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Passé, présent, avenir

 

Poser le problème n'est pas le résoudre : il est en effet non moins possible d'affirmer que le présent n'existe pas plus que les deux autre, car nous sommes toujours au sommet d'une mouvante pyramide de sable qui s'écoule sous le sable. Mais ceci, en théorie. En expérience, nous savons bien que « le moment où je parle », même s'il « est déjà loin de moi », s'inscrit dans un certain présent relatif, où nous nous situons, pour conserver du moins la cohérence de nos pensées, de nos actions. Si nous n'avions conscience que de notre granulité temporelle, nous ne pourrions avoir aucune conscience globale. Il faut à la conscience une certaine assise, dans l'espace (nous ne sommes que du vide...) et dans le temps. «Ou bien serait-ce qu'elles existent aussi » (ces trois parties du temps), mais que le présent sort de quelque endroit secret, lorsque de futur il devient présent, et que le passé se retire aussi dans un lieu secret, lorsque de présent il devient passé ? » « Endroit secret » parle d'un mystère : ce serait l'irruption, quoique secrète, d'une « nature divine du temps », l'intervention de l'invivable dimension éternelle, infiniment ponctuelle d'instant en instant , mais éternelle par la coexistence éternelle de cet émiettement ? lequel serait alors cohérent, comme un cliché fixe de l'explosion d'un crâne.

 

Dieu crée donc la conscience des trois états du temps, pour mettre ce dernier à la portée de la résistance humaine, car nous deviendrions fous d'incohérence, voire inconscients. La perception des trois étapes du temps est donc nécessaire à l'établissement de notre conscience. Ces trois étapes que nous sentons coexistent avec le pressentiment que nous ressentons de l'éternité dite divine. Mais il faut donc aussi, en toute équité rationnelle, que Dieu lui-même soit pourvu de cette faculté de distinguer les trois modalités du temps humain. Autrement, il ne pourrait nus juger ni nous récompenser. Revenons au texte, nous aussi : « Car où ont-ils vu l'avenir, ceux qui l'ont prédit, s'il n'existe pas encore ? » Il faut donc que tout repose dans le sein de Dieu, qui contient en lui l'immobilité du temps, et ne nous en distribue que l'écoulement, pour le plus grand bien et le développement de notre conscience à la fois existentielle et morale.

 

Si nous remplaçons « Dieu » par « Mystère », nous n'en serons pas plus avancés. Les incroyants ne sauraient pourvoir le Mystère d'une quelconque affectivité. « Il est impossible de voir ce qui n'existe pas ». Ainsi donc Augustin ne saurait-il mettre en doute la véracité du phénomène prophétique : cela contradirait à la fois le sentiment commun de son temps et la raison d'être des Ecritures, Ancien et Nouveau Testament. Certains éléments de l'avenir, peut-être pas tous, nous seraient donc accessibles non pas seulement par le raisonnement (« demain, il fera jour ») mais par l'intuition du voyant. De toute façon, Dieu connaît l'avenir, et le Mystère en est gros. «Et ceux qui racontent le passé feraient des récits sans vérité, s'ils ne voyaient les évènements par l'esprit ».

 

Notre mémoire est donc aussi créature de Dieu, qui possède aussi cette faculté, qui inscrit tous les évènements sur un grand rouleau, d'où il ne peut plus d'ailleurs les effacer, limitation à son pouvoir. Même si le passé, à échelle humaine, se dissout dans l'éloignement des temps, il ne peut pas se faire qu'il n'ait pas été. Le passé se fond dans l'éternité de Dieu. « Si ce passé n'avait aucune existence, il serait tout à fait impossible de le voir » - par les yeux de l'esprit. Nous avons donc la faculté de recoller toutes ces particules qui sans fin tourbillonnent de microseconde en microseconde. Dieu est totalité, l'homme classification. Dieu est aussi classification. Il nous a donné une partie des clés du mystère, suffisamment pour que nous prenions conscience, et ne nous a donné que le pressentiment de ce que nos facultés ne nous permettent pas de comprendre concrètement, expérimentalement. « Par conséquent, le futur et le passé existent également ». Ils ne sont pas dissous, ni hors de notre portée, ni hors de notre conception. Disons que le verre du passé reste transparent, celui de l'avenir se bornant au translucide, dans le meilleur des cas.

 

Le coutelas.JPGAugustin avance lentement, ne manque aucune marche du raisonnement : le chapitre XVIII propose que « Le passé et l'avenir nous sont présents dans les représentations de notre esprit », ce qui est déjà une miette de l'être divin : nous aussi, nous possédons, à échelle humaine, la faculté d'une petite éternité à nous, d'une certaine abolition du temps, d'un mélange rudimentaire des époques. Mais cela ne va pas sans une petite prière propitiatoire : « Permettez-moi, Seigneur, d'étendre davantage mes reherches, ô vous qui êtes mon espérance, faites que mon effort ne soit point troublé. (Psaume LXX, 5). Car si nous espérons, il faut bien que ce soit un avenir...

 

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