Proullaud296

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der grüne Affe - Page 162

  • Qui se souvient de Beyrouth ?

     

    Il se met les coudes aux genoux, me dit que nous autres chrétiens, nous ne croyons pas. Il ajoute que chez lui, la foi est passée : «Allah, donne-nous de bonnes mitraillettes ! » Il rit. Je prie : « Seigneur, donnez-lui des forces qui durent.» Saïz Essalah, 17 ans, m'apprend que DOMINIQUE PAZIOLS est descendu en ville. Voici un jeune homme qui lit les mêmes choses que moi dans les journaux. Essalah dit encore : «Ici, en ville, Paziols voit des hommes se battre pour de vrai. Il a attrapé la Foi : pour lui, tout avantage. » Au début de la guerre en effet, tout se succédait avec une apparence de miracle, manifestations, discours, grèves.

     

    Bris de vitres. Chants de grillons, bruits de bottes sous les miradors. Un jour les Yahouds ont bombardé l'asile de Damas. Saïz Essalah m'apprend que Dominique Paziols lui aussi a été interné, quelque temps, chez Sri Hamri « le Rouge ». A Damas. En résumé Sidi Jourji, les Yahouds luttaient pour s'agrandir. Du Golan, tu tirais tout ce que tu voulais sur le lac Tibériade. Ils sont d'abord montés sur le Golan. Ils ont bombardé Damas. Ce qui intéresse le jeune homme, ce sont les blessures, leur nombre, leur emplacement. « Paziols est resté quelque temps à Louqsoum. Quand on part de Louqsoum, il y a deux chemins, la Syrie au Nord, l'Irak à l'Est. Chaque route a son cheval de frise, et son homme. - Je ne connais pas tous les villages du nord. - Tu dois rejoindre Sri Hamri, qui vous a internés tous les deux. Ce sera plus intéressant que de fuir ton fils. » Je pense, que j'en dis toujours trop. ...Percer la ville... Rameuter les secours, au-delà du port, toujours sous les tirs – il faut se fixer sur sa Première Illumination et n'en point démordre – quel chrétien, ayant vu de ses yeux la Vierge, retournerait ensuite à sa vie ordinaire ? Ma vision personnelle est celle d'un fou, grand et fort, nommé Dominique Paziols, tirant sur ses parents et ses amis de tous les jours – combien cet homme me serait précieux...

     

    On ne condamne pas les droits communs en temps de guerre. On les utilise. Il surgit tout armé, pour la justice ; pour mon fils. « Quinze morts d'un côté, dans un petit village vosgien ; très loin d'ici ; quinze entretiens, d'autre part, pour la paix... Essalah ! - Je t'écoute. - J'ai l'idée du Premier Entretien de Paix. - Tu n'iras pas plus loin que le premier. » Comme il juge. ... Ce que je peux attendre de Sri Hamri « le Rouge » ? - Celui qui t'a soigné ? - Enfermé serait plus juste. » Je reconnais cependant que c'est celui qui m'a le mieux soigné. « Il n'exerce plus, Sidi Jourji. Il a ôté son turban, rasé ses cheveux. Il tient le quartier des Balzaki, c'est le chef des plus riches. Que peux-tu attendre d'un riche ? » Ma stupéfaction est visible. « Il se fait appeler Bou Akbar. Tout le monde connaît Bou Akbar. » Chef de clinique, chef de guerre...

     

    Je me souviens bien de ma dernière lettre : Docteur, je vous serais reconnaissant de bien vouloir mettre fin au traitement B.A.V., qui fait naître à l'intérieur même de ma boîte crânienne une sensation de goutte à goutte proprement insupportable » - il faudrait cette fois émettre un message de paix, j'en pèse déjà les termes, serai-je convaincant? Une déflagration ébranle le quartier. Nos vitres tremblent. Un carré de plâtre tombe du plafond. Plaintes, hurlements, sirène et surexcitation, panique. Ni l'un ni l'autre ne s'est levé. Saïz Essalah s'époussète à même le sol. Le tintamarre des ambulances, de l'autre côté du mur, devient assourdissant.

     

    En me penchant par la fenêtre de la cour intérieure, je vois trois serpillières sur une corde à linge. Dans le patio résonnent les indications des sauveteurs invisibles, précises et contradictoires. « Ils sont trop, dit Essalah, qui se relève ; ils se gênent. Etes-vous médecin ? ajoute-t-il ; c'est un beau métier. Un beau et bon métier en ce moment. » A l'étage inférieur une porte claque sur le mur. Des cris, une rafale. Essalah pâlit. Des pas retentissent dans l'escalier. Notre porte est sauvagement secouée. L'hôtelier crie : « Il n'y a personne ! - Ta gueule. - Personne n'a tiré de mon hôtel ! C'est une voiture piégée ! Pourquoi l'aurais-je fait sauter à cinquante mètres de mon hôtel...(etc) » - son corps heurte le mur et se tait. Encore un coup de feu, chambre voisine. « N°vingt-huit» murmure Essalah blanc comme l'acier. D'autres pas remontent l'escalier ; une civière tinte contre un angle. Les médecins secouent notre porte. Mon cœur s'est soulevé. Pour éviter le moindre bruit, j'ai ravalé une bouchée de vomissure, qui m'est venue. « Ton haleine est intolérable », chuchote Essalah. Lorsque tout s'est apaisé, je me suis levé pour boire à même le robinet d'eau chaude, intact. Essalah boit à son tour. Il tremble de tous ses membres, puis cela cesse d'un coup, il se met à rire, silencieusement. « Sors te battre » lui dis-je.

     

    Et je lui promets l'arriéré de sa chambre. « Pour les héritiers.  - Je n'ai pas d'arriérés, Roumi. Je n'ai pas d'ordre. Je reste dans ta chambre.Si mes chefs donnent des ordres, ils sauront me trouver.

     

      • Vous êtes très disciplinés, Saïz.

      • Tous les partis observent la discipline. Cest pourquoi Motché sombre dans le chaos. »

      • PROFIL ALTIER www.anne-jalevski.com
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    Nous descendons au rez-de-chaussée. Mon compagnon m'indique la porte d'arrière, et le nom de trois rues successives, « coudées, mal gardées ; souviens-toi de l'ordre où je les ai dites ». Si j'en réchappe, dit-il, je tomberai approximativement sur le fief de Sri Hamri, dit « Bou Akbar ». Il ne m'a pas retenu en otage : « Nous savons estimer les personnes de peu de poids », dit-il. Vexé, passées les rues coudées, je n'ai pu redresser la tête qu'en parvenant Boulevard Gaagda ; intact. «Poudre blanche ! crie-t-on sur le trottoir. Poudre blanche ! » Le seul endroit au monde où l'on vende l'héroïne à la criée.

     

  • La plage, l'Espagne et Polycarpe

     

    J'arpente des hectomètres de laideur (une affiche noir et blanc promettant du "cinemagore" – "Entrailles sanglantes"); trois tours carrées de douze étages plantées sur le sable, toutes déchiquetées de lumières comme un triple Titanic, d'où jaillit par les fenêtres ouvertes un vacarme de cancanements (les Espagnols ont des voix de canards) - et de friteuses. Ignobles bouffées d'huile d'olives et de graillou. Et comme j'avance toujours sur le sable, je me retrouve en pleine fête foraine. Alors seulement j'ai demandé la mer : "de l'autre côté de la plage" – sic! - et délaissée, déserte, digne et magnifique, après un long chemin de caillebotis : l'heure utilitaire du bronzage étant passée - je fus seul, talons trempés, accomplissant le rite ; l'eau s'abattait par boucles sur mes pieds, mais à 20 pas de là, dans l'argent terni de l'écume, dans ce sourire, commençait la mort, et je suis resté là sans émotion, par nécessité, comme devant la tombe d'inconnus qu'il faut bien visiter.

     

    Puis j'ai tourné le dos pour rentrer dans ma boîte en tôle, au campement. Le lendemain matin, le gérant refoulait une immense caravane italienne, qui reculait gauchement sur la chaussée parmi les cris étranglés du guidage, et jai pensé comprendre, avec ces riches Italiens drapés de hauteur, qu'on les aimait bien peu en Hispanie – en vérité je n'en sais rien. Je suis reparti vers le sud, manquant de peu de me faire écharper dans l'angle mort : à huit heures pile, je débouchais, en pleine ruée motorisée, d'un réseau de sentiers perpendiculaires où je m'étais perdu dans une oliveraie, dont le goudron coupé net de part et d'autre par les canaux d'irrigation au ras des pneus interdisait tout demi-tour, et j'ai violé le stop sous les roues d'un 18t. de cageots.

    POUPEE-BULLE www.anna-jalevski.com

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    Il m'accula sur le bas-côté d'un coup de klaxon féroce et prolongé, puis défila, terrible, lentement, à trois centimètres de la tôle. De Sagonte à Valence règnent ainsi d'atroces voies surchargées de demi-dingues aveugles à quatre roues, sans la moindre trouée vers la mer. Valence elle-même assiégée de bâtiments hideux kaki et mauves, pistache, citron, juste avant la Puerta dels Forns et le Centre Historique. Photographie sans pellicule (je l'ignore encore) d'une longue et laide chienne tétant l'eau d'un robinet public à gueule renversée sous l'œil torve du maître. Je vais m'égarant sous le soleil déjà tuant, le long d'interminables fondations dont les remblais grouillent de chats – Valence, 700 000 âmes.

     

    A la première banque je me suis coincé dans le sas, heurté à la morgue des guichetiers ; à la troisième je rencontre enfin une employée francophone sans le moindre accent, qui enseigne ma langue et se trouve faute d'emploi derrière ce comptoir. "Ce que vous faites est aussi très utile" - sa moue boudeuse a souligné ma muflerie. "Dehors, me dit-elle, au caissier automatique" – je n'ose rectifier "la caisse". Engloutissant sous le cagnard un étouffant sandwich aux frites je suis abordé d'un Roumain réfugié bien sapé qui grimace devant mes 100 pésètes, désignant la liasse qui dépasse de mon portefeuille : mil pesetas para la noche por favor mais je l'envoie chier en mâchant de toutes mes dents, sans bras d'honneur pour ne pas me faire casser la gueule. Plus tard j'évite au volant l'autopista Benifaió-Algemes, me retrouvant coincé en plein dédale de briques au cœur d'Alzira, centre du monde, puis à Carcaixant ("Carcassonne"), Xativa ouJativa, puis les directions Alicante/Alacant – ¿ adonde se habla español ? J'ai crevé de chaud sur les boulevards d'Alcoy, ça m'a fait un bien fou, je me suis senti important.

     

    J'ai observé en contrebas le clocher d'émail bleu. Un chien littéralement fou de faim m'arrache sous les roues quelque atroce charogne imprégnée d'asphalte. Il détale dans la circulation avant que j'aie osé lui jeter mon fromage. Puis d'un coup la campagne comme un terrain vague : comment vit-on là ? Un bar perdu dans la rocaille, trois arbres, l'intérieur bondé : venus d'où ? Porte poussée les hurlements se font féroces, couvrant la télé plus le juke-box à fond. J'écris sur le zinc une carte postale en français – le patron m'aborde : "Je m'appelle Agusto Policarpe crie-t-il ; j'aisuivi mes parents, fuyant Franco dans l'Aude." Scolarisé jusqu'à neuf ans puis revenu chez lui, repart en France vendanger quinze années de suite.

     

    Il me tend par-dessus le comptoir une liasse de documents d'où ressort un droit de retraite, dérisoire, à moins de toucher la pension intégrale à 65 ans – "je n'en ai que 62". Quel bonheur pour lui de parler français. Les clients l'admirent dans le tumulte. Je lui apprends que Polycarpe, son patronyme, signifie "qui porte beaucoup de fruits", "qui a beaucoup de profit". Il se montre ravi d'apprendre, si tard dans sa vie, ce que veut dire ce nom ; il pensait que cela signifiait "Un homme", autant dire "Un Tel", "Fulano" - "Polycarpe ? C'est le nom d'un homme" – certes ; mais que signifie, ô crétinissime informateur, le nom de cet homme ? "Celui qui en profite" ; el, que aproveche. Il reprend ma traduction avec enthousiasme – el, que aproveche. Ses yeux brillent.

     

    Il retournera dès que possible à Carcassonne, en France, se faire éclaircir les arcanes des formulaires. J'achève ma carte au sein des vociférations. Quand je lui échappe, il me rejoint sur le parking, toutes vitres ouvertes, où je lis Eschyle à haute voix :

     

    "Vous oubliez votre bouteille d'eau !...

     

    "Je ne vous la fais pas payer.

     

    Polycarpe se souviendra toujours de moi, moi de lui.

     

  • Latin latinus, entrez dans l'anus

     

    Un fossé, en vérité. C'était mieux pour Avitus : père de Papianilla bien-aimée, connue par portrait, "nous étions un homme et une femme, et nous étions jeunes", alors on a tronché, maladroitement, on a fait deux fils et une fille, et ça faisait tout drôle qu'il ait déjà fini, tout chrétiennement (mais mollement), et le respect devait régner entre eux. Rends-toi compte, Papa est empereur ! Jeunesse livide, inconsistante comme une asperge blanche, et moi, Sidoine, je prends ma lyre et je prélude : enfant gâté plein de fric : Le barde de l'Ismarus – le benjamin de Besançon, Hugo, Virgile embardé, gaullisé, non : vates, simplement vates, le mage, le vaticinant, le Vaticant, pas si gaulois dans le texte, Loyen, Pictave, tu vas trop loin – célébrant un jour, sur sa lyre thracen l'heureuse naissance de Pallas aux armes sonores – Pallados armisonae sont les premiers mots du texte, de la Praefatio ou Préface. Elle est toute tourmentée, cette préface, commence par une explosion de mots inversés, à l'ordre torturé, que Loyen traducteur a renoncé à rendre, "de Pallas armi-sonante, la favorable tandis que par des chants – naissance – résonne (grâce à l'Ismarique de Thrace prophète) – la lyre" : comprenez-vous, braves gens, le supplice d'innocents quatrièmes livrés au mufle dévorant des versions latines ?

     

    Maudit soit le destin de qui ne sait ce qu'il aime ou non, perdu dans les pensées de meutre et de vengeance, et qui par faiblesse et peur de soi-même se laisse enlacer dans des nœuds qu'il n'a pas souhaités, pas vraiment ! tout encombré ensuite d'une vie entière, de ces femmes qui le regardent équilibrées, elles, et décidées, Foutez-moi la paix. Tandis qu'il recule par manque de cœur, ("courage" et "sentiments") – ce fut dans Marathon, cité mopsopienne, la bousculade des fleuves arrêtée dans leur cours et de la terre accourue – stop. Laissez-moi respirer. Le "foutez-moi la paix" a trouvé sa place par glissade involontaire, acte manqué. Qu'est-ce qu'Orphée ? Quelqu'un qui maîtrise. Qui fait rebrousser leur chemin aux fleuves... VI, 4. 59 12 01....tandis que le plectre – dum pectine, "le peigne" – faisait résonner les cordes d'une douce mélodie – pling plong, ça devait être gai – la déesse, dit-on, applaudit avec des louanges à l'éloge que voici : Déesse, ta douceur me fait gerber ; Sidoine, ton parallélisme louanges/éloge me garnit le gosier de guimauve.

     

    Tu écriras bien autrement, bien plus sincèrement, dans tes Lettres, que je n'aborderai plus de mon vivant, lorsque les malheurs du temps et la déception de ton fils t'auront amené à plus de modestie, à plus de profondeur. Tes ronds de jambe olympiens ne sont rien d'autre que nos prix Goncourt et nos décadences inconscientes. Je veux pressentir sous les versiculets l'homme que tu as été : Divine, née tout armée, armatus partus tiens donc le masculin, "l'accouchement armé" peut-être ? au temps de la Guerre des Géants, d'une tête fendue : le front de Zeus, d'où naquit sa Pensée, son Dessein - qui parle à qui ? quelle déesse s'adresse à Pallas ? quels muscles se détendent autour de mon cou ? ce n'est pas une Latone qui t'a donné le jour dans les grottes de Délos – tu n'es donc pas Diane, sœur d'Apollon, cyclade errante qu'elle devait immmobiliser pour ses enfants chéris – cette île, près de Mykonos, errait à la surface de la mer Egée, puis demeura fixe après la naissance des jumeaux mentionnés plus haut.

     

    Hélas, Sidoine poursuit, et pourrait poursuivre à l'infini : énumérant ainsi tout ce que l'on n'est pas, semant d'inutiles fleurettes, vaguant, de ci de là, ainsi que nous... ni celle qui, mettant au monde l'Alcide, au pays de Cadmus, Cadmeis (...) in oris, resta dans l'incertitude de sa délivrance à cause de la nuit triplée – amène ta science : la nuit de conception fut multipliée par trois ; non pas nuit + jour + nuit, mais nuit-nuit-nuit. Ainsi pépia l'aigle Jupiter, qui besognait ferme pour faire Hercule, quelle puissance. J'ai trouvé ! celle-là était bien facile. Alcmène coucha plusieurs fois. Heureux gang-bang. Double naissance, l'une par l'amant, l'autre par le Dieu. Héraklès-Iphiklès. "Cette "nuit triplée" provoqua la jalousie de Junon qui, pour se venger, fit, avec l'aide de Lucine, (déesse des accouchements) "durer les douleurs de l'enfantement sept jours et sept nuits".

     

    Rendons les armes à la note 3, reléguée en fin de volume, qui nous apprend quqlque chose encore. Existe-t-il encore une littérature à ce point imprégnée de sottises mythologiques ? L'indienne vaut-elle la gréco-romaine ? Laissons couler ces eaux languides. Cette poix lente qui ronge nos berges - ...ni celle dont la tour fut inondée madefacta par une averse de métal, quand la Pluie d'Or la rendit mère – Danaé cette fois, immortalisée par Klimt, l'or touchant son sillon entrouvert, ce sont là trois fécondations de Zeus, il existe donc une logique à cette profusion, Rama engrosse les bergères. Elles aiment cela ? Se mettre dans la peau d'une femme antique ? Est-ce qe je veux devenir un oiseau ?

     

    Non, car je ne le suis pas. La femme considérait que la nature interdisait à tout jamais qu'une femme pût envier la nature d'un homme. C'était une impossibilité physiologique. "Danaé, mère de Persée", et non pas "merde percée". "Le fils conçu par l'or emplissait sa mère". Pouah. J'admire. Toi, c'est d'une tête ouverte par la hache que tu bondis, jaillie du cerveau, excussam vertice, lorsque Phlégra vit trembler le Tonnant. C'est donc à Pallas Athénée que l'on s'adresse. De même le dieu étrusque frappait-il au front les morts, pour les doter de l'étincelle divine, fragment de la vie éternelle. Le corps dispose de l'esprit. Le dispense, ou non. Jupiter-Zeus fut effrayé. Sentir son front ouvert comme une femme en couches – a-t-il demandé un miroir ?

     

     

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    Il me semble l'avoir vu sur un camée. Dieu se verrait ainsi accoucher de sa propre sagesse, front- Pallas et miroir ou Père-Fils et Saint-Esprit ? Le tout à Phlégréa, "l'enflammée"; lieu de la Gigantomachie, selon Sidoine, seul à imaginer cela. Tant que leurs seules forces entraînaient les dieux au combat, leur puissance sans toi n'était que confusion. Les dieux sans la déesse ne sont rien. VI, 18 – 2059 12 17.Charlemagne sans impératrice n'était rien : sitôt veuf, sitôt remarié. Le Christ rabbin sans femme n'eût pas été considéré plus qu'un pépîn de grenade. Mais la tête de ton père – patrius vertex - ne t'eurent pas plutôt mise au jour, ô Sagesse, que les dieux triomphèrent plus aisément, avec ton aide. Le vortex paternel. Bande d'ignorants, ce qui me vient à l'esprit est la scission du front de Dieu par la hache de Vulcain.

     

    De même le dieu étrusque frappait-il le front des cadavres pour en faire jaillir l'étincelle de la vie éternelle. Ah, frappe-toi le front, c'est là qu'est le génie. Musset disait "le cœur". Celui de la bouteille ? Celui de l'absinthe ?

     

  • L'enfant stoïque et le Sing-Kiang

     

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    L'ENFANT STOÏQUE

     

    Douze ans plus tard : une éternité ! Je suis peut-être enfin débarrassé d'Alcmène (146) en danger de mort. Cette opération a pour nom la totale. Cette mutilation. J'ai vécu en pension (147) chez M.Hall, instituteur s'origine anglaise à V., père de trois enfants. Dans leurs albums je fait connaissance avec le Marsupilami dessiné par Franquin : je lis toutes ses aventures, je ris aux éclats. Dans une lettre à mon correspondant allemand j 'écris : "Die Unglück ist auf unserem Haus", piétinant la grammaire allemande : "Le malheur est sur notre maison". Je laisse lire mon voisin d'étude par-dessus mon épaule. Je me sens très intéressant.

     

    Je découvre chez Mr Hall ce merveilleux instrument appelé "kaléidoscope".

     

    J'ignore à quoi je dois attribuer ce brouillage permanent de toutes les époques de ma vie (148) Je compare cela aux transistors dont toutes les longueurs d'ondes se sont superposées, ne laissant ouïr qu'un inaudible, universel crachouillis - le vaste monde entier rendu définitivement incompréhensible. Tous âges confondus. Ma mère a survécu. (149)

     

     

    Notes

    PETIT ET GRAND SOURIRE www.anne-jalevski.com

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    (146) Il s'agit de ma propre mère ; quelle inhumanité, n'est-ce pas ? - rien de plus banal en fait. Malgré tous les artifices plus ou moins littéraires, je ne parviens pas à persuader le lecteur que mon expérience m'a semblé exceptionnelle...

     

    (147) Notez le rapprochement des deux séjours chez autrui : 1946, 1958. Deux ans, quatorze ans.

     

    (148) Ce rapprochement du kaléidoscope et du transistor déréglé n'est-il pas éminemment suggestif ? NON ? Allez chier...

     

    (149) Et cette distorsion narrative ? Que dites-vous de ma distorsion narrative ? ...Vous ne savez pas ce qui est beau...

     

     

     

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    LE TOIT DU MONDE

     

    Le Sing-Kiang, à l'extrême nord-ouest de la Chine, est une étrange contrée. Tout le monde s'apitoie bruyamment sur le Tibet ; du Sing-Kiang on ne connaît que les déserts - ou les half-tracks ; cela s'étend sur des dizaines de milliers de km², bordé de vagues chaînes de montagnes à peine surélevées, dessinant sur la carte d'improbables boudins, dont aucun relevé orographique véritable n'est jamais effectué. Avec des lacs salés aux contours pointillés, sitôt gonflés sitôt taris. Faites rouler par milliers, pendant des siècles, les plus lourds et sophistiqués des engins militaires, faites gueuler par des officiers des ordres aussi gutturaux que la langue chinoise les puisse imaginer : jamais les rocs, les sables ou les neiges du Sing-Kiang, son ciel métallique, ne retiendront la moindre empreinte d'occupation humaine. (150)

     

     

     

    Notes

     

    (150) Oui je sais, ça vient là comme un cheveu sur la soupe. Et la liberté de l'artiste  ? - La liberté du lecteur consiste à ne plus lire. Et toc.

     

     

     

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    LA FEMME DU LAC

     

    Dans cette dimension prétemporelle m'apparut un lac bleu soutenu, de sel et d'acide, où flottait sur sa barque une jeune femme ; seule et droite sur le poison liquide teinté de curaçâo ; sans rémission dissouteau moindre geste dépourvu de précision. Elle ramait debout à petits coups presque immobiles. Ses mouvements s'étant progressivement amenuisés, son souffle suspendu, je parvins pied nu à la rive en même temps qu'elle. Si bien des femmes aux Enfers ont guidé les hardis voyageurs, Shub-ad-Ur Enlil, la Sibylle Virgile, et Béatrice Dante (151) , ce n'est que moi, Liliom, qui réduisis mes gestes aux berges de l'acide avec ces infimes précautions que l'on voit aux joueurs méticuleux levant tour à tour sans frémir les jonchets emmêlés. (152)

     

    Ce fut donc cette femme que j'aimai sur décision des Jumelles Eurysthées, ramenant du Sing-Kiang ces herbes dont je devins fou. (153)

     

     

     

    Notes

     

    (151) Noter que ces trois groupes de mots devraien tcomporter le verbe « a guidé » ; les trois seconds termes sont donc des compléments d'objet, des COD ( les instituteurs ont d'abord eu recours aux initiales, ce qui fait plus scientifique, puis à la suppression de la notion, au nom du juste combat de la goche contre l'élitisme. Noter que l'on ne met pas d'accent circonflexe sur le mot satirique « goche », car alors, le son [o] redeviendrait fermé, comme dans « gauche ». C'est pourquoi il serait si expédient d'adopter dans ce cas une graphie anglo-saxonne : the gosh (by gosh ! Tudieu ! )

     

    (152) Vous pensez bien que si je gigote au bord du lac d'acide, je risque des éclaboussures extrêmement dangereuses...

     

    (153) Traduction : les Eurysthées m'ont encoyé là-bas pour y rencontrer ma future épouse, et j'y ai cueilli de l'herbe qui rend fou, c'est-à-dire de l'herbe de la Liberté : enfin, je vais pouvoir fuir ma famille et me marier ! La liberté, on vous dit...

     

    ...Avez-vous observé que cette fois, le descriptif ou le visionnaire a fait place à des éléments narratifs ?

  • Ujsag (ouïchag)

     

     

    PLUIE ET OPPRESSION 59 07 19

     

    Avoir manqué sa vie. Dilemme affreux. Ou non. Critères mouvants, sables de même. Le sable aux narines. Naseaux sacrifiés. Films désolants, chanson connue : Bruno Gassmann, incroyable en barbu épanoui ventru, même agonisant. Une rage le lendemain matin. "Ne me dis pas comment je dois faire". Seul accrochage entre le fils et le père. Des orages qui grondent sur la Toscane. Et cet ennui tenace, un calme perpétuel à maintenir, ne jamais respirer trop vite crainte que tout tombe;

     

    Nous revenons de courses, à petits pas de vieillards. Toujours hanté par la mort de l'un ou de l'autre, ce que ça coûterait, le dynamisme qui resterait au survivant. La note exorbitante des obsèques. L'avachissement de toute volonté. La vieillesse, de Simone de Beauvoir, m'aura presque autant marqué que Le deuxième sexe, deux ouvrages pour un seul auteur. L'étroitesse de la voie, le but en bonne santé. Martial jusqu'au bout tiré à quatre épingles, mourant d'un coup de congestion solaire sur la tombe de sa femme. La femme qui me raccompagne jusqu'au métro me vante son élégance et sa galanterie ; eût-il été plus jeune qu'elle se le serait volontiers envoyé. Du coup, je me montrais galant moi aussi : on ne savait jamais.

     

    Ma femme s'appuyait sur mon bras, à petits pas, hors de fatigue. Je la vois baisser depuis 82, mais cela ne veut rien dire. "Ne compte pas avec la mort d'autrui" m'a dit Gourribon, "car le prochain mort, ce peut être toi". Mais j'ai toujours voulu errer. Passer une bonne semaine par mois ailleurs, pas très loin, Rodez, Marseille, mais ailleurs. Tous mes fidèles savent que mon héros favori c'est Bernard Gripari, auteur de Neuschwanstein sur Mer : il vivait d'hôtel en hôtel, en s'envoyant les garçons du cru. Si la chose ne me répugnait pas temps, c'est bien ce qui serait le plus commode. Les femmes "en font une montagne", comme dit un client de prostitués castrés des Indes. Et puis, elles demandent la performance, y compris dans le domaine du sentiment.

     

    Le fin du fin, le comble du triomphe pour elles, c'est d'amener enfin leurs amants, qui ont sué sang et eau pour les avoir, à cesser progressivement tout commerce sexuel, parce qu' "il n'y a pas que ça dans la vie", et que "ça n'a pas tellement d'importance". Et même, pour la femme de Gourribon, "ça ne sert à rien". La mienne voudrait bien, mais c'est moi qui n'y tiens plus du tout. Pourquoi ? Je l'ignore. Trop d'années ensemble, un amour qui n'obéit plus aux mêmes lois sado-masochistes que par le passé, la rancune d'avoir dû encore une fois torpiller une histoire d'amour afin de rester vieillir avec la même personne. En réalité je l'ignore, tout est complexe, voir la rime. Seul je ne puis.

     

     

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    Abbou. Tibbou. Jeux d'enfants débouchant sur le langage infantile, sur le babillement, le jargon, tous ces stades du parler que les pédiatres ont catalogués. Nous avons vu un vieux monsieur à cheveux blancs présentant la même stature, la même allure, que M. Coste de La Ciotat. Il m'écrit régulièrement, m'a fait parvenir avant-hier un petit mot imprimé sur Google, où je parais comme auteur chez In libro veritas : "Je ne te croyais pas aussi célèbre", me dit-il, "Mes très humbles salutations." Cet homme va disparaître. Il ne croit absolument en rien, contrairement aux bouddhistes sentencieux qui récitent leur catéchisme écolo bien démocratique à la télévision..

     

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    J'entends chanter Les loups de Reggiani, extraordinaire accompagnement de marche rock-blues. Trop entendu. Mais cette fois de loin, juste deviné. Jeunes filles faisant tourner le même disque, à longueurs de matinées en boucle. Sa femme ne cache rien, nulle trahison, nulles affèteries. Je ne veux pas écrire de littérature. Je veux qu'on me regarde, rester pitoyable. Mon rôle est de tout étaler. Pour plaire ou déplaire, mais inconcevable sans public. Un public à distance.

     

  • A propos du Kippour

     

    COUTUMES

     

    Le jour même, tout s'immobilise en Israël. Théâtres, cinémas, stades, tout est fermé. Les autobus ne roulent pas. La télévision et la radio ne fonctionnent pas. Du moins en était-il ainsi jusqu'à l'attaquesurprise de 1973 - certains juifs ne sont pas près d'oublier qu'après la Shoa, les Européens ont refusé aux avions américains le droit de transiter par leurs aéroports....

     

     

     

    QUELQUES EXPLICATIONS SUR LE BOUC EMISSAIRE... (“le bouc envoyé”)(à la face de Dieu...)

     

    Ce fameux bouc, prévu pour le jour des propitiations (les “propitiations”, en particulier celles du Yom Kippour, sont des sacrifices qui rendent Dieu propice aux humains, ce qui rachète donc les fautes commises) porte sur lui le mal, et son rejet hors de la communauté est le geste nécessaire à l'expiation. Cependant, comment comprendre la prescription divine d'offrir, pour le servie du jour de Kippour, un bouc destiné à Azazel ? Azazel est le prince céleste régnant sur les déserts et les lieux de désolation. C'est la force qui préside aux destructions, aux guerres, querelles, plaies, blessures, désaccords, désunions et ruines.

     

    L'expression figurée “bouc émissaire” apparaît en France dès 1690, et sera reprise à propos de l'affaire Dreyfus : “Sur ce bouc émissaire du judaïsme, tous les crimes anciens se trouvent représentativement accumulés”(Clemenceau). Un tel sens communément admis révèle à la fois une compréhension littérale du rite expiatoire décrit dans le Lévitique – et la méconnaissance des principes proclamés par a Bible et le judaïsme. Ce passage exposant le sacrifice, l'errance et l'excommunication (le “hérem”) peut être mis en parallèle avec le sacrifice d' Abraham, l'exclusion d'Agar et d'Ismaël, mais surtout avec le meurtre d'Abel par Caïn. La conception juive du pardon diffère de celle du christianisme ; elle enseigne que le pardon ne peut s'obtenir que de la part de la victime. Il faut “excommunier” le pécheur afin que seul, dans le secret de sa conscience, il puisse réfléchir sur la dimension étique de ses actes. L'Être éternel appliqua cette règle à Caïn en lui imposant un signe (“ôt”) afin que personne n'enclenchât une mortelle spirale de violence, et en lui infligeant, justement, l'excommunication. Mais cette dernière, comme voie de descente en soi-même, ne saurait être pour autant confondue avec l'expulsion du bouc vers Azazel. Ce rite cathartique sensibilisait les anciens Hébreux aux conséquences de la transgression des règles. En simulant l'exclusion inique du juste, on attirait l'attention des Hébreux sur les crimes dont tous les hommes, sans exception, peuvent se rendre coupables, provoquant inévitablement l'éclatement des sociétés ; il n'existe pas de communauté humaine sans éthique, et la rupture de cette unité entre Dieu et l'éthique provoque la chute de toute société humaine.Ainsi le passage mentionné du Lévitique, loin d'absoudre l'humanité de ses maux, nous place au contraire face à la responsabilité de l'ensemble de nos actes.

     

     

     

    SIGNIFICATION DE YOM KIPPOUR 

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    Il s'agit donc d'une journée consacrée à l'homme en tant qu'être humain qui nous interpelle au plus profond de notre humanité. Il ne faut pas considérer le Yom Kippour comme une occasion de se laver de ses fautes avec légèreté, mais comme le moment d'un vrai et sincère retour à Dieu (la “téchouva”, terme préférable à celui de “repentir”). On observera qu'il faut en agir de même à propos du sacrement de la confession chez les catholiques ; nous devons nous repentir pour obtenir le pardon. Le juif pratiquant passe la journée à prier Dieu humblement, à la synagogue. Mais sa religion ne connaît pas de confession individuelle ; juste une demande de pardon auprès de chacun de ceux à qui l'on a fait du tort, ce qui est bien plus éprouvant...

     

    Bien entendu ce retour à Dieu implique “une ferme intention de ne plus recommencer”, faute de quoi le pardon n'est pas accordé. Les fautes particulières nécessitant le plus grand pardon de Dieu sont les trois manquements : le premier, à l'amour du Créateur et de la Torah ; le deuxième, à celui du peuple d'Israël ; le troisième, à celui de la terre d'Israël. “Et, par nos efforts, Jérusalem sera sauvée car il est dit : la prière des Justes fait que Dieu sauve Jérusalem” afin de recevoir en héritage la terre d'Israël, “sur les hauteurs du pays”, et de pouvoir “jouir de l'héritage de Jacob, son père” (Isaïe 58, 13-14), ce qui peut s'interpréter comme une promesse de vie future, quoique cette interprétation ne figure pas explicitement dans le Talmud. Certains y voient une promesse divine de possession du territoire hébreu – à condition d'honorer Dieu, sans se borner à son propre intérêt...