER

    Interview du 23-8-1972 parue dans « Chorus » n° 10 de mai 1973

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 34

     

     

     

     

    1704. Une tentation avouée : Céline ; une nostalgie tue : Proust.

     

    Richard ZREHEN

    « San-Antonio, une figure de désir »

    dans « La Quinzaine littéraire » n° 169 d'août 1973

     

    1705. Calomnier un grand homme est, pour les médiocres, le plus prompt moyen d'arriver, à leur tour, à la grandeur. Il est probable que le scorpion ne serait jamais devenu une constellation , s'il n'avait eu le courage de mordre Hercule au talon.

    Edgar POË « Marginalia » Traduction Victor Orban

     

    1706. C'est ainsi qu'un jour des milliers de couples quitteront les villes, c'est ainsi qu'ils s'envoleront plus légers que des spores, plus légers que des bulles de savon vers les paradis qu'ils portaient en eux. Ils aborderont dans des vallons en forme de coquille où les dépressions du sol seront tout à fait semblable aux lignes de leurs paumes accolées. Certains vivront dans de minuscules maisons enfouies sous les arbres et écriront des livres absurdes, d'autres peindront des tableaux inutiles, d'autres encore composeront des opéras indéchiffrables. Certains s'installeront au bord de la mer pour écrire des poèmes sur le sable humide à la frange de la dernière vague, poèmes aussitôt effacés et chaque jour récrits pour être effacés à nouveau. Déjà ils profèrent des phrases ardentes auxquelles ils ne comprennent rien encore, ils avancent à la traîne de leurs hallucinations au milieu de ce zoo où radotent les perroquets et où gesticulent les singes. Ce zoo où les flics canalisent les peuples vers les musées et les bibliothèques, les obligeant à absorber des mots morts et à contempler des visions fanées.

     

    REZVANI

    «Les années Lula »

     

    En dessous, ces mots : « Le garder ? »

     

     

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 35

     

     

     

     

    1707. Ha ha ! Non, regarde-les ! Est-ce qu'ils ont une tête à avoir des enfants ? Pour avoir des gosses il faut être d'accord avec la société dans laquelle on vir, oui mon vieux.

     

    REZVANI

    «Les années Lula »

     

    1708. Un polémiste ne doit jamais selon moi chercher les occasions de se mettre en colère, parce qu'à ce moment-là on devient un spécialiste du courroux ce qui fait qu'on ne vous croit plus.

     

    Maurice CLAVEL

    Entretien, mars 1973 paru dans «Parapluie » de mai-juin-juillet-août 1973

     

    1709. Je veux avoir des ralation avec un homme pour sa nature, non pour ses idées.

     

    André MALRAUX

    « L'Espoir » 

     

    1710. Plus les sociétés sont répressives, plus ceux que l'argent ou la puissance mettent au-dessus des lois risquent de devenir déséquilibrés ou cruels.

    Ce n'est donc pas la liberté, américaine ou autre, qui doit, une fois de plus, être mise en accusation. C'est cette perversion fondamentale plantée dans le cœur humain par la civilisation imbécile du plaisir. Ceux qui, dès la prime enfance, ont été persuadés que leur joie, ou leur jouissance, au sens noble du mot, est un crime et met Dieu en colère, risquent de tomber un jour dans la monstrueuse confusion entre plaisir et souffrance qui a donné le sadisme, le masochisme et toutes les déviations de notre humanité tordue.

     

    Claude MANCERON

    « Barbe-Bleue » - « Morale du fait-divers »

    « Sud-Ouest Dimanche » n° 1254 du 26-08-73

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 36

    1711. La duchesse :

    Que Dieu te bénisse et mette dans ton cœur la douceur, l'amour, la charité, l'obéissance et la fidélité au devoir !

    Gloucester, à part :

    Amen ! Et qu'il me fasse mourir vieux bonhomme ! C'est la conclusion de toute bénédiction maternelle. Je m'étonne que Sa Grâce l'ait oubliée.

     

    William SHAKESPEARE

    « Richard III » II, 12 – Trad. F.V. Hugo

     

    1712. Tu es comme les camarades, tu cherches ton paradis, hein, le paradis qu'on vous devait, après la guerre ? Votre victoire, votre jeunesse, vos belles femmes. On vous devait tout, on vous a tout promis, ma foi c'était bien juste... Et vous trouvez quoi ? Une bonne vie ordinaire. Alors vous faites de la nostalgie, de la langueur, de la déception, de la neurasthénie... Je me trompe ?

     

    COLETTE

    « La Fin de Chéri »

     

    1713. Nous avons tant abusé du microscope pour étudier les hideuses excroissances et les honteuses verrues dont notre cœur est couvert, et que nous grossissons à plaisir, qu'il est impossible que nous parlions le langage des autres hommes. Ils vivent pour vivre, et nous, hélas, nous vivons pour SAVOIR.

     

    Charles BAUDELAIRE
    « La Fanfarlo »

     

    Septembre 1973

     

    1714. Les créateurs sont d'immenses angoissés qui doutent d'eux-mêmes et, quand je crée, je doute un peu de moi-même.

     

    Claude MANCERON

    « Claude Manceron qui êtes-vous ? » Entretien du Sud-Ouest Dimanche n° 1255 du 02-09-1973

     

     

     

    1715. La culture pour moi c'est la curiosité.

     

    Claude MANCERON

    « Claude Manceron qui êtes-vous ? » Entretien du Sud-Ouest Dimanche n° 1255 du 02-09-1973

     

    1716. Aphorisme : il n'y a pas de héros, il n'y a que des bourreaux feignants [sic] . Quand un bourreau le veut vraiment, le supplicié parle. Et ne crève qu'après, s'il doit crever.

    CAVANNA

    « Je l'ai pas lu, je l'ai pas vu... mais j'en ai entendu causer » - « Les capitulards »

    Article de Charlie-Hebdo n° 147 du 10-09-1973

     

    1717. Et Yakir ? Oh ben, celui-là... Il avait qu'à pas y aller. Quand on est lâche, faut pas jouer les héros. D'abord, on n'y a aucun plaisir parce qu'on a tout le temps tellement peur, ensuite c'est toujours vous que les flics ramassent parce que justement ils vous savent lâche et ça sera moins fatigant, troisièmement les coups ça fait vraiment aussi mal qu'on l'avait imaginé et même encor eplus, quatrièmement après ça t'as honte parce que t'as parlé, et pour finir tout le monde te traite de lâche et c'est justement parce que tu en avais marre de ça que tu t'étais lancé dans l'héroïsme. Bien fait pour lui.

    id. ibid.

    1718. Il est désastreux de constater que dans ce monde le fusil mitrailleur l'emporte sur le bulletin de vote. C'est u peu de l'honneur de l'humanité qui est mort, mardi, dans les rues de Santiago.

    Christian CASTERAN

    Journaliste de « La Croix »

    1719. L'homme est périssable. Il se peut ; mais périssons en résistant, et, si le néant nous est réservé, ne faisons pas que ce soit une justice.

    SENANCOUR

    « Oberman » (?) « Supplément de 1833 » - Lettre XC – Imenstròm, 28 juin, X [27-08-1985]

     

     

     

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 38

     

     

     

     

    1720. La démocratie n'existe pas. Menteurs, sales menteurs qui nous l'enseignez, vous nous la faites révérer comme le suprême idéal pour lequel il faut vivre et mourir ! La démocratie n'existe pas. N'a jamais existé. Ne peut pas exister. Le peuple du Chili a cru à la démocratie. A joué le jeu. Loyalement. A choisi. Ceux qu'il a choisis, démocratiquement, ne sont pas ceux qu'il aurait dû choisir, que ses maîtres attendaient de lui qu'il choisît. L'armée lui rentre la démocratie dans la gueule à coups de baïonnettes. La démocratie n'existe pas, ne peut aps exister, là où il y a l'armée. N'importe quelle armée. N'importe quelle police armée. A partir du moment où l'armée existe, où l'armée est là, pesant de toute son énorme masse noire, sinistre et noire, tout est foutu.

     

    CAVANNA

    « je l'ai pas lu, je l'ai pas vu... mais j'en ai entendu causer » - « Loyale » -

    Charlie-Hebdo n° 148 du 17-09-1973

     

    1721. Il n'y a pas la nature et l'Homme, ennemis ou alliés ou quels que soient les rapports qu'on leur prête. Il y a la nature DONT l'homme.

    C. [AVANNA ?]

    « Si c'est pas vrai je suis un menteur » Article de Charlie-Hebdo n° 148 du 17-09-1973

     

    1722. Que s'est-il passé ?

    Où va-t-il ?

    Tout a craqué !

    Il est fou !

    Il en a assez !

    Il est parti.

    Il part où son imagination

    Son imagination d'enfant

    Le pousse.

    Il n'y va pas

    Il y court

    Il y galope

    Le visage au vent.

    Il crie

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 39

     

     

     

     

    Il souffle

    Dans son cœur

    Un trou béant

    Il s'arrête mort.

    Mort de quoi ?

    Mort de vie ?

    Son enfance est morte !

    Il est homme

    On lui dira Monsieur

    Les « petits » ça fait jeune hommes

    Les « jeunes hommes » c'est fini

    C'est comme les petits.

    Il repart.

    Il va où son imagination

    Son imagination d'adolescent

    Son imagination d'homme

    Le pousse.

     

    GREGOIRE D.

    14 ans ½, 3è de CEG - « Que s'est-il passé ? » - Poésie

    Roger Beaumont – Nouvelle Revue Pédagogiquen° 1 de septembre 1973

     

    1723. Je ne veux pas que vous sachiez

    Que j'ai la flemme, monsieur,

    La flemme d'écrire, de travailler

    Je vous jure que ça me peine, monsieur,

    Je ne veux pas que vous sachiez

    Que je suis malheureux, madame,

    Malheureux d'être et d'exister

    Malheureux d'être peureux, madame.

     

     

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 40

     

     

     

     

    Je ne veux pas que vous sachiez

    Que je vais mourir, monsieur, madame,

    Je vais mourir par le siècle asphyxié,

    Je vais mourir du pire, monsieur, madame.

    Je ne veux pas que vous sachiez

    Que je veux rire, monsieur, madame,

    Je veux rire de tout et ne plus me torturer,

    Je veux rire de la mort, madame, monsieur.

     

    Mais je veux que vous sachiez

    Que je veux AIMER

    Vous tous qui êtes las de m'écouter

    aimer à en perdre le souffle, aimer !!!

     

    GREGOIRE D.

    14 ans ½, 3è de CEG, « Poésie » - Roger Beaumont

    Nouvelle Revue Pédagogique n° 1 de Sept. 1973

     

    1724. D'ailleurs, n'a-t-on pas abusé du « renseignement » ? L'histoire absorbera bientôt toute la littérature.

     

    Gustave FLAUBERT

    Préface aux «Dernières Chansons » de Louis Bouilhet, I

     

    1725. La gloire d'un écrivain ne relève pas du suffrage universel, mais d'un petit groupe d'intelligences qui à la longue impose son jugement.

     

    id. ibid. III

    1726. Il tâchait de bien penser, afin de bien écrire.

    id. ibid. IV

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 41

     

     

     

     

    1727. La femme est ce que l'on a trouvé de mieux pour remplacer l'homme quand on a la déveine de ne pas être pédéraste.

     

    Boris VIAN

    « Appendice et pièces justificatives » n° 5 dans « Textes et chansons »

     

    1728. Le seul « idéal » pour lequel un homme à tête d'homme doit vivre et peut même se permettre de mourir : le bonheur sur cette terre et tout de suite.

     

    Noël ARNAUD

    Postface à «Textes et chansons » de Boris Vian

     

    1729. Je distingue les génies doués et les génies pas doués. « Le génie est une longue patience », c'est une réflexion de génie pas doué.

     

    Boris VIAN, voir plus haut, n° 1

     

    1730. S'il pleuvait des larmes

    Lorsque meurt un amour

    S'il pleuvait des larmes

    Lorsque des cœurs sont lourds

     

    Sur la terre entière

    Pendant quarante jours

    Des larmes amères

    Engloutiraient les tours

     

    S'il pleuvait des larmes

    Lorsque meurt un enfant

    S'il pleuvait des larmes

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 42

     

     

     

    Au rire des méchants

     

    Sur la terre entière

    En flots gris et glacés

    Des larmes amères

    Rouleraient le passé

     

    S'il pleuvait des larmes

    Quand on tue les cœurs purs

    S'il pleuvait des larmes

    Quand on crève sous les murs

     

    Sur la terre entière

    Il y aurait le déluge

    Des larmes amères

    Des coupables et des juges

     

    S'il pleuvait des larmes

    Chaque fois que la mort

    Brandissant ses armes

    Fait sauter les décors

     

    Sur la terre entière

    Il n'y aurait plus rien

    Que des larmes amères

    Des deuils et du destin.

     

    Boris VIAN

    « S'il pleuvait des larmes » in « Textes et chansons »

     

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 43

     

     

     

     

    1731. La bigamie c'est d'avoir une femme de trop. La monogamie aussi.

    HEYWOOD

     

    1732. Dans la Recherche, comme peut-être dans toutes les grandes œuvres d'art, la vraie fonction de l'imagination est, paradoxalement, non pas d'imaginer – au sens d'inventer ou de transformer – mais de voir : de voir la réalité que nous cachent l'habitude et le monde des phénomènes.

    George D. PAINTER

    «Marcel Proust » t. I ch. XIII « L'Affaire Dreyfus »

     

    1733. Très loin d'avoir été un dilettante ou un esthète, Ruskin fut précisément le contraire, un de ces hommes à la Carlyle, avertis par leur génie de la vanité de tout plaisir et, en même temps, de la présence auprès d'eux d'une réalité éternelle, intuitivement perçue par l'inspiration...

    id. ibid. ch. XIV « le Salut par Ruskin »

     

    1734. ...Durant toute son existence, [Proust] a cherché dans l'art une « réalité plus profonbde où notre personnalité trouve une expression que ne lui donnent pas les actions de la vie. »

    Georges CATTAUI

    « Marcel Proust vu par George D. Painter » (Préface au « Marcel Proust ») -

    (Citant Proust ou Painter)

    1735. Le fils du Léopard comprit que les Nains Rouges voulaient la guerre et la mort. Il ne s'en étonnait pas : de tout temps, les Oulhamr n'avaient-ils pas tué les hommes étrangers qu'ils surprenaient près de la horde ? Le vieux Giûn disait : «  Il vaut mieux de laisser la vie au loup et au léopard qu'à l'homme ; car l'homme que tu n'as pas tué aujourd'hui, il viendra plus tard avec d'autres hommes pour te mettre à mort. » Naoh ne reviendrait pas mettre à mort les Nains Rouges, s'ils lui laissaient la route libre, mais il comprenait bien qu'ils devaient le craindre.

    D'ailleurs, il savait aussi que les hommes de deux hordes se haïssent naturellement plus que le rhinocéros ne hait le mammouth.

     

    J.H. ROSNY Aîné

    « La Guerre du feu » - IIIè partie ch. 2

    « L'Arête granitique »

     

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 44

    1736. Quand verrai-je les îles où furent des parents ?

    Le soir, devant la porte et devant l'océan

    on fumait des cigares en habit bleu barbeau.

    Une guitare de nègre ronflait, et l'eau

    de la pluie dormait dans les cuves de la cour.

    L'océan était comme des bouquets en tulle

    et le soir triste comme l'Eté et une flûte.

    On fumait des cigares noirs et leurs points rouges

    S'allumaient comme ces oiseaux au nid de mousse

    dont parlent certains poètes de grand talent.

    O Père de mon Père, tu étais là, devant

    mon âme qui n'était pas née, et sous le vent

    les avisos glissaient dans la nuit coloniale.

    Quand tu pensais en fumant un cigare

    et qu'un nègre jouait d'une triste guitare

    mon âme qui n'était pas née existait-elle ?

    Etait-elle la guitare ou l'aile de l'aviso ?

    Etait-elle le mouvement d'une tête d'oiseau

    caché lors au fond des plantations

    ou le vol d'un insecte lourd dans la maison ?

     

    Francis JAMMES

    « De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir »

    « Quand verrai-je les îles... »

     

    Octobre 1973

     

    1737. Il suggère alors que la valeur d'une lecture d'enfance ne tient pas tant au livre lui-même (ce n'est que le Capitaine Fracasse de Théophile Gautier) qu'aux souvenirs inconsciemment conservés grâce à elle, qui sont « tellement plus précieux à notre jugement actuel que, s'il nous arrive encore aujourd'hui de feuilleter ces livres d'autrefois, ce n'est plus que comme les seuls calendrier des jours enfuis, et avec l'espoir de voir reflétées dans leurs pages les demeures et les étangs qui n'existent plus. »

     

    George D. PAINTER 

    « Proust » - II, II « »Mort d'une mère » - (citant Proust)

     

     

    1738. Nous ne boirons plus l'eau de la mer, car nos larmes sont tombées dedans.

    Elaine GREFFULHE,

    « Poèmes en prose » 5 ans ½

     

    1739. L'art est ce qui console le mieux de vivre.

    Théophile GAUTIER

    « Albertus » - Préface

     

    1740. L'immense appétit que nous avons pour les biographies naît d'un sentiment profond de l'égalité.

    Charles BAUDELAIRE

    « L'Art romantique » IX « Pierre Dupont »

     

    1741. Pourquoi le nom de celui-ci est-il dans toutes les bouches, et le nom de celui-là rampe-t-il encore ténébreusement dans des casiers de librairie, ou dort-il manuscrit dans des cartons de journaux ? En un mot, quel est le grand secret de Dupont, et d'où vient cette sympathie qui l'enveloppe ? Ce grand secret, je vais vous le dire, il est bien simple : il n'est ni dans l'acquis ni dans l'ingéniosité, ni dans l'habileté du faire, ni dans la plus ou moins grande quantité de procédés que l'artiste a puisés dans le fonds commun du savoir humain : il est dans l'amour de la vertu et de l'humanité (...)

    id. ibid.

     

    1742. Depuis ces dix ans, nous avons eu tous dans nos vies bien des chagrins, bien des déceptions, bien des tortures. Et pour aucun de nous ne va sonner un heure où nos chagrins seront changés en ivresses, nos déceptions en réalisations inespérées et nos tortures en triomphes délicieux. Je serai de plus en plus malade, les êtres que j'ai perdus me manqueront de plus en plus, tout ce que j'avais pu rêver de la vie me sera de plus en plus inaccessible. Mais pour Dreyfus et pour Picquart la vie a été providentielle, à la façon des contes de fées. C'est que nos tristesses reposaient sur des vérités, des vérités physiologiques, des vérités humaines et sentimentales. Pour eux, les peines reposaient sur des erreurs. Bienheureux ceux qui sont victimes d'erreurs judiciaires ou autres ! Ce sont les seules humains pour qui il y ait des revanches et des réparations.

     

    Marcel PROUST 

    Lettre à Mme Straus (1906)

     

     

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 46

     

     

     

     

    1743. La sagesse serait de remplacer toutes les relations mondaines et beaucoup de voyages par la lecture de l'Almanach de Gotha et de l'Indicateur des chemins de fer.

     

    Marcel PROUST

    “Journées de lecture” Article du Figaro 20 03 1907

     

    1744. Chaque jour, j'attache moins de prix à l'intelligence. Chaque jour je me rends mieux compte que ce n'est qu'en dehors d'elle que l'écrivain peut ressaisir quelque chose de nos impressions, c'est-à-dire atteindre quelque chose de lui-même et la seule matière de l'art.

     

    id. “Contre Sainte-Beuve” - Préface

     

    1745. Ce qui avait entraîné la faillite de Jean Santeuil et des esquisses romanesques de 1905-8, c'était son abandon à “l'idolâtrie”, c'est-à-dire au fait d'adorer des images au lieu de la divinité qu'elles représentaient, son incapacité de sonder les profondeurs du réel, sa tentative de compenser le manque de vérité par la beauté du style.

     

    George D. PAINTER 

    “Marcel Proust” - II, VII, “Le thé et la madeleine”

     

    1746. Comme tout grand écrivain, Proust cherchait à assurer son salut au moyen de sa seule œuvre, par un dialogue personnel avec Dieu.

     

    id., ibid. XIII, “Le puits de Sodome”

     

    1747. Le style, ainsi que l'affirme Proust, doit être renouvelé par chaque écrivain, puisqu'il ne consiste pas à adhérer à un modèle classique, mais réside dans le moment où l'écrivain s'identifie à son sujet.

    id., ibid. XV, “La femme noire”

     

    1748. Le salut ne se trouve que sur le bord de la tombe

    id. ibid.

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 47

     

     

     

     

    1749. Il ne faut jamais avoir peur d'aller trop loin, car la vérité est au-delà.

     

    MarceL PROUST 

    Lettre à Curtius – Septembre 1922

     

    1750. L'emmerdant chez les révolutionnaires c'est qu'ils admettent à peu près tous comme une nécessité, comme une norme, les restrictions temporaires à la liberté d'autrui. Pourtant, si tu gueules pas chaque fois qu'on touche à la liberté, pas seulement du copain, pas seulement du neutre, mais de l'adversaire, si tu la fermes parce que ça t'arrange, t'es déjà en train d'obéir, t'es déjà eu, t'es déjà plus libre. Et tu le redeviendras pas de sitôt. Seulement voilà, le grand attrait de la révolution violente, pour les trois-quarts des effectif révolutionnaires, c'est qu'elle octroie à chaque militant la perspective, le droit, le devoir de commettre l'injustice. On ne fait pas d'omelette, paraît-il, sans casser des œufs. Le maniement des “sentiments collectifs” fait partie des moyens qu'il faut s'obliger à employer, si l'on veut être efficace. Ça fait mûrir le fruit. Mais ça le fait pourrir après.

     

    FOURNIER

    “Où on va ? J'en sais rien, mais on y va.”

     

    1751. Le salut n'est parfois acquis dans le monde matériel qu'au moment où l'on pardonne et où l'on, est pardonné, moment qui, pour Proust, fut celui de la mort. Maintenant, non seulement son œuvre, comme il l'avait prédit, mais sa vie, étaient éternellement vivants, les deux Côtés s'étaient rejoints. Le Côté de Méséglise et le Côté de Guermantes, le “moi” avec lequel nous sommes nés et le “moi” que nous acquérons, se rejoignent toujours à la fin, pour les plus rares et les plus grands, dans une œuvre d'art, pour chacun dans la mort ; mais, pour trouver leur point de jonction, leur unité, nous devons d'abord les traverser, parmi les êtres, les lieux et les choses, dans le Temps.

    George D. PAINTER

    “Proust” - II, XVII, “Les deux côtés se rejoignent”

     

    1752. L'artiste... ne doit interroger que lui-même, et ne s'exprimer que lorsuqi'l en ressent l'obligation.

    Pablo CASALS

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 48

     

     

     

     

    1753. La religion catholique est la seule qui consacre l'indissolubilité du mariage, mais c'est parce qu'il est dans l'esprit de cette religion d'imposer la douleur à l'homme sous mille formes différentes.

     

    Mme de STAËL

     

    Novembre 1973

     

    1754. J'ai maintenant la certitude que l'âme s'exprime dans l'ombre et le silence. Le personnage légendaire et absurde qu'on nous invente nous protège, on le pousse de force sur l'estrade de l'actualité. Il s'y repose à notre place et reçoit les coups qu'on nous destine.

    Mon conseil à la jeunesse est de vivre entre chien et loup.

     

    Jean COCTEAU

    “Conseil à la jeunesse” 31-10-1959 dans “Had” n° 17 de novembre 1973

     

    1755. Où il y a les juges, il y a l'injustice.

     

    TOLSTOÏ

    “La Guerre et la Paix”

     

    1756. ...Nous sommes des lâches. Par l'entêtement de notre présence, nous gâchons tout.

     

    L.J. LAPLACE

    “Le poète sacrifié”

     

    1757. Au début j'étais là, avec mes illusions,

    et l'on m'avait appris qu'enseigner voulait dire

    enfoncer dans des crânes des idées toutes faites.

    Comme j'aurais aimé que ce fût aussi simple,

    que mes élèves docilement répètent

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 49

     

     

     

     

    des formules que moi-même je savais par cœur...

    Mais ce sont mes élèves qui m'ont beaucoup appris :

    Qu'autorité ne veut rien dire

    quand on n'est pas maîtresse de soi-même,

    que la science ne veut rien dire

    quand on ne se connaît pas soi-même,

    que morale ne veut rien dire

    puisqu'elle change à chaque pas...

    Les jours ont succédé aux jours pour qu'enfin je comprenne...

    Qu'avais-je à proposer comme exemple de vie,

    moi qui déjà, fuyais ma société pourrie ?

    Il ne me restait plus vraiment que mon cœur

    à leur donner sur le seuil de leur vie...

     

    Arlette FOURNIER

    Kermesse”

     

    1758. ...il avait acquis une nouvelle, une consolante vérité ; il avait découvert qu'il n'y a rien au monde de vraiment effrayant. Il avait découvert en même temps que s'il n'y a au monde aucune situation dans laquelle l'homme puisse être parfaitement heureux et libre, il n'y en a aucune dans laquelle il puisse être complètement malheureux et esclave. Il avait compris qu'il y a une limite à la souffrance et une limite à la liberté et que ces limites se touchent...

     

    TOLSTOÏ

    “La Guerre et la Paix” - Livre 4è – 2è partie – ch. XII

    1759. Si vous voulez empoisonner votre enfant, faitets-luui boire, à haute dose, votre bonheur.

     

    MAKARENKO

     

    1760. La beauté ne fait pas l'amour, c'est l'amour qui fait la beauté.

    TOLSTOÏ - “La Guerre et la Paix” Epilogue – 1è partie ch. IX

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 50

     

     

     

     

    1761. L'horreur de l'homme pour la réalité lui a fait trouver ces trois échappatoires : le vin, l'amour, le travail.

     

    Edmond et Jules de GONCOURT

    “Journal”

     

    1762. L'obligation de produire aliène la joie de créer.

     

    SLOGAN sur un panneau de signalisation (Cambes)

     

    1763. Il est très difficile d'entrer dans le mécanisme de la création, surotut pou rle créateur.

     

    Maurice BEJART

    N° spécial des “Saisons de la Danse” (Disque)

     

    Décembre 1973

     

    1764. C'est l'attente insipide

    Que vous nommez espoir.

     

    Frank HELIE

    “Lettre à ne pas brûler” Eurêka n° 32 de décembre 1973

     

    1765. O mon âme ! Le poëme n'est point fait de ces lettres que je plante comme des clous, mais du blanc qui reste sur le papier.

     

    Paul CLAUDEL

    “Cinq Grandes Odes”, I

     

    1766. Ayant payé mon tribut au “modernisme”, j'acquis la conviction que certaines tendances modernistes n'avaient aucun avenir. C'est un art mort qui n'a produit aucune souche

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 51

     

     

     

     

    vive en cinquante ans. L'art moderniste n'a pas su gagner la sympathie du public ni chez nous, ni à l'étranger, malgré tous les efforts d'une propagande obstinée. Il est d'autant plus regrettable d'y voir succomber parfois des compositeurs de talent, des artistes sincères, comme par exemple Alban Berg, que j'ai connu personnellement et dont la sincérité ne saurait être mise en doute. J'ai été très fortement impressionné par son opéra Wozzek, joué vers 1920 au Théâtre Marie à Léningrad. Alban Berg ne cherchait pas à suivre une mode, et pourtant l'influence néfaste des idées modernistes étouffait son immense talent, l'empêchait de s'exprimer à pleine voix. Le modernisme a pour effet de niveler la création. Ayant lu une masse de partitions, appartenant à des compositeurs de la tribu moderniste, je me suis aperçu qu'elles offraient toutes “le même visage”, que la personnalité créatrice de l'auteur ne pouvait pas s'y exprimer...

     

    Dimitri CHOSTAKOVITCH

    (écrit en 1937)

     

    1767. Tout de suite, être le plus grand et savoir, de toute éternité, avec la vraie science de l'instinct, que jamais, au grand jamais, on ne sera le plus grand.

     

    Henri-François REY

    Les Pianos mécaniques, III

     

    1768. J'ai passé ma vie à dire n'importe quoi. Mon malheur, c'est que, neuf fois sur dix, ça fait quand même son effet.

    id. ibid.

     

    1769. S'inventer une idée fixe. C'est ça, donner un sens à sa vie.

    id. ibid. IV

     

    1770. Un jour, les hommes seront délivrés de la peur de la mort. En attendant, il faut composer. Et j'essaie de composer, mais c'est difficile.

    id. Ibid.

     

    1771. Donner un sens à sa vie qui soit tel qu'à l'heure de la mort on n'ait strictement BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 52

     

     

     

     

    rien à regretter. Bien plus, que la mort soit des grandes vacances. Et être sûr de ne pas se tromper à ce moment-là. C'est difficile.

     

    Henri-François REY

    Les Pianos mécaniques - IV

     

    1772. On devrait interdire le tourisme : ça salit tout, ça avilit tout.

    id. ibid.

     

    1773. Je crois que je n'ai jamais aimé personne, dit Vincent.

    Et vous en crevez. Alors que vous devriez pavoiser !

    id. ibid.

     

    1774. ...l' “art, ingénieux consolateur” : “Ses mensonges sont les seules réalités, et, pour peu qu'on les aime d'un amour véritable, l'existence de ces choses qui sont autour de nous et qui nosu subjuguaient, diminue peu à peu ; le pouvoir de nous rendre heureux ou malheureux se retire d'elles pour aller croître dans notre âme où nous convertissons la douleur en beauté.

     

    Marcel PROUST 

    Chronique de mars 1892 citée par Lagarde et Michard in “XXe siècle”, “Marcel Proust” - “Les études” - “Vers la littérature”

     

    1775. De la discussion ne jaillit jamais la lumière.

    Henri-François REY

    Les Pianos mécaniques XII

     

    1776. On n'existe que dans les rapports avec les autres.

    id. ibid. XV

     

    1777. - Alors, quoi ?

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 53

     

     

     

     

    Tu n'as qu'à changer, dit Daniel.

    C'est pas si facile que ça. “

    Daniel s'agita sur son banc.

    “ Y a qu'à dire qu'on change, c'est tout.

     

    Henri-François REY

    Les Pianos mécaniques XVI

     

    1778. Avoir le courage d'avoir le courage, la volonté d'avoir la volonté, c'est toujours le même problème.

    id. Ibid.

     

    1779. Saphus au cheveux d'ambre, aux yeux de mauvais ange

    Est gras, blême et malsain comme un grand nénuphar.

    Poète de Lesbos, ses vers sentent le fard,

    Le cold-cream et parfois un parfum plus étrange.

    Jean LORRAIN

     

    1780. Ce n'est pas parce qu'on n'a rien à dire qu'il faut le garder pour soi.

    Raymond DEVOS

     

    1781. (Ah, petit, jamais tu ne te débarrasseras de ce sentiment-là. Tu es coupable, tu es coupable ! A chaque fois que tu sortiras de chez toi, tu sentiras derrière toi un regard réprobateur qui te criera de revenir en arrière ! Tu iras par le monde comme un chien attaché par une longue laisse ! Et même quand tu seras loin, tu sentiras toujours le contact du collier sur ta nuque ! Et même quand tu passeras ton temps avec des femmes, même quand tu seras avec elles dans leur lit, il y aura une longue laisse à ton cou et quelque part au loin ta mère en tiendra l'extrémité et sentira au mouvement saccadé de la corde les mouvements obscènes auxquels tu t'abandonnes !)

    “Maman, je t'en prie, ne te fâche pas, maman, je t'en prie, pardonne-moi !” Il est craintivement agenouillé auprès de son lit et caresse ses joues humides.

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 54

     

     

     

     

    (Charles Baudelaire, tu auras quarante ans et tu auras encore peur de ta mère !)

    Et maman tarde à lui pardonner pour sentir le plus longtemps possible ses doigts sur sa peau.

     

    Milan KUNDERA

    La vie est ailleurs - Traduction François KEREL

    Troisième partie ou Le poète se masturbe.

     

    1782. Il était mort. Mort à jamais ? Qui peut le dire ? Certes les expériences spirites pas plus que les dogmes religieux n'apportent la preuve que l'âme subsiste. Ce qu'on peut dire, c'est que tout se passe dans notre vie comme si nous y entrions avec le faix d'obligations contractées danas une vie antérieure ; il n'y a aucune raison dans nos conditions de vie sur cette terre pour que nous nous croyions obligés à faire le bien, à être délicats, même à être polis, ni pour l'artiste athée à ce qu'il se croie obligé de recommencer vingt fois un morceau dont l'admiration qu'il excitera importera peu à son corps mangé par les vers, comme le pan de mur jaune que peignit avec tant de science et de raffinement un artiste à jamais inconnu, à peine identifié sous le nom de Ver Meer. Toutes ces obligations, qui n'ont pas leur sanction dans la vie présente, semblent appartenir à un monde différent, fondé sur la bonté, le scrupule, le sacrifice, un monde entièrement différent de celui-ci, et dont nous sortons pour naître à cette terre, avant peut-être, d'y retourner revivre sous l'empire de ces lois inconnues auxquelles nous avons obéi parce que nosu en portions l'enseignement en nous, sans savoir qui les y avait tracées – ces lois dont tout travail profond de l'intelligence nous rapproche et qui sont invisibles seulement – et encore ! - pour les sots. De sorte que l'idée que Bergotte n'était pas mort à jamais est sans invraisemblance.

    Marcel PROUST

    A la Recherche du temps perdu

    La Prisonnière

     

    1783. Le vieux savant observait les jeunes gens tapageurs et il comprit soudain qu'il était le seul dans cette salle à posséder le privilège de la liberté, parce qu'il était âgé ; c'est seulement quand il est âgé que l'homme peut ignorer l'opinion du troupeau, l'opinion du public et de l'avenir. Il BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 55

     

     

     

     

    est seul avec sa mort prochaine et la mort n'a ni yeux ni oreilles, il n'a pas besoin de lui plaire ; il peut faire et dire ce qui lui plaît à lui-même de faire et de dire.

    Milan KUNDERA
    La Vie est ailleurs Traduction FRANÇOIS KEREL

    4e partie ou Le Poète s'évade XV

    1784. (Ah, le beau sectacle qu'ils nous offrent, ces deux-là, ils sont face à face et se repoussent mutuellement : elle le repousse dans ses couches et il la pousse dans la tombe, ah, le beau spectacle qu'ils nosu offrent, ces deux-là...)

    id. ibid. 5e partie ou Le Poète est jaloux ch. 9

     

    1785. Seul le vrai poète sait comme il fait triste dans la maison de miroirs de la poésie. Derrière la vitre, c'est le crépitement lointain de la fusillade, et le cœur brûle de partir. Lermontov boutonne son uniforme militaire ; Byron pose un pistolet dans le tiroir de sa table de nuit; Wolker défile dans ses vers avec la foule ; Halas rime ses insultes ; Maäkovski pose son pied sur la gorge de son chant.

    Mais attention ! Dès que les poètes franchissent par erreur les limites de la maison des miroirs, ils trouvent la mort, car ils ne savent pas tirer, et s'ils tirent, ils n'atteignent que leur propre tête.

    id. ibid.

    7e partie ou Le Poète agonise 00ch. 1

     

    1786. La vie n'est que l'usufruit d'un agrégat de cellules.

    (Anglais ?)

    1787. Que ta joie est profonde, mon frère ! Je sens que si je ne me cramponnais pas à ma médiocrité, je tournoierais avec toi.

    Mais je me retiens, j'ai trop peur de ton vertige, trop peur de tes courants marins.

    Pardonne-moi, mon frère, si je ne partage tes tourbillons mais il faut me laisser sur la grève.

    Tant pis pour les galions enfouis – que tu m'aurais fait découvrir !

    François VASQUE A un musicien

     

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 56

     

     

     

     

    Janvier 1974

     

    1788. La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.

    Marcel PROUST A la Recherche du temps perdu

    Le Temps retrouvé

     

    1789. Chacun des effets obtenus l'est au profit des nuances de la pensée et du frémissement dompté de la sensibilité. Gide obtient ainsi la parfaite unité du fond et de la forme qui constitue un sûr critère de classicisme.

    André LAGARDE et Laurent MICHARD

    Collection “Textes et Littérature” - XXe siècle – André Gide - La leçon du classique

     

    1790. Nathanaël, ne distingue pas Dieu de ton bonheur.

    André GIDE

    Les Nourritures terrestres

     

    1791. Ce qu'ils nomment un être supérieur est un être qui s'est trompé. Pour s'étonner de lui, il faut le voir, - et pour être vu, il faut qu'il se montre. Et il me montre que la niaise manie de son nom le possède. Ainsi, chaque grand homme est taché d'une erreur. Chaque esprit qu'on trouve puissant commence par la faute qui le fait connaître. En échange du pourboire public, il donne le temps qu'il faut pour se rendre perceptible, l'énergie dissipée à se transmettre et à préparer la satisfaction étrangère.

    Paul VALERY

    La Soirée avec M. Teste (1896)

     

    1792. Classique est l'écrivain qui porte un critique en soi-même, et qui l'associe intimement à ses travaux.

    id. - Situation de Baudelaire

     

    1793. N'en était-il pas venu à regarder la création poétique comme un “jeu”, un pur exercice dont le produit le plus important n'est pas l'œuvre mais le développement des aptitudes BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 57

     

     

     

     

    intellectuelles de son auteur et une connaissance plus profonde du mécanisme de l'esprit ?

    André LAGARDE – Laurent MICHARD

    Textes et Littérature XXe siècle - Paul Valery – Le métier poétique

    Une œuvre n'est jamais achevée

     

    1794. Il me semblait, en effet, qu'après bien des tempêtes, ma vie avait atteint un havre tranquille. Je disposais d'une petite rente qui me permettait de vivre sans travailler ; j'avais une femme que j'aimais, une enfant que je considérais comme ma fille, j'étais d'accord avec moi-même en ce sens que je ne sentais pas le besoin de changer ni d'idées ni de mode d'existence, que pouvais-je vouloir de plus ? J'étais en somme dans les conditions de stabilité qui me paraissaient indispensables pour affronter la compositiond 'un roman.

    Alberto MORAVIA

    L'Attention - Prologue (24-01-1974, 17 h 50)

     

    1795. (24-01-1974, 20 h 35) J'imagine que Cora vit dans un monde à elle, qui lui semble le seul possible et le meilleur de tous. Quelquefois pourtant, il peut lui arriver de se heurter à un monde différent et alors mais de façon très fugitive – elle reconnaît qu'il y a d'autres mondes en dehors du sien. Mais elle ne le reconnaît qu'en serrant les dents.

    Que veux-tu dire ?

    Elle ne le reconnaît que pratiquement, ce qui signifie qu'elle ne le reconnaît pas vraiment.

    id. ibid. Journal - Mardi 13 octobre

    1796. [les] faits quotidiens de la vie normale, faits qui sans doute adviennent mais sans avoir une signification particulière ou tout au moins qui n'en ont une que lorsque nous la leur avons donnée.

    id. ibid. Mercredi 14 octobre

    1797. Ceux qui ont de l'instruction, qu'ils soient bons ou mauvais, mènent les ignorants par la bride. Et tous nos malheurs viennent de là.

    Georges NIGREMONT “Jeantou, maçon creusois” - “L'Hiver au pays creusois”

     

    1798. Faire de l'art et faire de la critique, c'est maintenant la même chose.

    Carmelo BENE

    1799. Pour moi tout au moins, être ce que j'étais était préférable à tenter d'être ce que j'aurais dû être.

    Alberto MORAVIA

    “L'Attention” - “Epilogue”

     

    1800. ...ce qu'aurait été le roman lui-même : quelque chose que j'aurais écrit pour savoir pourquoi je l'écrivais, de même que j'avais toujours eu l'impression de vivre pour savoir pourquoi je vivais.

    id. ibid.

     

    1801. Je n'ai pas uen grande expérience de la vie, c'est certain, bien que j'aie beaucoup lu et terriblement rêvé.

    Pierre GUYARD

    “Le Bonheur des fous”

    Ière partie - ch. VI

     

    Février 1974

     

    1802. Jean m'apprenait à me garder de la pitié qui vous détruit.

    id. Ibid. 2è partie – ch. XIII

    1803. Le poète se consacre et se consume donc à définir et à construire un langage dans le langage ; et son opération, qui est longue, difficile, délicate, qui demande les qualités les plus diverses de l'esprit, et qui jamais n'est achevée comme jamais elle n'est exactement possible, tend à constituer le discours d'un être plus pur, plus puissant et plus profond dans ses pensées, plus intense dans sa vie, plus élégant et plus heureux dans sa parole que n'importe quelle personne réelle.

    Paul VALERY

    “Situation de Baudelaire”

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 59

     

     

     

     

    1804. (Le passé) nous montre, en particulier, l'échec fréquent des prévisions plus précises ; et au contraire, les grands avantages d'une préparation générale et constante, qui sans prétendre créer ou défier les événements, lesquels sont invariablement des surprises, ou bien développent des conséquences surprenantes, - permettent à l'homme de manœuvrer au plus tôt contre l'imprévu.

    Paul VALERY

    “Discours de l'Histoire”

     

    1805. Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles.

    Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, d'empires coulés à pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins ; descendus au fond inexplorable des siècles avec leurs dieux et leurs lois, leurs académies et leurs sciences pures et appliquées, avec leurs grammaires, leurs dictionnaires, leurs classiques, leurs romantiques et leurs symbolistes, leurs critiques et les critiques de leurs critiques. Nous savions bien que toute la terre apparente est faite de cendres, que la cendre signifie quelque chose. Nous apercevions à travers les épaisseurs de l'histoire, les fantômes d'immenses navires qui furent chargés de richesse et d'esprit. Nous ne pouviosn pas les compter. Mais ces naufrages, après tout, n'étaient pas notre affaire.

    Elam, Ninive, Babylone étaient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu de signification pour nous que leur existence même. Mais France, Angleterre, Russie... ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons à présent que l'abîme de l'histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu'une civilisation a la même fragilité qu'une vie. Les circonstances qui renverraient les œuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux.

    id. “Variétés” - “La crise de l'Esprit” - 1è Lettre – 1919

     

    1806. Deux dangers ne cessent de menacer le monde : l'ordre et le désordre.

    id. ibid.

    1827. Il faut que notre pensée se développe et il faut qu'elle se conserve. Elle n'avance que par les extrêmes, mais elle ne subsiste que par les moyens.

    id. “La crise de l'Esprit” - Conférence à Zürich 15 11 1922

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 60

     

     

     

     

    1808. Jusques à nos jours, jamais une trouvaille, ni un ensemble de trouvailles, n'ont paru constituer un ouvrage.

    Paul VALERY

    “Variétés” - “Au suejt d'Adonis”

     

    1809. ...tout le mépris que mérite, sans aucun doute, ce familier chaos que le vulgaire appelle pensée...

    id. ibid.

    1810. Je ne puis m'empêcher de penser qu'il y a du système et du travail dans cette attitude parfaitement triste et dans cet absolu dégoût. Une phrase bien accordée exclut la renonciation totale.

    Une détresse qui écrit bien n'est pas si achevée qu'elle n'ait sauvé du naufrage quelque liberté de l'esprit, quelque sentiment du nombre, quelque logique et quelque symbolique qui contredisent ce qu'ils disent. Il y a aussi je ne sais quoi de trouble, et je ne sais quoi de facile, dans la spécialité que l'on se fait des motifs tragiques et des objets impressionnants. Qu'est-ce que nous apprenons aux autres hommes en leur répétant qu'ils ne sont rien, que la vie est vaine, la nature ennemie, la connaissance illusoire ? A quoi sert d'assommer ce néant qu'ils sont, ou de leu rredire ce qu'ils savent ?

    Je ne suis pas à mon aise devant ce mélange de l'art avec la nature. Quand je vois l'écrivain reprendre et empirer la véritable sensation de l'homme, y ajouter des forces recherchées, et vouloir toutefois que l'on prenne son industrie pour son émotion, je trouve que cela est impur et ambigu. Cette confusion du vrai et du faux dans un ouvrage devient très choquante quand nous la soupçonnons de tendre à entraîner notre conviction ou à nous imprimer une tendance. Si tu veux me séduire ou me surprendre, prends garde que je ne voie ta main plus distinctement que ce qu'elle trace.

    Je vois trop la main de Pascal.

     

    D'ailleurs quand même les intentions seraient pures, le seul souci d'écrire et le soin que l'on y apporte ont le même effet naturel qu'une arrière-pensée.

    id. ibid. “Variation sur une Pensée

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 61

     

     

     

     

    1811. Je ne crois pas à l'âme des peuples.

    Joackim FEST

    Interview télévisée du 09 02 1974 à 19 h

     

    1812. Je trouvais indigne, et je le trouve encore, d'écrire par le seul enthousiasme. L'enthousiasme n'est pas un état d'âme d'écrivain. Quelque grande que soit la puissance du feu, elle ne devient utile et motrice que par les machines où l'art engage ; il faut que des gênes bien placées fassent obstacle à sa dissipation totale, et qu'un retard adroitement opposé au retour invincible de l'équilibre permette de soustraire quelque chose à la chute infructueuse de l'auteur.

    Paul VALERY

    “Variétés” - “Introduction à la méthode de Léonard de Vinci” - I

    “Note et digression” (1919)

     

    1813. Le secret – celui de Léonard comme celui de Bonaparte, comme celui que possède une fois la plus haute intelligence – est et ne peut être que dans les relations qu'ils trouvèrent, - qu'ils furent forcés de trouver – entre des choses dont nous échappe la loi de continuité.Il est certain qu'au moment décisif, ils n'avaient plus qu'à effectuer des actes définis.

    id. ibid. - II - “Introduction...” (1894)

     

    1814. ...c'est un écrivain engagé, qui critique âprement la société bourgeoise et milite pour la justice sociale. Reconnaissant dans son Boulevard Durand “un côté image d'Epinal “ , il ajoute : “je n'ai pas cherché à éviter cet écueil. Dans un combat, il n'y a pas de nuances.”

    André LAGARDE – Laurent MICHARD

    Raoul AUDIBERT – Henri LEMAITRE

    Thérèse VAN DER ELST

    Collection “Textes et Littérature” éd. Bordas XX s. - “Armand Salacrou”

    “Farce, satire et métaphysique”

    1815. Le tragique n'existerait, aux yeux de Giraudoux, que dans la msrue où nous y croyons, où nous le suscitons.

    id. ibid. “Le théâtre de Giraudoux” - “Tragique ou anti-tragique ?”

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 62

     

     

     

     

    1816. Je ne crains pas la mort. C'est l'enjeu de la vie. Puisque ton Jupiter, à tort ou à raison, a créé la mort su rla terre, je me solidarise avec mon astre. Je sens trop mes fibres continuer celles des autres hommes, des animaux, même des plantes, pour ne pas suivre leur sort. Ne me parle pas de ne pas mourir tant qu'il n'y aura pas un légume immortel. Devenir immortel, c'est trahir, pour un humain. D'ailleurs, si je pense au grand repos que donnera la mort à toutes nos petites fatigues, à nos ennuis de second ordre, je lui suis reconnaissante de sa plénitude, de son abondance même... S'être impatienté soixante ans pour des vêtements mal teints, des repas mal réussis, et avoir enfin la mort, la constante, l'étale mort, c'est uen récompense hors de otute proportion...

    Jean GIRAUDOUX

    Alcmène dans “Amphitryon 38”, II 2

     

    1817. Depuis longtemps nous n'avons plus de nouvelles

    Du combat sanglant qui se déroule aux frontières de notre inconnu,

    Avec une férocité telle, que la Fureur et le Bruit

    Nous ont, à jamais, rendus hagards et sourds.

    Nous sommes tous les soldats vaincus

    D'une grande armée en déroute.

    Nous avons tous trahi le Grand Seigneur blessé

    Et nous nous bouchons les oreilles pour ne plus entendre ses appels.

    Jocelyne SALOME

    “L'éternel inconnu”

     

    1818. Je pensais quelquefois à ma vie passée. Chose curieuse, seule mon enfance me paraissait réelle. Sur tout ce qui s'était passé ensuite, j'avais des souvenirs très précis, mais c'était plutôt le genre de souvenirs qu'on garde d'un film qui vous a frappé. Je me voyais moi-même agir et parler dans ce film, mais je n'avais pas l'impression que c'était à moi que tout cela était arrivé.

    Robert MERLE

    “La Mort est mon métier” - 1945

     

    Mars 1974

     

    1819. Méditer sur la vie ? A quoi bon ? [...] La cause est entendue une fois pour toutes...

    Roger MARTIN du GARD

    “Les Thibault” - “L'Eté 14”

    cité par André LAGARDE – Laurent MICHARD – Raoul AUDIBERT – Henri LEMAISTRE – Thérèse Van der ELST in “Collection textes et Littératures” Ed. Bordas - “XXe siècle” - “Le Roman de 1919 à 1939” - Texte “Réfléchir ? Agir ?” (avec coupure)

     

    1820. Si tant de gens, de jeunes surtout, se tournent du côté de l'Orient, s'ils se ruent sur tout ce qui touche au zen, aux mystiques les plus exotiques, c'est, Messieurs les abbés, parce que vous ne leur parlez plus de Dieu, D majuscule, mais d'un dieu socialiste dont les pasteurs s'habillent au rayon confection du marchand de fringues du coin de la rue.

    Remo FORLANI

    “Déjà vu” - Chronique de critique de télévision de “Bonnes Soirées” n° 2716 du 03-03-1974 “Jésus, Marx, deux Sheila et quelques autres”

     

    1821. Je respecte le général qui meurt à l'ennemi : c'est le but qu'il avait choisi, librement, à son existence. Devant l'humble laboureur qu'on appelle et qu'on jette au feu, il me semble que le respect ne suffit pas. Il faudrait s'agenouiller et se frapper la poitrine.

    Georges DUHAMEL

    “Les Pasquier” - “Les Maîtres” ch. XV

     

    1822. Satisfaction, me mot est bon meilleur que le mot bonheur, que je vois partout employé, et qui ne veut rien dire.

    Marcel ARLAND

    “L'Ordre” I, 1

     

    1823. L'artiste, dans son enfance, fait provision de visages, de silhouettes, de paroles ; une image le frappe, un propos, une anecdote... et cela sans qu'il en sache rien, fermente, vit d'une vie cachée et surgira au moment venu.

    François MAURIAC

    “Le Romancier et ses personnages”

    cité par André LAGARDE – Laurent MICHARD – Raoul AUDIBERT – Henri LEMAISTRE – Thérèse Van der ELST in “Collection textes et Littératures” Ed. Bordas - “XXe siècle” - “Le Roman de 1919 à 1939” - “L'inquiétude spirituelle” “François Mauriac” - “Naissance d'un talent”

     

    1824. Ceux qui semblent voués au mal, peut-être étaient-ils élus avant les autres, et la profondeur de leur chute donne la mesure de leur vocation.

    id. “Les Anges noirs” (1936)

     

    1825. Nos jours ne sont beaux que par leur lendemain

    (c'est-à-dire les imagine depuis la veille, d'avance ; glose rendue nécessaire par l'obscurité de la phrase) [sic]

    Marcel PAGNOL

    “La Gloire de mon père”

     

    1826. Les faits sont la chose la plus obstinée du monde.

    Mikhaïl BOULGAKOV

    “Le maître et Marguerite” trad. Claude Ligny

    ch. XXIII “Un grand bal chez Satan”

     

    1827. Toutes les théories se valent. Il en est une, par exemple, selon laquelle il sera donné à chacun selon sa foi.

    id. Ibid.

     

     

     

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 65

     

     

     

     

    1828. La vie si vaine, remplissage – je vis et, pendant ce temps-là, je vis.

    Michel DARD

    “Juan Maldonne”

    1è Partie - “L'express Berlin-Bucarest” - ch. II “Une Rêverie passablement romantique- Les Iles Féroé – Qu'est-ce que la joie ?”

     

    1829. Dieu n'est pas l'amour, pensait-il, mais la joie ; la joie de l'Etre. L'amour ne peut être l'origine première, car il suppose, au moins en imagination, un objet ; la joie avait dû précéder l'amour, elle avait plané informe, omniprésente, sur les Eaux. Elle restait un Tout sans cause et sans fin, contenant l'amour, contenant les créatures, comme l'océan contient les vagues et son bruit.

    id. ibid.

     

    1830. La petite voix qui vous hèle au milieu de vos distractions, de vos amours, si elle vous ordonne de tout quitter, c'est qu'elle a sur vous ses desseins.

    id. ibid.

     

    1831. Ah ! connaîtr enfin le pouvoir d'un homme qui ne veut plus qu'une seule chose !

    id. ibid.

     

    1832. Prends ceci, prends cela : cet air de musique dans une gare, qui semble orphelin et grelotte ; cette charrue renversée dont le soc effraie les corbeaux ; la tranche moisissante d'une meule ; le visage tragique d'une fille sur le seuil de sa ferme, probablement une fille-mère... L'émotion est ta fortune, comme popur d'autres l'intelligence, le sens pratique, l'énergie. Ne crains pas que rien se perde. Le moment le plus anodin de la vie revêt par la mémoire la beauté d'un instant unique, disparu. Tu ne seras jamais assez occupé à tirer d'un présent l'avenir d'un passé.

    Tourné vers la fenêtre, il sent de nouveau dans sa poitrine une masse d'anxiété. On dirait qu'une conscience vague, une espèce d'endolorissement général s'inquiète, s'inquiète pourquoi?... Peut-être simplement parce que la vie, comme valeur unique, même bourrée de tout ce qu'on voudra, connaissances, convoitises, souvenirs, c'est bien peu.

    id. ibid. Ch. III “Nouvelle rêverie romanesque – La montagne magique – Une sylphide”

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Avril 1974

     

    1833. Une ombre qui se répète, il n'en faut pas plus pour que nous nous sentions responsable.

    Michel DARD Juan Maldonne

    1è Partie L'express Berlin-Bucarest

    ch. IV A la Recherche de Cynthia

     

    1834. Les pires embûches sont la morale et l'orgueil.

    id. ibid.

     

    1835. Du soleil au plus humble caillou, il n'y a pas dans le monde un seul objet, il n'y a que des événements. - Vous ne comprenez pas ? Ça ne fait rien.

    id. ibid.

    2è partie ch. I Rencontres chez Maxime Bradès

    X – Le Baladin – Il n'y a pas dans le monde un seul objet, il n'y a que des événements.

     

    1836. Si les Byzantins et les anciens Ottomans étaient ses vrais compagnons, ce n'était pas qu'elle ignorât leur cruauté et leurs vices, mais que le temps rendait inoffensifs ces gens-là, et que, dans les brumes de l'histoire, elle pouvait vivre avec eux comme avec les âmes mélancoliques d'un Tchékhov.

    id. ibid. 3è Partie Présages – I – Le Rapt - Où Maldonne se lie avec le Haschichin – Une Education sentimentale

     

    1837. Les fous les plus dangereux ne sont pas dans les asiles psychiatriques.

    Anonyme

    relevé dans l'Applaudilettres (lettres de lecteurs) du n° 36 d'avril 1974 d'Eurêka sous la rubrique “Markus Leicht”

     

    1838. Le paradoxe est l'arme la plus efficace, l'essentiel étant d'ébranler la confiance. Le paradoxe ne peut présenter qu'une partie des choses, la cachée, ce qui est heureux, sinon, perdant BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 67

     

     

     

     

    sa force séditieuse, il s'établirait vérité. Toutefois, par précaution, on ne manquera pas de détruire ce morceau après l'autre, sans laisser au monstre le temps de reconstituer ses morceaux.

    Michel DARD

    Juan Maldonne – 3è partie - Présages - V – Un salon de thé

     

    1839. M. Maldonne semblait ignorer que le langage de la croyance survit longtemps à la foi ; quand l'être qu'on aime vient de mourir, qui ne garde l'espoir de le retrouver ,

    id. ibid. VI – Disparition de Jacobée

     

    1840. Chaque être est à tout le moins pouvoir d'être. Ceux qui ne rendent pas témoignage à ce pouvoir, c'est qu'ils n'ont pas la moindre idée de la vie intérieure. Tout leur est bon pour se démettre, métier, famille, religion ; pour se désapproprier de leur personne, classe, parti, nation, société ; pour justifier leur impuissance, hérédité, milieu, lois économiques, inconscient, toutes les doctrines dont les ismes suggèrent une mécanique implacable... On leur a volé leur âme paraît-il... Faibles âmes ! Que n'ont-ils pas inventé depuis le péché originel, ces éternels m'a-fait-tort! Et pourtant ! Rien qu'une petite heure de vie intérieure, une petite heure ici ou là, c'est l'expérience d'une conscience. Rien qu'une petite heure pour retrouver notre je ! Un je qui se retrouve dépasse déjà l'événement.

    id. ibid. VII –“Suis-je coupable ?” - Le procureur et Ali Farouk rentrent en scène - “Il va peut-être se présenter une occasion.”

     

    1841. L'amour du couple veut un miroir, voilà tout. Qu'est-ce qui inspire le désir d'un enfant ? Nierez-vous que ce désir n'a aucune relation avec la vie même de l'enfant, puisque vous n'en savez rien à l'avance ? Que la catastrophe possible est sans commune mesure avec le bienfait de faire naître qui est votre invention ? Que vous jouez à la roulette pour votre plaisir de jouer ? Donc, que vous êtes pires que les animaux qui, eux du moins, obéissent aveuglément à l'instinct ? - Mais nous savons, nous, que la vie est sacrée. - N'avez-vous pas honte ! Quel cliché ! C'est une justification après coup ; une flatterie effrontée pour notre propre existence ; une précaution contre le suicide et le meurtre ! Qu'est-ce que la vie a de sacré, je vous le demande ? Taisez-vous, vous vous préparez aux grands mots ! Si la vie était sacrée, que diriez-vous d'un Dieu qui s'est fait le BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 68

     

     

     

     

    meurtrier absolu ?

    Michel DARD

    Juan Maldonne – 3è partie – Présages – ch. IX – Visite à Nizam –

    Une explication décisive

     

    1842. Selon la parole : Tu estimeras l'arbre à son fruit, nous sommes les juges de notre Créateur tout autant qu'iil est le nôtre ; à la fin des temps, quand retentira la trompette, quand le Livre sera présenté, l'humanité se lèvera de son sépulcre et s'érigera en ministère public.

    id. ibid. ch. X – Le lendemain

     

    1843. Je crois qu'il n'y a de malade véritablement incurable que les gens normaux. id. ibid. ch. XI – Quel sens a la démarche de Youssef ?

     

    1844. Celui qui combat trop longtemps contre le dragon devient dragon lui-même.

    Friedrich NIETZSCHE

     

    1845. Tu n'as d'audace que dans la tête, lem oindre bout de honte te ait fuir comme un épouvantail à corbeaux.

    Michel DARD

    Juan Maldonne - 3è partie Présages ch. XII L'appartement d'une amie

     

    1846. Le nazisme, ce n'est pas du passé. Il couve, comme un feu sournois. Il suffit d'en tisonner quelques cendres...

    Francis MAYOR

    Un film fasciné par le nazisme (Portier de nuit de Liliana Cavani - Rubrique “Cinéma” du Télérama n° 1264 du 6 au 12 – 04 – 1974

     

    1847. (v. 1682) Il faut neuf mois pour faire un homme, et un seul jour pour le tuer.

    André MALRAUX

    La Condition humaine

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 69

     

     

     

     

    1848. Il est difficile d'être un homme. Mais pas plus en approfondissant sa communion qu'en cultivant sa différence.

    André MALRAUX

    Le Temps du mépris

     

    1849. L'action, même celle de construire un pont, brise des bonheurs.

    Antoine de SAINT-EXUPERY

    Vol de nuit

     

    1850. La grandeur d'un métier est, avant tout, d'unir des hommes.

    id. Terre des hommes

     

    1851. Lassitude. La vie est un champ de bataille où les rêves qui tombent sont relevés par d'autres rêves, jusqu'à la nuit finale qui couche ensemble tous les rêves.

    Michel DARD

    Juan Maldonne

    4è partie La connaissance de l'amour

    ch. III Retour de la prison – Une lettre à Marie

     

    1852. La prière est possible sans que l'on ait quelqu'un à prier.

    id. ibid.

     

    1853. Si l'on fait peur à l'homme, l'Autre en efet, celui que tu appelles l'Ennemi, devient le maître.

    id. ibid. ch. IX A l'aube chez Bradès - “Croyez-vous au démon ?” - Les jumeaux

     

    1854. Le temps vient où il audra que l'homme soit rudement orgueilleux pour ne pas désespérer.

    id. ibid. ch. XIV – L'ouragan – Un rôdeur mystérieux

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 70

     

     

     

     

    1855. L'univers nous ignore ; mais il est vrai que nous sommes le fragile bouquet d'achèvement placé un instant sur le toit.

    Michel DARD

    Juan Maldonne

    IVè partie Le désir d'une couronne ch. I Journal de Juan – Le pacte germano-soviétique - “Croyez-vous qu'elle croie vraiment ?” - L'adolescence - “Les générations poussent de mes bras comme des rameaux d'amandier.”

     

    1856. Mettre au monde, c'est mettre à mort. Un infanticide différé.

    id. ibid. ch. II “Vous l'auriez soignhé mieux que moi.”

     

    1857. Agir, quand l'affaire est ficelée, est-ce agir ?

    id. ibid. ch. III Le coup de main

     

    1858. Il sent bien que, jusqu'à présent, malgré l'idée altière qu'il se faisait de ce destin, il était gouverné par lui ; il se modelait à une statue imaginaire de lui-même, il ne la modelait point. Sa soumission se déguisait en orgueil parce qu'elle obéissait à des mythes qu'il avait lui-même préconçus.

    id. ibid. ch. IV Le navigateur solitaire

     

    1859. Thou, brightest in dungeons, Liberty !

    BYRON

    in Juan Maldonne deMichel DARD, IVè partie Le désir d'une couronne ch. V (titre)

     

    1860. Quiconque parlera contre le fils de l'homme, il lui sera pardonné ; mais quiconque parlera contre le Saint-Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce monde ni dans l'autre.

    EVANGILES

     

     

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 71

     

     

     

     

    1861. Si l'on oublie que la révolution industrielle fut une entreprise dérivée, c'est-à-dire conduite sans objectif, sans dessein autre que la volonté de domination, on ne peut comprendre son ignorance, voire son mépris de l'homme. Elle fut outil de pouvoir pour une classe et son système de civilisation pour une société.

    François de CLOSETS

    Le Bonheur en plus – ch.2 – La Fuite en avant –

    La Production : un sous-produit.”

     

    1862. Ces contradictions entre une incessante agitation industrielle et une irréductible insatisfaction individuelle donne à penser que ce changement perpétuel n'est qu'un artifice destiné à masquer la perversion de l'entreprise. L'instabilité du progrès technique provient de son asservissement à l'impérialisme politique et industriel.

    id. ibid. ch. 3 La Maladie du changement

     

    1863. Le capitalisme comme le marxisme ont continué à exalter la victoire de l'homme sur la nature, comme si c'était l'exploit le plus épique que d'écrabouiller la nature. Cette idéologie conduit en fait au suicide. La nature vaincue, c'est l'autodestruction de l'homme.

    Edgar MORIN

    Article du Nouvel Observateur, Spécial Ecologie, dans un numéro de 1972

     

    1864. Le manque d'élégance en mangeant a brouillé bien des ménages.

    COLETTE

    Gigi

     

    1865. Chacun sait que les véritables fortunes ne s'édifient pas sur des salaires, si élevés soient-ils.

    François de CLOSETS

    Le Bonheur en plus

    ch. 5 – L'Espérance des pauvres – Les Privilèges

     

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 72

     

     

     

     

    1866. Ils avaient des goûts communs et des métiers diférents : c'est la recette même de l'amitié.

    André MAUROIS

    Les Discours du Docteur O'Grady ch. XVI

     

    1867. Il existe une contradiction flagrante, et qui provoquera tôt oou tard une crise grave, dans la coexistence d'un système politique démocratique et un système industriel autoritaire. Il est admis aujourd'hui que tout citoyen, quel que soit son niveau d'instruction, participe également à la vie politique, élit son maire ou son député, peut présenter sa candidature et voter aux référendums. Or ce même citoyen, majeur dans la cité, devient mineur dans l'entreprise. Comme ouvrier, il n'a plus qu'à obéir et subir. N'est-ce pas une aberration ? Si des individus incompétents peuvent délibérer des affaires de l'Etat, ils peuvent également délibérer de celles de l'entreprise. Les arguments invoqués contre de telles réformes ressemblent singulièrement à ceux qu'utilisaient les adversaires du suffrage universel et de la démocratie. Dans tous les cas, il s'agit d'alibis destinés à défendre les gens en place : les capitalistes et la technostructure en l'occurrence.

    François de CLOSETS

    Le Bonheur en plus

    Travaillez, prenez de la joie... - Les Horaires à la carte

     

    1868. Sans doute n'est-il pas facile d'être pour un animal doué de conscience. Son existence est un jeu de l'Oie dont les pires cases sont inévitables alors que les meilleures sont toujours incertaines. Jeton placé – mais par quelle main ? - sur une case “départ”, il ne pourra jamais retenir les dés qui roulent inexorablement pour lui.

    L'individualité n'est qu'une structure éphémère qui s'organise, se développe, se dégrade et se détruit. Rien n'en portait l'annonce, rien n'en garde le souvenir. Eternellement les atomes sont recyclés de l'Un à l'Autre. Hélas ! ce n'est pas l'esprit quui se perpétue, c'est la matière.

    Le spectacle de la nature montre que l'individu n'est que le moyen d'expression du vivant. La continuité appartient à l'espèce qui, elle-même, n'est qu'un rouage provisoire d'une “niche écologique” de la biosphère.

    De la bactérie à l'homme, les existences individuelles apparaissent et disparaissent BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 73

     

     

     

     

    comme des vagues sur la mer. Quel génie malicieux a coiffé de conscience certaines vagues de l'océan biologique ? Etre un homme c'est vivre ce conflit permanent entre une réalité biologique dompinée et une conscience individuelle dominante.

     

    LE CONFLIT DES VERBES

     

    Mais qu'importe la réalité objective, ce n'est pas elle qui est vécue. L'homme n'en connaît jamais qu'une vision très particulière : celle de sa société. Par son adhésion à une civilisation, il possède les réponses que la nature ne lui donne pas. Ses croyances sont plus importantes que ses connaissances, ce sont elles qui structurent son comportement, qui résolvent les problèmes de son existence. Croire pour être, c'est l'art de vivre traditionnel.

    François de CLOSETS

    Le Bonheur en plus

    ch. 9 – Le Divertissement - “Le Conflit des verbes”

     

    1869. L'individu ne peut plus trouver dans la société moderne l'assistance morale et culturelle qu'ofraient les sociétés traditionnelles. Au lieu de couler son expérience personnelle dans un moule collectif, il doit se construire un destin original, se déterminer à tout moment et à tout propos sans se guider sur un modèle de référence. Cela s'appelle la liberté. On en connaît la grandeur, il ne faut pas en oublier les servitudes.

    id. ibid.

     

    1870. Hélas, les affiches, les annonces, les films, les photos du système commercial disposent d'un monopole de propagande comparable à celui du système politique dans les régimes totalitaires.

    id. ibid. “La Publiculture”

     

    1871. L'homme cultivé n'est pas un homme de savoir, mais un homme de goût. Il est riche de ce qu'il désire connaître et non de ce qu'il connaît.

    id. ibid. “Triste l'Ecole”

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 74

     

     

     

     

    1872. Pour croître et pour produire, le talent artistique requiert non pas des projets bien arrêtés, mais un commencement d'action, fût-il imparfait.

    André LAGARDE – Laurent MICHARD – Raoul AUDIBERT – Henri LEMAÎTRE – Thérèse VAN DER ELST – XXe siècle – Collection “Textes et Littérature” - Ed. Bordas - “Critiques et essayiste” - “Elargissement de la critique” -

    Alain (1868 – 1951) Balzac au travail – Introduction

     

    1873. Agé de cent mille ans, j'aurais encore la force

    De t'attendre, ô demain pressenti par l'espoir.

    Le temps, vieillard souffrant de multiples splendeurs,

    Peut gémir : Le matin est neuf, neuf est le soir.

    Paul ELUARD

    Etat de veille 1943 Demain

     

    1874. Giscard est absolument génial sur un point : c'est qu'à chaque fois qu'il annonce quelque chose, on peut être sûr qu'il se passera exactement le contraire.

    MAUROIS, député, sur les ondes d'Europe 1

     

    1875. La civilisation technicienne a beau être matérialiste, elle n'est pas pour autant réaliste. En effet la réalité première de toute civilisation, c'est l'homme. Non pas le reflet d'une certaine condition objective, mais le centre créateur d'un univers affectif : une réalité subjective.

    François de CLOSETS

    Le Bonheur en plus

    ch. 10 – La nouvelle Fatalité – La Perte du réel

    1876. L'entrepreneur, - le décisionnaire, au sens le plus large – est réaliste dans un univers de fiction, et celui qui prétend prendre la vie comme elle est, paraît irréaliste, puisqu'il a perdu les structures d'action en retrouvant la réalité.

    Ce système n'est en somme que la transposition au niveau intellectuel de l'impérialisme bourgeois.

    id. ibid. Les Pièges de la rentabilité

    BERNARD COLLIGNON CITATIONS VI 75

     

     

     

     

    1877. Partout on prend la carte pour le territoire, la statistique pour la réalité, le produit pour le plaisir, et le bilan comptable pour la vérité sociale. Préférant la dissocitaion à la réconciliation, et l'image à l'objet, la société industrielle ne peut plus retrouver un monde qui n'est pas la somme de ses parties, mais la somme des relations qui les unissent. “Le sujet n'a pas été traité”, comme disent les correcteurs, mais on donne une mention au candidat qui possède cet art de traiter les faux sujets.

    Tel est, en dernière analyse, le secret de la fantastique efficacité qui pousse en avant les sociétés industrielles. Elles ont totalement libéré l'action. Elles lui ont donné le plus formidable moteur : la volonté de puissance. Elles ne lui proposent que des objectis aisément réalisables : des exercices de démonstration. Elles s'attaquent uniquement aux problèmes qu'elles savent résoudre. On ne triomphe si bien que dans le combat que l'on s'est à soi-même préparé. D'une condition humaine si difficile à saisir, si malaisée à transformer, la civilisation bourgeoise n'a retenu que les “problèmes pratiques”. Dans sa soif d'entreprise, elle a même créé des problèmes artificiels pour étendre le champ de son action sans s'aventurer sur le terrain difficile de “la vie comme elle est”.

    François de CLOSETS

    Le Bonheur en plus

    ch. 10 – La nouvelle Fatalité – Les Pièges de la rentabilité

     

    1878. Il est admirable de proposer à chacun des vacances ensoleillées ; mais il peut être désastreux sur le plan psychologique de développer le mythe du soleil. Car la population vit ordinairement sous des cieux gris et doit supporter les incommodittés du froid, du vent et de la pluie. A tant répéter que la vraie vie ne peut se passer de ciel bleu et de températures élevées, on augmente l'inconfort psychologique des intempéries. D'une main on offre quatre semaines de vacances, de l'autre on fait vivre les gens, onze mois sur douze, en état d'exilé. Les caprices de la météorologie sont de plus en plus durement ressentis, et chacun tend à se créer un “droit au soleil”.

    id. ibid. L'Eclatement de la vie

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Dôle, accent circonflexe supprimé

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    COLLIGNON LECTURES "LUMIÈRES, LUMIÈRES"

    RENART "LE ROMAN DE GUILLAUME DE DÔLE" en ancien français 60

     

     

     

    En septembre 17, nous vous entretînmes du faux Roman de la Rose, ainsi appelé parce que l'héroïne possédait, en haut de la cuisse, une tache de vin que l'on ne pouvait voir autrement que dans sa nudité. Les commentateurs ont préféré l'appeler le Roman de Guillaume de Dôle, nom du protagoniste. Rappelons qu'il ne peut y avoir qu'un seul protagoniste, et non pas "des", comme on l'entend dire par des ignares de radio-télévision, pléonasme. Mais ce roman fut écrit du temps où Guillaume de Lorris était toujours vivant, vers 1220-1240 ; Guillaume de Lorris, lui, a vraiment composé une version du Roman de la Rose. Jean Renart a peut-être voulu lui répondre. Dôle est dans le Jura, notre brillante écologiste Dominique Voynet en fut députée.

    Depuis 1148, cette ville dépendait de l'Empereur d'Allemagne, qui apparaît aussi dans le roman. Cet empereur s'appelle Conrad. Or, historiquement parlant, c'est Frédéric II qui régnait alors, succédant à Otton IV. Qu'importe direz-vous, puisqu'il s'agit d'un roman. Certes, comme on dit dans

    le domaine, seulement, voilà, les autres personnages sont réels, eux, chose rare dans les romans de l'époque. Les lecteurs les reconnaissent, les seigneurs cités dans cette œuvre ont participé à de grands tournois ! Quant aux empereurs qui s'appelaient réellement Conrad, ils ont régné bien avant : le dernier du nom, le numéro III, est mort depuis 90 ans ! Empereur imaginaire donc, jeune, beau, richissime évidemment, qui entend parler de Guillaume de Dôle, au pied du Jura, et de sa sœur Liénor, celle de la tache de vin, dont personne n'a enterndu parler.

    Il va de soi que l'Empereur imaginaire tombe amoureux de la jolie sœur de Guillaume, et la demande en mariage. Il bas de soie (anachronisme) qu'un vilain jaloux fait courir le bruit qu'il a couché, lui, avec la chaste et pure, qui n'est donc plus chaste et pure. L'Empereur, vexé, renvoie Guillaume de Dôle qui n'a pas su veiller sur sa sœurette, et qui retourne chez lui, déshonoré, la queue basse. Bien évidemment, le vilain jaloux qui était le meilleur confident du grand frère (on ne raconte pas n'importe quoi, même à son meilleur ami, le traître) est puni à la suite d'un grand procès solennel. Et tout revient dans l'ordre, l'amour, la gloire et la beauté. Le tout est plus original que le résumé, les description de la vie luxueuse à la cour d'Allemagne nous confirment que les riches savaient s'amuser, bien boire et bien s'habiller, mais aussi se déshabiller avec de nobles dames à la fin des festins.

    Et à présent, n'en déplaise aux lesbiennes militantes, nous allons nous pencher sur un personnage historique et obscur : Gaucher II de Joigny, en Bourgogne. Son père s'appelait Gautier, "Gautier" ou "Gaucher", prononcé à l'époque, c'est du pareil au même. Ce Gaucher II était sénéchal du Nivernais. Un sénéchal est un officier au service d'un roi. Le Nivernais était un gouvernement militaire de seconde classe, et ne fit jamais partie, quant à lui, du Saint-Empire Romain Germanique. Notre poème de 5655 vers fait mention du château de Ligny (le-Châtel), dans l'Yonne, "où les contes de Nevers possédaient un château". Le père et le fils étaient de rudes tournoyeurs, et lorsqu'un tournoi s'organise en Allemagne, on pense à eux : viendront, viendront pas ? Le père viendra, mais comme il est mort, il faudra le ressusciter, hahaha la bonne vanne dans le texte.

    Rapport avec la Syrie ? Aucun, et ça repose. Avec Macron ? Aucun, et ça repose. Avec les SDF ? Aucun, et ça repose. Occupons-nous du Moyen-Âge, et nous pourrons nous tourner vers d'autres préoccupations plus actuelles, avec un esprit moins martelé. Occupons nous d'un autre Gautier, de Sagnies celui-là. On l'appelait aussi Gontier de Sagnies. Gautier, Gaucher, Gontier, c'est du pareil au même. C'est un poète, dont une chanson est citée dans le roman. La poésie en effet se chantait en ce temps-là. Pour vous donner une idée, comme Grand Corps Malade, mais en langue d'oïl, qui je le répète n'a strictement rien à voir avec le faux vieux français de carton pâte utilisé dans Les visiteurs. Une autre originalités de ce Roman de Guillaume de Dôle est la présence de chansons incluses dans le texte.

    C'est déjà, très très avant la lettre, une comédie musicale. Pas de tournois sans festivités, pas de festivités sans trouvères et sans musique. Et de la bonne, bonne, bonne, avec de belles parole, parole, parole.

    "Lors que florist la bruiere

    que voi prez reverdoier,

    que chantent en lor maniere

    cil oisillon el ramier,

    lors sospire en mon corage,

    quant cele me fait irier (ça m'vénère)

    vers qui ma longue proiere

    ne m'i pot avoir mestier.

    Comme disait Delphine Seyrig, "les histoire d'amour, c'est toujours la même histoire, c'est l'homme qui veut introduire son machin et la femme qui veut pas" bref rien de nouveau sous le soleil du cul. Et celui de la fine amor, bien sûr, celui de la fine amor. Ce qui n'a rien à voir avec le COLLIGNON LECTURES "LUMIÈRES, LUMIÈRES"

    RENART "LE ROMAN DE GUILLAUME DE DÔLE" en ancien français 62

     

     

     

    Front – oh pardon, le Mouvement National, ce qui nous repose éternellement. Non, nous ne parlerons pas d'Aznavour, ni de Poutine, ni de Brigitte Bardot-Macron pour la protection des espèces en voie d'extinction, mais du "viel duc de Genevois" pas très clair, qui s'assit "à son haut doit", car le doit, en ce temps-là, c'est la table, d'où l'expression "manger sur le pouce", mais ici, place au luxe, car le vieux duc porte au cou de "riches piaus de martres" pauauauvres bêêêêtes. Le commentateur et annotateur, Félix Lecoy, nous précise impitoyablement que "les seigneurs de Genève étaient comtes, et non pas ducs" ; "il est impossible de savoir" poursuit-il "si Jean Renart pensait à Guillaume Ier (qui disparaît des documents en 1195) ou à son fils Humbert, dont la carrière se prolonge jusqu'en 1224, ou même au frère de ce dernier, Guillaume II, qu lui succéda." Peu nous en chaud, monseigneur, et peu nous en chalait, et non pas "chaudait", môssieu de Falvard...

    Ce Guillaume II mourut en 1252, il avait épousé une dame de la Tour du Pin, qui apprécia son Tour de la Pine, mais nous n'en sommes pas encore là. "Peut-être, au reste," comme disait Pylade, "notre poète n'avait-il qu'une très vague idée du personnage dont il parle ici". "Roman" singifie en effet d'abord "écrit en langue romane", et non pas nécessairement "histoire d'amour". Ici, si, Impératrice. Il nous faudrait aussi, afin de compléter nos réjouissances, évoquer Gerbert "e-r-t" ou "e-r-z", de Metz, personnage de la geste des Lorrains ; un chouïa de texte ? Encore une chanson incorporée au récit, mais cette fois, au lieu de chanter l'amour, on se fout sur la gueule, c'est l'amour entre hommes, "celui qui vous envoie m'emmerder ne vous reverra plus, ou bien ne vous reconnaîtra pas", et la tendresse, bordel.

    Ce ne sont pas nécessairement des combats contre un ennemi, mais des rixes personnelles, entre Fromont et Doon le Veneur (le Chasseur). Las ! Où sont passées nos provinces d'antan ? Ô Lorraine, qu'es-tu devenue ? À quand le retour de ton indépendance, à l'instar de la Catalogne, de la Corse et de St-Médard-en-Jalles ? Construisons l'Europe, et poussons l'euro, mais pas à l'antenne. Nous terminerons avec le château de Gironville en Haut-Médoc, où nos Lorrains se sont aventurés au vers n°1360, et quitterons cette fausse continuation des Romans de la Rose rebaptisé de Guillaume de Dole au XVIe siècle, ainsi que la belle Lionor, la pucelle à la rose en haut de la cuisse, obsédés s'abstenir.

     

     

  • TRADITORE

    Que voulait-il dire, en septembre 55, au sujet du « coup de la moquette » ? M’étais-je pris les pieds dedans ? S’agit-il de celle d’Omar, qui s’était bourrée sous la porte ? À quelle maladie, interruption de mes services, fait-il allusion ? Il m’exhorte à me reprendre : qu’est-ce à dire ? Mes lettres n’auront été conservées ni par lui ni par ses descendants.

     

    COLLIGNON TRADITORE amour,révélation, traduttore

     

    PSEUDO

     

    Notes de Lefth ?

    Tous les commentaires que je fais sont en rapport avec ce que je connais de ta personnalité, j'outrepasse donc la fiction pour traquer l'auteur même. Ne prends rien pour un reproche, mes commentaires sont tout-à-fait spontanés et bienveillants, comme un œil extérieur souhaitant te délivrer de certaines manies.

    Seul à ma table avec les fourmis.

     

    Tous les éveillés font semblant de dormir. Sensation de danger comme hier, au sommet de la

    TABLEAU D'ANNE JALEVSKI - EMBRYON - VISIBLE CHEZ ELLE 4 AVENUE VICTORIA 33700 MERIGNAC

    tour de Najac. La peur provient de ce fait : chacun peut se lever sur la pointe des pieds, pour lire par-dessus mon épaule.

    La peur provient de moi : je laisserais traîner ce que j'écris, eux, le liraient. Retenez ceci : quoi que vous fassiez, il y a toujours quelqu'un qui lit par-dessus votre épaule. J'aime

     

    Hier mon père et moi sommes allés au château de Najac. Mon père me suit, partout. C'est lui, par-dessus l'épaule. Il m'a conduit jusque très tard aux cabinets.

    Une queue sort d'un arbre, un jet de merde tombe : mammifère ou oiseau ? Cette nuit je fus réveillé par une sorte de glapissement.

    C'est un écureuil.

    Est-ce que les écureuils crient ?

    J'avais cru jusqu'ici que c'était le cri du renard. Ainsi, pendant les nuits de Pasly, entendais-je le renard et le rossignol. Puis j'appris que c'était celui de la mésange. Mais le renard, c'était ...?

    Partout des frémissements : dernières poursuites, derniers massacres entre les branches. La mort la plus fréquente chez les animaux est de se sentir englouti, déchiré vivant. Tout sera bientôt englouti par la grosse vulgarité humaine.

    Mme Schmoll est grise, grosse et vulgaire. Mon père fréquente cette femme. Ma vie sexuelle est bien plus secrète. (ça c'est de la fiction !)

     

    Au sommet du château de Najac, le corps engagé dans les créneaux, je faisais le tour de mon vertige, j'aime

    le sol semblait se relever vers moi comme l'angle d'un tapis vert, je pensais qu'un peu de courage

  • L'intrusif, section Fedora

    HUMILIATIONS SUBIES ET INFLIGÉES PAR FEDORA

     

     

    Trois générations féminines, la grand-mère Fedora, la mère Léna, la fille Lydia ; la plus âgée, après avoir minutieusement concassé sa fille Léna, entreprend de broyer sa petite-fille Lydia ; notre héros, affublé du nom de Petit-Keller, parviendra-t-il à sauver cette dernière, ou bien sera-t-il profondément nuisible ? trame ingénieuse, grosse de rebondissements et de scènes à faire, à faire frémir du pubis toutes les femmes mûres, dernier bastion des littéraires bas-occidentaux) –

     

    1. I : Trois générations. « Il y aura le présent, le passé et l'avenir ». Caractéristiques des principaux personnages. Ma femme s'appelle Arielle. Olegario vient chez Fedoera. Olegario se cache de toutes les polices.
    2. II : L'Argentin chauffe la fille Léna sitôt qu'elle est seule. Hernandez raccompagne Fedora. « Tous les voisins le voient ».
    3. III

    Au retour de Paris, Fedora s'aperçoit que sa fille est enceinte d'Olegario. Saut dans le temps : Lydia devenue très pimbêche à 16 ans. Nous n'avons pour nous brancher sur l'infini qu'un petit pont de chair dont les femmes se gaussent fort. « Je veux faire l'amour avec toi » « Je n'ai pas dit « coucher ».

     

    1. IV

    Tu es un mythe pour moi. Le Notre Père. Les agneaux enfermés. Retour à la soupente, Louis Barthas.

     

    1. V

      fille,maltraitance,gueulements

      LE JEUNE HOMME ITALIEN, HAUT - TABLEAU D'ANNE JALEVSKI, PEINTRESSE DEPRIMEE, expose chez elle, 4 Avenur Victoria, 33700 MERIGNAC

    Découverte de tubes. La Louve branche sa centrale, et le mari transporte ses grumes. Scène entre nous et Lydia, qui place nos mains l'une dans l'autre.

     

    1. VI

    Lydia jamais perdu de vue. Le petit vieux et son âne. « C'est scientifique ! » Le diagnostic de la chaise. Bayle autodidacte et le populo indécrottable. Suppression du calmant pour enfant. Fedora estimée par les prédélinquants. « Toi Mohammed tu fais ce que tu sais faire dans ton petit coin ».

     

     

    1. VII

    Discours anti-américain, anti-israélien. Le Droit-Fil, sa description, le puits et les bouteilles, les deux chambres (l'obscure et son hublot, la claire). Nous lisons sous la lampe et dormons.

     

    1. VIII

    Je m'empionce sur mes textes dans la chambre obscure. La fille aux longues jambes d'Atalante. Haken et son journal, sa femme rappelée à l'ordre. Les débilos rencontrés dans la cour, l'échine molle et le pied vague.

     

    1. IX

    Je consens, après avoir bien gueulé, à dîner à l'écart des tréteaux de gogols. J'ai toujours cédé comme ça… Finalement les débiles n'y accordent aucune attention. Les prospectus et photos d'antipodes, nos hôtes souriants à bicyclette.

     

    1. X

    Clichés plats malgré l'exotisme. Le scrabble et l'Aconcagua. Les amis d'amis le bac à sable en bandoulière.

     

    1. XI

    Les gens chiants d'un hémisphère à l'autre (Thalassa). Confusion à St-Bault du père et du fils. Frau Lebdorf psychiatre employant sa mère.


    1. XII

    Malicorne et ses résolution d'accords. « Personne ne les connaît ». Reconstruction de la Flèche alias La Filature. Lièvre aux figues et torchecul de Rabelais.

     

    1. XIII

    Années surexposées, superposées. L'escalier d'arrière, « la femme de ma mort ». Les semi-débiles, la surveillante gynécologique. Françoise pour un peu veut que je dorme seul.

     

    1. XIV

    L'érudit bruxellois converse avec les simples. Ces derniers viennent jusqu'à notre seuil. Personnel féminin inadmissible dans les prisons. Les femmes font toute une histoire avec leur négation de leur sexe.

     

    1. XV

    Les femmes se vantent de leur frigidité. Que la petite remue ou se tienne calme, ce sont toujours des reproches. Le jeu de cartes inutilisé. Je veux ma table près de celle des débiles, puis je cède : « J'aurai râlé pour rien » sur ma tombe.

     

     

     

    1. XVI

    La cuisine aux triples voûtes. Fédora claironne. « J'ai vécu chez moi ». Les coups des parents sur l'échine fracassée. À 20 ans Lyria sera dépressive. Les prêchi-prêcha sur notre vie ratée.

     

    1. XVII :

    Nous avons toujours attiré les « commissaires du peuple, pour notre plus grand bien, en toute amitié… Ils savent mieux que nous, de toute éternité, ce qu'il nous faut et la façon dont il convient que nous nous nous comportions. Notre chaloupement jumeau qui nous fait reconnaître. Impossible de soupçonner que Florence ait pu m'aimer.

    1. XVIII :

    La moindre ombre de désapprobation nous était insupportable. « Il n'écrit que ce qui le rassure ! » « Quand un bateau passe... » Je me constitue ma sagesse personnelle.

     

     

     

    1. XIX :

    Explication du tougoudoupp, prends garde au risible, garde-toi de vivre. tourbillon des âmes qui se sont reniées puis disparaissent dans le tourbillon du siphon ;

     

    1. XX

    Qui peut dire s'il aurait pu vivre sans écrire ? Omer se confie à moi, et je me bats les flancs.

     

    1. XXI : NE PLUS RIEN SUPPRIMER A PRESENT MAIS METTRE ENTRE CROCHETS

    Une petite vieille est amoureuse d'Omar. Monsieur joue les fines bouches. Mon octogénaire à la descente du train. La voisine à Lormont qui « jouit par l'alcool » . Fâcheuse mésaventure d'Omer avec une fille d'Eire . Je suis déjà descendu dans le bac à sable, me suis bien frotté les yeux en me jurant de n'y plus retourner. Jules Renartd « Je récrirais bien mon œuvre en mieux.

     

    R.XXII :

     

    [Après un si grand crime, je n'ai plus qu'à disparaître. Tous les inconvénients de la ville, tous les inconvénients de la campagne. A Montpelllier, il y a des hommes. Moi je ne vois que ce qu'on veut faire pour moi. N'ai pas acheté "Le secret de grand-mère".]

    La maison des Belges prend l'eau. Anne a perdu ses kilos. La patronne n'aime pas les Kuhkas. Casiers de bouteilles fraîches tirés du puits. Tous les matins je sors. Les beaux goudronniers. La colonie de vacances autour de la cloche au ras du sol. L'encensement de l'auauauautre. Les chats faméliques

     

    1. XXIII :

    Chats de Grèce agonisants. Chats nourris sous la pluie battante. La boulangère de Sumène et les ivrognes en panne sèche de voiture. Arielle immobile au centimètre près. Les artisanes de St-Romans.

     

     

    (Tombereaux de hargne. "C'est toi la merdeuse". Les enfants "répètent tout comme un perroquet". Dans le Putois j'ai fait connaissance d'une petite fille. Le soutien-gorge sur la tête, le boute-en-train de L'été meurtrier).

     

    1. XXIV

    Arielle de dos sur l'abreuvoir. Moirures vestimentaires. Ganges ville de vieux et de patraques, le transformateur, l'installation en terrasse de quatre femmes plus moi.

     

     

    (Nous avions oublié notre appareil et 600€. Arielle est devenue Miss Buchenwald. Piques aigres-douces et baffe dans la rue. Fédora abandonne la danse et ses yaourts, Olegario bouffe la merde de ses gardiens.)

     

    1. XXV :

    La hipppie blettie de Ganges. Le militantisme des épouses d'ouvriers. L'exposition sous un comptoir de Gangès… Exposition d'écailles et de tuiles mordorées…

     

    Olegario a expédié le douanier. Chansons âpres aux thèmes traditionnels. Fait un enfant à la fille de sa maîtresse. "Ce livre et cette photo traînent là, mais ce type ne m'est plus de rien." Lydia et Fédora l'ont tout de même mythifié.

     

    1. XXVI :

    Mes commentaires sur l'Hârtisse. O'Letermsen qui me présente comme un second Chateaubriand. L'artiste de Bergerac : « Connard ! » La scène de ménage après Bhakti – Arielle ne s'en souvient plus.

     

    Sont allées au Brésil. Mon arrivée à Montpellier, le trimballage de la valise à roulettes. Fédora me raccompagne à l'hôtel et baise avec moi. « Maman, quand est-ce que je pourrai coucher avec un mec ? » Fédora est « humiliée » par notre saleté chez nous - moi aussi, par la haine qu'elle déverse sur sa petite-fille. Peut-être suis-je resté trop indifférent à la formation de ma fille.

     

    1. XXVII :

     

    L'acteur noir dans la chapelle. Lydia recule sur l'escalier ensoleillé. Les animaux domestiques soigneusement abandonnés. Jouer Bach et rester con, oui, ça se peut.

    Fédora n'a pas la moindre notion du massacre qu'elle perpètre. J'éclate hors de propos. J'espère en une résilience de Lybie, je suppose un droit de visite d'Olegario. « Arielle n'est pas une vraie amie, elle interrompt toujours les coups de téléphone ». Je nepense pas que Lybie se précipite au-devant des caméras comme les Noirs sous l'apartheid.

     

    1. XXVIII :

     

    Petits appartements, les Puelles, Montpellier. « Je n'aime que les génies. » « Ce que les hommes font pour moi ». Achat du « secret de grand-mère ».

    Plage de Palavas. Le cri de l'espèce. Maillot de Fedora mordu par-dessous. « C'est de ce vestibule que nous sortons tous ». Photo de moi rougeaud contre Léna écœurée. Fuyez quiconque prétendra vous connaître mieux que vous-même. Lybie toujours privée de toute attache, même animale.

     

    1. XXIX

     

    Torture jusqu'à totale destruction.

    Repas sur les tonneaux, Lybie trempée, puis dans sa voiture, ne faisant même pas attention à nous. Les kayaks, les canards nourris au bord de l'Hérault, la coupe du monde et sa Marseillaise.

    La grand-mère, la petite merdeuse, le perroquet

    La guinguette, le match écouté sur la route. La Princesse marocaine sur son assise, j'ai vécu tant d'évènements insignifiants. L'atroce monument aux morts de Lodève.
    1. XXX

    La cour de Véra et le soutien-gorge, le boute-en-train de L’été meurtrier. Arielle a fondu, lui dit-on. Les Sirventès font du lapin aux figues. Les nageurs du pont d’Issandus, vus de haut. Véra reçoit une tasse de café pleine, comme autrefois une gifle. Les trois matriouchkas coincées. La fausse italianité de Fedora. La captivité d’Olégario, sa coprophagie et la lance à incendie dans le cul.

     

    1. XXXI :

    [Plage de Palavas, dessous de Fedora frôlé de près, je nage sous l'eau, photo grelottante avec Léa, Lydia et ses femmes retourne s'isoler, loin de tous amis, de tous animaux].

    Le livre d'Olegario sur l'étagère, le prisonnier éclaté. La mythification de cet homme qui s'est trompé de ventre. « Il n’est pas digne de voir sa fille ». On me cache des choses alors que je voudrais m'introduire pour « faire l'homme »

     

     

     

    1. XXXII :

    La grotte des Demoiselles, Arielle enfermée, achat de la petite chauve-souris. Le banc face aux poubelles où j'apprends l'indonésien.

     

     

     

    Clermont, pas de consigne à Montpellier, les valises à roulettes en ville. J’aimerais que Fedora me raccompagne à mon hôtel. J’imagine qu’en la ramenant je culbute également la fille. « Maman, quand est-ce que je pourrai coucher avec un mec ? » Fedora est hu-mi-liée par mon manque d’entretien ménager. Je retrouve chez elle exactement la même atmosphère que chez ma mère.

     

     

    1. XXXIII

    (Si seulement Fédora déménageait à Apt... Promenade au Bois des Cèdres. Mon énorme gueulante. Les pauvres pilafs de Léna. J'ai oublié mes Sertralines : ça marche

    J’éclate hors de propos. Un homme est-il obligatoirement un abruti qui gueule ? On morigène sa fille en lui rappelant que c’est bien la fille de son père : charmant… Olegario a obtenu le droit de visite. Peu probable que Lydia se précipite au-devant de la caméra pour jouer les martyres.

     

    1. XXXIV

    Grande conversation. Je voudrais voir Olegario. DVD Into the Wild. Fédora me demande de raccrocher, d'envoyer plutôt des courriels. Borine se fait frapper par son fils. Berlusconi reçoit la cathédrale de Milan sur la gueule. Rappel d'aspects d'Apt.

     

    Plage dePalavas. Le dessous du maillot. Ma photo ventrue enserrant Valeria. Conversations en cris de reconnaissance d’espèce. Les culottes masturbatoires de catalogues. Nous allons à la plage, jamais en montagne. Rejetez tous ceux qui vous connaissent mieux que vous. Les animaux de compagnie de Lydia systématiquement abandonnés.

     

     

    1. XXXV

    Lybie revient de chez son père, horrifiée par les scènes d'ivrognerie et de baise. Je veux tout recommencer avec Djanem, et je tromperais l'homme. Déploration sur Borine et son fils Nicolas.

    Le repas sur les tonneaux, Fedora beugle. Lydia se détachera de tous. Les kayakistes sur l’Hérault. Les canards montant vers nos bancs de ciment. Le ténor qui beugle par la fenêtre ouverte. Match patriotique, on se beugle La Marseillaise les yeux dans les yeux. Je marche, perplexe, toujours trop tard sous le soleil.

     

     

     

    1. XXXVI

    Connerie de Marie-Christine avec son gamin : « Il perd son temps ! » Le gosse engueulé : « Il te crachera à la gueule ! » Fédora très docte sur mon oubli de médicament. Mon visage de 20 ans dévoré de tics. Fédora surnommée Péderre.

     

    La guinguette et le match transistor à l’oreille. Princesse marocaine en grands atours. Les femmes retiennent leurs désirs. Atroce monument aux morts de Lodève.

     

    1. XXXVII

    Pour Lybie, tous les vieux seront dégueulasses. Léna infirmière à Bordeaux, pas un instant pour voir Sonia. Olegario mentionné dans mon blog, réactions très vives. Notre location fantôme dans le Lubéron. La détestation des Américains. L'amoureux parisien de Lybie. Sa voix gourmée de jeune fille au téléphone.

    Suite du monument. Les six mères de famille sur leur banc.

     

    1. XXXVIII

    L’escaladeur descendant en rappel. L’ours défonceur de pucelles. Frau Schulmann en retard enfermé dans la grotte, dernière messe en 44. Chauve-souris en plastique et médaille commémorative. Les bancs publics derrière les poubelles, où j’apprends le hongrois et l’indonésien. Le  faux sommeil photographié à Donibane. Plus de basque là-bas que d’occitan ici.

     

     

    La manière forte engendre plus de sensibilité. Le vagin qui palpite sur la bite. Les bons plans si nous avions pu nous rendre à Reillanne. À quoi bon faire de l'intrusion dans une famille ? Visite chez McLab-Tokama, écrivain demi-fou. Contrevisite touristique à St-Guilhem. « Ma femme » est devenue énorme.

     

    1. XXXIX

     

    La scène du frappage de table, où je ne suis pas intervenu. Le psychiatre te trouve toujours un traitement.

     

    (Hargne jusqu'à totale destruction. Episode du soutien-gorge tournoyant cf. XXIII en petits caractères.

    Disposition des meubles. Magnifiques manuscrits. « Ne correspond pas à notre réseau ». Le petit pot de yaourt devant l'usine, puces cognitives accrochées sur les crâne riches.)

     

    1. XL

    « C’est scientifique » !!! Projet de retrouver Olegario, pour vivre avec le trio, et qu’il s’ « occupe » d’Arielle. DVD « Into the Wild ». « C’est un grand vertige que celui qui pousse à la mort ». Le DVD s’enraye. Fédora plus tard me demande de raccrocher et d’envoyer plutôt un courriel. Pascaline : « Dis à Léna à quel point sa fille est en danger ». En revanche, G. se fait frapper par son fils. Apt, pizza géante, coiffure cubique.

     

     

    Cette fois-ci, l'interview. Lazare filme, mais il est filmé aussi... Djanem fait croire à Lazare que je n'ai pas son adresse de courriel. Je suis jaloux. Mais il y a dix ans de cela. « Si tu couches avec Lazare, je te tues » (sic).

     

     

     

    1. XLI

    Lydia et Léna s’enfuient chez Olegario, Lydia revient seule à cause des partouzes. Si Fedora porte plainte, elle aura pleine autorité parentale. Olegario se voit contester le statut de victime des Argentins. Mon envie de tout casser à la Seleyre ; un ami qui ne vient plus me voir...

     

    La vie, c'est vraiment trop difficile. Nombre de pages :

     

     

    R.XLII

    Honte aux mères indignes. « Il perd son temps ! » devant un bébé sous ses jouets éducatifs. « Un jour ton fils te crachera à la gueule » - « Tu entends ce qu’on dit de toi ? » Le fils Fontang. Fedora déclarant que je ne dois jamais oublier mes médicaments. Arielle ne peut plus supporter cette harengère. « Pour toi, un enfant ne doit jamais bouger ». Ramifications et fortifications de ce trio…

     

    1. XLIII

    Répulsion de Fédora pour la vieillesse. Clinique de Bordeaux. Mise en garde : ne pas dire qu’Olegario est un clochard, ne pas chercher à le contacter. Lydia s’échappera un jour avec son père. Retour d’Avignon à Montpellier, je défends mordicus les Américains et déplore cet amour dégoûtant pour Arafat. Voix gourmée de Lydia au téléphone. Sans un désespoir, il ne me reste plus rien à écrire.

     

    1. XLIV

    Nous aurions pu nous revoir. Je n’aurais pu fracasser cette famille.

     

    LE POINT COMMUN C’EST L’INTRUSION, ET L’AMOUR IMPOSSIBLE. REFONDRE LES DEUX HISTOIRES.

  • Schmitt, Dante et les dantistes

    Schmitt, Éric-Emmanuel, est un brave garçon, au doux sourire, aux lippes luisantes de gosse dans une pâtisserie, dont il aurait peut-être abusé, avec une bonne voix douce et des manières de chat onctueux. Il a reçu maints prix, Goncourt de la nouvelle en 2010 et deux Molières. Son recueil La rêveuse d’Ostende est de l’année 2007, où déjà de nombreuses ventes et autorités l’ont consacré comme bien-aimé des spectateurs et des lecteurs : salles combles et gros tirages en plusieurs langues. Avec cela, modeste et convenable. Vous pensez bien qu’un tel préambule ne saurait se terminer autrement que sur un “mais”, un “bémol” comme dirait Salamé, recuit de rancune et de mauvaise foi. La rêveuse d’Ostende, très beau titre, serait ainsi un hommage à l’imagination, car ses recueils de nouvelles traitent chacun d’un thème particulier.

    L’imagination, selon notre auteur, serait l’apanage des femmes, et il en met en scène cinq ou six, chacune avec ses délires. Léger inconvénient, le manque de mémoire que j’en ai. Juste une évaporée vivant seule dans son château, et qui reçoit un jour un noyé ranimé : Ostende est une grande plage donnant sur l’infini, parfaitement sinistre même en plein été. Mais à part cela, il m’aura fallu relire Crime parfait pour me souvenir de ce deuxième titre, et La guérison, numéro 3, dont vous aurez un court extrait tout à l’heure, ne m’a donné nulle envie de poursuivre le texte. Voulez-vous que je vous dise ? Au risque de m’abandonner au courant dominant, ce que nous appelons en français le mainstream, il me faut avouer que la femme, telle que dépeinte en ce recueil, paraît frivole, coquette, accordant une grande importance aux regards – pour une fois – masculins, éprouvant des “picotements dans le bas-ventre” (je cite, hélas) à la vue d’un profil nasal bien viril, ou bien se confiant à une pipelette vulgaire et poussant son mari dans le vide alpestre.

    Une antiquaire, en effet, se laisse impressionner par une grosse cliente, bariolée comme un perroquet et toujours prête à dénigrer les hommes, ce qui n’est pas difficile j’en conviens. Notre antiquaire examine donc le sien, d’homme, et finit par convertir toutes ses qualités (c’est un homme à qualités) en défauts soigneusement et hypocritement dissimulés : s’il n’a pas de maîtresse, c’est donc qu’il cache des maîtresses, ah le salaud. Elle le pousse dans un précipice, mais un berger, en contrebas, l’a vu faire. Son avocat fait passer le témoin pour un gros bouseux, ce qu’il est, et sa cliente se voit acquitter sous les sanglots d’attendrissement du public. Deux ans plus tard, se rendant compte de son erreur, car son mari l’aimait très tendrement et sans arrière-pensées, elle se jette à son tour dans le vide, au même endroit bien abrupt.

    Veuillez m’excuser, mais le scénario de cette deuxième nouvelle me semble rebattu comme chemise au lavoir : le crime est parfait, mais la coupable se fait justice, prétextant ne pas pouvoir survivre à cette perte irréparable. Pendant toute la nouvelle, cette Gaby (tel est son prénom, Gabriel ayant été celui de son mari) n’a cessé de mentir, de croire n’importe qui comme une imbécile, de se mettre en colère contre son avocat, de piquer des crises de nerfs et de larmes à point nommé, de battre des paupières et de se moucher. Ce n’est plus du Schmitt (à vos souhaits), mais du feuilleton américain en access prime time (as they use to say). Ce n’est pas du Daniel Boulanger, encore qu’on en reconnaisse la touche (des clowns homo en retraite, chez Boulanger, ça avait de la gueule tout de même, et, au moins, du style).

    Ne soyons donc pas surpris si les adjectifs qui se bousculent à mes lèvres à propos de Schmitt sont : “misogyne, convenu, vulgaire” ce qui est bien dommage pour un si charmant garçon qui fut transformé par une expérience mystique en plein désert, jadis. Le tout nappé dans un style sirupeux et de bonnes manières, que l’on retrouverait chez Albéric Second, ce con, et un ton paternaliste : “ah mon Dieu les braves petites connes, mais ce ne sont que des femmes il faut comprendre”. Et cette ironie condescendante, interprétée par les louangeurs comme une “tendresse très humaniste envers ses héroïnes”, n’est en fait qu’un mépris apitoyé. Je veux bien croire que l’auteur en use au second degré, mais il y a d’autres ‘seconds degrés”, moins usés jusqu’à la corde, moins éculés.

    Qu’il y ait certaines personnes, hommes ou femmes, prêts à s’attendrir sur ces comportements et commentaires (sous-entendus) complètements ringards (hommes qui cèdent aux pleurnicheries, “je n’en connais pas un qui résiste”) dans le genre “ah c’est bien vrai qu’elles sont comme ça les nanas” ou “les hommes succomberont toujours aux afféteries du” (prétendu) “charme” ou du mystère (parfaitement ranci) de l’ “éternel féminin”, c’est plausible, “eh oui dans le fond” (du slip ?) “c’est bien comme ça qu’on est tous” “qu’on est toutes”, la chose est concevable, et c’est pour cela que Schmitt rencontre un tel succès, mais ces avalanches de clichés me décourageaient totalement dès mes 13 ans d’espérer un jour être à la hauteur, et je me souviens des transports de soulagement et de joie lorsque j’appris qu’il existait des établissements où l’on pouvait se hasarder à des rapports sexuels pour de l’argent, ce qu’on appelle vulgairement des bordels.

    C’est encore ce qui m’a toujours dissuadé de sauter sur les femmes déjà à poil avec des éructations de gorille en rut (taille de l’érection : 5cm, je parle, scientifiquement, du gorille, demandez aux spécialistes (de l’érection, et du gorille), réflexe tendre qui me faisait entendre des phrases comme “on voit bien que tu n’en as pas vraiment envie” (tu la fermes de temps en temps, connasse ?) ou “j’en ai marre de ces comportements de collégien”, ou encore “tu baises mal parce que tu parles en même temps” (pourquoi ? il faut faire “ouff ouff” ou “pouff pouff” ?) Notez que maintenant, à lire les articles enthousiastes de Télécaca sur les femmes généralement lesbiennes ou bi houba qui font en sorte de démolir les hommes blancs forcément dominateurs et méprisants”, on n’a qu’une envie : se couper les couilles sans se faire trop mal trop mâle, et surtout, éviter à tout prix de laisser voir à une femme qu’on aurait bien envie d’elle.

    femmes,Belgique,Italie,paradisÇa fait tellement crado, n’est-ce pas. Avant de dire des conneries (trop tâââârd) je vais vous lire un passage aux petits oignons où les femmes passent pour des noix. L’une d’elles, infirmière, vient de se faire dire par un malade :”Cela fait du bien d’être soigné par une si jolie femme”. Or il porte un bandeau sur les yeux. Oui, l’humour, sa cruauté, air connu, sa subtilité, ritournelle, son immense tendresse, kyrielle. Donc,

    “Une fois dans le couloir, elle fondit en larmes” - les femmes, ça pleure, c’est à ça qu’on les reconnaît.

    “La découvrant au sol”, carrément, “sa collègue Marie-Thérèse, une Noire d’origine martiniquaise, l’aida à se relever, lui glissa un mouchoir entre les doigts puis l’emmena dans un réduit discret servant d’entrepôts à pansements.

    “ - Eh bien, ma petite puce, que se passe-t-il ?LE TABLEAU EST D'ANNE JALEVSKI venez le voir au 4 avenue VictORIA à MERIGNAC

    “ Cette tendresse inattendue redoubla le chagrin de Stéphanie qui sanglota contre l’épaule dodue” (putain, cet humour cruel !) “de sa collègue ; elle n’aurait jamais cessé si l’odeur de vanille qu’exhalait la peau de Marie-Thérèse ne l’avait apaisée en lui rappelant des bonheurs d’enfance, anniversaires chez ses grands-parents ou soirées yaourts chez sa voisine Emma.

    “ - Alors, d’où vient ce gros chagrin ?

    “ - Je ne sais pas;

    “ - Le travail ou la vie privée ?

    “ - Les deux, gémit Stéphanie en reniflant” jusqu’au rectum.

    Elle se moucha avec bruit pour clore son égarement.

    “ - Merci, Marie-Thérèse, ça va beaucoup mieux maintenant.

    COLLIGNON LECTURES LUMIÈRES, LUMIÈRES 65 02 20 43

    SCHMITT “LA RÊVEUSE D’OSTENDE”

     

     

    “Quoique ses yeux demeurassent secs le reste de la journée, elle n’alla pas mieux ; d’autant moins qu’elle ne comprenait pas sa crise.

    “À vingt-cinq ans, Stéphanie avait étudié pour devenir infirmière mais se connaissait mal. Pourquoi ? Parce qu’elle se méfiait d’elle-même, distance héritée de sa mère qui ne portait pas un regard bienveillant sur sa fille. Comment se serait-elle accordé de l’importance quand la personne qui l’avait mise au monde et qui était censée l’aimer la dénigrait ? Léa, en effet, n’estimait sa fille ni jolie ni intelligente et ne s’était jamais gênée pour le dire ; chaque fois qu’elle le clamait, elle ajoutait : “Que voulez-vous, ce n‘est pas parce qu’on est mère qu’on ne doit pas se montrer lucide !” L’opinion maternelle, légèrement altérée, commandait l’opinion de la fille. Si, pour l’intelligence, Stéphanie avait combattu son persiflage – alors que Léa, dépourvue de diplôme, continuait à vendre des vêtements, Stéphanie avait décroché son bac et réussi une formation paramédicale -, pour la plastique, en revanche, elle avait adopté sans broncher les canons esthétiques maternels. Puisqu’une belle femme, c’était une femme fine aux hanches étroites, aux seins pommés, telle Léa, alors Stéphanie n’était pas une belle femme ; elle rentrait plutôt - sa mère le répétait souvent – dans la catégorie boudins. Douze kilos supplémentaires alors que, en taille, elles n’avaient que sept centimètres de différence !

    “Du coup,” comme disaient Louis XVI et Marie-Antoinette, “Stéphanie avait toujours repoussé les propositions de Léa “pour s’arranger”, craignant d’ajouter des ridicules au ridicule. Persuadée que dentelles, soieries, tresses, chignons, boucles, bijoux, bracelets, parures d’oreilles ou colliers choqueraient autant sur elle que sur un travesti, elle se savait une femme physiologique mais ne spus’évaluait pas plus féminine qu’un homme.” Là, je me fais engueuler par les transgenres. “La blouse blanche, le pantalon blanc lui convenaient et, lorsqu’elle les raccrochait au vestiaire de l’hôpital, elle n’enfilait que leurs équivalents noirs ou bleu marine puis troquait ses sandales orthopédiques contre de grosses baskets blanches.”

    Bon, j’espère que le gros con qui me prend pour un hitlérien ne va pas téléphoner pour “enfiler leurs équivalents noirs” ou, circonstance aggravante, “ou bleu marine”. À part ça, pour faire Angers - Le Mans – Alençon en train, La rêveuse d’Ostende chez Albin Michel s’il vous plaît est un excellent petit ouvrage qui n’est pas le meilleur d’Éric-Emmanuel Schmitt, mais qui se laisse oublier aussi vite qu’il se sera laissé lire. La prochaine fois, Éric Zemmour, préparez vos bazookas.

    COLLIGNON LECTURES

    DANTE « LA DIVINE COMEDIE » 59 06 15 60 05 30 91

     

     

    L'avertissement de Dante, en ouverture au chant II du « Paradis », ne possède pas l'insolence que nous y avions superficiellement inventée : laisser partir le vaisseau sur l'océan de l'infini, retourner au port sur sa petite barque, signale plutôt l'effroi divin du pilote que le mépris des petites gens : le navire qui fond dans la lumière explore des territoires inconnus des humains, et nous devons nous contenter de nos limites et de nos sorts. De même l'auteur baisse-t-il les yeux toutes les fois où Béatrice a proféré ses éclaircissements. L'humilité ne s'adresse pas à la femme ici, mais aux paroles de la divinité, incarnées à la mesure de qui peut les recevoir : c'est ainsi que Dieu ne se peut figurer sans mains ni pieds, dit le poète.

    Le chant deux contient des explications confuses selon notre sciente : Béatrice explique les taches de la lune non pas en fonction de l'épaisseur ou du vide, porosité ou densité, de la matière, mais de la quantité de lumière émise en chaque partie du corps céleste. Mais lorsque Dante parvient à la première sphère, il rencontre les moniales dont le vœu fut rompu par la brutalité des mortels . Et l'une d'elle devint mère. D'abord, aucune de ces femmes n'envie les sphères supérieures : telle est la volonté de Dieu, qu'elles transforment en leur volonté propre. La vierge Marie elle-même ne connaît point d'autre séjour. Comment ces femmes pourraient-elles envier quiconque ?

    L'injustice vue de terre n'est pas la même que vue du ciel, pour lequel il n'est point d'injustice. Or, Dieu a donné la liberté à sa créature, pour l'excellente raison qu'elle n'eût sans cela pas été différente de lui, sans pouvoir être même créée. Lors du rapt de ces religieuses, même si leur désir du divin ne fut en rien diminué, leur volonté propre ne s'éleva pas jusqu'à totalement résister à leurs ravisseurs et profanateurs. Cette chose existe, mais de façon extrêmement rare. Et d'une certaine façon, fût-elle infime, elles consentirent à leur dégradation. Car cette faiblesse devint alors volonté de Dieu. Nous voulons tous échouer, car nous fûmes créés faillibles. Il n'existerait alors qu'une faille de liberté : entre le moment où nous fûmes créés, et celui où Dieu récupéra notre volonté pour la faire sienne, non pas pour nous obéir, mais pour en quelque sorte récupérer son bien.

    Dieu se rétracte en tsimtsoum, puis se regonfle et de nouveau nous absorbe. Très ingénieux, et aporique, de la même façon qu'Edipe à la fois se voit responsable et non coupable, mais aussi bien coupable et non responsable : exemple invoqué non pas seulement pour aporiser cette énigme non résolue de la liberté, mais aussi pour montrer que paîens et chrétiens s'accordent, quoique en régimes différents, pour buter sur le mystère au moyen de l'insoluble, et l'affirmation de l'inéluctabillité du destin : Anangkè, ce qui est forcé, ce qui serre à la gorge : angoisse, angine. Le signe saint et sacré suscite la révolte, l'appropriation (ou l'opposition). Deux fois plus de rivalité que d'alliance, ainsi enserrée. Se révolter, lutter avec l'ange, est le destin de tous les hommes libres. Ils seront vaincu par l'ange, mais ce dernier retournera aux cieux. Plus historiquement, l'empereur Justinien s'adresse au poète, afin de l'éclairer sur l'Histoire. Il semblait n'avoir régné que par la grâce de Théodora, l'acharnement de son Bélisaire.

    Nous l'avons oublié, comme tout empereur. Il est distant de 750 ans pour Dante, soit autant que saint Louis pour nous. Justinien fut chrétien, mais nous aurions du mal à le voir jouir de la deuxième sphère des bienheureux. Écoutons Béatrice à son sujet : « Vois combien de hauts faits l'ont rendu digne de respect : il commença au moment où Pallas mourut, et lui donna la royauté. » Je ne connaissais de Pallas que cet affranchi de Claude, que ce dernier a si haut élevé. La royauté doit s'entendre « empire », « impérium ». Les « hauts faits » seront-ils militaires ? « Tu sais qu'il fit sa demeure dans Albe pendant trois cents ans et plus, jusqu'à ce que trois combattirent pour lui ». Ou bien « il » représente Dieu, présent partout dans l'Histoire, ou bien c'est Justinien, considéré comme présent dès les prémisses de la puissance romaine.

    Il serait ainsi la puissance englobante de plus de mille cinq cents ans d'Histoire, sorte de manteau de Dieu. J'ai du mal ici à me frayer un chemin. D'autres fonceraient, mais ce qui m'aura toujours manqué, c'est la modestie, l'histoire de la science, l'épistémologie chronologique : de ces fameux théorèmes, de ces démonstrations, de cette façon de poser la division, j'aurais aime connaître l'historique, afin de suivre les approximations des hommes à travers les siècles : ainsi j'aurais connu l'épaisseur humaine de la science même mathématique, et je me la serais assimilée avec plus de sympathie, d'empathie humaine, au lieu de subir le joug des assertions autoritaires, considérant comme le dernier des crétins celui qui « n'a pas compris ».

    C'est ainsi (toujours ces plaidoyers pro domo) que j'entends justifier ces errances que je développe devant le lecteur. Et pour l'instant, ce reniflement du règne de Justinien jusqu'à l'époque des Horaces et des Curiaces me laisse perplexe : « Tu sais ce qu'il fit depuis le rapt des Sabines jusqu'à la douleur de Lucrèce, sous sept rois, en soumettant tout autour les peuples voisins ». Quatre cents ans passent en une phrase. Aurons-nous droit au récapitulatif de toute l'histoire romaine ? C'est un procédé couru, chez Sidoine lui-même. Et je remonte un peu : oui, le « il » représente Dieu.

    Car en remontant bien, Justinien, qui parlait au début, invoquait le Créateur. Dante et Béatrice faisant du remplissage en évoquant tout le passé romain, Collignon de la Collignonnière peut donc se figurer qu'il les imite. Nous avons donc résolu cet enfantillage, sans avoir pu régler la question de la prédestination. « Tu sais ce qu'il fit, porté par les Romains illustres contre Brennus, contre Pyrrhus, contre les autres princes et nations ; » - Dieu porté par les Romains, et les portant aussi, en illustration de cet emmêlement tressant volonté divine et volonté humaine dont il était question ; « d'où Torquatus et Quintius, qui dut son nom à sa chevelure négligée (« Cincinnatus », le bouclé ?), et les Decius et les Fabius acquirent la renommée, que je me plais à honorer ; ».

    C'est toujours Justinien, et non pas Béatrice, qui parle. Que d'erreurs. Le Marcellus de la dernière Bucolique ne résumait-il pas à son tour toute l'histoire de Rome ? Virgile avant Sidoine, comme de juste. « Il terrassa l'orgueil des Arabes, qui franchirent, à la suite d'Hannibal, les roches des Alpes, d'où tu descends, ô Pô ! » Pour le coup, Dante se trompe, il n'y avait pas d'Arabes avec Hannibal, et le traducteur se vautre dans le risible, avec sa descente au pot (je suis mon propre boulet).

    60 05 30

    Les hasards que nous créons nous ramènent en arrière, puisque c'est à l'original italien que nous nous reportons aujourd'hui. Dixième chant des Enfers, sixième cercle, rencontre avec le grand Cavalcanto Cavalcanti. Dante marque une hésitation avant de répondre à ce dernier, qui apprend que là-haut, sur la terre, son propre fils est mort. « En arrière il retomba, et ne reparut plus. » Ce sont là des tombeaux qui s'entrouvrent, d'où sortent à demi les cadavres vivant là pour l'éternité. Que les gloses à présent m'inspirent : Cavalcante suppose que le Poète est venu là-dessous « de [lui]-même » : il suffit pour entreprendre une telle exploration souterraine de posséder l' altezza d'ingegno, la grandeur de l'esprit.

    Mais il y faut autre chose : une grâce sans doute, une licence divine. Sans elle, jamais Dante, malgré tout l'éclat de son génie, jamais n'aurait pu pénétrer ces immenses mystères. Le fils de Cavalcante se nomme « Guido ». Ce Guido dédaignerait Virgile, et pourquoi donc ? La chose n'est pas claire, et la note présente les divergences des exégètes : « certains » (je paraphrase) « ont estimé que Guido n'aimait pas le latin, ce qui semble une petite explication. D'autres, parce que ce même personnage estimait bien plus la philosophie que la poésie, suivant en cela Platon, bien que Virgile représente la philosophie sans démériter – mais Guido était, lui aussi, poète ! D'autres y voient des raisons politiques : le fils de Calvacante aimait la république, c'était un guelfe, alors que Virgile chantait l'Empire avec enthousiasme. C'est un petit jeu policier. Nous approcherons progressivement de la vérité. A moins que pour l'épicurien Guido Virgile ne soit trop religieux, ou ne présente la raison trop soumise à la foi. Nous lisons dans le dictionnaire que Dante passe d'un amour terrestre à l'amour divin, tandis que Guido Cavalcanti se fixe à l'épiphénoménologie du désir, qu'il ne dépasse pas, au sens platonicien du terme. Mais Virgile peut-il être interprété selon Platon ? Pour le fils de Cavalcante en tout cas, il n'existe nulle autre vie que celle-ci.

    À moins que Béatrice ne soit dédaignée, mais ce symbole est-il intervenu dans la Divine Comédie, à ce stade ? Il faudrait en ce cas supposer cui, masculin, équivalent de colei, féminin, comme l'a fait un certain Giambone en parlant de la notte, la nuit, ou de la « nature », page 237 nos précise-t-on. Ce sont là bien des hypothèses. Dante est bien scruté comme un texte saint. Les notes en bas de page se perdent en disputes d'exégètes, les uns tenant pour une hostilité à l'égard de Virgile et de lui seul, Del Luco s'opposant à D'Ovidio, s'il s'agit bien d'hommes : Guido possédait surtout une science de penseur, de philosophe naturaliste et laïque ; sa poésie (nous résumons) se bornait à la corde lyrique, toute intellectuelle, avec tout le bon goût toscan, le tout découlant des troubadours provençaux et Guinicelli.

    Tout foisonnait alors aussi bien qu'aujourd'hui, tout est au tombeau, nous manions des reliques. Et l'esprit souverain, l'ingegno sovrano, de Dante, parvint à rassembler ces deux courants, l'intellectuel et le sensuel, jonction inconnue de l'Antiquité. Dante aurait su réinterpréter une Enéide en quelque sorte à la fois classique et romantique. Le dédain de Guido Cavalcanti ne viserait dans Virgile que l'Enéide, la religiosité de cette dernière s'opposant à l'épicurisme du poète italien. Virgile en effet décrit la vie future dans son chant VI, modèle de la Divine Comédie ; c'est lui qui guide Alighieri dans son exploration internale. Nous résumons ici la note, conscients de nos insuffisances, heureux d'une si belle et complète explication, d'une si parfaite érudition.

    Mais la note suivante, commentant le sue parole ainsi que sa façon d'exprimer ses regrets, frôle comme bien d'autres la paraphrase : complimenter Dante pour son esprit, regretter son fils de telle ou telle sorte, révèlent à l'auteur l'identité de celui qui parlait en soulevant sa dalle funéraire – c'est au prix malgré tout d'une telle mastication, nous oserions le terme de manducation réservé à l'hostie, tant la révérence à Dante est grande, que nulle nuance de ses implications, nulle miette de son génie, ne reste ignorée, ni même vague. Comme l'Iôn d'Euripide, nous ne faisons que balayer le seuil du temple ! Ainsi se découvre à Dante le nom de son apostropheur, comme s'il le lisait, car il faut bien varier les présentations...

     

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    Croyez-vous que le traducteur aura droit à la moindre mention ? Que nenni. Il nous faut donc ramper dans la fange française, modeste et vermiculaire essai, sans savoir quelle humilité y aura présidé. Gustave Doré illustre nombre de pages, mais comme on dit, ne s’est pas nécessairement foulé. Tout au plus pouvons-nous apprécier, dans son encre rehaussée de craie, les longilignes aiguës d’un vague sous-Gréco dans l’unanime tension des ailes angéliques, toutes vers le haut comme à la parade. Comment représenter en effet les délice du paradis, autrement qu’avec une profusion de volatiles et de rayons en éventail ? Le texte en lui-même, dans sa réduction française, ne sait que juxtaposer les comparaisons parallèles, grands renforts de « comme » et de  « de même », ce que l’on qualifie d’ « homériques ».L’autre procédé, particulièrement lassant par son impuissance même : « Je ne saurais vous dire... »,  « nul ne peut exprimer « , »les plus beaux du monde », »la plus extraordinaire qu’on eût pu voir », « tels que je n’en avais encore jamais entrevus dans toute l’étendue de l’univers » - ces dernières hyperboles venant tout droit des romans de chevalerie par paquets de dix.

    Nous sommes en effet au paradis, au chant XXVII (hélas, il y en a XXXII), et les saints qui tournent sur eux-mêmes au milieu des nuées éclatantes ne sont pas moins puérils, ma foi (justement) que ces innombrables dieux ou déesses sereins ou courroucés, tous plus ou moins peinturlurés et chargés de symboles (le crâne vide se porte beaucoup dans les éternités) que nous rencontrons à chaque page du Bardö Tödol tibétain. De même donc (à notre tour) qu’il existe devant l’agonisant himalayen des divinités « irritables » (selon les traductions), de même la colère et la malédiction se trouvent-elles non seulement dans l’Évangile (Jésus maudit le figuier desséché) mais aussi dans les espaces paradisiaques de Dante:la cupidité « attire tellement les mortels dans (s)on abîme que nul n’a plus le pouvoir de porter ses yeux hors de (s)es flots ».

    Ce fut un grand jour pour moi que de découvrir le plaisir de nager les yeux ouverts sous les eaux. Et si j’avais vu des trésors, à coup sûr j’eusse enfoncé mon corps dans la flotte. Mais c’est ici une fugace vision infernale. « La volonté fleurit bien dans l’homme ; mais la pluie continuelle fait pourrir les bons fruits ». Les volontés ne sont souvent que des velléités. Les haines aussi. D’où provient donc cette pluie, puisque nous glougloutons dans la métaphore ? ...le reste du Déluge qui continue à pleuvoir dans nos âmes molles ? La sale pluie pourrisseuse ?… « La foi et l’innocence se trouvent seulement chez les petits enfants;mais chacune d’elles s’envole avant que le duvet couvre leurs joues ».

    Forcément, les enfants sont les plus cons. Dès qu’ils atteignent au plus tard la onzaine, toutes ces fariboles de nuages superposés s’effondrent sur une encombrante paire de couilles. Comment peut-on conserver la foi ? « redevenir comme de petits enfants » dit l’Évangile ? Et cette question érodante, taraudante : ne serais-je pas un d’Ormesson morne ? L’enfant jadis était une puissance, à présent juste une occasion de chialer. C’est de Redeker cette fois qu’il s’agit. Saurez-vous seulement de quoi nous parlons ? « Tel balbutie encore et jeûne, qui dévore, quand sa langue et déliée, toute nourriture en tout temps ». La divinité est-elle au fond des yeux d’enfants? Non, mais des bêtes. Le regard des bébés est bête. Il ne renvoie qu’au gros soiffard à venir. La bête ne sera jamais alcoolique ou bouffeur obèse.

    L’âme de l’animal est en prise directe avec l’anima divine. Celle du bébé avec pipi-caca. Ce n’est ici que du délire, une question d’association d’idées. Le chat est plus pur que l’homme. Il est en Dieu. L’homme est de Dieu. Il peut devenir grand savant bienfaiteur, ou salaud qui tire dans le tas. Le chat restera chat, même moche, même grognon et vieux. L’homme porte encore en lui le péché originel, auquel j’ai toujours cru, avant de le rattacher à sa liberté, à sa responsabilité. D’Ormesson,en plus morne vous dis-je, en plus erne. « Et tel en bégayant aime sa mère et l’écoute, qui, lorsque sa parole est ferme, désire la voir ensevelie ».

    Croissance du corps implique celle du Diable et de l’espri critique ». « Ici repose un ange » lit-on sur les tombes. Dante passe de la gloutonnerie au matricide intentionnel. L’animal s’accouple avec sa mère. Pharaon épouse sa fille. Il est le seul, étant Dieu sur cette terre, et quiconque l’imite est criminel à éliminer. Mais je refuse d’être animal. « Ainsi la peau de la belle fille de celui qui apporte le matin et qui laisse le soir, blanche d’abord, devient noire ensuite.